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“Lorsqu’il a commencé à travailler, Landon m’a donné un peu de fil à retordre”, Jens Nijs (2/3)

Landon
vendredi 17 janvier 2025 Mélina Massias

S’ils n’en sont pas à leur première réussite, Danny et Jens Nijs, père et fils, récoltent les fruits dorés d’un travail minutieux entamé voilà une trentaine d’années. Au nord de la Belgique, non loin de la frontière des Pays-Bas, fleurit l’affixe de Nyze. En 2024, deux de ses représentants se sont classés au niveau 5* : Calvino II de Nyze, sous la selle du jeune prodige Thibeau Spits, et Crack de Nyze, plus connu sous le nom de Landon et complice de Kent Farrington. Si le premier a été vendu au cours de l’été à l’écurie Iron Dames et que le second a perdu confiance lors du CSIO 5* de La Baule et manqué les Jeux olympiques, l’avenir ne s’en annonce pas moins radieux pour l’élevage. À raison d’une dizaine de naissances par an, concentrées sur deux lignées principales, et d’une formation homemade, tous les ingrédients semblent réunis pour connaître le succès. De pré en pré, où chaque poulain, chaque poulinière, chaque mère porteuse sont scrutées par le regard affûté de Danny, son fils conte les jalons ayant forgé cette belle histoire, toujours en cours d’écriture. Un reportage en trois parties.

Le premier épisode de cet article est à (re)lire ici.

En attendant le bruit du moteur de la voiture, deux grandes et belles juments arrivent au galop. La baie, bientôt trente ans, est la cheffe des lieux et elle le sait. Urmina fait le bonheur de Danny et Jens Nijs depuis de nombreuses années. À ses côtés, sa camarade prairie, une alezane de onze ans sa cadette l’entraîne dans son show. Grande galopade, demi-tour, cabrioles et rebelotte. Explosive et bouillonnante, cette charmante BWP qui sait se présenter est la deuxième star des lieux. Si Urmina reste la lignée privilégiée des deux éleveurs belges, Indigo van de Meulenberg n’est pas en reste, puisque c’est elle qui a produit celui qui reste à ce jour le meilleur représentant de l’élevage : Crack de Nyze, rebaptisé Landon lors de sa vente aux propriétaires de l’Américain Kent Farrington. 

La belle et explosive Indigo van de Meulenberg. © Mélina Massias

Kent Farrington et le premier fils d'Indigo van de Meulenberg, Crack de Nyze, alias Landon. © Sportfot

“Je dois parfois freiner ses ardeurs parce que nous avons beaucoup de chevaux”, Jens Nijs

“Au fil des années, nous avons acquis d’autres juments, dont la mère de Landon”, retrace Jens. “Beaucoup de personnes pensent que sa souche et celle de Calvino II sont les mêmes, mais il n’en n’est rien ! Lorsque j’avais quinze ou seize ans, à la fin de mes années à poney, mon père s’est rendu à un petit concours local, à deux-cent mètres de la maison. Ces rassemblements étaient toujours bien fréquentés. Sur place, il a vu Whisper, un fils de Querelle et Ravella, par Wendekreis. Mon père était intéressé, mais il s’est aperçu qu’il avait beaucoup de caractère. Il s’est cabré et mon père s’est dit qu’il ne pourrait jamais mettre ses jeunes enfants sur un tel cheval et ne l’a pas acheté. Quelques années plus tard, Whisper a obtenu de super résultats et est devenu champion des Pays-Bas avec Jeroen Dubbeldam (avec d’être monté par le jeune Jens van Grunsven et de décrocher l’argent par équipe aux championnats d’Europe Junior d’Arezzo en 2014, ndlr) ! Forcément, nous étions un peu déçus de ne pas l’avoir acheté lorsque mon père l’a vu à quatre ans. Mais la mère de Whisper a eu, quelques années plus tard, une pouliche par Quadrillo, un fils de Quidam de Revel, que nous avons pu acheter à de très bons amis. Nous n’avons pas hésité une seconde !”

