Pensées positives, patience et amour : la recette du come-back de la crack Cheppetta
À force de temps, d’écoute et de pensées positives, Cheppetta a retrouvé les sommets de son sport. À l’occasion du Saut Hermès, qui se déroulait au même endroit que le Longines Paris Eiffel Jumping, duquel elle avait pris la deuxième place en 2019, la baie a permis à son cavalier, Kevin Staut, de retrouver la victoire au niveau 5*. Un moment fort en émotions pour tous les membres du Cheppetta Syndicate, qui regroupe les copropriétaires de la jument Holsteiner. Mais ce succès a surtout eu un goût particulier pour Laura Rayjasse, qui a relancé cette grande dame en compétition après ses soucis oculaires, et pour Virginie Coupérie-Eiffel, particulièrement attachée à la jument de quatorze ans.
Sur le champ de Mars, en face de la Tour Eiffel, Cheppetta (Holst, Chepetto x Cash) a signé sa plus belle victoire, dimanche 20 mars, dans le Grand Prix du Saut Hermès. Sous la selle de Kevin Staut, la jolie baie a réalisé un véritable exploit. En décrochant son premier succès en Grand Prix 5*, et son deuxième sur la scène internationale, l’attachante jument de quatorze ans a séduit tout le monde. Lancée dans le grand bain par le Suisse Martin Fuchs, Cheppetta a été révélée par la Belge Céline Schoonbroodt de Azevedo, après avoir effectué un passage aux États-Unis. Formant un véritable duo, toutes deux ont gravi les échelons, jusqu’à terminer deuxièmes du Grand Prix du Longines Paris Eiffel Jumping… à l’endroit où a été érigé la piste du Grand Palais Éphémère, théâtre du triomphe de Cheppetta le week-end dernier.
Née en Allemagne, à Wesselburen, à un peu plus de cent kilomètres au nord-ouest de Hambourg, dans les prairies de Silke Zuba, Cheppetta a connu un début de carrière des plus classiques. Via Vivaldi Jumping, structure à l’initiative de Kevin Staut et Didier Krainc, la baie débarque en France au printemps 2020 pour être confiée au cavalier Normand. D’abord freinée par la pandémie de Covid-19, qui annule une grande partie des compétitions internationales, la jument joue de malchance et est victime de problèmes oculaires. Après de longs soins, notamment gérés par Virginie Coupérie-Eiffel et ses équipes, à Château Bacon, en Dordogne, la Holsteiner, désormais âgée de quatorze ans, a effectué une remontée fantastique, jusqu’à son succès parisien. Cette victoire, glanée face à une sacrée concurrence, a ravi toute une équipe, voire tout un peuple, acquis à la cause du duo. “Je suis contente de l’avoir vue gagner. J’étais en concours mais je l’ai suivie en direct, puis Kevin m’a appelée. C’est la réussite de toute une équipe qui a œuvré autour de Cheppetta et du grand cavalier qu’est Kevin”, glisse Laura Rayjasse, qui a eu en charge la remise en route de la crack.
“C’est dingue. Cette victoire était folle”, s’émeut encore Virginie Coupérie. “Cela faisait un mois que je disais à mes amis et à l’entourage de Cheppetta qu’elle allait gagner le Saut Hermès. J’avais cette intime conviction que Kevin et Cheppetta pouvaient y arriver. Cette jument est renversante et tellement touchante. Je crois qu’elle a rencontré l’homme de sa vie en Kevin. Il l’a parfaitement interprétée dans ce Grand Prix et nous avons assisté à un grand, grand moment. Kevin était au sommet de son art, il a monté comme un Dieu. Leur parcours était d’une beauté et d’une grâce absolues. J’ai regardé la vidéo trois-cents fois : il n’y a aucun à-coup, tout est fluide et paraît facile. Ils sont comme deux danseurs ; il y a quelque chose d’artistique qui dépasse le sport. Je crois qu'il y a des chevaux hors pairs qui vous impressionnent et vous inspirent en tant que cavalier ; ce fût le cas pour Kevin avec Cheppetta dimanche.”
