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“Notre système nous permet de tout faire de A à Z”, Olivier Perreau (3/3)

Olivier Perreau
samedi 21 octobre 2023 Mélina Massias

Huitième des derniers championnats d’Europe de Milan avec sa fantastique GL Events*Dorai d'Aiguilly, Olivier Perreau vit l'une des plus belles périodes de sa carrière sportive. Discret, calme et travailleur, le natif de Saulieu a mis au point, au fil des années, un système bien rodé. De l’élevage à la formation en passant par la performance à haut niveau, le Tricolore maîtrise chaque maillon de la chaîne. Un avantage non négligeable dans sa quête, toujours raisonnée, des sommets. Passionné par les jeunes chevaux, qu’il observe tantôt dans l’un de ses vastes prés, tantôt sur leurs premiers parcours en compétition, le père de famille cache encore bien des cartes entre Vougy et Iguerande, où sont établis son écurie et son élevage, au bord de la Loire. En septembre, l’actuel soixante-troisième meilleur cavalier du monde a ouvert les portes de son havre de paix à Studforlife et livré quelques-uns de ses secrets. Rencontre en trois épisodes.

Les premières et deuxièmes parties de ce reportage sont à (re)lire ici et ici.

Trois ans après accueilli GL Events*Dorai d'Aiguilly dans sa vie, Olivier Perreau a vu débarquer un autre produit de sa précieuse Bijou Orai, aussi douée sur les épreuves de puissance que face au chronomètre dans ses jeunes années. “Dorai a un frère de sept ans, Game Changer Aiguilly, un étalon par Big Star (né What A Quick Star R, ndlr). Je pense qu’il s’agit aussi d’un cheval à fort potentiel. Il est différent de Dorai, mais me semble être destiné à sauter de gros parcours. L’idée est en tout cas d’essayer de faire de lui un cheval de Grand Prix”, se projette-t-il. Le bien nommé a déjà découvert les somptueuses pistes traditionnelles de Saint-Gall et Aix-la-Chapelle cette année, à l'occasion d'épreuves réservées à sa classe d’âge. De quoi laisser rêveur pour l’avenir. Bijou Orai, qui attend deux embryons par le champion de Belgique en titre, Ermitage Kalone, pour 2024, a quelques autres jeunes produits. Parmi eux, Ijou d’Aiguilly (Mylord Carthago), dont la plaque nominative orne son box à Vougy. Le jeune homme de cinq ans a réalisé sa première saison de concours cette année, avec huit sans-faute sur neuf parcours.

Olivier Perreau fonde beaucoup d'espoirs sur le charismatique Game Changer d'Aiguilly. © Mélina Massias

Ijou d'Aiguilly ouvre les yeux pour une photo après une petite sieste. © Mélina Massias



Via sa meilleure fille, Bijou Orai a deux petites-filles, Jalousie d’Aiguilly, mère de No Limit d’Aiguilly, et Gaufrette Clairbois (Ginger des Forêts), propriété de Nicolas Deseuzes, ainsi qu’un petit-fils, Imhotep d’Aiguilly (Luidam). Ce dernier a réalisé une saison parfaite sous la selle d’Olivier, avec neuf clear rounds en autant de sorties. “Il a beaucoup de similitudes avec sa maman”, apprécie le cavalier-éleveur. En revanche, et tout comme pour GL Events*Venizia d’Aiguilly, qui n’a eu qu’une pouliche par Vigo d’Arsouilles en 2017 pour le compte de Dominique Guichard et Charlotte Léoni, pas question d’abuser des transferts d’embryons en pleine carrière sportive pour GL Events*Dorai d’Aiguilly. Il faudra attendre que ces deux grandes dames quittent la vie sportive pour voir leur descendance s’étoffer. 

La chic Jalousie d'Aiguilly et son fils, le curieux No Limit d'Aiguilly. © Mélina Massias

