À soixante et onze ans, Michel Chambon s’en est allé. Chef de piste émérite jusque sur la scène internationale et personnage apprécié de tous, l’Auvergnat s’était fait un nom, grâce à sa gentillesse, sa bienveillance, son caractère et son humour. Sa disparition laisse un immense vide dans le cœur de sa famille, de ses proches et de ses amis.
Tous gardent de lui le souvenir d’un grand professionnel et d’un homme généreux, fidèle et engagé. Michel Chambon a été emporté par un cancer, à l’âge de soixante et onze ans. Pour quitter les siens, il a choisi la date symbolique du 15 avril, celle de l’anniversaire de feu son épouse, Dominique Chambon, elle aussi investie dans le milieu équestre et partie quelques années avant lui.
Passionné de la première heure, Michel Chambon a d’abord embrassé une brillante carrière de cavalier de saut d’obstacles, évoluant en première catégorie et collectionnant les victoires et classements à 1,40m et plus. Puis, il a donné un nouveau tournant à sa carrière, toujours près des chevaux, en devenant chef de piste. Notamment formé auprès de Jean-François Gourdin, Michel Chambon avait aussi appris de ses homologues étrangers, de l’Allemand Frank Rothenberger à l’Italien Uliano Vezzani. Au fil des années, il était devenu un constructeur de parcours renommé, que tout le monde s’arrachait, et comptait parmi les quatorze chefs de piste français de niveau 3. Des épreuves poneys aux pistes internationales, l’attachant septuagénaire aura fait profiter tout le monde de son talent. Ce talent et ce sens du tracé, Michel Chambon n’a d'ailleurs pas oublié de le transmettre, en formant la relève. En début d’année, il assistait encore à un stage à Lamotte-Beuvron et s’imaginait officier sur plusieurs terrains de compétition tout au long de l’année, preuve de son courage et de sa dévotion sans faille.
Cavalier, marchand, éleveur, chef de piste : Michel Chambon faisait tout avec talent. © Mélina Massias
“La belle-famille de Michel organisait, il y a déjà près de cinquante ans, un concours à La Bourboule, avec des épreuves équivalentes aux Pro 1 d’aujourd’hui. C’était un super chef de piste, que tout le monde voulait avoir sur son concours. Nous nous sommes côtoyés pendant près de vingt-cinq ans et avons partagé un sacré nombre de concours ensemble ! Nous avons toujours travaillé dans la bonne humeur. Michel était une personne formidable”, se remémore Christian Grosshenny, dont il a toujours été très proche. “Michel était un bel ami. Il a d’abord été celui de Christophe, mon mari, puis est aussi devenu le mien. J’ai l’impression que nous l’avons toujours connu”, se souvient, à son tour et avec émotion, Marie-Laure Deuquet, qui sait toujours trouver les mots justes. “Michel a d’abord été un cavalier talentueux. Il gagnait toutes les B1 (des épreuves à 1,35, 1,40m, ndlr) ! Il est ensuite devenu chef de piste, et avait le même talent. Dans les premières années du Grand National, nous organisions une étape à Lignières. Michel n’avait encore jamais construit de parcours pour un Grand Prix à 1,50m, mais Christophe lui avait dit que le chef de piste, ce serait lui et personne d’autre. Il avait dormi dans la chambre au-dessus de la nôtre ce week-end là, et avait cogité toute la nuit, s’était levé et avait imaginé des plans par dizaines. Finalement, il avait proposé un parcours remarquable et obtenu le bon nombre de sans-faute. Tout avait été parfait et cela l’avait, en quelque sorte, lancé dans le grand bain. Michel avait d’ailleurs remercié Christophe pour cette opportunité. Il est ensuite devenu chef de piste international et avait obtenu une belle reconnaissance de la part de tous ses pairs. La famille des chefs de piste a perdu un ami, un père, un formateur.”
