Pour le cavalier irlandais Seamus Hughes Kennedy, âgé de seulement vingt et un an, l’année 2023 fut bien celle de la consécration. L’ascension fulgurante du jeune “Seamie”, dont le palmarès ne cesse de s’étoffer, aura, entre autres, été marquée au fer blanc de son doublé en or aux championnats d’Europe Jeunes de Gorla Minore et d’une victoire dans le Grand Prix U25 de Genève. Pourtant baigné dans la culture équestre depuis l’enfance, ce n’est qu’à onze ans que le cavalier du Trèfle décide de chausser sérieusement les bottes. Une destinée amorcée grâce à sa rencontre avec Cuffesgrange Cavalidam, et, comme tout est histoire de famille chez les Hughes Kennedy, consolidée par son sacre sous la selle de Cuffesgrange Cavadora. Si son sérieux, son travail acharné et son génie en font une étoile montante du saut d’obstacles, l’éphèbe n’oublie pas de mettre ces mêmes qualités au service de l’élevage familial de Kilkenny, chapoté par le flair imparable de sa mère Clare. Retour sur une saison rythmée par les victoires.
La première partie de cette interview est à (re)lire ici.
En juillet dernier, vous avez décroché deux médailles d’or aux championnats d’Europe Jeunes Cavaliers de Gorla Minore. Avez-vous observé une différence entre votre participation en individuel et par équipe ?
Ce fut une expérience très différente. En individuel, je savais ce que je devais faire et cela ne me concernait que moi. Par équipe, j'ai ressenti presque plus de pression car le collectif fait qu’il y a plus d’enjeux. La seule chose en mon pouvoir était de me concentrer sur mon parcours et de viser le sans-faute pour que l’Irlande soit médaillée d’or par équipes. Pour gérer au mieux cette pression, je m’efforce au maximum de garder la tête froide à chaque instant en me concentrant sur ce qu’il y a faire et non sur ce qui pourrait être fait. Dans ces moments de forte émulation il faut réussir à ne pas trop réfléchir pour ne pas être envahi de pensées parasites.
Pouvez-vous revenir sur votre expérience au prestigieux CHI de Genève, en décembre dernier ?
Cavadora a terminé sa saison en beauté en m’offrant la première place dans le Grand Prix U25 de Genève en décembre dernier. C’était la première fois que je participais au CHI de Genève, ce fut une très belle opportunité et un honneur ! C’est un concours que nous avions l’habitude de suivre à la télévision en famille. C’est un privilège pour les jeunes cavaliers de pouvoir disputer une épreuve U25 sur un terrain aussi prestigieux. Cela nous permet de prendre part à un événement de renommée mondiale aux côtés des plus grands. J’ai beaucoup de chance de pouvoir compter sur Michael Blake (sélectionneur national de l’équipe irlandaise de saut d’obstacles, ndlr). En tant que chef d’équipe, il nous donne l’opportunité de participer à de telles échéances. Son aide fut précieuse lors des reconnaissances car il a un grand sens de l’action. La cerise sur le gâteau ? Avoir l’opportunité de voir en personne le barrage du Grand Prix Rolex (remporté par Richard Vogel et United Touch S au terme d’un barrage d'anthologie, ndlr) !
“Toute ma vie, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, est dirigée vers les chevaux”
Suivez-vous une routine quotidienne particulière pour préparer vos échéances ? Quelle place occupe la préparation mentale lors de vos entraînements ?
En tant qu’écurie professionnelle nous essayons de conserver une routine dans le travail de nos chevaux avec des plannings précis de nos séances. Cependant nos jeunes recrues nous demandent une grande adaptation car il faut être à l’écoute de leurs besoins spécifiques, mais aussi leur accorder beaucoup de temps. En ce moment nous avons trente-cinq chevaux au travail, dont de nombreux jeunes chevaux, alors je pense pouvoir dire que nous sommes assez occupés (rires).
La préparation mentale est un élément important de notre sport, mais je me concentre davantage sur le fait de rester en bonne condition physique pour donner le meilleur de moi-même chaque jour. Être en bonne santé me permet d’avoir plus d’impact sur mon propre mental, notamment en gardant le contrôle de mes émotions. Selon moi, savoir garder la tête froide est un paramètre central car il faut être capable, en temps voulu, de faire abstraction des détails qui peuvent nous parasiter en situation de stress. Ce sont en tout cas les leçons que j’ai pu tirer de cette année riche en effervescence même si je ne suis qu’au début de ma carrière et que ma façon de penser peut bien sûr évoluer au fil des situations et des rencontres.
