Cinquième volet de l'exceptionnel reportage dédié au Champion du monde, Philippe Le Jeune !
Quand on regarde votre succès actuel, il est également dû en partie à votre collaboration avec Joris de Brabander qui est actuellement quasiment votre seul propriétaire. Est-ce que ce n'est pas un risque ?
Non, je ne pense pas que c'est un risque car depuis les douze années où nous travaillons ensemble, une véritable amitié est née. Maintenant, dans la vie, tout peut changer. Je le sais mais j'ai besoin de Joris et Joris a besoin de moi. C'est moi qui ai mis en valeur Nabab de Rêve et maintenant Vigo d'Arsouilles. Pour lui, je pense que ça a été un vrai tremplin avec Nabab même si après, c'est Nabab qui a fait les poulains et Joris s'occupe des croisements, moi je n'ai rien avoir là-dedans. Nabab de Rêve a précédé ses deux fils, Kashmir van't Schuttershof et Vigo d'Arsouilles. Entre Nabab et Vigo, nous avons continué à travailler ensemble, j'ai eu des moitiés de chevaux que nous avons commercialisé et nous avons toujours été très contents chacun de notre côté. Il sait très bien qu'il y a aussi des jours où cela va moins bien et de mon côté, le jour où Joris a décidé de consacrer Nabab uniquement à l'élevage, je trouvais ça logique et il avait tout mon respect … mais je n'avais rien ! Je n'avais plus de chevaux, Vigo n'est arrivé que deux ans après.
J'ai donc continué avec des chevaux à moi et d'autres propriétaires dont monsieur Leiser. Peut-être qu'un jour, ça va se terminer … mais je ne pense pas. Tant qu'il aura des chevaux et que je monterai à cheval, ce sera toujours comme ça car c'est un homme de cheval, il vit pour ça, c'est sa passion au même titre que moi -même si lui est plus intéressé par l'élevage et moi par les concours. On s'entend bien, on a la même optique sur ce qu'est un cheval …
Finalement, quand on voit que tout fonctionne bien entre vous deux, est ce que ce n'est pas simplement une alchimie qui s'est formé avec deux hommes qui ont le même caractère ? Est-ce une partie de l'explication ?
Sûrement ! Joris a aussi son caractère, il ne se laisse pas faire. Il a investi beaucoup dans sa vie, dans les poulains … etc. Il a pris des risques et il a aujourd'hui beaucoup d'expérience. Je crois qu'il aime bien la manière dont je fonctionne parce qu'il sait très bien que j'ai mon caractère aussi et que je ne me laisse pas faire non plus. Souvent, lorsque je suis chez lui et que l'on parle de choses et d'autres et que je pousse un coup de gueule parce que je trouve qu'un truc ou l'autre n'était pas juste, il se met à rire et il me dit que cela fait partie de ma force aussi. De plus, nous ne sommes pas prêts de nous dissocier puisque nous avons Filou de Muze à nous deux, qui est un cheval dans lequel on croit tous les deux énormément. Tout est fait pour le long terme sinon, on ne serait pas là.
Quand Vigo est arrivé chez vous, il lui a fallu une certaine période d'assimilation de votre travail et déjà les critiques fusaient. Est-ce que ces critiques sont toujours obligatoires ? Est-ce que vous y faites attention ? Avez-vous eu peur que cela déprécie l'étalon ?
Lorsque Vigo est arrivé chez moi, je ne le connaissais pas. Joris m'avait juste montré un DVD. Le cheval n'était pas trop au travail car c'était l'année où Kurt De Clercq a eu son accident et, respect à Joris, il n'a donné le cheval à personne, Vigo est resté à l'arrêt durant la revalidation de Kurt car c'était son cheval. Le cheval n'avait donc pas fait grand-chose l'année de ses 7 ans et il est arrivé en fin d'année, dix jours avant le concours de Caen.
Moi, je pensais que le cheval était bien au travail et donc je l'ai engagé en pensant que c'était des petites épreuves 1m30 et en fait, les 3 épreuves d'étalons était à 1m45, le cheval ne changeait pas de pied, n'avait pas de bouche, il était grand et fort … Je me souviens le premier parcours, je suis sorti avec 24 points, c'était l'horreur… mais le dernier jour, il est sorti juste avec un petit 4 points, preuve que ce cheval là était déjà brave, courageux et essayait de bien faire … même si il ne pouvait pas faire tout ce qu'on lui demandait puisque la base n'y était pas. C'était un grand cheval tardif, fait en deux morceaux. J'ai mis un an de travail et à un moment, j'ai même douté et pensé que je n'y arriverais pas car je faisais des épreuves 1m35, 1m40 et je me sortais souvent avec 4 points, 8 points … mais de nouveau parce que le cheval devenait long et que je devais le porter. Cela devenait compliqué. De plus comme Vigo avait gagné le cycle classique des 6 ans avec Kurt et qu'avec moi, il ne sortait jamais sans faute … J'avais même dit un jour à Joris que j'étais désolé et il m'avait répondu que je ne me tracasse pas, qu'il savait le travail que je faisais car chez lui, les jeunes chevaux ne sont pas travaillé dans une optique de concours de haut niveau, qu'ils devaient faire leurs tours de cycle et qu'ils étaient contents comme cela alors que chez moi, c'est un autre façon. Les critiques étaient nombreuses et même de la part de beaucoup de cavaliers professionnels qui me demandaient ce que je faisais avec ce cheval ! Les gens commençaient à penser qu'il n'était pas respectueux mais ça, je leur ai toujours répondu qu'ils se trompaient. Vigo est très respectueux mais il ne savait pas se sortir de certains problèmes car il a une grande galopade et il est décousu, il a une attache du dos qu'il aura fallu travailler pendant deux ans pour que tout se mette ensemble et se tienne musculairement. C'est un cheval important qui doit rester très dur et très musclé.
Un jour, il y a eu un déclic, c'était à Beervelde. Le premier jour, il est troisième de la grosse épreuve et il sautait fantastique. Cela nous a donné confiance à moi et au cheval. Les gens m'ont dit : « T'as trouvé un nouveau truc », non, il n'y avait pas de « truc », c'est qu'en une fois, il s'est laissé bien monter. En fait, au départ, à la maison et au paddock, il sautait très haut, rond … puis lorsqu'il était en piste, il devenait timide et faisait des choses bizarres. Maintenant, à la maison et au paddock, il ne saute jamais haut et lorsqu'il entre en piste, il est devenu cheval de concours alors qu'avant, c'était un cheval de spectacle. Maintenant, tu peux venir sur n'importe quel obstacle en numéro un, il met vingt centimètres de plus qu'au paddock. Ca ne sert à rien de lui mettre un oxer 1,60m au paddock, il n'y sera pas à son aise alors qu'avant, on pouvait mettre des grosses barres parce qu'il était dans son environnement alors que la piste n'était pas son environnement. Maintenant, ça a changé.
La suite demain !