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Plutôt concours citadins ou ruraux ?

Sponsorisé mercredi 11 août 2021 Lea Tchilinguirian

Apporter le sport en ville et l’ouvrir à un nouveau public, telle est l’ambition de certains organisateurs de compétitions pendant que d’autres continuent de se développer dans des installations excentrées. Accessibilité, bien-être du cheval, visites touristiques et évolution de l’équitation, qu’en pensent réellement les premiers concernés ? C’est notre question du mois !

Pour y répondre, nous nous sommes tournés vers Elsa Fau, groom de Christian Ahlmann, Patrick Borg, à la tête de Borg Events – stables manager sur les événements –, ainsi que la cavalière Britannique Emily Moffitt, habituée du Winter Equestrian Festival et du Global Champions Tour.

Elsa Fau 

Pour en connaître des compétitions, elle en connaît ! Elsa Fau sillonne les routes européennes, jusqu’à traverser les continents, pour y rejoindre pratiquement chaque semaine un nouvel événement. Elle ne nous cache pas que « la plupart des compétitions en ville permettent de passer des week-ends de sport dans des lieux totalement insolites. Je pense notamment à Paris, au pied de la Tour Eiffel, à Monaco sur le Port Hercule ou encore à Miami, sur la plage. Ce sont des concours fantastiques, apporter le sport dans de grandes villes permet à l’équitation d’être abordée par un public plus large. Pour les grooms, c’est agréable puisqu’on peut visiter, aller au restaurant, avoir des supermarchés plus accessibles. Nous sommes toujours sur la route et nous n’avons jamais réellement le temps d’avoir accès à ces choses-là. » Pourtant, si ces concours se veulent vendeur de rêve sur la scène, en coulisse ces derniers paraissent un peu moins roses. « À mon sens, ce sont des événements à vivre mais ils privilégient plus le public que le côté groom ou cheval. L’accessibilité va toujours être plus compliquée puisqu’il faut prendre en compte le trafic ou les petites rues, même si l’équipe organisatrice fait de son mieux pour nous emmener dans les meilleures conditions avec nos poids lourds. » souligne-t-elle. 

Concernant les installations, « les places sont réduites pour sortir les chevaux puisqu’il y a uniquement la piste et le paddock. Ces concours demandent aux grooms de se lever très tôt pour sortir correctement leurs chevaux avant le début des épreuves. Tout est calculé concernant les aménagements et il arrive que nous ayons peu d’espace pour les marcher. Côté cheval, il vaut mieux être dans des installations plutôt rurales comme Chantilly, Dinard ou Grimaud où on ne manque pas de place pour les promener, les faire brouter avec des douches sécurisées et plusieurs carrières pour travailler à toute heure ou des ronds de longe. »

« En aucun cas il ne faudrait retirer les concours en ville. »


Qui dit événement éphémère dit aussi qu’il doit rapidement disparaître pour rendre l’espace à sa ville. « Au moment de partir, il faut très souvent quitter le concours la nuit succédant les épreuves. Ce n’est ni idéal pour nous les grooms ayant travaillé toute la journée, ni pour les chevaux qui eux ont sauté. Certains grooms se sentent épuisés et font plus de pauses que prévu pour dormir et éviter des accidents pendant que les chevaux restent à l’arrêt dans les camions, si ce ne sont pas des étapes. » Elsa Fau reste tout de même très partagée : « en aucun cas il faudrait retirer les concours en ville, les organisateurs font tout leur possible pour aider les grooms et les chevaux. Je pense tout de même qu’ils peuvent encore s’améliorer afin que ça se passe au mieux. Lorsque les équipes Borg sont aux écuries, c’est vraiment le jour et la nuit en comparaison avec d'autres ! Elles font vraiment tout pour nous. »

Patrick Borg

S’il y en a bien un qui s’y connaît en aménagement d’installations, c'est Patrick Borg, chef d’écurie sur de nombreuses compétitions mondiales à l’instar des Jeux de Tokyo. Il commence tout d’abord par nous dire que son métier n’est pas le même s’il s’agit d’un espace rural ou citadin. « Ce sont deux approches complètement différentes. Lorsque l’emplacement est réfléchi, nous savons comment ça se passe puisqu’il est pensé pour accueillir une compétition. Si on veut faire simple, le concours en campagne est composé d’installations permanentes, le territoire est le nôtre. Les carrières sont construites, les prises des camions sont posées et les boxes sont souvent en dur avec la possibilité d’y ajouter des démontables. » Lorsque les compétitions s’invitent en ville, l’organisateur doit s’adapter. « Les événements éphémères sont montés de A à Z et nous devons faire en fonction des contraintes de la ville tout en faisant au mieux pour la sécurité et le confort des chevaux. Nous devons nous poser des questions comme : comment apporter l’électricité ? Comment installer une douche et que fait-on de son évacuation ? Nous devons sécuriser la zone FEI - écurie internationale - ou encore faire en sorte qu’il y ait une zone de déchargement près des boxes et un parking pour les poids lourds. » Pour préparer une installation en ville la première fois, Patrick Borg nous explique que « il faut s’y prendre entre six mois et un an à l’avance. Une fois qu’elle est redondante, on se remet sur les dossiers trois mois avant puis des adaptations et des évolutions sont faites. »

