Les trois équipes de tête restent intouchables à La Corogne, où un scénario de Folie propulse Richard Vogel en tête de l’individuel

À 15 heures, le scénario de la deuxième journée de compétition aux championnats d’Europe Longines de La Corogne semblait bien parti pour être une autoroute sans embûche pour les couples les plus aguerris. Puis, à mesure que les concurrents se sont succédé et que la lumière a changé, rendant le tracé de plus en plus délicat, des parcours complètement fous ont vu le jour. Il y a eu celui de Christian Kukuk, qui a dû user de tout son tact pour guider sa Just Be Gentle vers un miraculeux sans-faute, la déconvenue de Maikel van der Vleuten et Beauville, l’élimination de Matthew Sampson et Medoc de Toxandria, les deux fautes inhabituelles de Pieter Devos et Casual DV, ou encore le passage de triple insensé de Scott Brash et Hello*Folie de Nantuel. Il y a eu aussi l’abandon de Daniel Coyle et Legacy, vainqueurs de la Chasse, qui se sont retirés de la compétition avant le début de cette deuxième épreuve et ont propulsé Richard Vogel et United Touch S en tête du classement provisoire individuel. Mais, au bout du compte, les trois équipes de tête n’ont pas flanché collectivement, ni alourdi leur score, à la veille de l’attribution des premières médailles. Dans un mouchoir de poche, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Belgique annoncent déjà un match de haut vol pour l’ultime journée consacrée aux équipes.
Il fallait avoir le cœur bien accroché à La Corogne, jeudi 17 juillet. Championnat, enjeu et tension obligent, les rebondissements et autres événements aussi improbables qu’inexplicables ont presque été légion tout au long de l’après-midi. Et le parcours de Hello*Folie de Nantuel, pour laquelle les superlatifs viennent à manquer, a sans doute été le plus marquant de l’après-midi. En abordant le tracé de Santiago Varela, une nouvelle fois à la hauteur malgré un nombre de sans-faute élevé et quelques fautes assez lourdes, Scott Brash n’avait aucune marge d’erreur. En tête, la Grande-Bretagne avait, certes, déjà enregistré deux sans-faute, œuvres de Ben Maher et Donald Whitaker sur leurs impeccables Dallas Vegas Batilly et Millfield Colette, mais aussi, et surtout, l’élimination de Matthew Sampson. Pourtant bien engagé avec l’excellent Medoc de Toxandria, le Britannique a fait les frais du triple, qui a semblé posé plus de soucis en fin qu’en début d’épreuve, peut-être en raison de la luminosité particulièrement changeante au nord de l’Espagne. Après deux mauvais sauts sur l’élément b de la combinaison, le fils de Der Senaat 111 a refusé de franchir la sortie. Alors, Scott Brash était au pied du mur. Cette position, l’ancien numéro un mondial, double médaillé d’or olympique et seul cavalier de l’histoire à avoir réalisé le Grand Chelem Rolex, la connaît et la maîtrise. Pas plus tard que l’été dernier, il avait déjà délivré les siens en leur offrant l’or olympique. Mais, cette fois, il était associé à sa bondissante alezane, qui dispute là son premier championnat du haut de ses dix ans. Impeccable la veille, Folie de Nantuel, la bien nommée, est partie sur les mêmes bases, ne ménageant pas ses efforts, comme sur l’oxer numéro 7. En réception, son cavalier en a lâché ses rênes ! De fait, l’abord du triple a été des plus acrobatiques, si bien que tous les fans du duo ont retenu leur souffle, craignant une dérobade ou un refus. Mais que nenni ! Petite par la taille, mais immensément grande par le courage et le talent, la Selle Français s’est extirpée seule du vertical d’entrée avant que son cavalier, dans un sang-froid absolu, ne l’accompagne pour franchir les deux oxers qui se dressaient face à elle. Pas émue pour un sou, la fille de Luidam au tempérament de lionne a poursuivi sa route jusqu’à la ligne d’arrivée sans broncher, comme si rien d’anormal ne s’était passé. “Je ne peux pas y croire, je ne peux pas y croire ! Je n’ai jamais vu une chose pareille ! C’est le meilleur cheval que j’aie jamais vu !”, s’est exclamée avec ferveur l’excellente Jessica Kürten, dont les commentaires ont une nouvelle fois été justes et percutants au micro de Clipmyhorse.tv. Improbable, incroyable… complètement fou !
