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“Les chevaux ne naissent pas en étant des stars ; ils naissent avec des qualités que nous devons identifier et cultiver”, Scott Brash (2/3)

Soctt Brash a vécu quelques uns de ses plus beaux succès aux côtés de Sanctos van het Gravenhof, alias Hello Sanctos.
mercredi 4 juin 2025 Mélina Massias

D’une humilité rare pour un champion de son rang, Scott Brash fait pourtant bel et bien partie des plus grands de sa discipline. Médaillé d'or olympique par équipe à Londres en 2012, ancien numéro un mondial, seul cavalier à avoir réussi le Grand Chelem Rolex de saut d’obstacles, l’Ecossais de trente-neuf ans s’est paré d’une nouvelle breloque dorée, l’été dernier à Paris. Épanoui et apaisé, ces derniers mois ont marqué son retour en état de grâce, en attestent ses trois victoires en Grand Prix 5*, à DohaShanghai et Saint-Gall, depuis le début de l’année. Après avoir dû composer avec les retraites de ses meilleures montures, les convalescences d’autres, le natif de Peebles s’est donné les moyens de former un nouveau groupe de chevaux d’exception. Avec Hello Mango, dont il pense le plus grand bien, Hello Folie, Hello Chadora Lady, Hello Valentino ou encore son fidèle Hello Jefferson, le sympathique pilote peut envisager sereinement les saisons à venir. En plus de sa carrière au plus haut niveau, celui qui n’a pas manqué de suivre son cher Hello Vincent, de retour en France pour la saison de monte 2025, par écran interposé lors du salon des étalons de Saint-Lô s’investit de plus en plus dans l’élevage. Des premiers pas de ses poulains, sous l'œil attentif de sa sœur et de toute l’équipe qui œuvre sur ses terres natales, en passant par leur débourrage jusqu’à leurs premiers pas sous la selle, Scott Brash ne rate aucune étape de leur éclosion, et contribue à chacune d’entre elles. Dans un riche et long entretien, il s’est confié avec passion sur son fonctionnement, sur le potentiel des premières perles qu’il a fait naître, son piquet de chevaux actuel, et d’autres sujets. Deuxième épisode.

La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.

Vous avez un groupe de chevaux particulièrement intéressant en ce moment, n’est-ce pas ?

Oui. Nous, en tant qu’équipe, avons longuement travaillé pour parvenir à ce résultat. Je suis très heureux de notre situation actuelle. Espérons que les chevaux restent en forme et que nous puissions réussir de belles performances avec eux !

S’agit-il du meilleur piquet que vous ayez eu jusqu’à présent dans votre carrière ?

Lorsqu’on a monté des chevaux comme Hello Sanctos (né Sanctos van Gravenhof, Quasimodo van de Molendreef x Nabab de Rêve, ndlr) et Ursula XII (Ahorn x Papageno) sur la même période, il est difficile de dire cela. Mais je suis évidemment ravi des chevaux qui sont dans mes écuries actuellement. Nous avons des montures formidables et je suis impatient de voir ce que nous réserve l’avenir.

Fabuleuse compétitrice, Ursulla XII s'attache désormais à transmettre ses précieuses qualités à sa descendance. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Comme plusieurs de vos pairs, vous travaillez depuis plusieurs années avec Diego Linares, coach sportif à la tête de Riders Balance. Sur quels points vous aide-t-il le plus et quels ont été les changements majeurs dans votre équitation depuis le début de votre collaboration ?

Diego a été une aide formidable pour moi. Nous sommes devenus amis au fil du temps et sommes très proches. Je le vois quotidiennement par écrans interposés ! Je suis chanceux de l’avoir dans ma vie. Il m’a beaucoup aidé dans mon équitation, et notamment à corriger mes déséquilibres physiques. Travailler sur cela est de plus en plus crucial, et les cavaliers sont davantage conscients des effets que cela peut avoir sur leurs chevaux. S’assurer que nous sommes nous-mêmes le plus symétrique possible est primordial. Grâce à Diego, j’ai élargi mes connaissances dans ce domaine et mon seul regret est de ne pas avoir commencé à travailler avec lui plus tôt dans ma carrière. Diego est un membre inestimable de mon équipe et je me sens très chanceux de collaborer avec lui.