Parmi ses plus fidèles amis, Eddy Castellon, lui aussi chef de piste de niveau 3 et enseignant à la maison familiale et rurale de Saint-Flour, garde également un souvenir impérissable de l’Auvergnat. “J’ai d’abord connu Michel en tant que cavalier, puis en tant que chef de piste. Plus jeune, j’étais homme de piste et je ramassais les barres sur certains parcours qu’il construisait. J’habitais à côté de Montpellier et il venait régulièrement dans le Sud. Je l’ai souvent aidé à mettre en place ses parcours. De fil en aiguille, Michel et Jean-François Gourdin m’ont transmis leur passion et je suis, à mon tour, devenu chef de piste”, raconte-t-il. “Lorsque j’ai été nommé chef de piste, Michel m’a aidé et m’a donné accès à des concours afin que je puisse commencer à travailler. Même si nous ne nous voyions pas tout le temps, nous sommes toujours restés proches. Nous nous appelions tous les deux, trois jours, et chaque dimanche en rentrant de concours. C’était notre rituel. Nous débriefions nos journées, ce qui avait bien fonctionné et moins. Michel était foncièrement gentil, profondément humain, et a beaucoup donné. Il a formé plein de personnes, notamment les chefs de piste de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à l’image d’Alexis Donnadieu, Martin Corgne, Manuel Eichner, etc. Il a participé à la formation et l’émergence de la relève. Michel était aussi foncièrement têtu ! Je l’adorais et j’adorais son humour sarcastique. Il avait aussi un côté provocateur. Il pouvait disposer des triples avec des mélanges de couleurs inimaginables ! Plus on lui disait que cela n’était pas très beau, plus il essayait de nous convaincre qu’il s’agissait de la plus belle couleur possible. Au départ, Michel était plutôt dans l’improvisation, puis il s’est beaucoup structuré avec l’expérience, a énormément planifié ses parcours. Il a vadrouillé à travers la France et l’Europe. Chef de piste a longtemps été sa profession principale. Il pouvait faire 50 000 kilomètres dans l’année, et quarante à quarante-cinq concours dans l’année, en plus des épreuves jeunes chevaux ! Il pouvait enchaîner des déplacements à Aix-en-Provence, Pompadour, Mâcon, Montluçon et en Normandie. Le concours hippique était sa vie. Il était passionné de chevaux, et en a toujours eu. Mais, avant tout, Michel était quelqu’un de gentil et aimant.”
Michel Chambon était reconnu de ses pairs. © Mélina Massias
Au-delà du professionnel, c’est le souvenir d’un homme plein d’humour et d’amour, toujours prêt à tendre la main ou l’oreille et à passer une bonne soirée, qui domine. Et Marie-Laure Deuquet d’ajouter : “Il a été très présent après la disparition de Christophe, comme un ami plus que fidèle, et m’a beaucoup aidée, notamment dans l’organisation des concours à Tours. Il participait à l’élaboration du programme et était présent sur presque tous nos événements, en tant que chef de piste ou conseiller. En dehors des pistes, nous nous voyions régulièrement, tout au long de l’année, car nous partagions plein de passions communes. C’était un passionné de chevaux, de poneys, d’élevage, de bonne musique et de rock’n’roll. Je garde plein de bons souvenirs de soirées très festives partagées avec Michel. Il y a trois ou quatre ans, il était arrivé avec un perfecto en cuir en me lançant ‘je suis rock’n’roll, je suis un rebelle’. C’était Michel : il ne se prenait pas au sérieux, mais était extrêmement talentueux. Il ne se laissait jamais déstabiliser par ce que pouvaient penser les gens, soit de ses parcours, soit de ce qu’il était dans la vie. Et il avait beaucoup d’humour, je crois que c’est aussi un de ses traits de caractère. Humainement, tout le monde l’adorait. C’était un humaniste et on le voit à travers les réactions que sa disparition a suscitées. Tous les chefs de piste qu’il a formés lui sont extrêmement reconnaissants. Le dimanche, pour construire les Grands Prix, Michel aimait porter des pantalons de couleur, du rouge, du rose, du bleu, du jaune. C’était sa patte vestimentaire. Je ne sais pas si c’était pour faire honneur à la piste ou simplement parce qu’il trouvait agréable d’être pieds nus dans le sable, mais à chaque fois qu’il devait construire une piste, il posait aussi ses chaussures ! Des anecdotes comme celles-ci, il y en a des tonnes et des tonnes. Je garde le souvenir d’une très belle amitié, de toujours. Michel était amour, générosité, rigueur, fantaisie, gentillesse et amitié. Je ne suis peut-être pas très objective, mais, à mes yeux, il avait toutes les qualités. Le monde équestre perd un excellent professionnel, mais surtout une très belle personne.”
Installé à Lezoux, dans le Puy-de-Dôme, ces dernières années, après avoir habité à Issoire et tenu une structure à Saint-Laure, vendue à la fin de sa carrière sportive consécutive à un accident, Michel Chambon était le père de Sybile et Mathieu, et l’heureux grand-père de Kyara, qui l’a comblé de bonheur. Pour elle, il était toujours en quête du bon poney. En plus d’avoir été un excellent cavalier et chef de piste, Michel Chambon s’est aussi investi dans le commerce et dans l’élevage. Il a ainsi fait naître une dizaine de chevaux, dont Give Me Hope (Chef Rouge x Lute Antique, PS), un temps valorisée en concours complet par Lisa Gualtieri, deux et sixième de CCI 2*-S et 2*-L l’an dernier, à Charlbury et Ballindenisk sous la selle d’Isabella Innes Ker et désormais montée par la jeune Annabel Ridgway, seize ans. Preuve de l’importance de Michel Chambon au sein du paysage hexagonal, les messages et témoignages, venus de ses confrères et de cavaliers de renom, se sont multipliés. Sa perte laisse un vide immense dans le cœur de ses proches, mais sa mémoire continuera de perdurer et d’être honorée par toutes celles et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer.
Michel Chambon a rejoint son épouse au paradis. © Mélina Massias
Photo à la Une : Michel Chambon était comme chez lui sur les terrains de concours où il officiait avec brio. © Mélina Massias