La qualité naturelle

Au milieu de ses semaines chargées, Olivier trouve toujours du temps pour aller voir ses poulains grandir et gambader dans les prés. “J’aime aller faire le tour de l’élevage, observer les jeunes, voir comment ils évoluent, surveiller leurs aplombs”, énumère-t-il. “Dès leur plus jeune âge, je prête beaucoup d’attention à ce dernier point, afin de pouvoir en discuter avec le maréchal. J’apprécie aussi d'échanger avec Michel sur la gestion des prés, les diverses tâches à effectuer à la ferme. J’ai toujours l’amour du cheval. C’est sans doute ce qui me plait le plus dans l’élevage. Ensuite, il y a le choix des croisements. J’aime mes juments, qui m’ont souvent donné beaucoup de satisfaction dans le sport. Comme je les ai montées en piste, je connais leurs qualités et je sais aussi ce qu’elles auraient pu avoir en plus. J'essaye de faire mes croisements à partir de ces informations. Je pense qu’il est très important de bien connaître les étalons que l’on choisit. Pour ma part, j’estime ne pas assez connaître les jeunes étalons. C’est peut-être une erreur, mais j’utilise davantage des mâles confirmés. Je fais parfois quelques exceptions pour de jeunes étalons, notamment pour les miens, dont je connais les qualités intrinsèques. La qualité naturelle d’un mâle est primordiale à mes yeux. Et il est facile de faire une jolie vidéo d’un cheval ordinaire. En concours, je regarde un peu les étalons, et j’observe aussi les modes. Par exemple, j’ai suivi les championnats du monde Lanaken et j’ai analysé toutes les origines qui ressortaient. Cela m’a donné deux ou trois idées pour l’année prochaine, qui resteront pour l’heure confidentielles ! (rires)”

"J'ai toujours l'amour du cheval", Olivier Perreau. © Mélina Massias

Pour autant, pas question de négliger la voie femelle, bien au contraire. “Il me semble important d’avoir des juments modernes, avec beaucoup d’énergie, du cœur, et de la rapidité dans les jambes. J’aime que les chevaux soient réactifs dans leur geste de devant. Mon but est de produire des chevaux volontaires, courageux, si possible avec de l’équilibre, et avec de l’énergie pour pouvoir galoper vers l’obstacle. Il est facile de trouver un étalon lent avec des moyens, mais aujourd’hui, le sport demande d’avoir des chevaux modernes”, souligne-t-il. 

Game Changer d'Aiguilly attire inévitablement le regard. © Mélina MassiasBijou Orai et Olivier Perreau. © Scoopdyga



Et de compléter : “J’aime voir naître et évoluer les poulains sous la mère, puis les regarder grandir, les imaginer dans le futur. L’élevage demande du temps sur le long terme et de la patience. Nous avons développé cette activité progressivement. Il faut attendre au moins dix ans, durant lesquels il faut investir, avant d’espérer avoir de belles retombées en élevage. J’ai la chance d’avoir de bonnes souches et de bonnes juments. Nous nous adaptons en fonction des mères et de leur âge ; certaines portent leurs poulains elles-mêmes, d’autres font parfois du transfert d’embryon. J’essaye d’avoir entre dix et quinze poulains par an pour l’instant. Cela me permet d’avoir une douzaine de chevaux de quatre ans issus de l’élevage qui viennent garnir les rangs de l’écurie de sport tous les ans. Aujourd’hui, j’ai un piquet presque assuré pour les prochaines années. Désormais, à moi de m’organiser, de gérer mon écurie et l’élevage, afin de pouvoir allier le sport et le commerce. Les deux sont complémentaires ; on ne peut pas faire que du sport. On est obligé de vendre certains chevaux.” 

"L'élevage demande du temps sur le long terme", Olivier Perreau. © Mélina Massias

Si Olivier ne s’interdit pas de vendre un foal de temps en temps, là n’est pas l’objectif final de sa démarche. Le passionné préfère voir ses protégés grandir, puis décider de la suite avec quelques années de recul. Pour maximiser ses chances de réussites, il s’appuie sur trois souches principales : celle de Bijou Orai et GL Events*Dorai d'Aiguilly, précédemment évoquée, celle de GL Events*Venizia d'Aiguilly, dont la mère, Perle de Félines, a également donné la toute bonne Utah d’Aiguilly (Kashmir van’t Schuttershof), mère de trois jeunes “d’Aiguilly”, ou encore Faline d’Aiguilly (Vigo d’Arsouilles), poulinière sur ses terres natales, ainsi que celle de Ballade van het Indihof (Thunder van de Zuuthoeve x Heartbreaker), mère de la géniale Elky van het Indihof (Toulon), très bonne gagnante internationale, et dont le reste de la jeune production s’annonce prometteur. “En tout, nous avons quatre ou cinq souches différentes. J’essaye de travailler par la suite avec les filles de nos poulinières principales”, révèle Olivier. De temps en temps, il n’hésite pas non plus à se diversifier en faisant l’acquisition d’une bonne pouliche ou d’un embryon issu d’une souche qui l’intéresse. En s’appuyant rapidement sur les filles de ses matrones, avant qu’elles n'entament leur carrière sportive, ou en les vouant directement à la reproduction, le discret cavalier accélère également le progrès génétique de ses lignées, lui permettant doublement d’envisager l’avenir avec sérénité. 

