“Lorsque j’allais voir le jumping de Bordeaux, ce niveau me paraissait intouchable”, Aurélien Leroy (2/2)
En une poignée d’années, Aurélien Leroy est parvenu à se construire un nom et un prénom dans le monde du saut d’obstacles. Parti du complet, à l’aube de ses treize ans, le jeune père de famille, âgé de vingt-neuf ans, a fini par se laisser rattraper par sa passion première. Travailleur, sérieux et complètement investi par son sport, le Castrais nourrit de grandes ambitions, à juste titre. Entouré par une équipe de confiance, des propriétaires désireux de l’accompagner à haut niveau et des entraîneurs avisés, le cavalier du crack Croqsel de Blaignac est prêt à gravir les marches qui le séparent de l’Olympe, sans précipitation et en respectant ses complices à quatre jambes. Portrait.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Éternel travailleur, Aurélien ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il envisage ainsi l’avenir à long terme, dans le respect de ses compagnons. “J’aime trouver des jeunes chevaux et les conduire vers le plus haut niveau possible. J’achète d’ailleurs trois à quatre foals chaque année. J’ai beaucoup d’ambitions pour le haut niveau, mais je ne ferais rien au détriment du respect de mes chevaux. Ce n’est pas facile d’arriver à haut niveau, mais il est encore plus difficile d’y rester. Pour moi, la preuve de la qualité d’un travail se voit sur la durée”, plaide-t-il, citant comme inspirations dans cette quête des Kevin Staut, Pénélope Leprevost et autres Simon Delestre, visages installés parmi l’élite de la discipline depuis de longues années. Lorsqu’il évoque sa réussite, aussi rapide que sérieuse, Aurélien rend immédiatement crédit à son équipe et aux personnes qui l’entourent au quotidien. Une forme de succès collectif. “J’ai fait de belles rencontres et ai monté de bons chevaux. En quatre ans, j’ai eu huit ou neuf chevaux pour sauter au niveau 3 ou 4*. Souvent, j’ai croisé leurs routes grâce aux aléas de la vie, via des amis, etc”, retrace-t-il.
Savoir s’entourer des bonnes personnes
S’il a longtemps entretenu des relations distantes avec son père, parti s’installer dans la région nantaise en 2008 et rester dans l’univers du complet, le Castrais a su se faire accompagner par les bonnes personnes dans sa nouvelle discipline. “Il attache beaucoup d’importance aux gens qui l’entourent”, confirme Antoine Bache, qui a beaucoup d’estime pour son protégé. “Il faut qu’il ait une confiance totale envers les personnes avec qui il travaille, que ce soit son maréchal, son vétérinaire, ses propriétaires, etc. Si le courant ne passe pas avec quelqu’un, l’histoire ne va pas plus loin. Il a un noyau solide autour de lui. Sans cela, il ne peut pas évoluer. En revanche, il est capable d’entendre les conseils de chacun. Il est vraiment travailleur, rigoureux et à l’écoute de ses chevaux. Nous travaillons ensemble depuis dix ans. Pour qu’une relation dure aussi longtemps, il faut une part d’amitié.”
Proche d’Eugénie Angot, avec qui il a travaillé et qu’il sollicite toujours pour des conseils, et Olivier Robert, originaire du Sud-Ouest, Aurélien a récemment débuté un nouveau partenariat avec Jean-Maurice Bonneau, ancien entraîneur de l’équipe de France puis de la délégation brésilienne. “Cela fait environ deux mois que nous avons commencé notre collaboration. J’ai beaucoup travaillé seul jusqu’à maintenant et je souhaitais mettre quelque chose en place sur du long terme. Jean-Maurice est quelqu’un que j’apprécie beaucoup humainement, tout comme Eugénie Angot. Il y a l’aspect technique, mais, comme avec les chevaux, il faut que cela matche mentalement”, développe le cavalier de vingt-neuf ans. “Je pense qu’il faut développer une vraie relation de confiance avec les personnes qui nous entourent, afin d’avoir de bons échanges. J’ai eu un bon feeling avec Jean-Maurice, qui est en plus très compétent. Il remplissait tous mes critères. Il est également très positif et je pense qu’il va aussi pouvoir m’aider sur ce point-là.”
Un piquet solide
Outre ses talents de pilote, l’ancien complétiste a pu compter sur d’excellentes montures, qu’il a su magnifier pour performer rapidement en jumping. Encore une fois, ses cracks s’accompagnent de propriétaires et éleveurs dévoués, souvent dans l’ombre de leurs protégés. L’excellent Croqsel de Blaignac, véritable perle en pleine ascension, résulte du fruit du travail de Serge Lenormand, son naisseur et propriétaire. Ce dernier est d’ailleurs devenu un ami et collabore avec son cavalier à travers d’autres chevaux. “Croqsel est un cheval incroyable. Je vais dire quelque chose de banal, mais il n’a que des qualités. Il a tout : beaucoup d’équilibre, un énorme respect et du sang. Il n’a vraiment pas beaucoup de défauts. Vu de l’extérieur, il peut donner l’impression d’être comme un gros poney, mais il est vraiment sensible”, loue Aurélien, qui a récupéré son gris en fin d’année de sept ans, après une formation menée par Jean-Charles Bernast. “Comme tous les chevaux très respectueux, il a le défaut de sa qualité. Il faut bien le monter pour réaliser de bons parcours et faire ressortir toutes ses qualités. Malgré tout, il est très courageux et n’a peur de rien. Les gens pensent qu’il a beaucoup d’expérience, mais ce n’est pas le cas du tout. J’ai vraiment pris mon temps avec lui au début, puis il y a eu le Covid, qui nous a éloignés des compétitions. L’an dernier, nous avons fait deux Coupes des nations, mais, à Kronenberg, je le sentais moins bien. En fait, il s’était donné un coup sur un pied. Il a donc été arrêté près de six mois, d’août à décembre 2021, afin qu’il se remette parfaitement. Il n’a commencé à ressauter que le 10 janvier dernier et nous ne pensions même pas qu’il reviendrait aussi vite. Avant d’aller à La Baule, il avait seulement disputé trois Grands Prix et deux Coupes des nations 3* dans sa vie ! En fait, il est encore très vert, mais j’ai le sentiment qu’il a beaucoup gagné en maturité. J’ai la chance d’avoir de super propriétaires, qui sont très sollicités pour le commercialiser, mais souhaitent le conserver. Nous allons donc continuer de prendre notre temps pour le former au mieux et atteindre nos objectifs.” En plus d’avoir permis à son cavalier de fouler pour la première fois la piste de l’Officiel de France, puis d’aider la France à terminer deuxième de la Coupe des nations du CSIO 3* de Lisbonne, le week-end dernier, grâce à un bon clear round dans le second acte, le photogénique gris a également réalisé une très belle performance au championnat de France Pro Elite de Fontainebleau.
