Out of Touch, un bref passage en Belgique.
Propre frère de la championne du monde Liscalgot, l'étalon Irlandais de 22 ans Out of Touch (Touchdown x Tula Rocket xx) a fait un passage de quelques semaines en Belgique cet été en étant confié à Luc Henry de l'élevage Hero. 4 ème du Grand Prix CSIA de Pinerolo en 2001 et 7 ème de celui de Millstreet en 2000 sous la selle de son éleveur, James Kernan, Out of Touch aura tourné au plus haut niveau en participant à quelques CSI et CSIO cinq étoiles le plus souvent en Irlande. De ce fait, sa carrière de reproducteur est restée assez confidentielle jusqu'à ce que l'éleveur belge ne s'y intéresse.
Out of Touch (Touchdown x Tula Rocket xx), à 22 ans, lors de son passage en Belgique.
Studforlife : Comment avez-vous appris l'existence d'out of Touch ?
Luc Henry : En fait, c'est assez simple. Il y a quelques années, j'ai eu la chance de pouvoir faire des transferts d'embryon avec Liscalgot et de ce fait, je me suis intéressé à sa souche. Je me suis alors rendu compte que la mère de Liscalgot, Tula's Pride, avait eu un autre produit deux ans plus tôt et ce produit était Out of Touch. Tous les professionnels que j'ai rencontrés à l'époque, Jack Doyle et Dermott Lenon entre autre m'ont dit qu'à 4 et 5 ans, le cheval était un véritable phénomène, quils avaient rarement vu un jeune cheval d'une telle qualité.
Apparemment, après, il a été gravement malade à 6 ans et n'est réapparu qu'à 8 ans mais n'avait plus le brillant qu'il avait auparavant. Le cheval a néanmoins évolué jusqu'en Grand Prix avec le cavalier qui avait également monté son père, Touchdown
dont il était également léleveur. Avant que Liscalgot n'arrive chez moi, j'étais allé une première fois en Irlande, avec mon ami Jac Remijnse, rencontrer Jack Doyle.
Ses parents organisaient un concours national avec un Grand Prix 1m50 auquel participait Out Of Touch. C'est d'ailleurs Jack Doyle, lui-même qui nous a fait remarquer que le frère de la jument championne du Monde participait au Grand Prix. Lorsque j'ai vu le cheval au loin dans le paddock, j'ai été littéralement subjugué par l'impression de force et de qualité athlétique du cheval : c'était une véritable machine. Out of Touch dégageait une force incroyable, et lors des sauts, il avait une trajectoire et un passage de dos hors du commun.
Le cheval m'avait vraiment impressionné dans la manière dont il s'utilisait au pas et au galop. Le même week-end, nous sommes allés voir Touchdown, le père de Liscalgot et d'Out of touch! Encore une fois, nous avons été impressionné car nous avons vu un cheval avec une personnalité hors du commun. C'était un grand cheval, très très fort, qui avait un grand oeil vif et qui donnait l'impression d'être débordé de sang. Il avait beaucoup de masse et était planté sur 4 jambes d'acier qui se terminaient par des sabots aussi larges que des soucoupes. A l'arrêt, il donnait l'impression d 'être vissé dans le sol tel une statue. Il était fait comme un taureau, ce n'était pas un cheval moderne du tout.
Il a très peu sailli au début, Out of Touch était d'ailleurs son premier produit. Touchdown es issu de la première saison de monte de Galoubet et est né en 1982, la même année que Quick Star. Il a participé aux Jeux Olympiques de Barcelone en 92 en étant meilleur cheval de l'équipe d'Irlande. Michael Whitaker et Eddie Macken ont tous les deux monté Touchdown lorsque son propriétaire fut accidenté.
Out of Touch & Luc Henry
Michael m'a confirmé à l'époque que c'était un cheval avec tous les moyens, tout le respect, une mentalité exceptionnelle mais pas du tout dressé, il était vraiment sauvage. En me renseignant par la suite sur Touchdown, je me suis rendu compte que sa mère, Lady Willpower, avait évolué jusqu'en coupe des nations. C'était une vraie jument irlandaise, alezane avec un demi-papier. En fait, elle a permis à James Kernan d'évoluer durant toutes ses classes d'âge et lorsqu'il est arrivé en senior, son père a emmené la jument au haras du Pin pour la faire saillir de Galoubet A. En sachant cela, il était clair pour moi d'une part que Touchdown n'était pas le fruit du hasard et d'autre part que la mère de Liscalgot devait être une excellente jument avec seulement deux produits connus qui tournait tous les deux au plus haut niveau : une jument championne du monde et un étalon de Grand Prix. Par contre, le choix du croisement qui a donné Out of Touch puis Liscalgot est assez étonnant puisqu'en fait, leur éleveur, Terence Harvey, m'a avoué que sa jument, Tula's Pride, ne montant pas dans un van, il avait du se résoudre à faire le choix d'aller à l'étalon le plus proche qui était en fait Touchdown. Il avait juste à traverser le village en faisant les 2 kilomètres à pied avec la jument pour la faire saillir et ensuite rentrer chez lui.
