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“On ne regrette jamais de privilégier ses chevaux à la compétition”, Matthew Sampson (1/2)

À Lyon, Matthew Sampson et Daniel ont signé un excellent parcours à quatre points dans l'étape de la Coupe du monde Longines.
Interviews mardi 2 décembre 2025 Mélina Massias

Face à ceux de ses pairs, le système et le programme de compétition de Matthew Sampson ont de quoi détonner. Authentique passionné, le Britannique privilégie toujours ses chevaux avant ses propres intérêts sportifs. Daniel, Ebolensky, Fabrice DN ou encore Geneve R, partenaires de quelques-unes de ses plus belles victoires internationales, bénéficient ainsi de longues périodes de repos, le plus souvent passées au pré, entre quelques sorties choisies avec soin. Soixante-dix-huitième mondial, le sympathique trentenaire a participé à son premier grand championnat Sénior cet été, à La Corogne. Pour l’occasion, il avait sellé Medoc de Toxandria, dont son ami Tim Gredley lui avait prêté les rênes cette saison, le temps de se remettre d’une blessure au genou. Cette confiance, Matthew Sampson se l’est aussi vu accorder par la famille Davenport et Angelie von Essen tout au long de la carrière de Daniel, un étalon de dix-sept ans qu’il décrit volontiers comme le cheval de sa vie. Aux commandes de la florissante écurie Maplepark Farms aux côtés de sa fiancée, la Canadienne Kara Chad, le représentant de l’Union Jack poursuit ses rêves, entre haut niveau, formation, élevage et écoute de ses partenaires à quatre jambes. Parti de rien, il savoure avec humilité le chemin parcouru. Dans un entretien à découvrir en deux parties, il revient sur son parcours, évoque ses montures, son système et son amour inconditionnel pour les chevaux.

Très jeune, les chevaux se sont imposés à vous comme une vocation. Comment avez-vous découvert ces animaux qui rythment désormais votre vie ?

Mes parents avaient tous les deux des chevaux et je pratiquais l’équitation à l’école, à Sheffield, en Angleterre. J’ai été entouré par les chevaux toute ma vie. J’ai un frère et une sœur aînés, qui ne s’intéressent pas du tout à cet univers. J’ai donc été impliqué dans le milieu très, très jeune. Cela a toujours été une forme d’obsession pour moi. Jusqu’à mes dix ou douze ans, j’ai pratiqué tous types de disciplines, avant de me concentrer davantage sur le saut d’obstacles. Et puis c’est vraiment devenu mon truc ! Nous étions en concours tous les week-ends et les chevaux occupaient déjà tout mon temps.

Vous avez donc toujours su que votre avenir professionnel s'écrirait dans l'univers équestre ?

Oui, je savais que je travaillerai avec les chevaux. Le saut d’obstacles a toujours eu ma préférence, mais évoluer avec les chevaux au quotidien était mon vrai projet de vie.

Quel a ensuite été votre parcours ?

Je suis parti de rien, vraiment. Au départ, je montais des poneys de club en concours et j’essayais de les faire progresser. Puis, une fois cette mission accomplie, nous les vendions et achetions des montures avec un peu plus de potentiel. J’ai eu plusieurs poneys facétieux, que je suis parvenu à comprendre. Ce sont devenus des alliés, que j’ai monté en concours et qui ont remporté des épreuves. Cela a fait un effet boule de neige : on m’a confié beaucoup de poneys jugés difficiles. Au fil du temps, j’ai eu de plus en plus d’opportunités et j’ai beaucoup appris avec ces poneys de caractère. Avec mes parents, nous avons été bien occupés avec cette activité jusqu’à mes seize ans, puis j'ai déménagé, afin de me donner une chance de suivre une carrière professionnelle en saut d’obstacles.

Matthew Sampson a participé à cinq championnats d'Europe Jeunes entre 2006 et 2010. © Sportfot

Comment avez-vous vécu ce moment de votre vie de jeune adolescent ?

