À bientôt vingt-quatre ans, Robert Murphy s’affirme comme l’une des relèves du clan britannique. Après avoir fait ses armes au pays, auprès de ses parents, eux aussi impliqués dans le monde équestre, et disputé sept championnats d’Europe Jeunes, avec à la clef un titre de champion d’Europe Enfant en 2014 et une jolie moisson de cinq médailles collectives, le jeune homme a posé ses valises en Belgique depuis un an. Passé par la Young Riders Academy, pépinière de talents en devenir, Robert Murphy a élu domicile au sein des écuries du champion du monde Jos Lansink. Et ces deux dernières années, la carrière de l’Anglais s’est encore accélérée. En fin d’année dernière, il est passé à rien d’une victoire dans le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W de Malines, pour sa première à ce niveau. Ses performances n’ont d’ailleurs pas échappé à l’encadrement britannique, qui l’a sélectionné pour l’épreuve collective du CSIO 3* de Peelbergen, mi-mai. Discret mais surtout déterminé, celui qui rêve de Coupe des nations et de Jeux olympiques espère bien atteindre ses objectifs, sans toutefois griller les étapes.
La première partie de cette interview est à (re)lire ici.
Le puissant et très remarqué Catch-Me van Berkenbroeck (Cicero van Paemel x Non Stop) vous a permis de disputer vos deux premiers Grands Prix Coupe du monde, à Malines, en décembre 2023, et Amsterdam, en janvier dernier. Dans quelles conditions avez-vous croisé la route de ce gris de dix ans ?
Catch-Me était déjà aux écuries lorsque je suis arrivé chez Jos Lansink. Il était alors monté par Jack Ryan. Je crois que Jos l’a acheté lorsqu’il était plus jeune. Il en possède la moitié avec son éleveur, Michel Spaas. Nous avons été d’autant plus patient concernant sa formation qu’il s’agit d’un cheval plutôt grand. Il a énormément de moyens et est très respectueux. Nous essayons de le garder aussi confiant que possible afin de l’amener jusqu’au plus haut niveau. Il n’a que dix ans et je pense qu’une longue, longue carrière et de très beaux jours l’attendent.
Est-il disponible pour les éleveurs en parallèle de sa carrière sportive ?
Il n’a pas encore commencé sa carrière de reproducteur. Je pense que pour l’instant Jos préfère se concentrer sur le sport avec lui et garder la partie élevage pour plus tard.
Vous pouvez également compter sur la toute bonne Hulde G (Vigo d’Arsouilles x Warrant), double sans-faute et lauréate de la Coupe des nations du CSIO 5* de Falsterbo en 2022 avec Pieter Clemens et la Belgique, et également passée sous les selles de Willem Greve et Kevin Jochems ces dernières années. Quels sont vos plans avec cette jument de douze ans ?
Hulde est une autre jument que Jos possédait déjà avant mon arrivée dans ses écuries. Elle a connu beaucoup de succès avec Pieter Clemens avant qu’il ne quitte les écuries de Jos il y a un an et demi. Elle a eu plusieurs mois de repos, simplement pour se ressourcer, avant que je ne la récupère. Elle avait beaucoup donné. Jos m’a offert ma chance avec elle et nous avons pris notre temps ces six derniers mois pour former un couple et en arriver là où nous en sommes aujourd’hui. Hulde est une vraie gagnante. Si je choisis bien les événements dans lesquels je l’engage, je pense qu’elle peut remporter de très belles épreuves (la paire compte déjà deux victoires à 1,45m et plusieurs bons classements, ndlr). À Malines, elle est passée tout près de la victoire dans le Grand Prix (la généreuse KWPN et son pilote britannique, qui prenait part pour la première fois à ce niveau d’épreuve, avaient enregistré le meilleur chronomètre au barrage mais renversé une barre dans ce Grand Prix secondaire, les privant de la première place, ndlr). Je la destine en tout cas à des épreuves majeures.
Quid du fantastique Kannem J.A (Kannan x Lux) ?
Kannem est un étalon de neuf ans. Il est assez nouveau au sein de mon piquet de chevaux, puisque le CSI 3* de Compiègne Classic n’est que mon deuxième concours avec lui (dans l’Oise, tous deux avaient terminé neuvième du petit Grand Prix, ne concédant que trois points de temps au barrage, et ont déroulé leur premier Grand Prix 3* à Opglabbeek, début mai, sanctionné d’une faute, ndlr). Je pense que c’est un cheval particulièrement prometteur pour le futur. J’aimerais participer à quelques Coupes des nations 3* avec lui cette année, puis pourquoi pas le guider vers le plus haut niveau. Je crois qu’il a un très grand futur dans le sport.
Appartient-il, lui aussi, à Jos Lansink ?
Oui. Tous les chevaux que je monte lui appartiennent en totalité ou en partie. Il est souvent copropriétaire des chevaux avec leurs naisseurs ou bien avec d’autres investisseurs avec lesquels il collabore.
