60 ans. Cela fait 60 ans que l’Egypte attendait de pouvoir aligner une équipe pour les Jeux Olympiques et ce sera le cas à Tokyo l’an prochain grâce au morceau de bravoure de Mohamed Taher Zeyada, Nayel Nassar, Abdel Saïd et Sameh El Dahan. Il faut dire que sur le papier, il s’agissait bien de l’équipe la plus expérimentée, ayant plusieurs cavaliers courant régulièrement (et gagnant) sur le circuit 5*. Pourtant, comme ils l’avouaient tous les quatre, la pression qu’impliquait l’enjeu de la qualification olympique était immense. « Nous voulions tellement décrocher cette qualification, qui était un rêve, que nous n’avions jamais ressenti une telle pression », ont dit en chœur les quatre cavaliers, qui ont pu compter sur le support de Rob Hoekstra, ancien sélectionneur des Britanniques.
Sous un soleil de plomb, cette Coupe des Nations du CSIO 4* de Rabat a tenu toutes ses promesses. Il faut dire que le ticket olympique qui se jouait entre 6 nations a tenu en haleine cavaliers et spectateurs. Alan Wade a su concocter un tracé subtil, où les fautes pouvaient survenir partout sans que l’on voie pour autant des scores très lourds.
Après la première manche déjà, les Egyptiens semblaient bien partis et ils ont réédité à la seconde manche. Nayel Nassar a signé un très beau double sans-faute avec Lucifer V (Lord Pezi), donnant l’impression d’une véritable promenade de santé. Le cavalier de l’écurie Evergate était venu avec cet objectif en tête, n’ayant emmené qu’un seul cheval au Maroc, et il ne l’a monté que jeudi pour le préparer.
Abdel Saïd assurait lui aussi deux tours sans-faute avec la fille de Quidam de Revel, Venise du Reverdy, n’étant pénalisé que d’un point de temps dans chaque manche.
Sameh El Dahan réussissait un score vierge en première manche, mais ne put éviter une petite faute de sa bondissante Suma’s Zorro, gagnante du Grand Prix de Calgary l’an passé, dans la 2e manche.
Mohamed Taher Zeyada, le moins connu de l’équipe, mettait ses coéquipiers sur la bonne lancée en bouclant un tour à 2 points dans la seconde manche avec Vizalaty (Newton de Kreisker).
Juste derrière cette brillante équipe d’Egypte, on retrouve les Suisses, tenants du titre en 2017 et 2018. La Suisse était la seule nation à avoir aligné deux doubles sans-faute avec Elian Baumann et Anthony Bourquard. Au final, 4 points pour l’Egypte, 5 pour la Suisse.
Elian Baumann était déjà de l’équipe de Suisse l’an passé à Rabat (il avait fait 4+0) et il prouvait une nouvelle fois tout son potentiel et celui de son fils de Contact van de Heffick, Campari Z, au style pourtant atypique.
Quant à Anthony Bourquard, il a déroulé deux tours d’une précision… suisse, ne laissant rien au hasard avec son complice Tum Play du Jouas (Querlybet Hero), qui appartient à Daniel Etter et qui était encore monté en début d’année par Ryck Hemeryck. Le couple, qui ne se connaît que depuis quelques mois, ne cesse d’enchaîner les résultats, se classant dans tous les Grands Prix auxquels ils ont pris part (Lausanne, Albführen, Crans-Montana, Verbier, Humlikon, Busto Arsizio et Tétouan). Espérons qu’il puisse continuer d’évoluer et de grandir ensemble, tant le pilote des écuries Guerdat a montré qu’il était capable de garder la tête froide malgré la pression d’une Coupe des Nations.
Il s’agissait aussi de la première Coupe de Marc Röthlisberger avec Agatha d’Ecaussinnes (Schilling) et il signait deux tours à 4 points, notamment sur la délicate palanque après la grande rivière (comme si souvent en Coupe des Nations !), à peine effleurée. Le sympathique Bernois, vice-champion de Suisse, avouait tout de même qu’il n’avait jamais monté de tels parcours.
Alain Jufer signait un tour à 1 point en première manche et mettait une barre à terre en seconde manche avec son Cornet MM (Cornet Obolensky). « Je suis vraiment fier de mes troupes », disait Andy Kistler.
