À l’élevage de Champloué, le meilleur reste à venir (2/2)
Niché sur la commune de Cohons, en Haute-Marne, l’élevage de Champloué grandit d’année en année. Fondé par Jean-Marie Charlot, passionné par les chevaux depuis toujours, l’affixe voit naître chaque année d’excellents chevaux. Et il semblerait que les meilleures années soient à venir. Grâce à de solides souches, dont celles de Javotte D et Fanny du Mûrier, l’ancien avocat, désormais retraité, s’attache à produire des montures de qualités. Si une partie de ses jeunes pousses partent régulièrement à l’étranger, où les experts sont friands de ce sang reconnu, les autres ont la part belle pour éclore en France. Cette semaine, à la Grande Semaine de l’élevage de Fontainebleau, Huricane, champion des cinq ans, Grazia, ou encore Italia ont bien semblé emprunté la voie ouverte par un certain Empoli, qui pointe le bout de son nez au sommet de son sport sous la selle de Bertram Allen. Second épisode d’une rencontre en deux parties.
Le premier volet de cet article est à (re)lire ici.
Installé sur près de trente hectares, dans une structure “quasi-professionnelle”, où il dispose d’une carrière, d’un manège, d’un marcheur et tout le nécessaire, Jean-Marie Charlot fait naître entre six et sept produits par an en moyenne, en utilisant fréquemment le transfert d’embryon avec ses meilleures poulinières. "Évidemment, j’ai recours au transfert d’embryons. Avec une très bonne poulinière, on fait des transferts d’embryons”, martèle-t-il. “Je les fais en Belgique, toujours chez Keros. Cela fonctionne très, très bien. Le personnel connaît mes juments depuis longtemps et est compétent. Toutefois, je n’en fais pas non plus dix par an, mais plutôt entre six et sept. La saison dernière n’ayant pas été un grand cru, j’ai essayé l’ICSI pour la première fois cet hiver. J’ai obtenu plein d’embryons congelés, mais cela a été une catastrophe à la décongélation ! J’ai utilisé sept embryons, avec de très bonnes origines, à savoir Chacco-Blue, Comme Il Faut, Kashmir van’t Schuttershof, Cornet Obolensky, etc. Ils n’ont pas pris ; seuls deux ont été viables. J’ai peut-être commis une erreur en faisant sexer les embryons. Cela diminue les chances de réussite. En revanche, les deux juments que j'avais emmené en Italie ont très bien vécu cela. Je les ai récupérées en bon état. Je suis maintenant réservé sur l’ICSI. Si, au bout du compte, les embryons ne s’implantent pas, on embête les juments pour rien et il est peut-être préférable de les laisser tranquilles l’hiver. C’est une déception, et surtout un coût très élevé. Cela demande aussi beaucoup de travail, puisque je transporte moi-même mes juments jusque dans les locaux d’Aventea. C’est une belle région, mais ce n’est pas la porte à côté…”
Grâce à ces techniques de reproduction de plus en plus démocratisées, l’élevage de cet ancien avocat a été propulsé à vitesse grand V sur le devant de la scène. Si la passion de Jean-Marie Charlot pour les chevaux et la génétique ne date pas d’hier, son élevage, lui, s’est forgé une nouvelle réputation il y a une dizaine d’années seulement. “Je cherche à produire des chevaux qui sautent. La qualité de Toscane est bien celle-là : elle apporte une aptitude à l’obstacle que je retrouve chez ses poulains. C’est ce que nous recherchons en premier. Elle lègue aussi sa force et l’envie d’aller de l’autre côté de la barre. Elle a tout de même des défauts. Étant une fille de Diamant de Semilly, son modèle n’est pas irréprochable. Alors, pour résumer, ma philosophie est de produire des beaux chevaux, qui sautent”, révèle le Nivernais d’origine. “J’essaie toujours de choisir des étalons à la fois connus, mais surtout qui conviennent à mes juments. Je ne reste pas fixé sur un étalon star s’il ne convient pas à ma jument. Et je ne déroge jamais à cela. Ensuite, j’essaye évidemment de corriger les défauts, grâce aux étalons. Chez Toscane, comme le modèle est à améliorer, je cherche des étalons plutôt beaux, et respectueux sur les barres.”
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Et visiblement, Jean-Marie Charlot ne s’y trompe pas. N’hésitant pas à utiliser du sang étranger, mais aussi français, l’ancien cavalier a, jusqu’ici, réussi son pari. Dans sa génération des C, qui comptait onze sujets, six ont dépassé un ISO de 140 : Cadum (Diamant de Semilly x Laudanum, PS), Carlotta (Emilion x Diamant de Semilly), Carrera (Balou du Rouet x Diamant de Semilly), Centina (Emilion x Diamant de Semilly), Corum et Crésus. Et la suite a été de la même veine.
