“Participer à un championnat en saut d’obstacles est l’un de mes grands rêves”, Michael Jung (1/2)
Est-il un cavalier de concours complet, de saut d'obstacles, de dressage ou bien les trois à la fois ? Difficile de ranger Michael Jung dans une case tant sa polyvalence est impressionnante. Depuis une petite dizaine d’années, le multimédaillé allemand s’adonne, en parallèle de sa brillante carrière en concours complet, au saut d’obstacles de haut niveau. Sa fidèle FischerChelsea, quinze ans, lui a d’ailleurs permis de remporter son premier Grand Prix CSI 4* en mai 2021. Toujours vaillante, la belle l’accompagnait au Jumping International de Bordeaux, il y a maintenant deux semaines. Dans le cadre de ce concours qu’il affectionne tout particulièrement, notamment grâce au fait qu’il lui permet de disputer à la fois l’épreuve de cross indoor et celles de jumping, celui qui est souvent érigé au rang de légende s’est prêté à l’exercice de l’interview, évoquant son piquet de chevaux, ses objectifs à venir, la politique de son sport, le bien-être animal ou bien encore l’élevage, activité dans laquelle il s’est récemment lancé. Premier des deux volets de cet entretien.
Le Jumping International de Bordeaux a dû être annulé à deux reprises en raison de la terrible pandémie ayant touchée le monde ces dernières années. Le grand retour de cet événement, auquel vous avez toujours été fidèle depuis 2017, a dû vous réjouir !
Oui, je suis vraiment heureux lorsque je reçois mon invitation, le feu vert pour venir ici, à Bordeaux. C’est un concours magnifique, que j’apprécie vraiment. Les standards sont très élevés ici. Les spectateurs sont géniaux et il y a toujours une super atmosphère, ce qui rend la compétition d’autant plus belle. Je suis très content du comportement des deux chevaux qui m’accompagnent ici : Kilcandra Ocean Power (BGS Ocean View x Bonnie Prince, quatrième du cross indoor vendredi soir, ndlr) et FischerChelsea (ex Chelsea E 2, Check In x Argent, neuvième et troisième des épreuves à 1,50 et 1,45m qu’elle a disputée puis sanctionnée de huit points dans le difficile Grand Prix dominical, ndlr). Ils sont tous deux en bonne forme et se sentent bien, que ce soit sur la carrière de détente ou en piste. Le plan depuis le départ était de ne pas disputer l’étape de la Coupe du monde et de nous concentrer sur le Grand Prix dominical avec FischerChelsea.
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Ces dernières années, FischerChelsea vous a permis de connaître vos plus beaux moments en tant que cavalier de saut d’obstacles de haut niveau, en remportant notamment votre tout premier Grand Prix 4*, à Manheim, en mai 2021. Que représente cette jument à vos yeux ?
FicsherChelsea est une jument très spéciale. J’ai pris part à mes premiers Grands Prix majeurs, disputé ma première Coupe des nations en jumping, couru plusieurs étapes qualificatives sur le circuit de la Coupe du monde et participé à tant de super concours avec elle ! Nous avons vécu de super moments à travers l’Europe, de Hickstead à Oslo. Je suis ravi de l’avoir à mes côtés. C’est une très, très gentille jument. Elle est toujours motivée, veut toujours donner le meilleur d’elle-même et faire les choses bien. Elle est géniale !
Comment avez-vous croisé sa route, en 2015 ?
À l’époque, elle était montée par le cavalier de Marcus Ehning (Dennis van den Brink, ndlr). Il était venu s’entraîner chez moi, où je lui avais donné un cours. Après cette leçon, nous avons échangé sur plein de sujets, et il m’a demandé ce que je pensais de ses chevaux. Je lui ai répondu : “j’aime bien celle-ci !” Il m’a alors proposé de la monter, ce que j’ai évidemment accepté. Après six mois ensemble, je l’ai acheté. De façon générale, Marcus et moi avons une super relation (il arrive régulièrement que le Centaure confie des chevaux à son compatriote, comme ce fut par exemple le cas avec Mill Creek Filippa K, For Contest x Dynast en 2020, ndlr).
Vous arrive-t-il d’échanger des conseils avec Marcus Ehning ?
