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“On m’a proposé de prendre part à des Coupes des nations, mais c’était encore trop tôt pour Calasto”, Michel Robert

Avec Calasto, Michel Robert a de nouveau pris part à des épreuves 5* à Lyon, quatre ans après sa dernière apparition à ce niveau.
Interviews mercredi 5 novembre 2025 Jocelyne Alligier

S’il fallait un nom pour illustrer le slogan “l’équitation de sept à soixante-dix-sept ans”, celui de Michel Robert s’imposerait aisément. Le détenteur du palmarès français le plus garni en saut d’obstacles, avec quinze médailles en grands championnats internationaux, une victoire en finale du Top Ten IJRC, une autre lors de la finale du Longines Global Champions Tour et de multiples succès en Grands Prix et Coupes des nations, fêtera son soixante-dix-septième anniversaire à la veille de Noël prochain. En octobre 2013, il annonçait son retrait des compétitions de très haut niveau, sans pour autant laisser ses bottes au vestiaire. Depuis, son inoxydable silhouette trouve toujours sa place aux remises des prix. Sa belle saison 2025 lui a ouvert, une nouvelle fois, les portes du CSI 5*-W de Lyon, quatre ans après sa dernière participation à ce niveau. Engagé dans les épreuves intermédiaires, l’Isérois s’est offert de chaleureuses ovations mais aussi une belle sixième place à 1,50m avec Calasto, son meilleur complice actuel. Rencontré durant le CHI Longines Equita Lyon, concours emblématique du calendrier hexagonal et dont il a accompagné l’évolution, Michel Robert a posé son regard sur les mutations du sport, la nouvelle génération et évoqué quelques beaux souvenirs.

Une célèbre photo vous montre juché sur le dos d’un mouton à seulement quatre ans, mais depuis quand pratiquez-vous la compétition ? Êtes-vous agacé par le fait que votre âge soit régulièrement évoqué ?

Non, pas du tout, parce que dans ma tête, je suis constant ! Ce sont les autres qui me rappellent mon âge, et cela m’oblige à me resituer. Je pense que la limite est là où chacun décide de la mettre. J’ai commencé à monter très jeune, mais surtout en extérieur. Nous faisions de la randonnée, de la voltige cosaque … J’ai participé à mon premier concours vers douze ou treize ans. En octobre 2013, lorsque j’ai annoncé arrêter le haut niveau, cela était avant tout dû au système du classement mondial de la Fédération équestre internationale (FEI). Pour avoir accès aux meilleurs concours, il faut figurer parmi les trente premiers, ce qui inflige une pression permanente. Je trouvais cela usant. Je voulais m’en décrocher et surtout ne pas l’imposer à mes chevaux. Mais il était évident que j’allais poursuivre la compétition, pour continuer à progresser !

Si une médaille de la longévité sportive existait, celle de Michel Robert, encore classé à 1,50m au niveau 5* et gagnant en Grand Prix 3* à soixante-seize ans, décrocherait assurément celle d'or ! © Mélina Massias

À Lyon, vous avez affronté votre premier CSI 5* en quatre ans. Sur la piste, vous avez croisé des concurrents qui pourraient presque être vos petits-enfants. Lorsque vous aviez vingt, vingt-cinq ans, à quel niveau de compétition évoluiez-vous ?

Au début des années 70, je tournais en saut d’obstacles et en concours complet. En 1972, j’ai remporté le Grand Prix du CSIO d’Ostende avec Un Prince C (Prince) puis été le cinquième meilleur français du Grand Prix de La Baule, ce qui m’offrait une place aux Jeux olympiques de Munich. Mais j’étais déjà qualifié avec deux chevaux en complet ! J’étais le plus jeune de l’équipe de complet, et tous les cavaliers de saut d’obstacles étaient plus âgés. Dans mes dernières années de compétition sur les grands circuits de jumping, je me suis souvent retrouvé aux remises des prix avec des cavaliers beaucoup plus jeunes, comme en 2013 (à presque soixante-cinq ans, ndlr), lorsque j’ai gagné le Grand Prix 4* de Bourg-en-Bresse avec Oh d’Eole (Kannan). En additionnant les âges du deuxième, l’Italien Lorenzo de Luca (vingt-sept ans, ndlr), et du troisième, l’Anglais Daniel Nielsen (vingt-trois ans, ndlr), on arrivait à un total inférieur à mon âge !

Oh d'Eole, dont l'un des nombreux fils, Commilf'oh de la Marchette (Comme Il Faut), semble séduire les éleveurs, a été la partenaire des derniers grands rendez-vous vécus par Michel Robert. © Jean-Louis Perrier

Est-il plus facile de faire sa place au très haut niveau aujourd’hui pour un jeune cavalier ?

