Emanuele Camilli grandit à Rome et découvre rapidement les joies de l’équitation. Touché par le virus, il n’hésite pas à parcourir l’Italie à moto pour observer ses idoles. Quelques années plus tard, le jeune quadra peine presque à réaliser le chemin parcouru et les relations particulières nouées avec quelques grands noms du milieu. Et pourtant ! Après son premier grand championnat, aux Mondiaux de Herning en 2022, le pilote a construit un nouveau crack, Odense Odeveld, qui défendra les couleurs de la Squadra Azzurra, cette semaine à Milan, pour tenter de décrocher un ticket pour les Jeux olympiques de Paris l’an prochain. Humble et travailleur, le Transalpin ne cesse de répéter combien il a eu de chance de croiser la route des Ludger Beerbaum, Kent Farrington, Franke Sloothaak et autres Paul Schockemöhle. Mais cela ne fait pas tout et Emanuele peut légitimement et fièrement savourer la gloire qui lui tend les bras.
“Je ne suis pas bon en interview. Je parle juste normalement”, prévient Emanuele Camilli après avoir retracé son parcours équestre. Pourtant, lorsque l'Italien se livre, il le fait avec passion, sincérité, authenticité et conscience. Conscience du chemin parcouru et de l'importance de quelques coups de pouce du destin. Lorsqu'il évoque ses souvenirs à l'autre bout du fil, on distingue un sourire non dissimulé, comme s'il vivait une sorte de rêve éveillé. Mais ce que vit ce jeune quadra qui vient de poser ses valises dans une nouvelle écurie en Allemagne est bien réel.
En un éclair, Emanuele Camilli, qui a découvert le niveau 5* il y a une poignée d’années seulement, est devenu l’un, si ce n’est le pilier de la Squadra Azzurra. L’été dernier, l’Italien goûtait à son premier grand championnat avec Chadellano PS, à l’occasion des mondiaux de Herning. Désormais vendu, le fils de Chacco-Blue a passé le relais à Odense Odeveld, qui accompagne le Transalpin de quarante ans cette semaine à Milan, sur ses terres. “J’ai un cheval très spécial. Cela rend le sport plus facile”, assure humblement le cavalier.
S’entourer des meilleurs
Lorsqu’il a côtoyé des chevaux pour la première fois, grâce à son père, alors impliqué dans le monde des courses, le petit Emanuele était loin d’imaginer ce qui serait sa réalité, trente ans plus tard. Ludger Beerbaum, Kent Farrington, ou Paul Schockemöhle comptent parmi ses plus proches alliés. “Je me sens encore un peu gêné de le dire, parce que j’ai eu beaucoup de chance de les rencontrer”, avoue-t-il. “Lorsque l’on vit cela tous les jours, on peut vite oublier d’où l’on vient. Lorsque j’étais petit, je me souviens que nous avions l’habitude de parcourir l’Italie sur des petites motos pour aller regarder Ludger monter en concours. Nous partions de Rome et parcourions plusieurs heures de route. Nous voyagions beaucoup pour le voir en compétition. Avoir l’opportunité, quelques années plus tard, de monter dans ses écuries est un rêve devenu réalité. Il en va de même pour les autres personnes que j'ai rencontrées. Je n’aurais jamais pu imaginer tout cela. Je me considère extrêmement chanceux. C’est presque incroyable ! Ces gens-là sont les meilleurs professeurs que l’on puisse avoir.”
Originaire de Rome, Emanuele fait ses classes à poney, avant de prendre son envol quelques années plus tard en gagnant le nord de l’Italie, plus propice au développement de sa passion. “J’ai alors commencé à monter pour quelques marchands, avant de partir aux Pays-Bas, à la fin de ma vingtaine, où je travaillais toujours pour le compte d'un marchand”, retrace-t-il. “J’ai ensuite décidé de me lancer à mon compte. En même temps, j’ai rencontré mon épouse, Vivien Schockemöhle (la fille de Paul, ndlr). Paul a toujours été d’un immense soutien pour nous. J’ai beaucoup appris de lui. Il était, et est toujours partant pour être mon associé lorsque je ne pouvais acheter les chevaux moi-même. J’ai ensuite commencé à monter des jeunes chevaux, que je formais. J’avais entre douze et quatorze chevaux, âgés de quatre à six ans. J’ai fait quelques concours, mais mon rêve avait toujours été d’aller aux Etats-Unis. Un jour, j’ai décidé d’emmener trois chevaux en Amérique. Lorsque je suis arrivé en Floride, j’ai découvert un nouveau monde. Je suis devenu très proche de Kent Farrington, que je considère depuis comme mon meilleur ami. Il m’offre la chance et l’opportunité de venir dans ses écuries trois mois par an. Grâce à lui, j’ai énormément appris. Je le considère comme un mentor. Il est très généreux de partager avec moi tout son savoir.”