Hello*Folie de Nantuel a un cœur plus grand qu'elle ! © Sportfot
“Je suis fier du résultat de l’équipe et ravi pour les gars. Ben a fait du super boulot, comme toujours, et nous a mis sur de bons rails. Je suis désolé pour Matt, mais je suis certain qu’il saura rebondir demain. Don a été fantastique. Et ma jument a sauté de manière incroyable. J’ai perdu mes rênes après l’oxer vert. Je me suis senti un peu comme un amateur à ce moment… Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé… Je pense qu’elle a passé fort le dos et il lui arrive parfois de m’arracher un peu les rênes. Le mental et la combativité dont elle a fait preuve pour sauter un triple que l’on savait difficile sont incroyables. Je pense que nous nous faisons confiance. Son état d’esprit est remarquable : elle veut faire son travail, ce qui me rend la tâche facile. Il s’agit de son premier championnat et je ne peux qu’être comblé par la façon dont elle a répondu en piste”, a commenté un Scott Brash presque encore surpris par ce parcours qui entrera certainement dans les annales du saut d’obstacles.
Donald Whitaker et Millfield Colette restent le meilleur couple britannique avant la finale par équipe et pointent au deuxième rang provisoire en individuel. © Benjamin Clark / FEI
Ce soir, la Grande-Bretagne reste leader du classement provisoire, avant que les médailles ne soient décernées demain. Le numéro douze mondial, et toute son équipe, pourront remercier leur bonne étoile, mais surtout toutes celles et ceux qui ont croisé la route de Folie de Nantuel pour contribuer à la faire devenir la jument d’exception qu’elle a, une nouvelle fois, prouvé être aujourd’hui : la famille Deuquet, qui l’a fait naître et a été la première à croire en elle, l’élevage de Kreisker et Marc Dilasser, qui l’ont repérée et fait briller, Valentin Pacaud, qui l’a montée pour ses premiers parcours à quatre ans, Shane Breen, qui l’a mise sur la route de Scott Brash, mais aussi toutes les petites mains de l’ombre, dont son groom, David Honnett, qui ont contribué à la mener jusqu’ici.
Même loin des caméras et de la piste, Scott Brash n'a pas manqué de remercier et féliciter sa petite bombe à la générosité et au talent sans limite. © Lukasz Kowalski / FEI
Richard Vogel propulsé en tête, l’Allemagne et la Belgique restent solides
Si le parcours de Scott Brash et Hello Folie a constitué le dernier fait majeur de la journée, celle-ci avait commencé par un autre retournement de situation : l’abandon pur et simple de Daniel Coyle et Chavantele, alias Legacy. Avant même que l’épreuve ne débute, l’Irlandais a fait part de sa décision de ne pas s’élancer sur le nouveau parcours de Santiago Varela. Un choix surprenant de prime abord, mais qui pouvait déjà s’entendre à demi-mot dans les déclarations de l’Irlandais après sa victoire dans la Chasse. En effet, Daniel Coyle avait expliqué que la venue de sa jument de quinze en Espagne était un coup de poker et que cette dernière n’était pas apparue à son meilleur niveau du côté de Calgary, cet été. Ces derniers mois, la baie n’avait effectivement pas autant brillé qu’elle avait pu le faire par le passé. Gageons qu’elle retrouve rapidement sa vista, peut-être dès le mois prochain lors du CSIO 5* de Dublin.