Non, je ne crois pas. Les places sont chères pour entrer dans les grands concours ! À mon époque, c’était plus facile d’avoir une sélection car il y avait moins de couples performants. En 1982, pour le Mondial de Dublin, j’ai été sélectionné avec Idéal de la Haye (Amarpour) alors que nous n’avions pas vraiment obtenu de grandes performances. Mais Idéal pouvait sauter des parcours imposants, et il fallait un cavalier courageux ! Nous sommes finalement revenus avec l’or par équipe et le bronze individuel. Pour qu’un jeune puisse percer, il lui faut désormais trouver un très bon cheval, ce qui implique des moyens financiers, puis une très bonne gestion pour ne pas hypothéquer la suite de sa carrière. Je trouve que certains grillent les étapes, se laissent griser et vont sur des concours pour lesquels leurs chevaux ne sont pas vraiment prêts. Cela finit toujours par se payer. Il y a parfois des sélections qui me surprennent, mais lorsqu’on manque de réservoir pour les grandes échéances, on envoie parfois des couples qui ne sont pas forcément armés pour ce niveau-là. C’est mauvais pour la suite. Il faut avoir plus de patience pour construire un cheval pour le très haut niveau !

À la nouvelle vague qui émerge au plus haut niveau, en France comme ailleurs, Michel Robert ne peut que recommander la patience. © Sportfot

Pensez-vous que d’autres pays se sont mieux préparés pour mettre en avant la jeune génération ?

Oui, les Belges l’ont d’ailleurs montré cet été aux championnats d’Europe. La nouvelle génération des Diables Rouges présente une très belle équitation, qui n’a rien à voir avec celle de leurs aînés d’il y a une trentaine d’années. La qualité des chevaux et le nombre de cavaliers entre dix-huit et trente ans capables de faire du très haut niveau sont impressionnants ! Ils ont su mettre en place tout un système solide. En France, on voit arriver de nouveaux talents, mais l’effectif est encore faible et fragile. Ce n’est pas facile. Il faut avoir la trésorerie nécessaire, comme c’est le cas de certaines écuries, mais il faut aussi savoir gérer et préserver le bon cheval lorsqu’on l’a trouvé.



Vous avez presque toujours été présente à Equita Lyon depuis la création de l’événement, il y a trente et un ans. Quels sont vos souvenirs sportifs du circuit de la Coupe du monde ?

Je crois qu’il n’y a qu’une année où je n’étais pas à cheval à Equita Lyon ! J’ai gagné des épreuves, mais jamais le Grand Prix, dont j’ai pris la septième place la dernière fois que je l’ai couru, en 2012, avec Oh d’Eole. Je crois que je n’ai participé qu’à une finale de la Coupe du Monde, il y a longtemps, car je n’étais pas trop passionné par ce circuit indoor. Je suis plus un cavalier d’extérieur, qui apprécie les grands terrains comme Dublin, Hickstead, La Baule, Dinard, Aix-la-Chapelle, Calgary, etc. Cela me plaît davantage ! Mais nous nous sommes adaptés à la multiplication des événements en intérieur, qui ont marqué une grande évolution dans notre sport.  Avant, nous avions une trêve hivernale, qui durait de fin octobre à avril. Nous reprenions la saison sur un concours comme celui de Dijon, avant d’aller à Rome, par exemple. C’était une autre époque ! Avec la Coupe du Monde, les indoors se sont développés, même en dehors de ce circuit, comme en France avec des concours à Tours, Nantes… Lyon a connu une progression incroyable ! Le circuit intérieur a beaucoup apporté à notre sport. Certains chevaux connaissent plus de réussites sur ce type de concours et certains cavaliers y sont aussi plus à l’aise que sur des grands terrains. L’ambiance est différente : c’est du sport en salle. Pour l’aspect médiatique, cela est aussi beaucoup plus spectaculaire, notamment en raison de la proximité du public, dont l’euphorie se ressent facilement. Même si je reste un adepte de l’équitation d’extérieur, c’est très positif pour notre sport. Il y a un autre gros avantage : nous ne sommes pas à la merci de la météo ! Pour avoir organisé, il y a très longtemps, des concours lorsque j’étais à Béligneux, je sais que s’il pleut pendant trois jours, c’est un gros souci.

Avec Kellemoi de Pépita, l'ancien pilier des Bleus était cinquième du Grand Prix de la Coupe du monde de Lyon en 2011. © Jean-Louis Perrier

Vous avez intégré l’équipe de Sylvie Robert et participé à l’évolution d’Equita Lyon. Quel rôle avez-vous occupé et occupez-vous toujours ?