Horus d'Aiguilly, six ans, est le propre frère d'une certaine Elky van het Indihof. Et à première vue, il ne semble pas manquer de moyens ! © Sportfot

Le prometteur Crack d'Aiguilly, huit ans, a fait ses débuts avec Simon Delestre il y a quelques jours. Le fils de Comme Il Faut défend les couleurs d'une autre souche d'Olivier Perreau, celle de la KWPN Uata. © Hippo Foto / Sharon Vandeput

Les éleveurs, indispensables acteurs du sport

Ces derniers mois ont prouvé la capacité de toute l’équipe Perreau à atteindre ses objectifs. “Notre système nous permet de tout faire de A à Z. Nous faisons naître et sommes désormais capables d’emmener une jument dans un grand championnat. Nous parvenons donc à franchir toutes les étapes. C’est plaisant. Et, surtout, nous pouvons nous adapter à chaque cheval et lui permettre de repartir au pré à cinq ou six ans si cela est nécessaire. C’est l’avantage d’avoir de la place et une composante très importante de notre fonctionnement”, complète le père de famille. 

Mary Lou d'Aiguilly. © Mélina Massias



Si de plus en plus de cavaliers se lancent dans l’aventure de faire naître leurs propres poulains, par passion ou par contrainte économique, les éleveurs peinent encore et toujours à être reconnus à leur juste valeur. Pourtant, sans eux, pas de sport. “Nous avons besoin des éleveurs, mais ce métier est très compliqué. Pour moi, avoir les bonnes juments est une priorité. Lorsqu’on achète une saillie, les frais sont les mêmes, quelle que soit la qualité de la poulinière. Ensuite, l’élevage est un long processus, qui implique de nombreux coûts”, martèle Olivier. “Avant, il existait la prime au naisseur. Peut-être qu’un système de récompenses financières pour les naisseurs de chevaux atteignant un certain niveau pourrait émerger. On voit des chevaux arriver à haut niveau alors qu’ils ont peut-être été vendus très jeunes par leurs éleveurs. Je ne sais pas quelles solutions sont envisageables, mais nous avons besoin des éleveurs. Leur travail mérite d'être reconnu à sa juste valeur. En France, nous avons la chance d’avoir un super élevage, notamment avec le très bon stud-book Selle Français. Bien sûr, on va parfois chercher des qualités chez des chevaux étrangers pour améliorer notre génétique, mais comme cela s’est fait dans le sens inverse il y a quelques années, avec des étalons comme Almé, devenu un grand chef de race. En tout cas, nous n’avons pas à rougir de notre pays en matière d’élevage. Nous avons de super éleveurs et chevaux, ainsi qu’un excellent format de compétition avec le Cycle classique, qui offre de très bons parcours, construits spécialement pour les chevaux de quatre, cinq et six ans, et qui se déroule souvent le mardi et le mercredi, permettant aux cavaliers professionnels d’y participer. Nous avons beaucoup d'atouts en France.”

Tous trois nés chez Olivier Perreau, GL Events*Venizia d'Aiguilly, et les deux frères et soeurs utérins, Game Changer d'Aiguilly et GL Events*Dorai d'Aiguilly, ont défilé dans l'antre d'Aix-la-Chapelle l'été dernier. Une sacrée récompense pour un éleveur et cavalier ! © Mélina Massias

À Vougy et Iguerande aussi, il y a beaucoup d’atouts. Entre ses trois carrières, son manège, ses boxes, son spa avec eau de mer froide pour la décontraction et la récupération des membres des chevaux, son marcheurs, ses dix-huit paddocks verdoyants, son tapis roulant et ses prairies avoisinantes, le havre de paix d’Olivier Perreau a tout pour lui. Après la réussite de Milan, l’avenir s’annonce tout aussi radieux, si ce n’est plus, pour la révélation française de l’année et les nombreuses pépites qui garnissent ses prés. 

Désormais parfaitement rodée, la méthode Perreau est en marche vers de nouvelles réussites. © Mélina Massias

Photo à la Une : Olivier Perreau est ici entouré de deux prometteurs chevaux : Jalousie d’Aiguilly, la fille de GL Events*Dorai d’Aiguilly, et son fils, No Limit d’Aiguilly. © Mélina Massias

Retrouvez Olivier Perreau dans un numéro exclusif de Riders Club, présenté par Kamel Boudra.