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“On peut aller très vite, mais sans de bonnes bases, on peut redescendre tout aussi rapidement”, Katharina Rhomberg (2/2)

Colestus Cambridge
mercredi 14 février 2024 Mélina Massias

Talentueuse et souriante, la discrète Katharina Rhomberg, trente-deux ans, devient une figure incontournable du haut niveau. Avec son fantastique Cuma 5, un digne fils de Comme Il Faut âgé de douze ans, elle a participé aux trois derniers grands championnats de jumping : les Européens de Riesenbeck, les Mondiaux de Herning et l’échéance continentale de Milan. Dans le sillon d’une équipe autrichienne en pleine ascension, la jeune amazone s’est construit un système solide. Attachée à former ses futurs partenaires aussi tôt que possible, l’actuelle numéro cent cinquante-trois du classement mondial de la Fédération équestre mondiale (FEI) peut compter sur le soutien de son fidèle propriétaire, qui lui permet de conserver non seulement Cuma 5 mais aussi le très, très prometteur Colestus Cambridge. Le gris a d’ailleurs fait ses débuts à 1,60m à Bordeaux. Rencontrée en Gironde à la veille du saut dans le grand bain de son protégé, Katharina Rhomberg est revenue sur ses débuts, sa philosophie de travail, mais aussi sur ses objectifs ainsi que sur sa collaboration avec deux préparateurs, physique et mental. De quoi imaginer aisément cette cavalière bien entourée et la tête sur les épaules décrocher de nouvelles médailles dans les années à venir, après celle de bronze remportée par équipe en Italie l’an dernier. 

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

Selon vous, qu’est-ce qui rend l’équipe autrichienne si forte en ce moment ?

Désormais, nous avons des chevaux plus âgés. En fait, tout le monde avait en même temps de jeunes chevaux en pleine progression. Aujourd’hui, ils ont acquis de l’expérience ce qui nous offre un groupe de bons chevaux, associés à de bons cavaliers mais aussi à des propriétaires prêts à soutenir ces couples. Cet aspect a beaucoup progressé, tout comme nous. Et puis il faut dire que les bons résultats sont vertueux et nous apportent une bonne dose de confiance.

Après ce très bon championnat d’Europe à Milan, les Jeux olympiques de Paris doivent être un objectif majeur pour vous. Quel est votre plan en vue de cette échéance ?

Bien sûr, c’est le plus grand objectif de l’année ! Je pense que tous les cavaliers veulent participer au moins une fois aux Jeux olympiques. Mon programme est donc tourné vers mon objectif : faire partie de l’équipe autrichienne à Paris. Nous avons décidé de faire quelques concours indoor, puis d’accorder une pause à Cuma. Ensuite, nous reprendrons par de petites épreuves, avant de monter progressivement en intensité. Nous espérons qu’il obtiendra de bons résultats et soit en forme le moment venu afin d’être sélectionné dans l’équipe !

Katharina Rhomberg et son Cuma 5 sont prêts à relever les défis qui les attendent en 2024. © Mélina Massias

Vous intéressez-vous à l’élevage ?

Oui, mais je dois dire que je ne suis pas très impliquée dans ce domaine. Mon père a fait naître quelques chevaux lorsque nous étions plus jeunes. Désormais toutes les juments ont pris de l’âge et il n’en a pas acheté de nouvelles. Mais c’est un sujet qui m’intéresse ! L’élevage est très, très important à mes yeux. Sans les éleveurs, petits et grands, nous n’avons pas de chevaux. Pour produire de bons chevaux, je pense qu’il faut vraiment avoir beaucoup de connaissances et maîtriser son sujet, afin de faire les bons choix de croisement. Je ne suis pas assez impliquée pour élever des chevaux moi-même.



“Avec Thomas Balsiger, on doit d’abord maîtriser les choses simples avant de passer à la suite”

Vous êtes encadrée par Thomas Balsiger, père de Bryan et coach de renom. Comment l’avez-vous rencontré ?