Pouvez-vous compter sur d’autres chevaux, outre les trois cités précédemment, pour évoluer au plus haut niveau ?
Pour le moment, je n’ai que ces trois-là, mais j’ai un bon groupe de chevaux de huit ans qui devrait pouvoir atteindre ce niveau d’ici plus ou moins un an.
Aimez-vous former les jeunes chevaux ?
Oui, je pense que cela est très, très important de maîtriser la formation des bons chevaux. Tomber sur un bon cheval n’est pas un souci, mais il faut toujours penser à la suite pour pouvoir continuer dans le sport. La carrière des chevaux est moins longue que celle des cavaliers. De fait, sans la capacité à former la relève, on est un peu unidimensionnel.
En fin d’année dernière, vous avez pris part à vos premiers Grands Prix 5*. Qu’avez-vous ressenti face à ce nouveau cap dans votre carrière ?
C’était assez irréel ! Mon premier Grand Prix 5* était celui de Malines, et j’étais sans-faute. C’est quelque chose que j’ai toujours rêvé de faire. Lorsque j’ai posé mes valises chez Jos, je n’aurais jamais pensé disputer mes premiers 5* un an plus tard. C’est un vrai privilège.
Selon vous, quelles sont les principales différences entre le niveau 3 ou 4* et le niveau 5* ?
J’avais disputé quelques CSI 3* avant d’arriver chez Jos. Expliquer ce qui différencie un CSI 3 ou 4* d’un CSI 5* est difficile, d’autant plus lorsqu’on parle d’épreuves Coupes du monde. Les épreuves majeures, comme les Grands Prix Coupes du monde, sont un tout nouveau sport par rapport au niveau 3*. Tout doit être absolument parfait pour espérer que tout se déroule sans accroc le jour J. Et même lorsque tout semble parfait, une erreur est vite arrivée.
Comment jugez-vous les forces et faiblesses de l’équipe britannique ?
Je pense que nous avons de très bons cavaliers Senior, à l’image de Scott Brash, Ben Maher, Harry Charles et John Whitaker. Ils ont participé à la plupart des Coupes des nations l’année dernière. Je trouve qu’ils ont obtenu de bons résultats et qu’ils ont de super chevaux, ce qui est très positif pour l’équipe. Si l’on regarde les cavaliers âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, la Grande-Bretagne a également un très bon groupe de cavaliers en devenir. J’espère que nous pourrons continuer à renforcer les rangs de l’équipe, avec des chevaux toujours plus performants. Nous devrions ainsi avoir une équipe solide pour les prochaines années.
À quelques semaines des Jeux olympiques de Paris, êtes-vous confiant pour la Grande-Bretagne ?
Oui, plutôt. Je pense que l’équipe obtiendra de bons résultats, peu importe les couples sélectionnés.
Quels sont vos objectifs et rêves, à court et long terme ?
À court terme, j’aimerais simplement continuer à former un bon groupe de chevaux et gravir progressivement les rangs du classement mondial. J’aimerais également être un bon équipier pour l’équipe britannique en Coupes des nations. Les épreuves collectives sont très importantes pour moi. Et puis, avec un peu de chance j’espère pouvoir faire ma place et intégrer les rangs de l’équipe pour la Ligue des nations 5* et m’établir durablement au plus haut niveau. Enfin, les Jeux olympiques sont évidemment mon but ultime et mon rêve.
Pour faire partie des meilleurs au classement mondial Longines, les cavaliers doivent pratiquement concourir chaque week-end, laissant peu de place à des semaines des terrains de compétition. Que pensez-vous de ce système ?
C’est assez difficile… Je n’ai jamais vraiment pensé à cela. Le fonctionnement du classement mondial est encore tout nouveau pour moi. Je n’ai même pas commencé à perdre les points acquis l’année dernière !
Le sport est de plus en plus scruté et les regards évoluent avec le temps pour tendre vers un plus grand respect des chevaux. Quel rôle votre génération a-t-elle a joué pour garantir un sport plus viable dans le futur ?
C’est un sujet majeur aujourd’hui, notamment pour tout ce qui touche au bien-être animal. Je pense que la jeune génération, notamment grâce aux réseaux sociaux, doit essayer de montrer combien elle prend soin des chevaux. Car s’ils ne sont pas heureux, ils ne sauteront pas bien (une victoire en compétition, même à très haut niveau, n’est toutefois pas une preuve irréfutable de la bonne santé physique et mentale des chevaux, ndlr). Lorsque les gens verront la vérité au sujet de la façon dont nous nous occupons de nos animaux, il n’y aura plus de problème pour qui que ce soit.
Photo à la Une : Robert Murphy et le très prometteur Kannem J.A ont fait forte impression à Compiègne Classic, mi-avril. © Mélina Massias