C’était intimidant ! Jusqu’alors, j’avais tout fait aux côtés de mes parents, comme les championnats d’Europe, auxquels j’ai participé à plusieurs reprises (de 2006 à 2010, à Poney puis en Junior et en Jeune Cavalier, avec deux médailles d'or par équipe à la clef, ndlr). J’ai connu une expérience inédite en rejoignant les écuries de Claire et Duncan Inglis. Ils m’ont pris sous leur aile et m’ont considéré comme un membre de la famille. Je vivais avec eux, dans leur propre maison. C’était merveilleux et ils se sont très bien occupés de moi. En échange, je travaillais pour eux, afin de progresser et prendre de l’expérience. C’était donnant donnant : je n’avais pas de salaire à proprement parler à la fin du mois. Je voulais simplement apprendre et nous n’avions pas les moyens pour que j’aille m’entraîner avec quelqu’un. Je n’échangerai cette expérience chez Duncan pour rien au monde. J’ai tellement appris à ses côtés ! C’est un grand homme de cheval et j’ai passé une période incroyable là-bas.

Après cette expérience, en avez-vous engrangé d’autres, auprès d’autres cavaliers ?

Oui. J’ai ensuite travaillé pendant deux ans pour Henk Nooren, ce qui a été une opportunité extraordinaire pour moi. J’avais gagné une sorte de bourse pour m’entraîner avec lui durant trois semaines. Une fois là-bas, Henk m’a proposé un poste et j’y suis resté deux ans. C’était super. J’ai eu beaucoup de chance d’évoluer auprès de différents cavaliers, mais j’ai toujours voulu construire ma propre structure et travailler à mon compte. Alors je me suis lancé, et j’ai réussi ! J’ai dû reculer de quelques pas, pour me concentrer sur le commerce. J’achetais et vendais beaucoup de chevaux, de jeunes chevaux. Forcément, je n’ai pas concouru à haut niveau pendant un moment, mais monter mes propres chevaux sur les plus belles pistes du monde a toujours été mon objectif. Cela a pris du temps, mais aujourd’hui, les planètes s’alignent. C’est très agréable.

En 2018, Matthew Sampson a remporté le Derby de Hambourg aux rênes de Gloria van Zuuthoeve. © Sportfot

Comment fonctionne votre système actuel ?

Très bien ! Nous gérons Maplepark Farms avec ma fiancée, Kara Chad. Nous avons un programme d’entraînement pour les jeunes cavaliers et nos clients. Nous faisons aussi pas mal d’élevage et avons nos propres jeunes chevaux, que nous formons puis commercialisons. En parallèle, nous pouvons compter sur des chevaux d’âge pour concourir à haut niveau. Nous essayons de maîtriser tous les maillons de la chaîne, à petite échelle, afin de pouvoir garder la main sur tout. Cela nous permet d’accorder à chaque cheval et chaque client l'attention qu'il mérite. Nous sommes très fiers de ce que nous faisons. Nous avons travaillé pour mettre tout cela sur pied ces six dernières années et notre système ne fait que s’améliorer. Nous avons de très bons jeunes chevaux qui arrivent et nous collaborons avec de super personnes. Je ne peux que remercier toute notre équipe et nos propriétaires. Nos clients sont aussi merveilleux : les personnes à qui nous vendons nos chevaux reviennent toujours vers nous lorsqu’elles en ont besoin. Notre idée n’est pas de vendre un cheval par ci par là, mais de construire des relations sur le long terme. Mais le plus important est l’équipe qui nous entoure. Elle est simplement fantastique et nous sommes très chanceux ! Les gens qui travaillent avec nous nous sont à nos côtés depuis de nombreuses années et jouent un rôle capital dans ce que nous faisons.

Avec sa fiancée Kara Chad, le Britannique gère les écuries Maplepark Farms. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Vous partagez votre temps entre l’Europe et le Canada, n’est-ce pas ?

Oui, en effet. En règle générale, je passe l’été à Spruce Meadows. C’est un concours auquel Kara et moi adorons participer. En plus, il nous a toujours bien réussi ! Nous pensons tous les deux qu’il s’agit d’un des meilleurs complexes équestres au monde. Nous avons aussi de très bons clients et amis là-bas. Nous sommes toujours impatients d’aller à Spruce Meadows. Pour le reste, nous passons la majeure partie de l’année en Europe.