Nous sommes de bons amis et travaillons ensemble lorsque nous en avons l’occasion. Je n’ai plus autant de temps qu’avant pour aller monter dans ses écuries (sises à Borken, à plus de cinq-cent kilomètres des installations de Michael Jung, ndlr), mais lorsque nous nous retrouvons en concours, comme c’est le cas ici à Bordeaux, nous discutons beaucoup. Nous regardons des vidéos et partageons nos opinions respectives. Marcus est d’une grande aide.
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Chelsea, qui demeure votre jument de tête, fête son quinzième anniversaire en 2023. Quels sont vos plans pour elle dans les années à venir ?
Nous verrons. Elle prend un peu d’âge, mais nous essayons de la garder en forme, en bonne santé et j’espère que nous obtiendrons plein de belles victoires, que nous disputerons de beaux Grands Prix et peut-être une autre Coupe des nations. Personne ne peut prédire le futur, mais pour l’instant, tout s’annonce très favorable pour nous. J’ai d’autres bons chevaux qui peuvent également l’épauler. Ainsi, elle n’est pas toujours la numéro une lors des compétitions. J’ai des jeunes prometteurs qui arrivent, ce qui est bien pour elle. Avec un peu de chance, nous avons encore quelques belles années devant nous.
“Je pense qu’Albright GJB peut tout sauter”
Initialement, vous étiez également engagé dans le CSI 5*-W avec Albright GJB (né Guan GJB, Namelus R x Syndey), un cheval relativement nouveau pour vous, puisque vous avez fait vos débuts en compétition avec lui en janvier dernier seulement. Comment avez-vous croisé sa route et quel est son potentiel ?
Je l’ai trouvé grâce à Philipp Weishaupt, avec qui je suis aussi ami et discute beaucoup (longtemps monté par Willem Greve, Albright est également apparu brièvement sous les selles d’Adrienne Sternlicht et Harry Allen en 2022, ndlr). Il m’a dit que ce cheval pourrait être intéressant pour moi. Je l’ai donc récupéré, afin de le découvrir pendant quelque temps, puis je l’ai acheté. Je pense que c’est un très bon cheval, plein de moyens, même s’il est un peu particulier. Nous allons devoir travailler sur le plat, améliorer son dressage et nouer une bonne relation ensemble. Je pense qu’il peut tout sauter, mais parfois, il n’est pas très réactif à mes actions de jambes. Nous avons un peu de pain sur la planche, mais je pense qu’il sera un super partenaire.
Sur quels autres chevaux allez-vous pouvoir compter cette année pour arpenter certains des plus beaux terrains du monde ?
Je pense qu’Edo Sandra (née Esperance, Eldorado vd Zeshoek x Sandro Boy) est une très bonne cartouche. Elle va assurément prendre à nouveau part à de grandes compétitions. À l’avenir, il y aura également Albright, et FischerSolution (née Andrea’s Küchengirl, Carthino x Argentinus, ndlr). Cela fait maintenant un peu plus de quatre ans qu’elle n’a plus concouru, mais elle avait signé une superbe performance dans le Grand Prix de Genève (se classant onzième après un parcours à quatre points en 2017, ndlr). Elle a donc déjà réalisé d’excellentes performances, mais s’est malheureusement blessée. Nous lui avons donné beaucoup de temps et elle a désormais repris le travail. J’espère qu’elle sera de retour en piste cet été ; je crois les doigts. C’est une super jument.
Quid des plus jeunes ? Vous avez récemment présenté de très jeunes montures à Lierre. Quels espoirs fondez-vous en eux ?
J’ai deux chevaux de sept ans, trois de six ans et trois de quatre ans. Cela fait donc plein de jeunes chevaux ! J’essaye toujours de trouver de bons jeunes, avec de la qualité et qui laissent présager de bonnes choses pour l’avenir. Ensuite, nous travaillons ensemble, progressons, puis nous devons envisager la suite. Certains doivent être vendus, tandis que nous en achetons d’autres en parallèle. Il faut trouver un moyen de payer pour tout ce qu’implique une écurie, s’assurer que la machine tourne. En tout cas, j’ai beaucoup de chevaux prometteurs, notamment mon lot de six ans. Tous les trois me semblent vraiment intéressants.
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“Aujourd’hui, les chevaux sautent 1,60m comme si de rien n’était !”
Entre vos montures dédiées au complet, et celles qui se consacrent à la pratique du saut d’obstacles, comment organisez-vous votre temps, votre travail ?