Je pense que j’ai été davantage utile au début, notamment pour orienter Sylvie Robert vers les bonnes réponses face aux demandes des cavaliers, pour éviter les erreurs sur les programmes de concours, sur le choix des chefs de piste, la qualité des sols. Sur ce dernier point et d’une manière générale, nous avons vraiment progressé grâce au travail des fabricants de sol ! Il y a trente ans, je souffrais beaucoup pour mes chevaux : trop souvent, nous avions des terrains qui ne convenaient pas du tout ! L’évolution d’Equita s’est faite progressivement, avec toute l’équipe de Sylvie. Je ne pense pas avoir apporté de chose révolutionnaire. Le tout était d’arriver à faire venir des grands cavaliers pour attirer le public, et donc avoir des sponsors, bénéficier de la présence des médias, etc. C’est un ensemble de choses qui s’enclenchent dans une grosse machine. Maintenant, l’équipe de Sylvie Robert est très au point. On l’a vu avec l’organisation des compétitions équestres lors des derniers Jeux olympiques !

En présence de Sylvie Robert et Gérard Larcher, ancien vétérinaire de l'équipe de France de saut d'obstacles, notamment lors des Jeux olympiques de Montréal, Michel Robert a reçu la légion d'honneur en 2014, en marge de la finale de la Coupe du monde, organisée à Lyon. © Jean-Louis Perrier

Le sport moderne ne vous semble-t-il pas confronté à un problème interne de concurrence accrue entre les différents circuits, qu’il s’agisse de la Coupe du monde, du Global Champions Tour, du Grand Slam Rolex ou encore de la Ligue des nations ? 

Non, pas du tout ! Ce n’est pas un risque car il y a de plus en plus de très bons cavaliers, avec de très bons chevaux. En France, dans les années 80, on ne trouvait qu’une vingtaine de chevaux capables de faire un bon parcours à 1,60m ; ils sont désormais beaucoup plus ! Et c’est pareil dans les autres pays. C’est le résultat d’un ensemble de choses, autour de l’engouement pour ce sport, qui nous dépasse parfois, à l’image de phénomènes comme les championnats de France de Lamotte-Beuvron ou tout le circuit poney, qui attire de nombreux cavaliers. Je crois que la concurrence est une très bonne chose. Il y a une dizaine d’années, on craignait que le Global Champions Tour de Jan Tops prenne le pas sur tout le reste et dégrade l’image du sport, car il y avait beaucoup de petits terrains, une sélection orientée sur l’argent plus que sur le sport… C’était un gros risque et cela aurait été une catastrophe pour notre sport de voir disparaître les autres concours ! Mais, heureusement, un équilibre s’est trouvé. J’aime beaucoup cette concurrence, qui oblige les organisateurs à progresser. On le voit à l’échelle régionale, comme ici en Rhône-Alpes avec la progression de Mâcon, qui oblige les autres concours à se mettre au niveau. On voit de nombreux concours, à l’instar de Compiègne, qui s’améliorent. Au très haut niveau, je crois que la concurrence entre Longines et Rolex est très bonne. De même, le développement de certains pôles, en Espagne, à Vilamoura ou à Gassin, est bénéfique. Cela permet aux cavaliers de rester trois semaines à un endroit, réduisant de fait les transports. C’est une bonne façon de former des chevaux, et cela permet à des cavaliers qui ont parfois du mal à obtenir des sélections d’accéder à de bons concours. C’est bien pour la nouvelle génération, qui peut ainsi s’orienter vers des compétitions plus formatrices que celles que l’on trouve en région. J’encourage les cavaliers que je fais travailler à participer à ces tournées car elles sont de bonne qualité et permettent une confrontation internationale, qui tire vers le haut.

Michel Robert voit l'évolution du sport et la multiplication des circuits de saut d'obstacles d'un œil positif, soulignant la concurrence saine qui pousse les uns et les autres à faire toujours mieux. © Mélina Massias

À Lyon, vous avez monté Calasto (Calvaro), un hongre alezan de onze ans neveu de l’étalon Bustique. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ?

Je le monte depuis trois ans. Je cherchais un cheval sympa pour moi et je l’ai trouvé chez Marie Demonte lorsqu’il avait huit ans. Je l’ai formé tranquillement. Après un an ou deux à écoper de petites fautes, il a fait une saison formidable en 2025, et notamment gagné le Grand Prix 3* du Pin. Il s’est montré très régulier. Au début, il était un peu lourd, mais il a maintenant de plus en plus de sensibilité et devient très compétitif. On m’a proposé de prendre part à des Coupes des nations, mais c’était encore trop tôt pour lui. C’est Calasto qui me dira quelle sera la suite ! L’équitation est mon plaisir ; je n’aime ni le golf, ni la pêche, et je ne veux pas m’embêter chez moi ! Alors, je pratique le sport que j’aime et je me régale à monter mes chevaux !

Préférant les grandes pistes extérieures à celles, souvent plus étroites, intérieures, Michel Robert a eu plaisir à évoluer avec son meilleur complice, Calasto, à Dinard, dans les épreuves du CSI 3* cet été. © Sportfot

Photo à la Une : Avec Calasto, Michel Robert a de nouveau pris part à des épreuves 5* à Lyon, quatre ans après sa dernière apparition à ce niveau. © Mélina Massias