Au plus haut niveau en particulier, il peut être facile pour les cavaliers de se laisser emporter dans une course folle, entre concours et déplacements incessants, tout au long de l’année. Comment faites-vous pour ne pas perdre de vue l’amour des chevaux, l’élément central de la passion qui vous a menée jusqu’ici ?

Effectivement, nous sommes souvent loin de chez nous et c’est difficile pour tous les cavaliers. La plupart des gens pensent que nous menons la grande vie, mais ce n’est pas vraiment le cas. Lorsque nous sommes en concours, nous sommes séparés de notre famille et de nos proches pendant quatre jours, mais aussi de nos chevaux. Souvent, sur les concours les plus importants, on ne peut venir qu’avec deux ou trois montures. Ce n’est pas facile. Mais personnellement, je vois les choses comme cela : le saut d’obstacles est mon métier et les chevaux sont ma passion. De fait, je n’essaie jamais de mettre un cheval dans une situation dans laquelle il ne se sentirait pas à l’aise. Cette année, par exemple, je suis allé à Fontainebleau pour le CSI 5*. J’ai sauté une épreuve le premier jour avec mon cheval de tête, et son week-end s’est arrêté là. Je ne le sentais pas parfaitement en forme et je n’ai jamais eu le moindre problème à ne pas prendre le départ d’une épreuve. Je n’ai envie de concourir que si mes chevaux sont dans le meilleur état d’esprit pour le faire. Et je pense que cela sera toujours ma philosophie. L’amour et la passion des chevaux ne me quitteront jamais. Les chevaux, avec leurs caractères et leurs comportements nous font comprendre quand ils ne vont pas bien.

Pourtant, dans le feu de l’action, décider de ne pas prendre le départ d’une épreuve peut être difficile…

Dans mon cas, je me dis toujours qu’il y aura d’autres concours. Trouver de nouveaux chevaux est très difficile, mais participer à un autre événement est beaucoup plus facile. On ne regrette jamais de privilégier ses chevaux à la compétition.

"L'amour et la passion des chevaux ne me quitterons jamais", assure Matthew Sampson © Sportfot

Cette année, vous avez partagé la monte du génial Medoc de Toxandria (Der Senaat 111 x Kelvin de Sainte Hermelle), qui appartient à Tim Gredley. Comment est née cette collaboration pour le moins originale au plus haut niveau ?

Tim est un très bon ami. En début d’année, nous étions au Sunshine Tour. Il s’est blessé au genou et m’a demandé de l’aider à monter quelques-uns de ses chevaux. J’ai pris les rênes de trois ou quatre de ses montures, dans de petites épreuves. Tim, de son côté, voulait se concentrer sur Medoc, pour économiser son genou. De cette façon, il pouvait continuer à se faire plaisir sur de belles épreuves. Une fois en selle, Tim s’est rendu compte que la douleur était plus intense qu’il l’imaginait. Il m’a alors proposé de prendre Medoc pour quelques parcours. C’était super ! Dès la première semaine, il s’est classé quatrième d'un Grand Prix 4* à Vejer de la Frontera. Il avait très bien sauté. Le dimanche suivant, j’ai commis une faute sur le dernier obstacle du Grand Prix. Directement, Medoc et moi nous sommes bien entendus. L’idée était que Tim le récupère pour poursuivre la saison après le Sunshine Tour. Il a participé à un concours avec lui, mais, une nouvelle fois, son genou le faisait trop souffrir et il a dû se résoudre à prendre du repos. Il avait prévu d’aller au CSI 3* du Touquet (organisé par GRANDPRIX Events, ndlr) début mai. Il avait fait tous ses engagements et m’a appelé le lundi juste avant le concours en me disant qu’il ne pourrait pas monter. Il m’a demandé si je voulais monter ses chevaux, et j’ai accepté ! Medoc a terminé troisième du Grand Prix là-bas. Avec cette performance, j’ai été sélectionné pour le CSI 5* de Windsor, où il s’est très bien comporté, puis pour les CSIO 5* de Saint-Gall et Rotterdam. J’ai pris beaucoup de plaisir à monter ce cheval ! 

Quel était votre ressenti avec Medoc de Toxandria ?