C’est un peu la même chose pour tous. Nous alternons souvent entre une compétition de saut d’obstacle, puis une de complet, pendant laquelle le piquet de jumping profite d’une petite pause, et vice versa. Je crois qu’il s’agit d’un bon équilibre. Je trouve parfois que certains chevaux en font trop. Alors, pour moi, c’est une bonne solution d’évoluer dans les deux disciplines. De plus, en Allemagne et autour, nous n’avons pas assez d’événements en concours complet. Si je pratiquais uniquement cette discipline, je serais sans doute pauvre ! (rires) Pour ces raisons, il est chouette de pratiquer également le saut d’obstacles pur. J’adore ce sport. Évoluer dans les deux disciplines et changer de l’une à l’autre est aussi bénéfique.
Si vous pouviez monter n’importe quel cheval de jumping, dans toute l’histoire de la discipline, lequel choisiriez-vous ?
Tous ! Il y en a tellement… Aujourd’hui, le nombre de très bons chevaux est simplement incroyable. Ils sautent 1,60m comme si de rien n’était ! Ils vont plus vite, tournent plus court, font moins de foulées, bref, c’est incroyable.
Quels vont être vos objectifs cette année ?
Nous devons penser plus loin, vers Paris 2024. Les Jeux olympiques (en concours complet, ndlr) sont l’objectif principal. Cette année sera placée sous le signe de la préparation pour l’année prochaine. Bien sûr, nous avons les Européens cette année, qui, à mon avis, vont être un excellent événement, au haras du Pin, en France.
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En 2022, votre compatriote et coéquipière Ingrid Klimke est entrée un peu plus dans l’histoire en disputant, la même année, deux grands championnats dans deux disciplines différentes : en dressage et en concours complet. Avez-vous envie de l’imiter en prenant part à deux échéances d’une telle envergure, en saut d’obstacles et en complet ?
On ne sait jamais ! Peut-être ? (rires) Nous verrons. En tout cas, participer, un jour, à un championnat en saut d’obstacles est l’un de mes grands rêves. Maintenant, sera-t-il possible de combiner les deux disciplines en même temps ? Je ne sais pas.
“Pour réussir, chaque détail est important”
L’Allemagne, comme d’autres nations d’ailleurs, continue de se renouveler. Elle l’a prouvé en faisant émerger la saison dernières les jeunes et talentueux Jana Wargers, Gerrit Nieberg et Richard Vogel, entre autres. Comment jugez-vous les forces en présence au sein de votre équipe nationale ?
C’est exactement cela : nous avons de très bons jeunes cavaliers. Selon moi, il s’agit aussi d’une grande source de motivation pour tout le monde, puisque cela prouve que ce ne sont pas toujours les mêmes cavaliers qui sont sélectionnés pour les championnats (cet été à Herning, Jana Wargers honorait sa première cape lors d’une échéance majeure, aux côtés des chevronnés Christian Ahlmann et Marcus Ehning ainsi que du champion d’Europe en titre André Thieme, ndlr). Cela veut dire que si l’on travaille dur et que l’on a un bon cheval, on a une chance. Voir d’autres personnes obtenir leur ticket pour un championnat inspire tout le monde. Les opportunités sont là. Nous avons un bon système, d’excellents cavaliers, entraîneurs, éleveurs et chevaux ; tout fonctionne bien ensemble.
C’est peut-être là l’un des secrets de la Mannschaft…
Pour réussir, chaque détail est important. Les grooms sont importants, la motivation, le fait d’être positif, etc.
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Les grooms, justement, ont des horaires particulièrement éreintants en indoor. De votre point de vue, que pourraient mettre en place les organisateurs pour améliorer leurs conditions de travail sur ces événements, dont les épreuves finissent souvent tard et commencent tôt le lendemain ?
Il faut faire attention à ce que les chevaux, grooms et cavaliers aient de la place pour travailler, effectuer leurs détentes et se reposer. Cela n’est pas toujours chose aisée. Dans les écuries, tout est très proche, très bruyant et il n’y a pas beaucoup d’espace pour dégourdir les chevaux. Sur les paddocks de détente, comme ici par exemple, il y a parfois une énorme ambiance. Certains chevaux peinent à rester calme, à se détendre, à se concentrer ; ils sont parfois tétanisés par l’atmosphère. Et, en effet, on finit tard, on doit garder un œil sur les chevaux la nuit, vérifier que tout va bien, s’assurer que tout est en ordre puis se réveiller le matin suivant, nourrir les chevaux, les faire marcher, …
La seconde partie de cette interview sera disponible demain sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Michael Jung et FischerChelsea à Bordeaux. © Mélina Massias