"J’ai tout de suite su que Cheppetta referait du haut niveau", Laura Rayjasse
Pourtant, avant de signer un retour fracassant au plus haut niveau, la route a été longue pour Cheppetta. Pendant plus d’un an, la fille de Chepetto a été écartée des terrains de compétitions, de juillet 2020 à août 2021. Suivie par divers spécialistes, la championne a effectué sa convalescence au sein des écuries Château Bacon, dans un environnement particulièrement ressourçant.
“Comme la jument devait régulièrement aller à la clinique de Toulouse, nous nous sommes dit que cela pourrait être une bonne idée que j’assure sa reprise d’activité”, explique Laura Rayjasse, qui partage la même philosophie que Virginie Coupérie. “J’ai pris le temps de faire les choses. Lorsque Cheppetta est arrivée, elle ne faisait plus trop d’exercices car elle ne devait pas subir de secousses par rapport à son œil. Nous avons d’abord remis les choses en place sur le plat, en travaillant un peu la souplesse et en effectuant des exercices de gymnastique. Elle voulait tellement bien faire pour son cavalier qu’il a été très facile de la remettre en route. J’ai pris le temps de refaire de petites épreuves avec elles, mais j’ai tout de suite su qu'elle allait refaire du haut niveau. J’en étais persuadée. Cheppetta avait envie de sauter, tout simplement.” Et Virginie Coupérie de compléter : “Lorsqu’elle est arrivée chez moi, il y a un an et demi, nous repartions de zéro. Je me suis dit que nous pourrions faire un transfert d’embryon, et qu’elle pourrait devenir poulinière. N’importe qui l’aurait mise au champ et aurait choisi cette option. Et puis, j’ai senti qu’elle ne voulait pas se consacrer à la reproduction. J’ai demandé à une amie, qui réalise des communications animales, d’échanger avec elle. Elle a confirmé mon intuition et m’a dit que Cheppetta voulait continuer ce qu’elle avait commencé, accomplir d’autres choses et revenir en compétitions. Dès lors, je l’ai remise dans l’écurie de sport, et elle s’est mise à revivre. Elle avait autant d’attention que notre cheval de tête. Au départ, elle n’était pas montée et marchait au pas en main. Ensuite, je l’ai rapidement sortie au pré. Nous l’emmenions se rouler dans le manège, dans différents environnements. Lorsqu’elle a eu gagné en muscle, nous avons commencé à la monter de nouveau, à effectuer quelques exercices d’assouplissement, associés à beaucoup de travail en extérieur. Progressivement, nous avons intégré quelques petits sauts, toujours dans un esprit ludique et dans la diversité. Nous avons essayé de lui proposer des activités variées, de façon à entretenir son physique, sans la lasser moralement.”
Progressivement, Cheppetta retrouve sa forme d'antan. Sous la selle de Laura Rayjasse, la crack dispute quelques Préparatoires à 1,20m et monte rapidement en gamme, jusqu’à disputer son premier Grand Prix 2* à 1,45m le 17 octobre, à Royan, puis des épreuves à 1,50m. Dès lors, la jument impressionne les observateurs. “Nous avons imaginé un programme de concours bien adapté”, souligne Virginie Coupérie. “Cheppetta est retournée en piste sans efforts, en éprouvant un sentiment de facilité et de confort.” De son côté, Laura Rayjasse a forcément ressenti une forme de pression, liée à l’envie de bien faire avec une telle monture. “C’est une jument comme on en monte rarement. On sent que Cheppetta est une grande jument et elle me l’a montré par son envie. Je n’ai jamais monté des chevaux de son envergure, donc que ce soit sur des petits obstacles ou des parcours plus importants, j’éprouvais un sentiment incroyable”, ajoute l’amazone.
De l’importance d’y croire
Si la partie n’était pas gagnée d’avance, la détermination et la motivation de Cheppetta ont fait la différence. “Tout le monde m’a demandé ce que nous avions fait”, reprend Virginie Coupérie. “Je leur ai dit : ‘nous l’avons aimée’. Et c’est vrai : nous l’avons aimée et avons cru en elle. Tout le reste, c’est Cheppetta qui l’a fait.” Pour Virginie Coupérie comme pour sa cavalière, l’une des clefs de ce retour au sommet a été de croire en Cheppetta. “Virginie et moi sommes dans le même état d’esprit : il faut croire dans tous les chevaux et être convaincu que tout va bien aller. Les chevaux y croient en retour. Et puis, il faut les aimer. Il n’y a pas d’autre solution. À la fin, ils nous donnent le meilleur d’eux-mêmes. Je crois que Kevin aime beaucoup Cheppetta. Cela se ressent et je sais qu’elle lui donnera tout ce qu’elle peut, comme elle l’a fait dimanche”, reprend Laura Rayjasse, qui espère pouvoir les suivre lors de belles échéances dans le futur.