Richard Vogel et United Touch S sont, pour l'instant, sur une autre planète. © Lukasz Kowalski / FEI
La défection des leaders du classement individuel provisoire a alors profité à Richard Vogel et United Touch S, passés en tête des opérations. Sur un parcours bien différent de celui de la veille, plutôt abordable sur le papier mais rendu délicat en fin de journée par les jeux de lumière, comme a pu le regretter Steve Guerdat en zone mixte, la paire s’est une nouvelle fois baladée et a appuyé son rang. Mieux encore, le duo a signé le quatrième clear round de son équipe, qui reste au coude à coude avec la Grande-Bretagne et la Belgique. Premier à s’élancer pour son collectif, Marcus Ehning a ouvert la voie à ses coéquipiers en livrant une leçon d’équitation dont lui seul à le secret sur son génial Coolio 42. Dans son sillage, Sophie Hinners a rectifié le tir avec Iron Dames*My Prins van de Dorperheide et rallié la ligne d’arrivée sur un score vierge. Puis Christian Kukuk a prouvé tout son talent de cavalier sur une Just Be Gentle très énergique et un peu déconcentrée. Toujours aussi qualiteuse au-dessus des obstacles, l’agile baie a abordé la ligne de la rivière sur une distance très en avant, l’obligeant à produire un saut ouvert sur l’oxer. Contrainte de refaire une microscopique foulée au dernier moment pour franchir l’obstacle d’eau placé en numéro 5, la KWPN a ensuite terminé sa course dans le pied de la palanque suivante… qu’elle n’a pas effleuré ! À nouveau en délicatesse dans le triple, Just Be Gentle a fait parler son génie et a, elle aussi, réussi une prestation sans faute, quelque peu miraculeuse. Comme la veille, la Grande-Bretagne, 3,96 points, devance l’Allemagne, qui en compte 4,19… et la Belgique.
Just Be Gentle a montré tout son génie, mais aussi les points sur lesquels elle peut encore progresser. © Benjamin Clark / FEI
Eux aussi, les quatre mousquetaires de Peter Weinberg sont parvenus à conserver leurs 4,61 points, acquis à l’issue de la première journée de compétition. Pourtant, les choses auraient pu être bien différentes, puisque Pieter Devos et Casual DV ont concédé deux fautes franches et inhabituelles dans le triple. Si cela a certainement anéanti leurs chances individuelles, cela n’est pas le cas de celles des Diables Rouges, puisque Nicola Philippaerts, Thibeau Spits et Gilles Thomas ont parfaitement tenu leur rang sur Katanga v/h Dingeshof, Impress-K van’t Kattenheye et Ermitage Kalone. Si l’heure de la consécration est (peut-être) venue pour Ermitage Kalone, celle de la révélation est bien là pour le cadet de l’équipe et son étalon de dix ans. Cette après-midi, tous deux ont peut-être signé l’un des plus beaux parcours de l’épreuve, tout en finesse, maîtrise et aisance. À peine moins brillant qu’hier, Gilles Thomas et son étalon restent aussi en course pour une médaille individuelle et pointent au septième rang, juste devant Nicola Philippaerts et sa fille de Cardento, et trois positions au-dessus d’Abdel Saïd et Bonne Amie, engagés en solo et dixièmes ce soir après un nouveau sans-faute effectué en début d’après-midi.
Thibeau Spits et Impress-K van't Kattenheye réalisent un début de championnat parfait. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Martin Fuchs et Maikel van der Vleuten passent à la trappe, la Suède retrouve des couleurs
Si le tracé de Santiago Varela a permis à trente-quatre paires d’enregistrer un parcours parfait, il a tout de même redistribué quelques cartes. Avec une barre de retard sur la Grande-Bretagne et l’Allemagne, l’Irlande est remontée au quatrième rang. En embuscade, le quatuor de Michael Blake a aligné trois zéro, permettant d’effacer la faute de Bertram Allen, qui a fait le mauvais choix en ajoutant une foulée à l’abord du double sur son fabuleux Quonquest de Rigo, neuf ans seulement. Si Darragh Kenny a dû s’employer assez fortement pour aller à dame aux rênes d’Eddy Blue, Seamus Hughes Kennedy s’est une nouvelle fois montré d’un grand classicisme et plein de maturité sur son exceptionnel ESI Rocky, comme un poisson dans l’eau à La Corogne, tandis que Denis Lynch a fait parler son efficacité légendaire aux côtés de Vistogrand.
