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“Le salon des étalons de Saint-Lô a confirmé la place forte du Selle Français au sein de l’élevage européen”, Yann Adam (1/2)

Yann Adam
vendredi 7 mars 2025 Mélina Massias

Années après années, le salon des étalons de sport de Saint-Lô confirme son caractère incontournable, mais aussi convivial. Yann Adam, directeur du Pôle hippique de Saint-Lô, co-organisateur de l’événement au côté du stud-book Selle Français, dresse le bilan de ce rendez-vous annuel tant attendu. Il revient sur les temps forts, les réussites, mais aussi les quelques axes de perfectionnement de trois jours que les éleveurs ne sauraient manquer avant de donner le coup d’envoi d’une nouvelle saison d’élevage.

Avec deux semaines de recul, quel bilan dressez-vous de la vingt-neuvième édition du salon des étalons de sport de Saint-Lô ?

Nous sommes déjà motivés à préparer la vingtième ! (rires) Cette édition confirme plusieurs choses, à commencer par la place importante qu’occupe la race Selle Français en Europe. Les étrangers ont témoigné de leur intérêt certain pour nos étalons approuvés à saillir en Selle Français. Certains stud-books ont d’ailleurs présenté leurs meilleurs reproducteurs à Saint-Lô. Ajouté au fait que certains grands cavaliers sont équipés de chevaux Selle Français, cela renforce la position du stud-book, numéro un mondial au classement de la Fédération de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH) en 2023 et 2024. Le salon a confirmé la place forte du Selle Français au sein de l’élevage européen. La présence d’un éleveur et étalonnier comme Joris de Brabander, qui a présenté un étalon de son élevage de Muze, n’est pas anodin, sans parler de la venue du stud-book Holstein avec trois de ses meilleurs étalons. Cela dépasse presque le simple cadre du salon, mais il est intimement lié au stud-book Selle Français, qui en est co-organisateur au côté du Pôle hippique. D’une manière générale, la France reste une terre d’élevage forte et motivée. La présence de l’affixe colombien San Isidro est une autre preuve de toute la force de notre élevage et de notre savoir-faire. Les membres de l’élevage San Isidro sont repartis avec des étoiles plein les yeux et étaient très fiers de présenter l’un de leurs étalons dans la Manche. Voir que l’on a essaimé dans des pays comme la Colombie, qui n’est pas notre cible prioritaire, est génial. 

Durant le week-end, et selon les chiffres communiqués par les étalonniers, il y a eu environ mille cinq cents contrats de saillies signés. Les gens attendent ce rendez-vous pour signer leurs contrats. Le salon est un moment privilégié pour l’acte d’achat et le choix de son plan de monte. C’est un moment important et favorable pour cela. On le voit par l’affluence : les éleveurs avaient besoin de voir les étalons en vrai, de près, pour prendre leurs décisions. Par rapport aux dernières années, le nombre de contrats signés s’est renforcé. Il y a une hausse d’environ dix pourcents. 

Samedi, les allées du Pôle hippique n'ont pas désempli ! © Mélina Massias

Au-delà du choix des étalons, ce rendez-vous est aussi un vrai moment d’échange entre éleveurs et passionnés…

J’ai le sentiment que, plus que le salon des étalons, l’événement est devenu un véritable salon de l’élevage du cheval de sport. Nous sommes en train de prendre la dimension que nous voulions, en s’inscrivant comme un salon structurant, nécessaire pour l’élevage français. La présence des institutionnels et de certaines races, de la Société hippique française (SHF), à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) en passant par le stud-book Selle Français, les Anglo-arabes, le Centre de reproduction des étalons de dressage (CRED), le Cheval de sport anglo-normand (CSAN), Cheval Pays-de-la-Loire, ou encore l’Association nationale du Poney Français de Selle (ANPFS), qui avait un stand pour la première fois, souligne que nous sommes sur un salon de l’élevage, même si les étalonniers restent évidemment prioritaires. Tous les exposants hors étalonniers, au nombre de vingt-sept, ont également connu une bonne activité. Certains proposaient du matériel d’élevage, des aliments, ou encore des vans et camions. Étant issu d’une filière agricole plus classique, j’ai toujours rêvé de proposer un rendez-vous semblable à celui du sommet de l’élevage de Cournon-d’Auvergne, à côté de Clermont-Ferrand. Même s’il n’est pas question de le renommer, le salon des étalons a pris la dimension d’un salon de l’élevage ! D’ailleurs, il accueille plusieurs Assemblées générales chaque année, comme celle du Groupe France Elevage ou de l’Association des étalonniers privés (ASEP, qui a d’ailleurs élu deux nouvelles co-présidentes cette année, Claire Bresson et Elise Mégret, ndlr). La SHF en a aussi profité pour mettre en avant sa Prime aux naisseurs et le stud-book Selle Français sa Prime génétique avenir. Et puis, il y a aussi eu le retour de l’Eperon, qui a repris vie, porté par la SHF, et a profité de ce moment particulier pour lancer le premier numéro de sa nouvelle formule. C’est assez symptomatique de retrouver un journal spécialisé et ciblé élevage à ce moment précis.