Empoli, l’étoile montante
Dans l’année des D, notons Dawai de Champloué (Kannan x Diamant de Semilly), qualifié pour les finales nationales à cinq et six ans. Mais c’est bien en 2014 que naîtra celui qui s’apprête à devenir la star de l’élevage. Digne fils de Toscane, Empoli de Champloué pointe le bout de son nez un jour de juillet. L’alezan, fils d’Arko III, deviendra, quelques années plus tard, un petit crack, sous la selle de l’Irlandais Bertram Allen. Pourtant, de tous ses “Champloué”, Jean-Marie Charlot n’aurait peut-être pas misé sur lui. “Empoli n’était pas très démonstratif lorsqu’il était poulain. Il a été vendu aux ventes Fences, pas très cher (25.000€, soit en-dessous du prix de vente moyen de 32.500€ des trois ans cette soirée-là, et bien loin des 200.000€ récoltés par El Diarado d’Euskadi, ndlr). Comme quoi, il n’y a pas que les vendeurs qui font de bonnes affaires. En l'espèce, ce n’était pas le cas”, explique le naisseur du plaisant alezan. Disparu des radars ou presque, Empoli effectuera un parcours, dans une Préparatoire à 1,05m, en avril 2019, sous la selle de François Xavier Leroy, avant de réapparaître brièvement sous la selle de l’excellent Francis Connors, début 2020, à Oliva. Comme avec son crackissime James Kann Cruz, l’Irlandais sera contraint de mettre un terme prématuré à sa tournée hispanique, en raison de la pandémie de Covid-19. Plus d’un an plus tard, le fils d’Arko III signera finalement son grand retour, aux côtés de la famille Allen. “J’ai retrouvé Empoli un peu par hasard, car les écuries Allen n’ont pas changé son nom. Ils le surnomment ‘Champ’, mais il reste toujours enregistré sous son nom originel. Evidemment, cela m’a un peu surpris ! Il est tombé sur un pilote fabuleux, et à huit ans, il fait des choses remarquables. Sauter des épreuves à 1,55m à son âge est rare, d’autant plus qu’il se classe aux avant-postes. Avoir ce cheval comme tête de gondole apporte forcément une visibilité et une lisibilité à l’élevage”, complète l’heureux naisseur du styliste alezan.
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D’abord brillant à 1,40 et 1,45m avec les frères Harry et Bertram Allen cette année, Empoli a franchi un nouveau cap avec l’aîné des deux, fin août, à Valkenswaard. Pour sa toute première épreuve à 1,55m, le Selle Français a d’abord concédé huit points, avant de montrer toute l’étendue de son talent dans le petit Grand Prix dominical, qu’il a conclu de la meilleure des manières : un rapide double sans-faute lui offrant la deuxième place. De quoi apporter une nouvelle notoriété à son élevage natal ? “Non, pas vraiment”, rétorque Jean-Marie Charlot. “En réalité, les éleveurs connaissent très bien la souche. Beaucoup d’Allemands, de Danois et de Néerlandais viennent chez moi depuis longtemps. C’est d’ailleurs une forme de problème. Ces éleveurs et marchands m’achètent évidemment des pouliches, qui finissent par disparaître. Cela retire toute la lisibilité quant à leur avenir et leur production. Ce n’est que lorsqu’elles apparaissent en épreuves internationales que je peux retrouver leur trace. Je regrette un peu de vendre à l’étranger, parce qu’avec les Français, je peux avoir un retour. Les propriétaires m’avertissent que mes anciens protégés sont qualifiés à Fontainebleau, ou qu’ils ont réalisé une bonne performance au CIR, par exemple. Cela m’intéresse et me plaît de garder le contact. Avec Empoli, les gens comprennent qu’il vient de mon élevage. C’est peut-être la confirmation que nous pouvons produire des chevaux pour le haut niveau. En tout cas, les étrangers savent lire Horsetelex et, même s’ils ne connaissent pas mon adresse, ils savent la trouver.”
