Quatrième et dernière partie de notre rencontre avec Pius Schwizer. Le Suisse évoque ses projets et objectifs pour la suite.
La crise du Covid-19 a profondément chamboulé cette saison de concours. Quels sont vos objectifs pour la prochaine ?
Pius Schwizer: Les Jeux Olympiques constituent évidemment mon principal objectif. Je pense que j’ai de la chance qu’ils soient repoussés d’un an. J’avais pensé monter Cortney Cox à la finale Coupe du monde en avril. C’est un super cheval, mais ce n’est pas non plus un Hickstead ni un Milton. J’ai de la chance de pouvoir compter sur une recrue prometteuse, il s’agit de Quatro Rubin. Je l’ai monté lors de sa première étape Coupe du monde à Bordeaux, où il a fait une faute et nous étions tout de même classés. Il a réalisé cela avec une facilité qui m’a fait penser à Carlina ! Thomas Fuchs et Andy Kistler m’ont tous deux dit que c’était un cheval pour les Jeux Olympiques. Thomas me connaît : il sait que si je suis dans l’équipe et que j’ai un cheval en forme, je peux faire des résultats. Il sait qu’au pire je sors de piste avec 4 points, mais je ne suis pas du genre à enchaîner un sans-faute puis un parcours à 12 points après. Les JO seraient arrivés un peu tôt pour Quatro Rubin cette saison. Je suis sûr qu’il peut le faire, et avec une année supplémentaire pour s’aguerrir, ce sera l’idéal. Il a vraiment tout le potentiel, il est très respectueux. D’ailleurs, il a la même mère que Balou Rubin, avec lequel j’ai décroché la médaille d’or lors des derniers championnats de Suisse. Si ces dernières saisons, j’ai rarement fait partie de l’équipe nationale, notamment lors des grands championnats, c’est que je n’avais pas de chevaux de la trempe de Carlina. Je veux y aller seulement si je sais que j’ai une chance de gagner, pas pour me contenter d’y être.
Et vous pensez à nouveau faire partie d’une équipe de la Global Champions League en 2021 ?
J’espère. C’était incroyable l’an passé, lorsque nous avons gagné la finale par équipe. Les Play-off de Prague ont exigé deux tours difficiles de Cortney Cox, mais il a été incroyable. J’ai de la chance de pouvoir compter sur lui, et sur le soutien de ses propriétaires, HM-Stables. Il faut dire aussi qu’avec Daniel Deusser, Peder Fredricson et Shane Sweetnam, on formait une super équipe. Ce ne sont pas seulement des cavaliers d’exception, mais ce sont aussi des hommes d’exception. J’ai pu apprendre à les connaître tout au long de la saison. Même lorsque je suis sorti de piste avec un score décevant à Stockholm – on a découvert ensuite que mon cheval avait mal au dos -, Peder Fredricson a su trouver les mots pour me remotiver. En plus d’être un excellent cavalier, c’est une personne fantastique. Daniel Deusser est aussi un phénomène. J’ai toujours trouvé que c’était un cavalier hors norme, qui méritait de se hisser tout en haut de la hiérarchie mondiale.
Vous privilégiez l’équipe de Suisse ou l’équipe de la Global Champions League ?
Je pense qu’on peut être des deux si on s’organise bien et si on a plusieurs montures de haut niveau. J’ai toujours fonctionné avec beaucoup de chevaux dans le but d’avoir un piquet fourni, permettant ainsi de leur laisser le repos nécessaire. Je pense toujours en termes de team : certains chevaux sont plus performants sur le sable, d’autres sur l’herbe, et j’essaie de faire des plannings de groupe pour les engager de la manière la plus rationnelle. Je suis sans arrêt au téléphone, pour trouver de nouveaux chevaux. Je dois penser au futur. Et même durant les concours : plutôt que de siroter une coupe de champagne en bord de piste, je passe des heures dans mon camion à passer des coups de fil pour dénicher de nouveaux cracks. J’apprécie évidemment porter les couleurs de l’équipe de Suisse, c’est génial de monter aux côtés de Steve et Martin. Cela fait longtemps que je connais Steve, on a fait du commerce ensemble. Nous ne sommes pas de la même génération, mais nous avons partagé de grands moments. C’est un cavalier d’exception. On ne s’appelle pas tous les jours, mais on est amis. Il m’a même invité à son mariage alors que je ne m’y attendais pas.
Du haut de votre longue carrière, quel regard portez-vous sur l’évolution du saut d’obstacles ?
La discipline a énormément changé. La qualité des chevaux est devenue incroyable. Avant, il n’y avait que 5 ou 10 cavaliers qui pouvaient remporter une épreuve, maintenant il y en a 40. Il y a aussi beaucoup d’argent investi dans le sport. Le Global est une sacrée opportunité pour les cavaliers. On peut y gagner beaucoup d’argent, il y a de nombreux concours auxquels participer dans des lieux incroyables. Evidemment, les épreuves par équipe coûtent de l’argent, mais il y a aussi beaucoup d’argent à gagner. A mon sens, le monde de l’équitation est gagnant. Jan Tops est un vrai entrepreneur, il a osé prendre des risques. Avec son équipe, il a mis sur pied une entreprise qui fonctionne. Et il ne faut pas oublier que si ces millions ne sont pas investis dans le milieu hippique, ils iront ailleurs, et ce sera tant pis pour nous ! Jan se bat pour cela, avec son cœur et sa tête. C’est hors du commun, ce qu’il réalise.
Et pour l’avenir, quels sont vos rêves ?
Je suis une personne foncièrement positive, toujours tournée vers le futur. Même quand je fais un mauvais parcours, j’essaie d’en retirer le positif. Mon rêve est de rester en bonne santé. Beaucoup de gens me disent que j’ai déjà 57 ans, mais j’estime que j’ai de la chance d’être en forme à mon âge… Certains ne sont pas arrivés à 57 ans. Il faut se rappeler que l’on peut mourir à n’importe quel âge et on doit être reconnaissant de ce que l’on a. Il faut aussi se réjouir du succès des autres. Il faut faire son chemin, sans nourrir de jalousies. Vivre et laisser vivre.
Fin !
Texte : Oriane Grandjean. Photo à la Une : Clément Grandjean