Reformée mi-novembre sur les pistes de Vilamoura, la paire Kevin Staut-Cheppetta a rapidement trouvé ses marques. Après un premier Grand Prix 4* disputé à l’Hubside Winter Tour de Valence, début décembre, le duo est revenu en pleine forme début 2022, sous le soleil portugais. Là-bas, les deux nouveaux complices ont remporté un Grand Prix 3* de mains de maître, avant de se rendre à Bois-le-Duc. Malgré huit points dans le temps fort dominical, Cheppetta semble en pleine possession de ses moyens avant d’aborder Paris, avec le résultat que l’on sait. “Un autre secret est de prendre son temps”, plaide Virginie Coupérie. “Je crois également qu’il ne faut que parler de façon positive. Les chevaux sentent nos intentions. Si quelque chose ne fonctionne pas, alors c’est à nous, humains, de nous remettre en question. [...] Tout le monde avait perdu espoir et je n’avais aucune pression, car nous étions loin de tout. Si nous l’avons sauvée, c’est aussi parce que nous l’avons fait en équipe. Tout le monde l’adore et toute mon équipe était dédiée à Cheppetta. Elle a vécu une autre vie, s’est baladée avec les chiens, etc. Elle a retrouvé son essence dans la nature, cet influx et cette envie. Je pense qu’avant cela, elle a fait un burn-out et tout a lâché, aussi bien physiquement que mentalement. Elle n’y croyait plus. Désormais, Cheppetta est repartie pour un tour : elle me subjugue.” Grâce à ces ingrédients, la Holsteiner a même progressé : alors qu’elle pouvait parfois être émue de certains profils d’obstacles, la baie semble sur un nuage et voler avec facilité au-dessus des barres.
Désormais, Cheppetta est en “garde partagée” entre Château Bacon et les écuries de Kevin Staut, située à Pennedepie, en Normandie. Célébrée en grande pompe par tous ses co-propriétaires, la baie a eu le droit à un bain de foule et de carottes, pour son plus grand plaisir. Il en sera de même dans quelques jours, lorsqu’elle retrouvera les terres bordelaises, où elle fêtera également ses quatorze ans! Particulièrement attachante, cette grande dame a d’ores et déjà conquis les cœurs de toutes celles et ceux qui ont croisé sa route. “Cheppetta est une jument très attachante, très gentille et très proche de l’Homme. Elle est d’accord pour tout et est vraiment incroyable”, loue Laura Rayjasse. Et Virginie Coupérie ne manque pas de la rejoindre à ce sujet : “Cheppetta a une relation extrêmement particulière avec les humains. Elle les aime beaucoup. Lorsque son voisin de box part en concours, elle ne hennit pas. En revanche, elle cherche toujours à attirer notre attention. Je pense que les chevaux sont bien meilleurs que les humains. En tout cas, la connexion, la compréhension, le partage des sentiments et des intentions avec cette jument sont particulièrement forts. Elle aime parler, pour peu qu’on essaye de l’écouter. Je lui parle moi-même beaucoup : je lui dis qu’elle va gagner, qu’elle est la meilleure, la plus belle, combien on a de la chance de l’avoir, etc. Dimanche, je l’ai remerciée, je l’ai serrée dans mes bras comme on sert une personne qu’on aime quand elle a gagné. Elle est dans le partage et dans le don d’elle-même. Elle veut vraiment bien faire et est très spéciale. C’est une jument attachante et tout simplement incroyable. J’espère que les gens vont s’inspirer de cette belle histoire. Cette approche des chevaux et de la compétition change la vie, non seulement des équidés, mais aussi des cavaliers. Tout ce qui se fait dans la crispation, l’énervement ou la colère ne peut pas fonctionner avec les chevaux. Le relâchement qu’affiche Cheppetta en piste est le fruit d’un travail de plus d’un an et demi. C’est une façon d’être et de penser. Sa victoire était un moment de grâce et prouve que l’on peut vivre de très belles choses !”