Comme toutes les Coupes des Nations de la saison 2020 en Europe, le CSIO de St-Gall a annulé son édition. Retour avec sa présidente sur les diverses difficultés auxquelles doivent faire face les concours ainsi que les fédérations internationale, européenne et nationale.
Présidente du CSIO de St-Gall, membre du comité de la Fédération Suisse des Sports Equestres (FSSE) et de l’European Equestrian Federation (EEF), actuelle présidente du Nominations Commitee de la FEI, Nayla Stössel nous donne sa vision et ses explications détaillées sur la situation actuelle, notamment grâce à ses multiples casquettes.
Studforlife : Annuler le CSIO de St-Gall n'a sans doute pas été une décision facile. Expliquez-nous comment cela s'est fait et surtout quelles sont les conséquences pour votre manifestation ?
Nayla Stössel : Nous avons d’abord envisagé de repousser cette édition en automne. Toutefois, nous avons finalement renoncé à cette possibilité, car même si de nombreux sponsors nous auraient suivi, certains se voyaient rassurés, durant cette période d’insécurité, de ne pas avoir un grand événement à soutenir. Il faut aussi ajouter à cela que nous aurions perdu notre force de ne plus faire partie d’une série, comme c’est le cas avec la Coupe des Nations. De plus, nous sommes également soutenus par l’armée, et les dirigeants de cette dernière nous ont expliqué qu’en situation de crise, leur soutien allait en priorité à la population suisse. Ils n’auraient pas pu, comme c’est habituellement le cas, nous prêter main-forte si nous faisions un concours en automne. Cela aurait eu un grand impact sur notre budget. Et finalement, la situation étant tellement incertaine, nous n’aurions pas pu être sûrs que les compétitions auraient repris, même en automne. Le choix de la FEI d’annuler la série des Coupes des Nations a été une bonne décision. J’espère que la finale à Barcelone pourra tout de même avoir lieu. Ce choix a permis d’assurer que le planning sera le même en 2021. Il y aura les mêmes équipes dans les mêmes Coupe des Nations que celles prévues cette année.
SFL : Et la possibilité d’organiser un concours national ?
Nayla Stössel : Nous y avons songé, avant de renoncer finalement. Notre histoire est trop étroitement liée à celle des Coupes des Nations pour cela. En outre, nous aurions dû changer tout le concept de notre manifestation, notamment au niveau des médias et du sponsoring. Nous avons donc decidé d’annuler l’édition 2020 et de revenir en force en 2021.
SFL : Vous faites partie d'une commission exceptionnelle créée par la Fédération suisse des sports équestres (FSSE) pour gérer la crise du Covid-19. En quoi est-ce que cela consiste ?
Nayla Stössel : Nous sommes plusieurs actrices et acteurs du milieu du cheval à avoir été solicités pour intégrer cette Task Force. Pour ma part, c’est surtout mon rôle d’organisatrice qui est utile lorsque nous échangeons au sujet des différentes possibilités avec mes homologues. Damian Müller et Charles Trolliet font beaucoup, notamment au niveau du Conseil Fédéral. Ils font pression sur nos politiques pour qu’ils comprennent les problèmes specifiques liés à notre filière. Une lettre a été adressée à nos autorités afin que les chevaux d’école ne pouvant plus travailler puissent bénéficier d’un support financier de l’état durant cette période de semi-confinement. La demande a été rejetée, mais nous continuerons d’agir par d’autres biais pour que les écoles d’équitation ne soient pas les grands perdants de cette crise.
SFL : Quand pensez-vous que les compétitions pourront reprendre ?
Nayla Stössel : Personne n’a la réponse à cette question. Toutefois, au sein de cette Task Force de la FSSE, nous essayons d’envisager différents scénarios. Nous devrions avoir des nouvelles fin mai pour les compétitions. Ce qui est une bonne chose pour l’instant, c’est que le Conseil Fédéral a permis que les cours d’équitation puissent reprendre à partir du 11 mai. Il faudra toujours respecter les mesures d’hygiène ainsi que la distanciation sociale (qui implique en particulier une limite fixée à 5 cavaliers en même temps sur les installations), mais c’est un signal positif pour notre branche.
SFL : Vous êtes également active au sein de la FEI. À quels enjeux est-elle confrontée ?
Nayla Stössel : Il s’agit avant tout de questions de calendrier. De nombreux concours aimeraient pouvoir déplacer leur date en automne. Toutefois, le règlement stipule que si un CSI désire se mettre sur les dates d’un CSI déjà existant, c’est à ce dernier de donner son accord. Cette règle a été mise en suspens ces derniers jours par la FEI – et ce à priori jusqu’en août – afin de permettre à un plus grand nombre de concours de se tenir. Toutefois, je reste sceptique face à la possibilité que les concours reprennent normalement. Il y a tellement d’inconnues, notamment au niveau de la mobilité. Personne ne sait quand les voyages entre les pays seront à nouveau possibles. La FEI devra aussi prendre garde au classement mondial, car si certains pays peuvent reprendre les compétitions internationales avant d’autres, cela pourrait modifier injustement ce classement.
SFL : Plus largement, à quels changements pensez-vous que le sport équestre va devoir faire face ces prochains mois et années suite à la crise du Covid-19 ?
Nayla Stössel : Je pense que l’on aura tiré de nombreuses leçons de cette crise. Au niveau des pays, il serait bien de se diriger vers une plus grande autonomie. On ne peut pas tout produire en Chine. On a aussi pu se rendre compte qu’il était possible de travailler, de se rencontrer et d’échanger sans pour autant voyager. De nombreux outils digitaux permettent une très bonne communication. Cela permettra sans aucun doute de faire d’importantes économies. Au niveau du sport équestre, je ne pense pas que cela va réellement changer les choses, tout ne va pas être différent, mais peut-être prendrons-nous conscience que c’est un sport qui coûte cher, notamment au niveau de la mobilité des chevaux, que l’on fait régulièrement voyager d’un pays à l'autre. On va peut-être chercher d’autres possibilités. Ce qui ne va pas changer, par contre, c’est le besoin de rencontre. Les gens auront toujours envie de se retrouver.
SFL : Au niveau plus personnel, comment vivez-vous cette période ?
Nayla Stössel : C’est très particulier pour moi, puisque je suis devenue maman pour la deuxième fois début mars. C’est vraiment un période spéciale, je ne suis pas près de l’oublier…