Le salon des étalons de Saint-Lô est toujours l'occasion pour les passionnés de se retrouver et d'échanger autour de leur passion commune. © Jean-Louis Perrier



Dans quel état d’esprit avez-vous senti les éleveurs à l’aube de cette nouvelle saison de monte ?

Nous n’avons pas senti d'état d’esprit négatif, ni de personnes avec le moral en berne, en manque de motivation ou faisant face à des problèmes de commercialisation. Pourtant, compte tenu du contexte économique peu favorable, nous pourrions avoir quelques signes négatifs. Cela est peut-être aussi dû au fait que les gens se revoyaient pour la première fois après l’hiver, en début de saison. Chez nos voisins européens, la tendance semble plutôt être à la baisse en ce qui concerne le nombre de saillies, mais reste moins marqué en France. Nous ne sommes pas encore dans une mauvaise dynamique. Cela arrivera peut-être, mais rien ne le laisse paraître pour l’instant. J’ai senti les éleveurs toujours motivés !

Cette année, peut-être encore plus que les précédentes, le salon a fait la part belle à de grandes stars des terrains de compétition et de l’élevage. Comment avez-vous réagi à l’annonce de la venue d’un étalon comme Casall, présenté pour la première fois à Saint-Lô ?

Nous ne croyions plus à la venue de Casall ! Nous avions sollicité le stud-book Holstein il y a déjà quelques années afin qu’ils le présentent, puisqu’il faisait partie des grands sires que nous n’avions pas encore vus à Saint-Lô, ici. Compte tenu de son âge, vingt-six ans, nous avions quelque peu perdu espoir et cessé d'œuvrer pour sa venue. Et puis, Lisa Mäder, correspondante du Holstein en France que nous connaissons bien, m’a appelé un mois et demi avant le salon pour me dire que le stud-book souhaitait amener Casall en France. Déplacer un étalon du calibre de Casall, avec la réputation et la légende qui sont les siennes, à son âge et depuis l’Allemagne, est aussi la preuve que l’élevage français est important et dominant, d’autant que le Holstein a longtemps été un club fermé. La présence de son nouveau directeur, Felix Flinzer, est aussi un signe. Cela prouve que les Allemands accordent de l’importance à la France et au salon des étalons. Avant de prendre ses nouvelles fonctions, Felix Flinzer s’occupait de l’événementiel au sein du Holstein. Il a trouvé le salon très rythmé, dense et bien ficelé. Il a loué notre organisation, ce qui me pousse à me dire que nous ne sommes pas si mauvais que cela, même si se dévaloriser est un sport national en France ! On nous pousse parfois à croire que tout est mieux chez les autres, mais nous avons montré que nous étions capables d’organiser un vrai show. Venu en roi à Saint-Lô, Casall a été traité en tant que tel ! © Mélina Massias 

Comment s'établit la liste des étalons présents lors du salon ? Incitez-vous les étalonniers à déplacer leurs meilleurs atouts, ou attendez-vous leurs propositions ?

Nous sollicitons les étalonniers, afin qu’ils travaillent, en amont, pour la venue de grands étalons, mais ils restent les pilotes de cette affaire-là. Je vais prendre l’exemple du haras de Clarbec : Geneviève Mégret s’est empressée de m’appeler pour m’annoncer qu’elle présenterait Hello Vincent (né Coquin de Coquerie, ndlr) cette année. Saint-Lô est devenu un endroit incontournable, où l’on a envie de montrer ses nouveautés. En 2024, beaucoup d’étalons de niveau 5* ont pris leur retraite, ce qui a favorisé leur venue à Saint-Lô. Cette année, nous n’avions que l’embarras du choix, mais nous avons aussi connu des éditions plus creuses par le passé.

Les grands noms venus au salon ont été mis en lumière à l’occasion de cérémonies. Comment les avez-vous pensées ?