C'est ainsi qu'il a eu un premier poulain, Out of Touch, qu'il a revendu au propriétaire de Touchdown. Il est revenu deux ans plus tard et il a eu Liscalgot qu'il a gardé jusqu'aux championnats d'Europe de Arnhem où elle était 6ème en individuelle et championne d'Europe par équipe avant d'être vendue à un syndicat composé de trois milliardaires Irlandais qui en sont aujourd'hui encore propriétaire.
Avec le recul, je pense que Out of Touch n'avait pas la dernière qualité intrinsèque de son père mais il était plus facile à utiliser et c'est un cheval qui m'apparaissait vraiment intéressant d'autan qu'il a eu une longue carrière sportive puisqu'il a tourné jusqu'à ses 16 ans.
Maintenant, le cheval n'a jamais beaucoup sailli là-bas car si ses éleveurs-propriétaires sont des gens de chevaux, ils n'ont pas eu de stratégies de marketing pour promotionner leur étalon et de plus, malgré le fait qu'ils aient fait naître un cheval comme Touchdown, ils ne croient pas vraiment dans l'élevage ! Pour eux, un bon cheval, ça ne s'élève pas, ça se trouve.
SFL : Comment avez-vous rencontré Liscalgot ?
L.H. : « C'était à l'occasion du Jumping Indoor de Maastricht en 2003 où j'ai abordé Dermott Lennon. Nous avons discuté de la jument et il m'a confirmé qu'elle était blessée. Je lui ai soumis mon intérêt de faire des transferts d'embryons avec la jument. Nous nous sommes ensuite revu un mois après et nous avons convenu de nous voir avec les propriétaires à Zwolle, lors de l'expertise de l'AES.
Liscalgot à l'élevage Hero en 2005.
Cela a ensuite été très vite et un mois après, la jument était chez moi. J'ai eu beaucoup de chance car Dermott m'a tout de suite fait confiance. Après autant d'années, nous avons encore aujourd'hui toujours autant de plaisir à nous revoir. Il attend d'ailleurs l'année prochaine un poulain à naître par transfert d'embryon de la dernière fille de Liscalgot en ma possession. Lorsque je lui ai proposé ce poulain, il m'a dit de faire comme pour moi concernant le choix de l'étalon.
SFL : Est-ce la production de Liscalgot qui vous a plus fait pencher pour le fils que pour le père ?
L.H. : « Non, pas du tout. Comme je l'ai dit, j'ai de très bons contacts avec Dermott Lennon qui m'a fait rencontrer mon partenaire en Irlande qui est un fermier mais qui est aussi avant tout un vrai homme de cheval. Il a pour sa part, tout de suite fait confiance à Out of Touch comme étalon à ses tout débuts. Nous avons eu deux très bonnes pouliches nées en 2010 dont une avec une fille de Chin Chin qui je pense a tout pour devenir une crack. Et cette pouliche m'a bien évidemment donné envie de recommencer. »
Outchinga Hero Z (Out of Touch & Uchinga Hero)
SFL : Pourquoi, alors que la génétique devient de plus en plus poussée, aller chercher un étalon qui na pas des origines complètes ?
L.H. : « Pour moi, c'est relativement simple : le papier est une chose mais je le mets toujours en deuxième position car c'est d'abord l'individu qui prime. Le plus bel exemple actuel est de lui de Galoubet : un père très connu et mère trotteuse sans grande référence. Si on regarde l'influence de Galoubet dans l'élevage de sport de haut niveau aujourd'hui, celle-ci est exceptionnelle: on s'aperçoit que les deux étalons qui sont en train de crever le plafond au niveau mondial, sont deux de ses fils : Baloubet du Rouet et Quick Star.
D'autre part, deux des chevaux les plus performants au monde actuellement sont deux petits-fils de Galoubet par les mères : Itot du Château et Mic Mac du Tillard. Cela veut dire que lorsquon a un cheval qui a été un individu hors-norme comme Galoubet l'a été, qu'il ait un bon papier ou pas, cela passe toujours ! Maintenant, il faut évidemment quil ait de bonnes juments sinon, c'est jouer au loto. C'est dans cet état d'esprit que j'ai utilisé Out Of Touch car quand je l'ai vu, il m'a vraiment fait penser à Galoubet. Dans sa manière d'être, dans son énergie quand je l'ai vu marcher la première fois, j'avais l'impression de voir un cheval comparable à Galoubet. »
Mic Mac du Tillard (Cruising x Galoubet A)
SFL : Alors que vous avez déjà des poulains de lui, pourquoi avoir décidé de lui faire traverser la Manche sans en avoir fait la promotion pour les éleveurs belges ?