Le saut d’obstacles occupe une part importante dans votre vie de jeune adulte. Avez-vous d’autres passions ? Comment occupez-vous votre temps libre ?
Nous sommes une grande famille et nous sommes tous très proches. Cette proximité fait que nous passons beaucoup de temps ensemble, dont une grande partie de notre temps libre. Avec mes cousins nous adorons jouer au foot ! Mais je dois avouer que pour le moment, toute ma vie, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, est dirigée vers les chevaux, qui y occupent une place omniprésente. L’équitation, au-delà de l’aspect sportif, est un excellent vecteur humain dans le sens où ce sport permet de rencontrer de nombreuses personnes en permanence, surtout en Irlande où il y a une grande communauté réunie autour de ce sport.
“S’inspirer doit permettre de créer son propre style, de donner le meilleur de soi-même sans chercher à imiter”
Qui parmi vos aînés vous inspire le plus ? Pour quelles raisons ?
Je m’inspire au quotidien de nombreux cavaliers sans me concentrer sur l’un d’entre eux en particulier. Chaque cavalier de haut niveau a son propre style et tous semblent fonctionner, alors, difficile de choisir. Si je devais en citer deux, mon choix se porterait sur Ben Maher pour sa carrière et Marcus Ehning pour sa position impeccable. S’inspirer doit permettre de créer son propre style, de donner le meilleur de soi-même sans chercher à imiter.
Que retiendrez-vous de cette année 2023 qui vous a couronné de succès aux quatre coins de l’Europe ?
Ma progression avec ESI Rocky est une grande fierté, il a un potentiel incroyable malgré son peu d’expérience. Je devais normalement participer aux championnats d’Europe avec Cuffesgrange Cavadora, mais nous avons fait le choix de la préserver, puis je misais sur ESI Ali, mais nous l’avons vendu quelques semaines avant le début de la compétition. J’ai donc dû redoubler d’effort pour préparer Rocky, qui était donc notre troisième choix, pour l’échéance. Et pour quel résultat ! Comme quoi, il faut toujours rester concentré et donner le meilleur de soi-même car de bonnes choses peuvent découler de situations qui semblaient pourtant mal engagées. Mon meilleur souvenir restera ce moment, aux Européens, quand je pensais avoir perdu la médaille après avoir franchi la ligne d’arrivée. Les secondes ont semblé des heures avant que le tableau des scores n’affiche que j’étais finalement premier. Ce fut vraiment un moment particulier pendant lequel j’ai tout de même réussi à entendre mon père hurler de joie.
“L’un de mes plus grands objectifs est de pouvoir un jour courir la Coupe des nations de Dublin”
Vous êtes-vous fixé des objectifs pour la saison prochaine ?
La saison prochaine, je vise les championnats d’Europe dans la catégorie supérieure avec ESI Rocky. Accéder au niveau Sénior et y être compétitif est dans mes projets sur le court terme. Le but est de continuer sur notre lancée en se qualifiant pour des échéances internationales. Sur le long terme, l’un de mes plus grands objectifs est de pouvoir un jour courir la Coupe des nations 5* de l’Aga Khan au Dublin Horse Show. Ce serait un rêve éveillé de fouler cette piste à cette occasion ! Pour vous dire l’engouement familial que cet évènement suscite, nous ne le ratons jamais et le suivons autour d’un bon feu de cheminée. Cette année, se tiendront les Jeux olympiques de Paris et j’adorerais représenter l’Irlande un jour, mais il s’agit plutôt à ce stade d’un rêve chimérique. L’équipe d’Irlande n’a jamais été aussi compétitive et j’aimerais un jour rejoindre ses rangs ! Je pense que mon cheval ESI Rocky a tout pour y briller, mais cette année, à seulement neuf ans, c’est encore trop tôt. Pour l’instant, je vise plutôt les prochains championnats du monde Sénior si un cheval me permet d’y participer.
Quelles sont vos bonnes résolutions pour 2024 ?
Manger plus sainement et aller plus souvent à la salle de sport ! (rires) Sinon travailler toujours mieux mes chevaux pour espérer me maintenir au classement mondial et y faire mes preuves ; ce qui me permettrait d’accéder à des concours auxquels je ne pouvais espérer participer il y a encore quelques mois.
Photo à la Une : Seamus Hughes Kennedy à Genève. © Sportfot