C’était assez drôle ! Lorsque j’ai arrêté de travailler avec mon ancien entraîneur, j’ai évolué seule pendant un court laps de temps, pendant lequel je cherchais quelqu’un avec qui poursuivre mon aventure. J’ai demandé à plein de personnes, mais je ne savais pas vraiment avec qui je devrais m’entraîner. Je me suis rendue chez Thomas Fuchs, qui est installé près de mes écuries, afin de prendre quelques leçons. Je lui ai demandé s’il avait le temps de m’entraîner, mais il est extrêmement occupé et a déjà beaucoup de cavaliers. Je lui ai alors demandé s’il avait un entraîneur à me conseiller et il m’a suggéré de contacter Thomas Balsiger. Je l’ai appelé et nous avons fait un premier essai. Tout s’est très bien déroulé. Je me voyais déjà m’entraîner à ses côtés et j’avais le sentiment que sa méthode me convenait. Il se concentre beaucoup sur le travail sur le plat et le dressage. Nous faisons beaucoup d’exercice de gymnastique, etc. Nous veillons en priorité à ce que les chevaux soient droits, équilibrés et qu’ils utilisent leurs corps correctement. C’est très important pour moi. On doit d’abord maîtriser les choses simples avant de passer à la suite. Les bases sont primordiales ; elles doivent être parfaites si on souhaite progresser. Les petites erreurs peuvent rapidement devenir beaucoup plus importantes si on se précipite.

"Thomas Balsiger se concentre beaucoup sur le travail sur le plat", explique Katharina Rhomberg au sujet de la méthode de son entraîneur suisse. © Mélina Massias

Comme beaucoup de cavaliers, à l’image de François-Xavier Boudant, Scott Brash, Daniel Bluman ou Marlon Modolo Zanotelli, vous vous êtes également attaché les services de Diego Linares, coach sportif à l’origine de Rider Balance. Qu’est-ce qui vous a poussé à le contacter et à travailler avec lui ?

Je sais que c’est quelque chose de très important et que l’on peut vraiment beaucoup progresser en travaillant simplement sur son propre équilibre. Je faisais déjà du renforcement musculaire et ce genre de chose avant, mais je ne voyais pas vraiment d’amélioration. Je travaillais avec des entraîneurs sportifs non spécialisés. Ils ne montaient pas à cheval et ne connaissaient pas l’équitation. J’ai vu Diego sur Instagram et je me suis dit que je devrais entrer en contact avec lui. Et nous avons commencé à travailler ! C’était en septembre dernier, il y a donc cinq mois maintenant. Je vois déjà énormément de progrès ! Diego observe comment on se tient à cheval, comment on utilise notre corps. Il y a tellement plus à faire que simplement travailler sur du renforcement musculaire. En tant que cavalier, tout notre corps doit être connecté. Grâce au travail de Diego, on peut vraiment changer son équitation et ses chevaux. Certains détails font une grande différence. Diego est un très bon entraîneur. Il nous regarde dans notre globalité et si, par exemple, on n’est pas symétrique, il nous donne des exercices à réaliser pour corriger cela. Son aide est vraiment bénéfique.

Pour atteindre ses objectifs, Katharina Rhomberg est parfaitement entourée. La force des grands athlètes. © Mélina Massias

Avez-vous déjà songé ou travaillez-vous également avec un coach mental ?

Oui, je le fais également. Je travaille avec Manuel Horeth, qui est autrichien. Je pense que c’est aussi important et que cela peut nous aider en tant que cavaliers. Parfois, il suffit de petites choses pour que l’on se sente mieux, que l’on voit les choses avec plus de clarté ou que l’on soit plus concentré.

La santé mentale semble être de moins en moins tabou, ce qui n’était pas le cas il y encore quelques années…

Oui, c’est vrai. Mais nous travaillons sur nos corps et ceux de nos chevaux, alors je pense que nous pouvons aussi prendre soin de notre santé mentale. C’est quelque chose qui nous aide, tout simplement.