L.H. : « Il y a deux raisons. La première, c'est que le propriétaire m'avait confié le cheval pour moi et la seconde, c'est que je sais que si un étalon n'est pas connu, même s'il a le potentiel génétique et sportif pour rivaliser avec les meilleurs étalons stationnés en Belgique - les gens vont être frileux. En élevage, il y a plus de suiveurs de mode que de créateurs qui prennent des risques. »
SFL : Faire partie des créateurs, c'est une motivation pour vous ?
L.H. : « Je n'ai pas fait ça pour ça, mais cela fait partie de ma vie car si l'on reste figé, on ne fait rien avancer. Je ne fais pas du tout cela pour me démarquer mais simplement parce que je sens qu'il fallait le faire. La question ne se posait même pas de savoir si après le poulain que j'avais eu en Irlande, je devais encore essayer d'élever avec lui.
C'était un fait certain pour moi, d'ailleurs, je lui ai mis une jument qui a une des meilleures génétique de Belgique : c'est une fille de For Pleasure avec la crack 7 ans Electra van't Roosakker. Même si elle a été accidentée aujourd'hui, jai rarement vu une jument sauté en liberté avec autant d'instinct sur la barre et je pense qu'elle lui correspond parfaitement. »
SFL : Avec le recul, que peut-on dire sur la production de Liscalgot ?
L.H. : « J'ai eu la chance de faire naître 7 poulains en Belgique. J'en ai deux en propriété et cinq qui sont partis en Irlande. Nous avons eu d'abord une pouliche de For Pleasure que j'ai laissé partir en Irlande mais avec laquelle j'ai pu faire deux embryons cette année-ci par Couletto et mon jeune étalon de 5 ans, Aganix du Seigneur.
Calgot Pleasure (For Pleasure & Liscalgot) à quelques jours
La jument est maintenant retournée chez Dermott Lennon qui l'adore et qui trouve qu'elle n'a rien de moins que Liscalgot au même âge. Ensuite, il y a eu un mâle de Cruising qui n'était pas une grande réussite. L'année suivante, nous avons élevé trois étalons qui ont aujourd'hui 5 ans.
Un lord Z, un For Pleasure et un Udancer Hero. Le Lord Z, comme beaucoup de Lord Z, est assez commun ; le For Pleasure n'est pas vraiment bâti comme un athlète, par contre le Udancer lui semble vraiment très prometteur, c'est un véritable athlète.
Acalgot Hero (Udancer Hero & Liscalgot)
J'ai ensuite gardé à l'élevage deux filles de Radco. Une de 4 ans qui est toute petite et qui a failli mourir à la naissance. Elle a beaucoup d'instinct sur les barres et est très portée sur son arrière-main, ce qui semble lui donner beaucoup de moyens. Hors d'elle, j'ai une pouliche de 18 mois par Erco van't Roosakker qui saute de manière exceptionnelle et j'ai un poulain de Lamm de Fetan qui est très plaisant.
Liscalgot lors de son sacre mondial
La dernière fille de Liscalgot que j'ai à la maison a 3 ans et si tout se passe bien, elle a tout pour être un cheval qui sort de l'ordinaire. Je n'ai jamais eu chez moi un cheval avec autant de moyens et de facilité dans le saut. Elle m'a donné cette année 4 embryons (un Cornet Obolensky et trois Aganix du Seigneur dont celui de Dermott Lennon) qui sont en Irlande pour y être élevé jusque l'âge de trois ans.
Ensuite, comme nous avions du mal à encore récolter des embryons, Liscalgot est retournée en Irlande et a été inséminée par Vivaldo vh Costerveld. Elle a mis au monde un étalon qui a 18 mois aujourd'hui et qui pour moi n'est pas une grande réussite. Liscalgot est aujourd'hui suitée d'une pouliche de Verdi qui est par contre vraiment magnifique. En conclusion, pour le moment, je pense que l'on peut dire que les pouliches sont plus que prometteuses alors que je suis plus prudent avec les mâles.
Je pense que si on a un mâle avec Liscalgot, il faut avoir utilisé un étalon avec énormément de sang et beaucoup d'instinct autrement il est plus que probable de retomber sur un produit qui ressemble plus à un Irish Draught qu'à un cheval de sport moderne.
Je suis d'ailleurs convaincu que la mère de Liscalgot devait être une jument toute proche du pur-sang anglais alors que son père bien que bourré de sang avait vraiment le type et la masse du cheval Irlandais de base tel qu'on les connaissait à l'époque de l'étalon King of Diamonds. Ce type de chevaux ne sont d'ailleurs plus d'actualité pour le sport de haut niveau actuel. »