Seamus Hughes Kennedy et ESI Rocky semblent avoir disputé des grands championnats toutes leurs vies, et pourtant, il s'agit de leur première sélection pour un tel rendez-vous en Séniors ! © Benjamin Clark / FEI
Avec une faute de trop, les Bleus ont perdu un rang. Si les ainés de l’équipe, Kevin Staut et Julien Epaillard, ont rempli leur rôle avec Visconti du Telman et Donatello d’Auge, impeccables de bout en bout, Nina Mallevaey et sa Nikka vd Bisschop, agréablement moins extravagante que la veille, ont concédé une faute bien cher payé, tandis que Jeanne Sadran et Dexter de Kerglenn n’ont pu éviter de renverser le vertical numéro 9, l’obstacle le plus fautif de l’après-midi.
En bronze au classement provisoire, Julien Epaillard n'a d'yeux que pour l'or avec son cher Donatello d'Auge. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Malgré les seize points de Martin Fuchs et Conner*Jei, qui a montré de vifs signes de défenses pour arriver jusqu’au paddock, la Suisse reste en embuscade, en sixième position. Sur Albführen’s*Iashin Sitte, Steve Guerdat est même cinquième au provisoire, tandis que sa coéquipière Nadja Peter Steiner est onzième avec Mila. Toutes deux confirment leur régularité et leur efficacité. Après un début de championnat compliqué, Géraldine Straumann et Long John Silver 3 ont presque parfaitement rectifié le tir, en ne laissant échapper que quatre points aujourd’hui, au terme d’un parcours très bien négocié. Côté individuel, Janika Sprunger et Orelie tiennent le cap et ont aligné un nouveau sans-faute, qui les classe pour l'heure en seizième position.
Sans faire de bruit, Steve Guerdat et Iashin Sitte poursuivent leur bonhomme de chemin avec constance et remonte, petit à petit, au classement. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Septièmes, les Pays-Bas ont ce soir plus de dix points de retard sur la Grande-Bretagne. Il faut dire que la contre-performance de Maikel van der Vleuten et Beauville, qui ont quitté la piste avec vingt points, peu aidés par une volte effectuée après un passage de triple difficile, n’a pas permis aux Bataves de rattraper leur retard. Michael Greeve et Denver ont accusé quatre points, alors que Willem Greve, sur l’exceptionnelle Pretty Woman van’t Paradijs, et Kim Emmen, avec Imagine, n’ont pas tremblé. Alors que seules les dix meilleures équipes reviendront demain, l’Italie, réduite à trois après la défection Paolo Paini et Casal Dorato, victimes d’une chute dans la Chasse, a été légèrement distancée, mais pourra continuer de rêver un jour de plus, tout comme le Danemark… et la Suède, revenue au courage après une première journée compliquée. Erika Lickhammer-Van Helmond et Wilma Hellström ont donné de l’air à leur équipe grâce à leurs brillantes juments, l’inexpérimentée I. Comme Tessa VHL, élevée et formée par sa cavalière, et Cicci BJN, indissociable partenaire de son amazone. Cela a suffi pour devancer la Norvège et l’Autriche, pour qui les sans-faute fort bien sentis de Johan-Sebastian Gulliksen, associé à Equine America*Harwich VDL, et Katharina Rhomberg, en selle sur Cuma 5, n’auront pas suffi. Les deux duos cités poursuivront toutefois leur aventure en solo.
Prestation immaculée pour Wilma Hellström et sa reine Cicci BJN, qui permet à la Suède d'accéder à la finale par équipe de vendredi. © Sportfot
Avec trois équipes dans la même barre, et plusieurs collectifs solides en embuscade, rien n’est joué pour la distribution des médailles, pas plus qu’au classement individuel, où Richard Vogel devance désormais Donald Whitaker, Julien Epaillard, Scott Brash et Steve Guerdat. Pour l’heure, vingt-cinq paires sont séparées par moins de quatre unités. Autant dire que tout reste possible.
Les résultats complets provisoires par équipes.
Les résultats complets provisoires individuels.
La compétition se poursuit vendredi 18 juillet, à partir de 16h15, et est à suivre en direct sur Clipmyhorse.tv.
Photo à la Une : Hello*Folie de Nantuel et Scott Brash ont réalisé une prestation complètement folle à La Corogne et permis à la Grande-Bretagne de garder la tête des opérations. © Sportfot