J’ai eu un sentiment formidable avec lui ! J’ai monté plusieurs chevaux uniquement en concours dans ma vie, alors cela ne m’a pas tellement dérangé. Medoc est un cheval adorable, très facile. Il est incroyable. Il m’a facilité la tâche ! Et comme je l'ai dit, Tim est un ami ; il avait recommencé à monter à cheval avant les championnats d’Europe et l’idée était qu’il récupère Medoc à ce moment-là. Mais comme j’avais été sélectionné pour participer à cette échéance, il m’a permis de garder Medoc un peu plus longtemps. C’était un geste merveilleux de sa part. J’ai été très, très chanceux.

Après le CSI 3* du Touquet Classic, tout s'est accéléré pour Matthew Sampson et Medoc de Toxandria. © Sarah Bedu / GRANDPRIX Events

Malheureusement, les championnats d’Europe de La Corogne ne se sont pas exactement terminés comme vous l’auriez souhaité, après une incompréhension et une élimination sur le triple de la première manche de la compétition par équipe. Quel bilan tirez-vous de cette expérience, la première de votre carrière Sénior en grand championnat ?

Cela a été une vraie déception pour moi et je dois dire que nous avons été vraiment malchanceux sur ce coup. Dans la première manche par équipe, Medoc a trébuché à la réception du premier élément du triple et a marché sur son fer. Cela ne lui était jamais arrivé et j’espère que cela ne se reproduira jamais. Avec l’enjeu collectif sur les épaules, nous devions repartir de l’avant. Après cet incident, Medoc avait perdu un peu de confiance, mais je pensais vraiment qu’il pouvait signer un sans-faute dans la seconde manche de la Coupe des nations. Après son premier refus dans cette épreuve, j’ai senti qu’il avait vraiment envie de sauter le triple, ce qui m’a poussé à réessayer. Et nous avons réussi ! Je pense que c’était positif à tous points de vue d’y parvenir : pour Medoc d’abord, mais aussi pour le sport en général. Cela a été une belle preuve de notre confiance mutuelle que de revenir face à un obstacle si difficile et de terminer le reste du parcours sans la moindre faute. 

À part cela, les championnats d’Europe ont été super ! Le fait d’être entouré de toutes ces nations a été incroyable. J’ai senti le soutien de tout le monde lors de la finale par équipe. Ils m’ont poussé sur la dernière ligne, qui comportait un double vertical-oxer. Les Néerlandais, les Belges, les Allemands : tout le monde faisait des appels de langue et nous encourageaient, Medoc et moi. Je trouve que cela a été une belle image de horsemanship. Si mon résultat individuel constitue forcément une petite déception, il y a eu beaucoup de positif dans tout cela. Voir tout le monde s’unir autour de Medoc, un cheval que tout le monde connaît, a été touchant. J’ai reçu tout un tas de messages et d’appels compatissants de grands cavaliers et de personnes très respectées dans le sport. J’essaye de retenir le positif et je pense que cet incident a permis de prouver que le lien entre un cavalier et un cheval peut permettre de dépasser plein de choses, même quand les éléments sont contre nous. C’était mon premier grand championnat et je pensais vraiment avoir une chance de bien figurer. Notre pire parcours avant La Corogne avait dû être un quatre points… Qu’un tel scénario se produise à ce moment-là m’a fendu le cœur, mais il faut aller de l’avant.

À La Corogne, Matthew Sampson et Medoc de Toxandria ont pris part aux championnats d'Europe, après seulement une poignée de concours disputés ensemble. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Et au bout du compte, vous avez tout de même décroché l’argent par équipe !

Exactement ! C’était extraordinaire. J’ai eu une chance inouïe de pouvoir compter sur des coéquipiers si talentueux. Après ma contre-performance, je n’avais qu’un but : les aider du mieux possible. J’ai mis de côté ma déception et gardé mes larmes pour mon retour à la maison.

La seconde partie de cet entretien sera disponible mercredi sur Studforlife.com…

Photo à la Une : À Lyon, Matthew Sampson et Daniel ont signé un excellent parcours à quatre points dans l'étape de la Coupe du monde Longines. © Mélina Massias