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La souche de Fanny du Mûrier confirme aussi à Champloué
Pas de doute : le meilleur reste à venir pour l’élevage de Champloué. À seulement huit ans, Empoli pointe tout juste sa jolie frimousse au sommet de son sport. Peut-être que Fouquets de Champloué (Cornet Obolensky, ex Windows vh Costersveld x Baloubet du Rouet), lui emboîtera rapidement le pas ? Côté génétique, une fois de plus, tous les ingrédients sont là. Bilitis des Lys, sa mère, est une fille de Quarmen de Toscane (Quidam de Revel x Laudanum), la propre sœur d’un certain… Rahotep de Toscane (ISO 172), rien que ça. Pour rappel, le gris, complice de Philippe Rozier avait atteint le graal au terme des Jeux olympiques de Rio, en 2016, d’où la France était rentrée couverte d’or. Quarmen et Rahotep ont également pour frère l’étalon Jadis de Toscane. Prolifique, leur mère, Fanny du Mûrier, n’a pas non plus besoin de présentation, à l’image de Javotte D. Formé par Éric Lelievre, l’excellent Fouquets a désormais rejoint Cyril Bouvard. Ensemble, le duo poursuit sur une bonne lancée et enchaîne les classements à 1,40m. Absent à Fontainebleau, le séduisant bai se rattrapera à Lanaken, la semaine prochaine, où il disputera le championnat du monde des sept ans, face aux meilleurs de sa génération. “J’avais acheté Fouquets à Jean-Marie à quatre ans, puis il a été revendu. C’est un très bon cheval, qui s’est très bien comporté à quatre et cinq ans. Il était huitième de la finale nationale à cinq ans. Je l’avais également qualifié à six ans, mais, m’étant cassé la clavicule juste avant Fontainebleau, je n’avais pas pu le monter. Cyril Bouvard a alors pris la suite”, résume Éric Lelievre, qui présentait cette année sa propre sœur de quatre ans, Indiana de Champloué, qu’il estime être une bonne jument de concours.
Des convoitises de toute part
Même s’il ne montait que trois produits de l’élevage cette année sur les pistes bellifontaines, l’effectif de Jean-Marie Charlot ayant attiré les foules de France et de Navarre, Eric Lelièvre avait la responsabilité de guider la géniale Italia de Champloué (Casall et Toscane de Champloué), propriété d’Elodie Cappé. Face à des tribunes bruyantes, la baie, déjà lauréate de l’événement femelle à trois ans, avec une moyenne de 17,38/20 pour sa prestation en liberté et son modèle, a de nouveau brillé, signant un championnat parfait, pour s’emparer de la deuxième place. Une réussite à tous les niveaux, complétée par la belle prestation de Grazia de Champloué (Toulon et Carrera de Champloué x Balou du Rouet), acquise pouliche par Elodie Cappé également, et engagée dans le championnat des six ans. “Italia est une jument qu’avait achetée l’élevage St Clair lorsqu’elle n’avait que quelques jours. Nous allons la faire vieillir au moins jusqu’à six ou sept ans. C’est une très bonne jument, avec beaucoup de moyens. Grazia appartient également à l’élevage St Clair d’Elodie. Elle est un petit peu délicate, mais elle a du potentiel, que nous allons tenter d’exploiter pour participer aux plus belles épreuves”, se réjouit Éric Lelievre.
Bien qu’ils étaient présentés par Grégoire Hercelin et Jean-Marc Le Guennec, Huricane de Champloué (Windows vh Costersveld et Toscane de Champloué), ainsi qu’Hermione de Champloué (Clarimo et Brunetta de Champloué), ont complété une Grande Semaine exceptionnelle pour Jean-Marie Charlot, qui n’a pas du regretté le déplacement. Le premier, un superbe mâle aux qualités typiques de son père, a remporté son épreuve haut la main, se montrant un cran au-dessus de la plupart de ses concurrents. La seconde, seizième, a bouclé un triple sans-faute et obtenu de très bonnes notes, elle aussi.
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Des crus suivants, nul doute que Jean-Marie Charlot tirera autant de réussite et de satisfaction. “Après cette année un peu plus creuse, je devrais monter pas mal de produits de l’élevage de Champloué l’an prochain. J’ai déjà accueilli trois jeunes, et autant doivent encore arriver. En raison des résultats de sa production, Jean-Marie avait vendu un certain nombre de poulains l’année dernière. Son élevage et ses souches sont connus, donc le commerce marche bien”, estime Éric Lelievre. Désormais en possession de toutes les bonnes recettes pour espérer produire de nombreux autres cracks, Jean-Marie Charlot a toujours la passion chevillée au corps. Après avoir accepté sans broncher de se lever plus tôt et de terminer ses journées tardivement en parallèle de son activité d’avocat, le Nivernais entend bien profiter de sa retraite pour poursuivre son œuvre. “Qu’est-ce que j’envisage pour l’avenir ? De continuer, parce que c’est un plaisir, une passion. Tant que je pourrai, je continuerai de la même manière, mais pas plus”, imagine avec bonheur l’éleveur. “Je ne vais pas m’amuser à faire naître davantage sous prétexte que l’élevage fonctionne. Je ne serais pas capable de contrôler dix à quinze poulains par an. De toute façon, ma structure ne me le permettrait pas. Avec six à sept naissances par an, je peux gérer tout le cursus de mes poulains.” Gageons qu’il en soit de même de nombreuses autres années.
Photo à la Une : Empoli de Champloué et Bertram Allen à Dinard. © Mélina Massias
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