Outre son fils d’Ugano Sitte, l’Occitan s’appuie aussi sur la généreuse Vendôme d’Ick (SF, Arko III x Chin Chin), neuvième d’un Grand Prix 5* à l’Hubside Jumping de Grimaud, début mai. “Même si Rhexia de Petra m’a fait goûter aux CSI 3*, Vendôme est celle qui m’a fait faire mes premiers 4 et 5*. C’est une super jument, vraiment performante. Elle est complètement différente de Croqsel et a peut-être un tout petit peu moins de moyens intrinsèques. En revanche, elle est pleine de qualités et fonctionne à la confiance. Je suis aussi très proche de son propriétaire, qui souhaite la conserver pour l’utiliser à l’élevage à terme”, sourit Aurélien, conscient d’avoir la chance de compter sur un sacré piquet. “J’ai également un cheval de huit ans, Ermes Di Tai (SF, Canturano x L’Arc de Triomphe). Comme Croqsel, il est né chez Serge Lenormand et nous appartient à tous les deux, en co-propriété. Croqsel et lui sont sans doute les meilleurs chevaux que j’aie montés jusqu’à maintenant.”
Mille et un rêves sportifs
Si l’avenir semble prometteur pour le pilote et ses cracks actuels, il n’en oublie pas de se projeter à encore plus long terme. Sa jument de cœur, sa fidèle Rhexia, lui a d’ailleurs donné un poulain par Mylord Carthago cette année. Si la route est encore longue, peut-être que cette petite merveille lui permettra, à son tour, de fouler les plus belles pistes du monde. En attendant, Aurélien se donne le droit de rêver. “Ce que je fais actuellement me semble déjà incroyable. Quand j’ai débuté, je montais beaucoup de Pur-Sang en complet, qui n’avait pas la qualité des chevaux qui m’accompagnent aujourd’hui. Lorsque j’allais voir le jumping de Bordeaux, à dix-sept ou dix-huit ans, ce niveau me paraissait intouchable. Pour moi, il était impossible d’atteindre ce genre de concours. Et il y a encore deux ou trois ans de cela, je disais à Olivier Robert que mon souhait était de faire ce qu’il faisait”, confie-t-il. “Mais je suis un rêveur et j’en ai de nombreux. Avoir la chance d’avoir des chevaux de la trempe de Croqsel, un bon système, une équipe soudée et des propriétaires fidèles me fait me projeter. Je ne pense pas que cela soit de la prétention, mais, comme beaucoup de Français, nous pensons forcément aux Jeux olympiques de Paris. Bien-sûr, nous en sommes encore loin. Cependant, comme le disent Jean-Maurice et Eugénie, à mon âge et avec le cheval que j’ai, je dois tout mettre en œuvre pour cet objectif. Il manquera peut-être quelque chose à la fin, je n’aurais peut-être pas le niveau suffisant, mais nous avons cette ambition-là.”
Lucide, le Castrais sait qu’il n’aura pas le droit à l’erreur d’ici à 2024. Son plan voudrait qu’il commence progressivement et de façon régulière à intégrer les rangs de l’équipe de France, en deuxième puis en première division, jusqu’aux Européens de 2023. “Sans avoir disputé un championnat d’Europe avant, il me semble impossible de décrocher une sélection aux Jeux olympiques”, juge-t-il. Et Antoine Bache d’ajouter : “J’espère qu’il va réussir et qu’il ira le plus loin possible. C’est ce que je lui souhaite, et il le mérite. Lorsqu’il a fait sans-faute le premier jour à La Baule, j’en ai pleuré. Je suis fier de lui et je l’adore. Quelque part, il est un peu comme mon fils.” À l’occasion d’une conférence de presse, organisée à La Baule, Henk Nooren, sélectionneur national, disait nourrir de “bons espoirs” en Croqsel de Blaignac. De quoi conforter son cavalier dans le chemin qu’il emprunte. Sur la bonne voie, donc, entouré des bonnes performances et acharné de travail, Aurélien Leroy semble réunir tous les ingrédients pour s’installer durablement dans le paysage du saut d’obstacles français et mondial. Alors, rendez-vous à Paris ?
Photo à la Une : Aurélien Leroy et Croqsel de Blaignac à La Baule. © Scoopdyga