Indigo van de Meulenberg est une sœur utérine du tout bon Whisper, qui a notamment évolué sous la selle de Jeroen Dubbeldam. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Dès le début, Indigo séduit ses nouveaux propriétaires. “C’était une très belle jument alezane, avec les crins dorés. Elle était déjà très sexy au début ! Mon père est loin d’être un commercial dans l’âme, bien au contraire, mais lorsqu’il voit une opportunité comme celle-là, il l’a saisi. C’est ce que vont les vrais éleveurs : ils voient une jument, ont un sentiment et se font confiance. Je dois parfois freiner ses ardeurs parce que nous avons beaucoup de chevaux ! Et parfois, même si je sais qu’il a trouvé une bonne jument, on doit garder le contrôle. Plus on a de chevaux, plus on a de problèmes, de travail et de coûts”, tempère Jens.

Avant d’être débourrée, Indigo van de Meulenberg, acquise auprès de Nick Vervecken à un an, est inséminée par Comilfo Plus et met au monde son premier poulain en 2013. “Nous voulions juste lui faire faire un poulain pour voir, puisque nous avions Urmina. Et ce poulain est devenu Crack de Nyze”, lance Jens. Et quel crack, ce Crack ! 

Indigo van de Meulenberg en plein show. © Mélina Massias

Crack de Nyze, un cocktail explosif

Petit poulain, issue d’une jument primipare qui ne provient pas de la souche privilégiée de l’élevage, l’alezan laisse pourtant ses naisseurs rêveurs à seulement quelques jours de vie. “Après deux jours, en le voyant au pré, dans notre tête, il faisait partie du lot des très bons poulains”, sourit Jens. Talentueux, le Zangersheide lui donnera pourtant du fil à retordre. “Nous avons débourré Crack et cela s’est plutôt bien passé, même si on aurait pu penser le contraire tant il était électrique et plein de sang. Pourtant, il a toujours été très coopératif. Il fallait simplement toujours être très calme et posé avec lui et penser à chaque geste”, relate le Belge. “À quatre et cinq ans, lorsqu’il a commencé à travailler, il m’a donné un peu plus de fil à retordre ! Je me souviendrais toujours de ce jour où j’ai voulu sortir mon téléphone de ma poche alors que j’étais sur son dos. En l’espace d’une microseconde, je me suis retrouvé par terre, assis dans le sable à côté de Crack ! Je n’ai jamais connu ça avec un autre cheval. Sa rapidité est absolument phénoménale. Il me rappelait à chaque fois que je devais me faire le plus discret possible en selle”, s’amuse aujourd’hui le père de famille. “Crack sautait bien et semblait être spécial, mais personne ne pensait qu’il deviendrait la superstar qu’il est aujourd’hui.” 

Crack de Nyze a notamment été monté par Niels Fockaert dans ses jeunes années. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Si l’année 2024 s’est conclue avec un goût d’inachevé pour l’alezan, renommé Landon, qui n’a disputé que dix événements internationaux, ses résultats passés n’en restent pas moins plus qu’honorables. Médaillé d’argent en individuel et d’or par équipes lors des Jeux panaméricains de 2023, à Santiago, le Zangersheide et son cavalier, le véloce Kent Farrington, avait bouclé 2023 en tête du classement par couples édité par la Fédération équestre internationale (FEI), preuve de leur régularité au plus haut niveau. Principalement outre-Atlantique, mais pas seulement, tous deux ont accumulé d’excellents classements, jusqu’au niveau 5*. À La Baule, en mai dernier, Crack de Nyze, formé par Jens Nijs, Joris Vanspringel puis par Niels Fockaert, a malheureusement vu ses émotions prendre le dessus lors de la Coupe des nations Barrière, conduisant son pilote à lui accorder une pause, avant un bref retour aux affaires en septembre. Nul doute que 2025 permettra au hongre de retrouver tous ses moyens, en attendant que ses frères et sœurs n’empruntent à leur tour leur ascension vers les sommets. Mais il faudra encore patienter quelques années puisqu’Indigo a emprunté, après la naissance de son premier poulain, une autre voie, jusqu’en 2021.