Depuis plusieurs années, Scott Brash suit un programme d'entraînement physique auprès de Diego Linares, à la tête de Riders Balance. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“Sanctos et Ursula sont en pleine forme”

Impossible de ne pas prendre de nouvelles de vos stars que sont Hello Sanctos et Ursula. Comment se portent-ils ?

Ils sont en pleine forme ! Je leur ai rendu visite il y a deux semaines (entretien réalisé en mars, ndlr). Ils profitent de leurs retraites sur les terres de ma famille, en Ecosse. Sanctos est le tonton de tous les poulains. Tous les jeunes galopent à ses côtés dans les prés et c’est très agréable à voir. Il est le patron et les poulains le suivent. Il leur apprend les codes, les recadre lorsqu’ils se comportent mal et se montre très protecteur envers eux. Lorsqu’on sort un des poulains du troupeau, Sanctos se fait entendre ! Et Ursula se porte aussi à merveille. Nous avons de très bons produits d’elle et de M’Lady. Les voir profiter de leurs retraites et évoluer aux côtés de la nouvelle génération est génial.

Dans les sublimes prairies écossaise de son ancien cavalier, Hello Sanctos coule une douce retraite, entouré de ses futurs successeurs auxquels il ne doit manquer de glisser un ou deux secrets. © Anna Faire Photography



Vous avez fait l’acquisition de Chance of Picobello, alias Lucky Chance (Casall x Indoctro), un neveu de Hello M’Lady, lorsqu’il était poulain. Aujourd’hui, à sept ans, il vous accompagne lors de certaines compétitions internationales. Vous êtes-vous intéressé aux frères et sœurs utérins de Sanctos ?

Oui, j’ai vu quelques frères et sœurs de Sanctos, mais ils étaient très jeunes à l’époque. Juger de leur potentiel était difficile. Je ne sais pas vraiment ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, mais ils semblaient être de bons chevaux. Ce qui rend les chevaux de la trempe de Sanctos aussi exceptionnels ne réside pas seulement dans leurs pedigrees. C’est aussi dû à leur parcours de vie, à leur mentalité. Il y a plein d’exemples de grands chevaux issus d’origines peu connues. Et puis, trouver un autre Sanctos n’est pas chose aisée… Nous allons continuer à ouvrir l'œil !

Le double champion olympique par équipes mise sur Chance of Picobello, alias Lucky Chance, sept ans et neveu de Hello M'Lady, pour l'avenir. © Sportfot

En officialisant la retraite de Hello Vincent en 2023, vous avez lancé dans la foulée Hello Stud. Par le passé, vous aviez déjà monté quelques produits maison, notamment Cademuir (Sebastian x Concorde), avec lequel vous avez concouru sur le circuit jeunes chevaux puis au niveau 2* entre 2015 et 2017. Comment en êtes-vous venu à vous impliquer davantage dans l’élevage ?

Nous avons toujours aimé l’idée de faire naître quelques bons chevaux nous-mêmes. Cela a commencé comme un loisir, en parallèle du sport. Nous n'en avons pas élevé beaucoup, mais certains se sont avérés intéressants. Puis j’ai appris l’importance de la lignée maternelle, et comme nous avions des juments exceptionnelles, je me suis dit qu’il serait fou de ne pas leur faire faire quelques poulains et leur donner la chance de transmettre leurs gènes ! Lorsqu’Ursula a pris sa retraite, nous avons décidé de commencer un petit programme d’élevage, qui a pris de l’ampleur au fur et à mesure.

Cademuir et Scott Brash en 2016. © Sportfot

“J’adore voir les chevaux apprendre”

Qu’aimez-vous le plus dans l’élevage ?

D’une manière générale, j’adore voir les chevaux apprendre. Travailler à leurs côtés est ma passion. J’aime assister à leur évolution, depuis le début, comme lorsqu’ils ne savent pas embarquer en camion, par exemple. Une fois qu’ils ont compris que ce n’est pas un mauvais endroit pour eux, ils grimpent dedans et descendent comme si de rien n’était. J’adore être le témoin de tous ces petits apprentissages, aider les chevaux à progresser et exprimer leur plein potentiel. Les chevaux ne naissent pas en étant des stars ; ils naissent avec des qualités et des caractéristiques que nous devons identifier et cultiver. Il convient de travailler sur leurs points faibles, mais aussi sur leurs points forts, et laisser les stars qui sommeillent en eux se révéler. En bref, j’aime travailler avec les chevaux dès le premier jour.

