Dans ce troisième volet, Pieter Clemens nous confie son quotidien et son travail auprès du multiple médaillé et entraineur Jos Lansink.
Dans les différentes écuries que vous avez côtoyées par la suite, il y avait des méthodes très différentes de celles que vous aviez connues au départ ?
« Chaque écurie est différente, chacun a son propre système mais à la fin quand on monte à cheval. Le plus important est de toujours revenir aux bases et j’ai eu beaucoup de chance d’avoir de bonnes bases très jeune grâce à Johan et Ludo. J’ai pu prendre cela comme bagage avec moi partout. Enda et Marlon m’ont aussi appris beaucoup de choses. »
Pieter aime beaucoup travailler ses chevaux en extérieur, soit dans les bois, soit sur un grand terrain herbé placé derrière les paddocks de l'écurie et sans un seul obstacle en vue.
Qu’est-ce qu’Enda et Marlon ont pu vous apprendre de plus ou de différent ?
« C’est une question vraiment difficile. Au début, lorsque j’étais chez Enda, j’ai dû m’adapter car les chevaux changeaient beaucoup. J’avais toujours de nouveaux chevaux, les chevaux partaient très vite. Chez Ludo, je m’occupais de monter. Je ne m’occupais pas des clients, je me concentrais sur monter, monter et encore monter. Chez Ashford Farm, j’ai commencé à faire plus attention aux clients. Vous commencez à penser un peu plus au business et honnêtement, j’ai bien aimé cela. Évidemment, on aime bien aussi avoir des chevaux pour aller au concours mais j’ai vu les choses sous un autre angle et ça m’a plu. J’aime bien quand les gens viennent et essaient les chevaux que vous montez. C’est toujours intéressant à regarder surtout quand c’est un bon cavalier qui vient essayer votre cheval. Vous regardez et vous pensez un peu où vous pourriez vous améliorer et ce que vous ne faites pas bien, etc. J’aime vraiment bien cela. »
Lorsque vous arrivez chez Jos Lansink, la relation est différente de celle avec Ludo. Vous arrivez chez une légende qui a été champion du monde, qui a cumulé les médailles mais qui, surtout, n’est pas de votre famille. Qu’est-ce que cela change ?
« Jos Lansink, ça reste une icône, un modèle. Il a été champion du monde mais il n’a pas une médaille, il a plein de médailles ! Il sait ce qu’il doit faire. Ce qui est incroyable avec lui, c’est sa capacité à savoir attendre un cheval. Un cheval un peu plus difficile, il va toujours trouver d’autres manières de faire, d’autres solutions. Il a vraiment cette capacité d’attendre le bon moment pour aller un peu plus haut avec le cheval. Il peut rester longtemps à un bas niveau et ce n’est qu’une fois qu’il sent que le cheval est prêt qu’il va commencer à augmenter le niveau mais alors les choses peuvent s’enchaîner très vite aussi. Pour moi, ça a été une des choses les plus difficiles et c’est vraiment quelque chose que j’ai appris ici car quand on est jeune, on a tendance à vouloir toujours sauter plus haut. Il faut pouvoir rester calme et attendre le bon moment pour y arriver. C’est aussi important de respecter une certaine progression. Je pense qu’il faut d’abord être bien en deux étoiles avant de passer aux trois étoiles. Passer du deux étoiles aux cinq étoiles, ce n’est pas une bonne option. Je pense que Jos a aussi fait cela très bien avec moi. J’ai eu la chance de pouvoir monter Horizon au championnat de Belgique et de terminer à la seconde place et là, tout a commencé. Par contre, une fois que ça commence, les choses s’enchaînent. L’année suivante, j’ai pu monter deux Coupes des Nations à Saint Gall et Rotterdam… puis quelques chevaux ont été vendus et je suis redescendu un peu plus bas. À ce moment-là, je me suis dit « zut, peut-être que c’est fini et que je ne monterai plus de gros concours de nouveau. »
Pieter monte depuis quelques semaines Cuidam (Verdi x Chellano), formé par Maurice van Roosbroeck.
Vous avez toujours cette peur-là ?
« Oui et non. La première fois que ça vous arrive, oui. Vous y pensez vraiment. Vous vous dites que vous repartez sur du deux étoiles, trois étoiles mais je pense que c’est très important aussi car ça vous permet de garder les pieds sur terre. J’ai travaillé et encore travaillé, les autres chevaux sont venus et cela s’est aussi bien passé et j’ai de nouveau eu quelques chevaux pour faire les grands concours. »
Jos Lansink n’a pas l’air d’être le plus grand communicateur. Comment apprend-on de lui ? On observe beaucoup, vous parlez beaucoup ?
« Tous les jours, il est aux écuries du matin au soir. Dès qu’on saute, il est à nos côtés mais il nous aide aussi juste pour monter. En fait, il est toujours là. Je pense que c’est important d’avoir toujours quelqu’un pour nous aider mais en plus quand c’est quelqu’un comme Jos, c’est magnifique. Il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent aider comme lui peut le faire. En plus, il donne vraiment beaucoup de confiance et il sait vraiment ce qu’il fait avec un cheval. C’est pareil quand il est au concours avec nous, il sait toujours te donner un petit détail que tu dois faire. C’est vraiment important. »
À un moment, vous aimeriez voler de vos propres ailes ?
« C’est une question qui revient souvent (rire). Honnêtement, pour le moment, je suis tellement content que je ne pense pas du tout à changer quelque chose. J’ai commencé ici il y a 4 ans et j’étais heureux de pouvoir venir et quand on voit le chemin parcouru, c’est magnifique. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup d’autres écuries où l’on peut faire ça. Je n’ai vraiment pas besoin de changer quoi que ce soit ! »
Quel a été votre ressenti en montant Icarus la première fois ?
« C’était un cheval qui a toujours été très respectueux et qui avait aussi beaucoup de moyens mais il n’avait jamais sauté les grosses épreuves avant alors on ne peut jamais dire avant ! Après, avec un cheval très respectueux, on ne sait jamais où il va nous emmener. Je l’ai monté pendant six mois et un jour, nous avons gagné le Grand Prix deux étoiles d’Opglabeek. Après ce jour-là, tout s’est enchaîné très vite. C’était assez étonnant car le fait d’avoir gagné cette épreuve a été un véritable tremplin, il y a eu en déclic car après cette victoire, toutes les épreuves comptant pour le ranking que j’ai montées en octobre et novembre, j’ai toujours été sans-faute avec lui. Ensuite, il y a eu le Grand Prix de Maastricht où j’étais également sans-faute et là, j’ai su que je pouvais encore progresser tellement il se sentait bien dans l’épreuve. Je trouve aussi que quand on a un cheval comme celui-là qui progresse de la sorte, on prend confiance aussi avec les autres chevaux. »
Crédit photos : Julien Counet