Une fois tout mis en place, se fait alors l’arrivée des chevaux. « Nous faisons tout pour faciliter la vie des grooms. Je pense notamment aux concours organisés à Londres, très compliqués et bien plus maintenant avec le Brexit. Les camions doivent être référencés et en fonction de la zone autour de Londres, il y a des taxes à payer via des vignettes. Sur ce type d’événement, nous mâchons énormément le travail. Aujourd’hui, sur tous les concours 5*, nous éditons un “rider guide” dans lequel tout est expliqué. Nous avons mis en place des applications pour savoir quand les grooms arrivent pour gérer le flux. Dans des villes comme Stockholm, Rome, Monaco ou encore Saint-Tropez, on ne peut pas se permettre d’avoir dix camions qui arrivent en même temps. Les grooms s’inscrivent sur un fichier en fonction de leur heure d’arrivée estimée. Ils font un premier check-point puis sont envoyés par petit groupe aux écuries et/ou emmenés en convoi comme à Monaco. »

« Nous travaillons pour l’animal. »


Si aujourd’hui le bien-être animal est au centre des conversations, Patrick Borg nous affirme être chaque jour un peu plus écouté concernant ses demandes. « Honnêtement, on fait tout ce qu’on peut pour l’animal en fonction de ce qu’on nous propose. C’est quelque chose qui est important et pris en compte par tous les organisateurs. Il faut pouvoir faire marcher son cheval et l’aérer. Certains concours mettent aussi en place des ronds de longes et des brumisateurs à utiliser pour les fortes chaleurs mais toutes ces petites choses valent un coût. Ruraux ou citadins, la finalité est la même, nous travaillons pour l’animal. »

Pour terminer, le chef d’écurie nous confie ne pas avoir le temps de visiter ces villes qu’il parcourt pourtant chaque semaine ou même de regarder une épreuve. « Mes équipes et moi sommes sur place le lundi avec des arrivées prévues dès le mardi. Malheureusement que ce soit en ville ou non, nous avons le temps de ne rien voir. Nous sommes tellement tendus sur les préparatifs, le confort du cheval tout au long du week-end et leur départ que nous ne pouvons pas nous absenter des écuries. Il y a seulement ces concours où les chevaux voyagent en avion et ne repartent pas directement après le Grand Prix. Je pense notamment à New York ou Shanghai où là, on a le temps d’aller voir l’épreuve majeure du week-end ou d’aller se promener en ville. » 

Emily Moffitt


Emily Moffitt, âgée de vingt-trois ans et déjà régulièrement au départ des CSI 5* confie adorer concourir en ville. « Nous pouvons explorer les alentours, surtout qu’aujourd’hui nous avons des compétitions dans de très belles villes. Si je devais choisir selon moi, je dirais préférer les compétitions citadines mais pour mes chevaux, je préfère qu’ils soient dans des concours ruraux. Ils sont bien mieux dans de grandes installations à la campagne » souligne-t-elle. D’ailleurs, quel que soit le lieu de la compétition, la Britannique explique qu’il est tout de suite plus simple de s’y rendre lorsque l’aéroport est près de l’événement, sans compter le trafic que peut ajouter une grande ville.

« À Wellington, je peux aller en concours et avoir une vie normale »

S’il y a bien une ville compatible à 100% avec les chevaux aux yeux de la cavalière de Podem Farm, c’est Wellington ! « C’est réellement une “ville cheval” ! Toutes les propriétés autour des installations du Winter Equestrian Festival sont construites de telle sorte à recevoir des chevaux ou des familles ayant des membres qui participent à la compétition. Tout est bien entretenu avec de grands boxes et carrières. Les chevaux voyagent peu pour se rendre à la compétition. Je ne vais aux États-Unis qu’une petite partie de l’année mais j’adore y aller. À Wellington, je peux aller en concours et avoir une vie normale. Je dois tout de même garder une certaine constance mais je peux faire des petites choses comme aller pratiquer du sport ou voir des amis. Ce sont des choses qu’on ne peut pas faire quand on change de concours chaque semaine. Je dis d’ailleurs que je vis dans une valise » complète-t-elle avec une pointe d’humour.

Pouvoir cumuler sport de haut niveau et vie quotidienne peut permettre de changer les idées au cavalier mais pas de recharger ses batteries, selon l’élève du champion olympique Ben Maher. « Je pense qu’il est important de pouvoir passer du temps en ville, se promener, découvrir, s’enrichir de la culture mais nous nous faisons souvent rattraper par le temps. Nous devons monter nos chevaux puis arrive la fatigue, que ce soit en concours ou à la maison. Pour réellement faire le plein de batterie, je pense qu’il est important de partir en vacances quand on en a l’occasion, ce qui est très rare. » termine Emily Moffitt.

Photo à la une : Sportfot.com