Je m’occupe du débourrage des jeunes. C’est chouette. Chaque cheval est différent. Ils ont tous leur propre personnalité. On ne cesse jamais d’apprendre. J’ai trente-neuf ans et travaillé avec les chevaux toute ma vie. Chaque jour, j’apprends de nouvelles choses. C’est ce qui est si formidable avec notre sport et le fait de côtoyer les chevaux. Cela nous motive à nous lever le matin. Voir les chevaux progresser et grandir est génial. Au fur et à mesure, on apprend aussi ce que l’on peut mieux faire, la meilleure manière de faire comprendre aux chevaux ce que l’on attend d’eux. C’est essentiel pour moi.

Scott Brash s'occupe de chaque étape de la formation de ses jeunes chevaux, en les faisant notamment travailler aux longues rênes avant d'assurer leur débourrage avec son équipe. © Anna Faire Photography

Vous assurez donc toutes les étapes de formation de vos jeunes chevaux vous-même ?

Je m’occupe de toutes les bases, puis mon équipe à la maison gère les prémices du débourrage, sous ma supervision. Nous travaillons tous ensemble, collectivement : je ne suis pas le seul qui contribue à l’éducation des chevaux. Dès la naissance, ma sœur a une grande influence sur eux. Elle leur apprend à être licolés, à donner les pieds, à être parés, les fait vacciner par le vétérinaire, etc. Tout commence là et l’apprentissage débute dès la naissance. Il n’y a pas que moi qui leur apprend des choses, mais lorsqu’ils arrivent à l’écurie, je commence le processus de débourrage, puis mes cavaliers commencent à les monter. Nous échangeons toujours sur chaque cheval et sur la marche à suivre pour leur offrir la meilleure formation possible.

Être connectés avec mes chevaux dès leur plus jeune âge me paraît important. Cela permet de les comprendre individuellement puisque, comme je l’ai déjà dit, ils sont tous différents. En procédant de cette façon, on apprend vraiment à les connaître. Je pense que c’est très utile plus tard, lorsqu’on est en quête du couple parfait pour réussir le sans-faute aux Jeux olympiques et gagner une médaille d’or. Dans des moments comme celui-ci, il faut vraiment connaître son cheval par cœur, anticiper chaque pas qu’il fera, le moindre détail qui pourrait l’inquiéter, et, au contraire, les choses qui ne lui poseront aucun problème. Tous ces détails contribuent au succès d’un cavalier et sa monture. Travailler avec eux dès leurs premiers apprentissages permet de créer ce lien, ce partenariat crucial. Nous n’en sommes qu’au début de notre programme d’élevage, puisque les poulains les plus âgés ont six ans, mais j’espère que nous verrons les bénéfices de ce que nous avons mis en place dans le futur. 

Les premiers produits de l'élevage de Scott Brash arrivent à maturité et ont fait leurs premiers pas internationaux en 2024. © Anna Faire Photography



Ressentez-vous une connexion particulière avec vos poulains les plus âgés ?

Oui. Nous avons deux six ans qui sont nés à la maison. Je les connais et les vois évoluer depuis leur naissance. Je les comprends donc déjà très bien, et inversement : ils nous comprennent et comprennent ce que nous faisons. C’est une aide précieuse, et ils me procurent un très bon sentiment à cette étape de leur formation. Je suis très heureux de leur évolution.

“Plus il y a de chevaux, plus il devient difficile surveiller et suivre attentivement l’évolution de chacun d’entre eux, comme nous le faisons actuellement”

Combien de poulains faites-vous naître chaque année ?

Nous essayons de rester dans une dimension raisonnable. Je pense que c’est important. Plus il y a de chevaux, plus il devient difficile surveiller et suivre attentivement l’évolution de chacun d’entre eux, comme nous le faisons actuellement. Chaque système est différent, mais, dans mon cas, j’aime avoir ce lien privilégié avec chaque cheval. J’aime que nous ayons un nombre raisonnable et raisonné de naissances, pour ne pas perdre pied dans ce que nous faisons. En général, nous avons quatre à cinq poulains chaque année. Certaines années, nous en avons moins, mais il nous est aussi arrivé d’en avoir six. Cela varie.

