À l’occasion de l’étape Coupe du monde d’attelage, de dressage et de saut d’obstacles de Londres, du 18 au 22 décembre, Studforlife invite à une promenade dans les rues de la capitale britannique, où le cheval se conjugue au quotidien. Au milieu de l’agitation de la métropole, il n’est jamais loin, qu’il soit de pierre ou de chair. Et pour cause, élément incontournable de la culture aristocrate anglaise, le cheval s’y retrouve à chaque coin de rue, d’allée de parc ou de salle de musées. De Buckingham Palace au National Museum en passant par Hyde Park ou St James’s Park, il veille sur la ville et ses habitants.
Si les Parisiens ont parfois la chance d’entendre le claquement des fers sur le pavé et d’apercevoir les chevaux de la Garde républicaine dans les rues de la capitale, les Londoniens peuvent profiter chaque jour du manège protocolaire des Horse Guards ou encore admirer quotidiennement les chevaux de la garde montée dans les allées de leurs parcs.
Symbole d’une coutume séculaire, la relève de la garde est un événement quotidien au cœur de Londres. Outre les gardes à pied se tenant devant la demeure de Sa Majesté le roi Charles III à Buckingham Palace, une autre relève – à cheval celle–ci – se joue chaque jour à Whitehall. Tous les matins, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou qu’un soleil de plomb étouffe les Londoniens, un même protocole s’opère immuablement. Quelques chevaux de la garde royale, parés de leur harnachement traditionnel et montés par les Blues and Royal ainsi que les Life Guards – qui composent le régiment monté de la cavalerie de l’armée britannique –, parcourent les quatre kilomètres qui les séparent de leurs écuries - situées à Hyde Park - à Whitehall. Pour s’y rendre, ils longeront Green Park, St James’s Park, puis passeront devant Buckingham Palace pour arriver à 11 heures précises du lundi au samedi et à 10 heures le dimanche, sur Horse Guards Parade pour la relève de la garde. Et pour celles et ceux qui auraient loupé le coche, chaque jour, la four o’clock inspection se tient à Whitehall à… 16 heures. Une tradition mise en place à partir de 1894 et qui ferait suite, selon certains, à une visite surprise de la reine Victoria (1819-1901) ayant trouvé les cavaliers de sa garde ivres ou endormis au lieu de tenir leur poste…

Chaque jour, la relève de la garde rythme la vie à Londres. © Lcw27, Lucia Constance Wallbank
Les écuries de la Household Cavalry Mounted Regiment à Hyde Park Barracks, situées au sud du parc, peuvent aisément accueillir jusqu’à deux cents chevaux au cœur de la ville. Disposant d’un accès facile pour rejoindre les allées alentour, les gardes montés peuvent quotidiennement profiter de cet espace vert pour sortir et entraîner leurs chevaux. Enfin, à Whitehall, un musée – le Household Cavalry Museum – permet aux visiteurs de découvrir l’histoire et les traditions de cette institution, notamment à travers une collection de sellerie et d’harnachement, et d’observer les gardes et leurs chevaux.
Sous les selles illustres
Hormis les protocoles, la famille royale d’Angleterre est hautement investie dans la culture équestre. On savait la reine Élizabeth II (1926-2022) excellente cavalière, mais cette passion s’est transmise de génération en génération, sa fille, la princesse royale Anne, et sa petite fille, Zara Tindall, née Phillips, ayant toutes deux fièrement représenté les couleurs britanniques lors des plus prestigieuses compétitions. La princesse Anne est ainsi devenue championne d’Europe individuelle de concours complet en 1971 en selle sur Doublet. Forte de ses résultats sur la scène internationale, la princesse Anne avait participé aux Jeux olympiques de Montréal avec Goodwill en 1976, écopant malheureusement d’une chute sur le cross. Son mari, Mark Phillips, lui-même cavalier, avait rapporté une médaille d’or collective quatre ans plus tôt de Munich avec Great Ovation et une médaille d’argent par équipes aux JO de Séoul sur Cartier. Fille de ces deux férus d’équitation née en 1981, Zara embrassera la même passion pour le complet et honorera à son tour la famille royale, remportant les championnats d’Europe de 2005 en individuel sur Toytown et glanant une médaille d’argent par équipes à domicile, aux JO de Londres, en 2012 sur High Kingdom.
Outre le concours complet, les têtes couronnées d’Angleterre sont aussi passionnées de polo, à travers ses messieurs le roi Charles III et ses fils, les princes William et Harry, mais également de courses – la reine Elizabeth II ayant été l’heureuse propriétaire de nombreux chevaux qu’elle suivait sur les plus grands hippodromes, souvent accompagnée de sa fille. Cet attachement à l’équitation devrait ainsi s’incarner dans le futur mémorial dédié à la reine prévu à St James’s Park. Si les travaux ne devraient commencer qu’en 2027, le projet remporté par l’architecte Norman Foster prévoit, notamment, une statue de la souveraine à cheval… témoignage de son attachement sincère à l’animal tout au long de sa vie.