Elle l'assure : l'échéance olympique de cette année 2024 sera son objectif principal cette saison. © Mélina Massias



“Plus on a de base dans le travail du cheval, plus on peut être régulier dans son ascension vers et au haut niveau” 

La question du horsemanship semble être très importante pour vous. Qu’est-ce qui fait un bon homme ou une bonne femme de cheval ?

Comme je l’ai déjà évoqué, je pense que les chevaux doivent déjà être heureux dans leur travail. À mon sens, ils doivent aussi être traités comme des chevaux. Les miens ont le droit d’aller au pré ou au paddock. On ne peut pas les mettre en prison. Nous allons aussi en balades et essayons de faire plein de choses différentes au travail, de varier ce que nous faisons au quotidien. J’essaye de faire en sorte que mes chevaux aient envie d’apprendre de nouvelles choses. Ensuite, il y a plein d'éléments importants : le maréchal-ferrant, le vétérinaire, etc. Je pense qu’il faut trouver un bon équilibre entre tout ça. Plus on a de connaissance soi-même, plus on est capable de trouver les bonnes personnes pour entourer ses chevaux. Tout doit bien se goupiller.

Katharina Rhomberg et Cuma 5 lors de l'inspection vétérinaire préalable aux championnats d'Europe de Milan, l'été dernier. © Leanjo de Koster / FEI

Le bien-être équin est au centre des préoccupations. Quels sont les critères les plus importants à respecter pour être en mesure de se dire que son cheval est bien dans ses sabots ?

Tout d’abord, les chevaux doivent être en bonne santé. C’est, à mon sens, le plus important. S’ils ne sont pas sains, je ne pense pas qu’ils puissent faire de bonnes choses. Il faut donc veiller sur eux, les regarder trotter et les observer afin de déceler le moindre changement. De cette façon, on peut réagir directement au moindre signe, avant que quelque chose ne tourne mal. Comme je l’ai dit, j’essaye de leur donner une vie intéressante, de varier leur travail et de ne pas aller sept jours sur sept dans un manège, ni à les faire toujours travailler intensément. Il faut trouver le bon équilibre. Et puis, on sent s’ils s’amusent et prennent plaisir à travailler ou non.

Comme Marcus Ehning l’avait également souligné, vous semblez penser qu’il arrive que la jeune génération saute une marche dans son ascension vers le haut niveau et n’aient ainsi pas des bases suffisamment solides, notamment dans la connaissance des chevaux…

Je trouve que beaucoup de jeunes veulent atteindre le haut niveau en très peu de temps. S’ils évoluent à 1,10m, ils veulent déjà sauter 1,20m. Si cela se passe bien, ils veulent passer à 1,30m, 1,40m, etc. Si on a du talent et de bons chevaux, on peut avancer très vite, voire trop vite. Peut-être qu’ils manquent alors une étape dans la compréhension de leurs chevaux. J’apprends toujours et il y a plein de choses que je ne sais pas. Il faut un temps infini pour comprendre ce dont les chevaux ont besoin. Il faut aussi se faire de l’expérience avec différents chevaux, qui ont chacun leurs spécificités. Apprendre toutes ces choses demande du temps. Pour les cavaliers, cela est indispensable. On peut aller très vite, mais sans de bonnes bases, on peut redescendre tout aussi rapidement. Plus on a de base dans le travail du cheval, et plus on le fait bien, plus on peut être régulier dans son ascension vers et au haut niveau.

Encore jeune, Colestus Cambridge est destiné à briller. © Mélina Massias

En dehors des chevaux, et lorsque vous avez un peu de temps, avez-vous d’autres hobbies ?

Oui ! En hiver, nous allons souvent skier. Nous vivons non loin d’une station. J’adore skier et faire du snowboard. En règle générale, j’aime tous les types de sports. J’apprécie aussi voir des amis au lac qui est situé non loin de chez moi. Nous sommes si occupés que nous n’avons pas souvent l’occasion de voir nos amis. C’est donc chouette de passer du temps entre amis. On n’a pas suffisamment de temps pour ce genre de choses !

Photo à la Une : Katharina Rhomberg et Colestus Cambridge, son grand espoir. © Mélina Massias