Comment trouvez-vous le temps de gérer tout cela, en plus de vos chevaux de haut niveau et des compétitions ?

Le lundi est toujours une journée bien remplie pour moi après les concours. En général, je suis à la maison jusqu’au mercredi, mais j’ai surtout une équipe formidable, qui m’aide quotidiennement. Sans eux, je ne pourrais pas faire ce que je fais. Je me sens très chanceux de pouvoir compter sur toutes les personnes qui œuvrent aux écuries : chacune d’entre elles joue un rôle capital dans notre système.

Les jeunes chevaux de l'élevage de Scott Brash grandissent dans un cadre somptueux, en Ecosse. © Anna Faire Photography

Avec quelles juments élevez-vous ?

Ursula a eu plusieurs poulains. Nous avons essayé de la faire porter elle-même à trois reprises, mais cela n’a jamais fonctionné. Alors, je me suis dit qu’elle essayait sûrement de nous faire passer un message. Notre vétérinaire nous a suggéré d’avoir recours au transfert d’embryon avec elle, et cela a fonctionné à chaque fois. Nous n’en avons fait que deux, maximum trois par an, pas plus. Désormais, elle est arrivée à un âge où j’estime qu’elle a assez donné. Elle a vingt-quatre ans et nous n’avons pas tenté d’avoir de nouveaux embryons l’an dernier. J’estime qu’elle a eu assez de poulains. Avec M’Lady, nous avons rencontré un peu plus de difficultés. Elle n’a donc pas eu autant de produits qu’Ursula. Nous avons un poulain très prometteur de Vittoria. En revanche, nous n’avons pas vraiment fait reproduire les juments qui coucourent. Je préfère qu’elles se concentrent sur le sport, mais si elles ont une période de repos ou une pause, il nous arrive d’essayer d’obtenir un embryon. Folie a un poulain de Vincent, ce qui est génial ! Connaissant ses deux parents, il devrait avoir un caractère en or. Pour l’instant, il me paraît très intéressant. 

Hello M'Lady, née Gwindeline, fait partie des poulinières d'exception du programme d'élevage de Scott Brash. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Comment choisissez-vous les étalons que vous utilisez pour vos juments ?

J’ai utilisé plein d’étalons différents, et pas un plus que les autres. Ursula n’a jamais eu deux poulains issus du même père. J’ai tendance à me tourner vers des étalons que j’ai apprécié voir dans ma carrière, ou bien qui ont des qualités et caractéristiques qui correspondent à celles de mes juments, qui peuvent améliorer leurs points forts ou atténuer leurs faiblesses. C’est en tout cas ce que j’essaye de faire. Il y a des éleveurs qui sont des experts en la matière, et je n’en suis pas un. J’ai encore beaucoup à apprendre en matière d’élevage, mais c’est chouette de voir le résultat de ces croisements, de constater ce qui a bien fonctionné ou non. C’est passionnant, et très enrichissant.

Y’a-t-il des éleveurs que vous admirez ou qui vous inspirent particulièrement ?

Pour être franc, je pense que je n’ai pas assez parlé aux éleveurs, qui font un travail remarquable. Il y a tant d’éleveurs extraordinaires dans le monde. Nous, cavaliers, sommes chanceux qu’ils aient fait tout ce qu’ils ont fait, pris les bonnes décisions pour faire naître des chevaux comme Sanctos, Casall ou Big Star (né What A Quickstar R, ndlr). Sans leurs éleveurs, tous ces grands chevaux n’existeraient pas. Les éleveurs sont primordiaux et la plupart d’entre eux sont extrêmement compétents dans ce qu’ils font. Je pourrais apprendre beaucoup d’eux à l’avenir.

Nasia van het Gravenhof, la mère de Sanctos van het Gravenhof, alias Hello Sanctos, a produit vingt poulains entre 2010 et 2023, contre sept entre 2001 et 2009, selon les données de Horsetelex. © Dirk Caremans / Hippo Foto

La troisième et dernière partie de cet entretien sera disponible jeudi sur Studforlife.com...

Photo à la Une : Hello Sanctos, né Sanctos van het Gravenhof, est devenu un véritable crack en écrivant les plus belles lignes du palmarès de Scott Brash. © Dirk Caremans / Hippo Foto