En 1956, à Stockholm, la reine Elizabeth II et la princesse Margaret étaient aux premières loges pour apprécier les épreuves de concours complet. © DR / FEI
Enfin, quand on parle de politique et de chevaux, comment ne pas penser à Winston Churchill (1874-1965), éminent premier ministre britannique, de mai 1940 à juillet 1945 puis d’octobre 1951 à avril 1955, mais aussi grand cavalier. Certains écrits lui prêtent comme citation : “Le cheval est dangereux devant, dangereux derrière et inconfortable au milieu.” Pour autant, aucune source fiable ne corrobore cette dernière. En revanche, dans son autobiographie Mes jeunes années, publiée en 1930, de nombreux passages font référence à son engouement pour l’équitation, vue comme une véritable discipline de vie. “Ne donnez pas d’argent à votre fils ; dans la mesure de vos moyens, donnez-lui des chevaux. Personne ne s’est jamais mis dans le pétrin — sauf un pétrin honorable — en montant à cheval. Aucune heure de la vie n’est perdue lorsqu’elle est passée en selle”, peut-on y lire. Winston Churchill s’inscrit donc dans la droite tradition anglaise… résolument équine.
Au coin des rues…
De fait, Londres grouille littéralement de statues équestres rendant hommage aux grands souverains ou hommes militaires du royaume. Tradition séculaire depuis la statue équestre de l’empereur Marc Aurèle (121-180) réalisée entre l’an 173 et 176 de notre ère, la représentation à cheval est en effet une manière d'asseoir le pouvoir d’un individu sur son peuple et d’accroître sa grandeur. Son piédestal vivant, qu’il parvient à maîtriser d’une main de fer dans un gant de velours, est un digne symbole de puissance et de supériorité. Ainsi, au détour des rues de Londres, le promeneur pourra tour à tour admirer le Richard Cœur de Lion (1157-1199) par Carlo Marochetti, daté de 1856, levant le bras droit et pointant son épée vers le ciel devant le palais de Westminster ; le roi George IV (1762-1830) surplombant Trafalgar Square en selle sur un cheval calme et à l’arrêt, signé du sculpteur Francis Leggatt Chantrey en 1843 ; le roi Guillaume III d’Orange–Nassau (1650-1702) de John Bacon, présent au cœur de St James’s Park depuis 1808 ; le premier duc de Wellington, Arthur Wellesley (1769-1852), sur son fidèle Copenhagen, situé face à sa résidence d’Apsley House et réalisé en 1844 par Sir Joseph Edgar Boehm ; ou encore la première statue équestre en bronze de Londres, devenue le point zéro à partir duquel sont mesurées les distances routières de la capitale, œuvre du Français Hubert le Sueur de 1633 représentant le roi Charles I (1600-1649) à Charing Cross en armure sur son fier destrier. Autant d’illustres noms formant une armée d’immortels, juchés sur leurs chevaux.