À son retour sur le Vieux Continent, Emanuele estime avoir encore eu un coup de pouce, un coup de chance du destin. “Certaines rencontres ont été les chances de ma vie. Lorsque je suis rentré des Etats-Unis, Vivien et moi avons décidé de partir des écuries de Paul, où il y avait un peu trop d’effervescence, pour nous installer chez Ludger, qui avait alors de la place chez lui. Nous avons évidemment conservé notre étroite relation avec Paul, mais avons déménagé à Riesenbeck. À cette époque, la carrière de Ludger était à son apogée ou presque. C’était il y a une dizaine d’années ; il gagnait beaucoup, et ses cavaliers, Marco Kutscher, Henrik von Eckermann et Philipp Weishaupt, aussi. Pour moi, partager mes journées avec ces champions, et le simple fait de les regarder travailler au quotidien a été un immense apprentissage. Grâce à ces personnes, j’ai pu apprendre de nouvelles choses, des choses différentes chaque jour. Avoir passé toutes ces années à Riesenbeck a été la recette du succès. Aujourd’hui, je sais comment former un jeune cheval, comment travailler sur le plat, comment faire travailler les chevaux dans les meilleures conditions. Ce n’est pas une opportunité donnée à tout le monde, mais pour moi, c’est la chose la plus importante que l’on peut avoir. Bien sûr, il faut, à la base, un bon cheval, mais la formation de ce cheval est ce qui fait la différence. Bénéficier de l’expertise de Kent, Ludger, Paul et tous ces grands noms a joué un rôle capital dans ma carrière. Je dois les remercier pour tout ce que j’ai accompli et accomplirai dans le futur”, apprécie avec humilité et reconnaissance l’attachant italien.
Installé dans ses propres écuries depuis quelques jours, tout près du point de base de Paul Schockemöhle, qui est sans doute son plus grand partenaire, tant pour lui fournir de jeunes joyaux à polir que pour l’aider dans ses décisions, Emanuele ne minimise pas l’importance d’une autre personne capitale dans son système : Vivien. “Elle est une partie majeure de ma réussite. Elle s’occupe de tout. Grâce à elle, je peux me concentrer sur le sport. Sans son soutien et son aide, je pense que cela serait impossible. Le sport est difficile. Lorsqu’on a une bonne équipe, la tâche reste ardue, mais cela rend les choses possibles. Vivien est très douée avec les clients et tout un tas de choses. Je dois avouer qu’elle fait la plus grande part du travail”, sourit-il.
Une autre rencontre décisive
Meilleur ami de Kent Farrington, ancien pensionnaire des écuries Beerbaum, beau-fils de Paul Schockemöhle ; Emanuele sait s’entourer. L’an dernier, ce sympathique et discret cavalier, loin d’être un parvenu, a ajouté une référence d’exception à son CV. “L’an dernier, je montais un fils de Chacco-Blue, Chadellano, qui était particulièrement difficile. À un moment donné, je me suis senti en difficulté. Lorsque je rencontre ce genre de situations, je demande conseil à Ludger. Il m’a dit que la seule personne qui pourrait m’aider était Franke Sloothaak, qu’il connaît très bien. J’ai alors pris quelques leçons avec lui et c’était incroyable”, se réjouit le Transalpin, avec la joie d’un Junior qui aurait croisé, au détour d’un petit concours, son idole de jeunesse. “Cela a été une expérience supplémentaire, en plus de toutes celles que je vivais au quotidien. Désormais, Franke vient une à deux fois par semaine pour m’aider avec les chevaux. C’est un entraîneur formidable, un génie de notre sport.” Au-delà de la progression vitesse grand V de Chadellano, désormais sous couleurs japonaises avec Eiken Sato, l’immense Néerlandais n’est pas étranger au succès d'une autre star : Odense Odeveld.
“Au début, je n’avais pas la meilleure des connections avec Odense. Franke m’a beaucoup aidé à le guider vers la bonne voie et à lui faire exprimer son potentiel. Sa technique est marquée par son père, Diamant de Semilly, donc il n’a pas le fonctionnement le plus classique du monde. Franke a fait le plus gros du travail dans le fait de lui faire comprendre comment utiliser son corps et sauter de la façon la plus facile possible”, abonde Emanuele, dont l’histoire avec son BWP de tout juste neuf ans aurait bien pu ne jamais s’écrire.
La seconde partie de cet article est disponible ici.
Photo à la Une : Emanuele Camilli et Odense Odeveld. © Mélina Massias