Cette année, nous avons vraiment voulu consacrer un temps dédié et réservé aux cérémonies. Précédemment, celles-ci étaient incluses dans la présentation de l’étalon, à la fin de son passage classique en piste. Il était important pour nous de marquer le coup : les étalons stars ont donc bénéficié d’une présentation classique, comme tous les autres mâles présents sur place, puis d’un moment à part, où ils étaient honorés pour leurs accomplissements respectifs. Lorsqu’on a la chance d’avoir tous ces grands champions, ces stars, il faut savoir les mettre en avant. Il faut sortir le tapis rouge et valoriser cela ! Les étalons avaient leur petit collier de fleurs, qui donnait une touche en plus pour le spectacle. Nous n’avons pas encore été jusqu’à baisser la lumière, mais ce sont des sujets que nous travaillerons peut-être à l’avenir, afin de scénariser encore plus la mise en valeur des grands sires. Les gens adorent ces moment-là ! Il suffit de voir le nombre de personnes qui ont transité devant le box de Casall ! C’était impressionnant. Tout le monde était béat de le voir en vrai. C’était une chance unique. Nous avons d’ailleurs offert une séance photo aux trois étalons du Holstein, dimanche matin, dans la cour du haras. Avoir Casall, Clarimo et Uriko dans cet écrin était formidable. Nous allons continuer à amplifier le côté show et cérémonie pour les chevaux qui le méritent. Les gens attendent cela, attendent de voir ce qu’ils ne voient pas le reste du temps.

Jeune retraité 5*, Quel Homme de Hus, né Quempas, a fait partie des chevaux mis à l'honneur durant le week-end. © Mélina Massias



Le salon des étalons de sport de Saint-Lô est unique, non seulement en France, mais surtout dans le monde. Selon vous, quels sont les secrets de sa réussite, de l’engouement toujours plus grand qu’il suscite ?

Je pense que le point clef est le fait que le porteur du projet est totalement déconnecté des intérêts commerciaux de l’événement. En tant que Pôle hippique, nous n’avons d’intérêt dans rien du tout. Nous sommes un organisateur d’événement et développons ce salon dans la continuité des haras nationaux. Tout a démarré comme cela, par la présentation de ces étalons-là. Et nous avons conservé cet esprit. Evidemment, les choses ont évolué, l’IFCE a pris la suite des haras nationaux et nous avons conservé un certain patrimoine. La présentation d’étalons, de façon collective et publique, relève du patrimoine. Dans les autres pays, la plupart des présentations sont privées. Certains stud-books, comme le SBS, essayent d’ouvrir leurs horizons, mais nous avons bénéficions de la force de notre histoire. Les étalons sont présentés dans un esprit collectif, où tout le monde est rassemblé et sur un pied d’égalité : chaque étalon bénéficie d’une présentation de trois minutes, peu importe qu’il soit un poney, jeune ou qu’il saillisse plusieurs centaines de juments par an. Souvent, on parle d’étalonniers dominants. Oui, comme dans tous les marchés, certains ont une influence plus importante que d’autres, mais nous avions trente-cinq étalonniers présents cette année, dont cinq nouveaux ! C’est aussi la preuve d’une richesse et de renouveau. C’est intéressant de constater qu’ils ont envie de venir au salon, dans un environnement collectif. Chacun pourra évidemment continuer à faire ses propres portes ouvertes en début de saison, mais la notion de collectif fait l’originalité du salon des étalons de Saint-Lô. Ces trois jours sont une vraie richesse. Tout le monde a contribué à l’évolution de l’événement, qui est une belle réussite collective.

Si Saint-Lô reste intouchable ou presque, quelques initiatives régionales voient le jour, comme le salon des étalons du Sud-Ouest en 2024, ou la journée de l’élevage de Lignières cette année. De quel œil percevez-vous actions ?

Je pense que cela est plutôt positif. Les régions doivent continuer à se regrouper et à vivre ces moments d’animation, qui réunissent les gens. Demain, il ne faudrait pas que la Normandie soit la seule terre d’élevage de chevaux de sport. Il est important que les régions conservent leurs propres temps forts. Avant la période marquée par le Covid-19, nous avions non pas un, mais des salons des étalons. Il y avait un circuit, qui faisait étape à Rosières-aux-Salines ou Reims, à Chazey-sur-Ain, Poitiers puis Bordeaux, en parallèle du CSI 5*-W, et Saint-Lô. Désormais, nous sommes sur un salon national, accompagné d'initiatives régionales, qui peuvent mettre en avant leurs particularités. Dans le Sud-Ouest, par exemple, il y a une forte histoire avec l’Anglo-arabe. Ces rendez-vous là permettent aussi de mettre en valeur d’autres races, qui ne sont pas forcément représentées à Saint-Lô. Il n’y a pas de concurrence, mais une totale complémentarité entre ces rendez-vous. Je trouve cela sain de vouloir réunir les gens en région autour de l’élevage.

À Saint-Lô, Nathan de la Tour, dans un état parfait à vingt-quatre ans, a mis l'Anglo-arabe à l'honneur. © Mélina Massias

Photo à la Une : Yann Adam tout sourire au moment de tirer au sort une saillie offerte, aux côtés de Ramatou Ouedraogo. © Marie Sapin

La seconde partie de cette interview est à lire ici.