La statue du roi Charles I réalisée par le Français Hubert le Sueur est le point à partir duquel sont mesurées toutes les distances routières à Londres ! © CrisNYCa
Mais d’autres équidés, plus modernes et absous de ces règles académiques de la représentation politique caracolent aussi sur le bitume londonien. Ainsi peut-on découvrir une impressionnante tête de cheval de bronze se désaltérant, signée Nic Fiddian-Green. Située entre Hyde Park et Oxford Street, et mesurant dix mètres de haut, elle semble tout simplement descendre du ciel. Le regard du cheval est calme, tranquille, presque triste. L’animal goûte-t-il l’amertume de la source ? Ou savoure-t-il un instant de quiétude dans le chaos du monde ? Inaugurée en 2011, Still Water n’en finit pas d’interroger.

Haute de dix mètres, cette intrigante statue baptisée Still Water par Nic Fiddian-Green, vaut le détour. © Tony Hisgett
… aux salles des musées
Gratuits pour la plupart, les musées londoniens permettent de découvrir un maximum d’œuvres, entre deux rendez–vous ou pour le plaisir de baguenauder dans les salles feutrées. Et, là encore, les amoureux des chevaux pourront se délecter de quelques toiles, à l’image du célèbre Whistlejacket de George Stubbs (1724-1806), présenté dans la salle 34 de la National Gallery. Ce chef-d’œuvre du peintre met en scène un étalon, descendant du célèbre Godolphin Arabian, père de certaines des belles lignées de chevaux de courses. Ce Pur-sang Arabe alezan avait remporté une course célèbre à York en 1759 avant de prendre sa retraite en 1762. Son propriétaire, le deuxième marquis de Rockingham, Charles Watson-Wentworth, avait commandé à George Stubbs un portrait commémoratif grandeur nature de son cheval primé. C’est ce dernier, peint en 1762 en huile sur toile de 2,96 x 2,48m, que le spectateur peut ainsi admirer au cœur de Londres. Représenté sans cavalier, nu de tout harnachement, l’animal à la robe dorée semble regarder son peintre, sa tête presque de ¾ orientée vers le spectateur, tandis que le reste de son corps est présenté de profil. La précision anatomique, ainsi que la finesse de la peau sont une particularité du travail de George Stubbs dans sa représentation équine. Les veines sur les jambes du cheval, la fièvre du regard, la souplesse de la crinière sont d’un réalisme saisissant. Debout devant la toile, il semblerait presque que le souffle chaud sortant des naseaux viennent caresser le visage de ses observateurs.

George Stubbs, Whistlejacket, vers 1762 © National Gallery, London
Si Whistlejacket demeure sans conteste l’un des chevaux les plus connus de la National Gallery, nombre d’équidés galopent à travers ses murs. Ainsi, peut-on ici (re)découvrir quelques toiles célèbres où le cheval est roi, à l’image du Saint George et le Dragon de Paolo Ucello (1397-1475), ou du Portrait équestre de Charles Ier d’Anthony van Dyck (1599-1641).
Mais la National Gallery n’est pas la seule antre où chevaux et cavaliers déambulent sans bruit. À la Wallace Collection, on peut, par exemple, admirer une splendide armure du XVe siècle d’un guerrier et de son cheval. Une collection dédiée révèle d’ailleurs les différents chanfreins de protection des chevaux de bataille. Avis aux amateurs !
On l’aura compris : entre deux épreuves du circuit Coupe du monde, les passionnés de chevaux et d’équitation n’auront aucun mal à poursuivre leur rêve au cœur de la métropole britannique. Une chose est sûre : à Londres, le cheval n’est jamais loin.
Photo à la Une : Si Londres est le théâtre de plusieurs étapes de la Coupe du monde Longines, la ville regorge aussi d'un riche patrimoine culturel... autour des chevaux ! © Jon Stroud / FEI