Une vente… et un rachat

“Lorsque nous avons fait naître Crack de Nyze, nous n’étions toujours pas vraiment des éleveurs professionnels. Je montais un peu à cheval, mais je voulais aussi jouer au foot et faire d’autres choses, comme tous les jeunes gens. Nous voulions qu’Indigo fasse du sport. Elle sautait bien, était vive, avait de la qualité et un peu la même attitude que son fils. Mais elle était un peu plus raide. Nous avons eu une opportunité pour la vendre en Italie à six ans, et elle est partie. Nous avons continué à la suivre et avons vu qu’elle commençait à sauter des épreuves à 1,40, 1,45m. De son côté, Crack progressait aussi et j’ai dit à mon père ‘qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai vendu une jument incroyable !’ Alors, nous l’avons rachetée, comme une jument de Grand Prix ! Je crois que nous n’avons jamais acheté un cheval aussi cher, mais c’était un bon investissement”, raconte Jens. “Tous les produits d’Indigo ne seront peut-être pas des superstars, ce serait utopique de le croire, mais on voit toute leur électricité et leur élasticité, c’est assez incroyable.”

La fille de Quadrillo a été vendue à six ans... avant d'être racheter par Danny et Jens Nijs quelques années plus tard ! © Mélina Massias 

Lancée par Maxime Tips sur la scène internationale en 2014, Indigo a ensuite évolué avec les Italiens Alberto Pochettino et Alessandra Vironda, avec laquelle elle a bouclé sa première compétition internationale à 1,40m en juin 2019. Selon les données fournies par Horsetelex, elle compte aujourd’hui huit produits, dont… sept par Comilfo Plus ! Milo de Nyze est, lui, issu d’un autre père, le tout bon Mumbai van de Moerhoeve (Diamant de Semilly x Nabab de Rêve), complice du champion olympique Christian Kukuk et notamment quatrième des Européens de Riesenbeck en 2021.

L’influence de Wendekreis

Si Indigo van de Meulenberg et Urmina proviennent de deux souches BWP bien distinctes, elles partagent tout de même un ancêtre commun : Wendekreis, un étalon Hanovrien particulièrement influent dans l’élevage belge. “La mère de Landon est une fille de Quadrillo avec une mère par Wendekreis. À l’époque, il y avait des courants de sang qui fonctionnaient très bien, dont ceux de Saygon et Wendekreis. Mais beaucoup de personnes semblent avoir oublié Wendekreis. À notre avis, à mon père et moi, je pense que des étalons comme lui ont rendu l’élevage belge différent des autres. Nous profitons encore du succès et des qualités de ces étalons parfois considérés comme passés de mode. En Europe, il y a évidemment de super élevages et des chevaux fantastiques, comme en France, en Allemagne et d’autres pays. On ne peut pas dire que ces chevaux ne sont pas bons, mais je crois qu’en Belgique, avec l’influence d’étalons comme Wendekreis ou Saygon, nous avons conservé une forme de rusticité, de solidité chez nos chevaux, à l’heure où ils deviennent tous plus sport, plus respectueux et rapides pour coller aux attentes du sport modernes. En tout cas, nous avons le sentiment que ces courants de sang apportent une forme de dureté chez les chevaux, encore aujourd’hui”, analyse Jens.

Urmina et Indigo van de Meulenberg, les deux stars du Stud de Nyze, ont en commun un ancêtre : Wenderkreis. © Mélina Massias

Si les atouts d’Urmina et Indigo van de Meulenberg et la chance de les avoir rencontrées font une partie du succès de l’élevage de Nyze, les soins et l’attention quotidienne apportés aux poulains, puis leur formation, assurée par Jens, en sont une autre.

La troisième et dernière partie de ce reportage sera publiée samedi sur Studforlife.com…

Photo à la Une : L’année dernière, Kent Farrington et son crack Landon ont raflé la victoire dans une épreuve à 1,55m lors du CSI 5* de Windsor. © Sportfot