Anthony Bourquard d’ajouter : « Lorsque j’étais en juniors et jeunes cavaliers, j’aimais beaucoup monter en équipe, mais je n’avais pas toujours le résultat attendu. Cela faisait donc quelque temps que j’espérais à nouveau pouvoir porter la veste de l’équipe de Suisse et signer ici un double sans-faute, c’est fantastique. Mes collègues ont été super et Alain Jufer m’a beaucoup aidé. J’espère que ce bon résultat n’est que le début. On s’entend vraiment très bien avec Tum Play. On forme un vrai couple. La semaine prochaine, je vais prendre part au concours d’El Jadida. Il s’agira de mon premier indoor avec ce cheval et si tout se passe bien, le CHI de Genève sera l’un de mes grands objectifs pour la fin de l’année. »
Les Italiens et les Brésiliens suivaient au classement. Les deux nations étaient pénalisées de 14 points, mais les Transalpins ayant été plus rapides, ils prenaient le 3e rang, avec Roberto Arioldi et Chiclone dans leurs rangs, alors que les protégés de Philippe Guerdat étaient 4e.
Le vainqueur du Grand Prix de vendredi, Bernardo Alves a signé l’un des 4 double sans-faute du jour avec son phénoménal El Torreo de Muze, qui n’aura pas touché une barre du week-end !
Rang 5 pour le Canada, emmené par un excellent Kyle Timm avec Vagabond des Forêts (Corofino) : 4+0.
Belle performance aussi des Polonais, 6e, avec notamment deux sans-fautes de Jan Bobik (ci-dessus) sur Chacco Amicor et Wojciech Wojcianiec sur ChintaBlue.
Plus de déception du côté des Français, qui ne pouvaient faire mieux qu’un 7e rang, malgré le tour sans-faute d’Olivier Perreau et GL Events Venizia d’Aiguilly.
Le deuxième ticket olympique pour le Quatar
Dans la course aux Jeux Olympiques, les Qataris, très entourés par Jan Tops, ont pu compter sur un bon tour à 1 point de Bassem Mohammed et Gunder pour s’assurer leur place à Tokyo.
Grâce à ce résultat, ils ont privé d’un souffle – 3 points – des Marocains, déçus, mais qui pouvaient être fiers de leurs très bons tours. Et du soutien sans faille de leur public, à l’image de cette vague de jeunes spectateurs qui, drapeaux marocains à la main, a suivi El Ghali Boukaa (ci-dessus) jusqu’en sortie de piste pour le féliciter lorsqu’il a signé un tour sans-faute en seconde manche.
Abdel Saïd : « C’est vraiment incroyable pour notre équipe. Les Jeux olympiques, c’est un rêve. Je suis reconnaissant d’avoir pu concourir aux côtés de ces super cavaliers. C’est la première fois que nous sommes alignés dans une même équipe et cela nous motive pour la suite. »
Nayel Nassar : « Je suis très fier de Lucifer. Il est vraiment régulier depuis plusieurs saisons. Il a son propre caractère, mais lorsqu’il entre en piste, il sait ce qu’il a faire. Aujourd’hui, il a vraiment senti l’importance de l’enjeu. Le but était de se qualifier pour les JO, mais en plus de remporter la Coupe, c’est la cerise sur le gâteau. »
Joanne Sloan-Allen, la propriétaire irlandaise de Suma’s Zorro (ci-dessus) nous a parlé de sa protégée : « Zorro est vraiment fantastique. Elle a gagné toutes les choses importantes qu’on lui a demandées. Je suis vraiment très contente. Elle est déterminée, très forte dans sa tête et un cœur énorme. Elle va ensuite disputer un 4* à Samorin. Comme elle a 15 ans, c’est important de manager au mieux sa saison et les concours qui vont venir pour qu’elle puisse être en forme avec l’objectif des Jeux Olympiques. Après la Slovaquie, Zorro reviendra en Irlande, à la maison. C’est loin de l’Europe, mais on est vraiment bien installés. C’est juste inconfortable avec le Brexit et cette situation instable. Mais Zorro est née en Irlande, donc c’est là-bas qu’elle se sent bien. »
Ce CSIO 4* de Rabat se conclut donc sur une belle note. La plupart des cavaliers et des chevaux prendront la route de la 3e et dernière étape de ce Morocco Royal Tour, à El Jadida, le grand salon du cheval, le week-end prochain.