Talentueuse et souriante, la discrète Katharina Rhomberg, trente-deux ans, devient une figure incontournable du haut niveau. Avec son fantastique Cuma 5, un digne fils de Comme Il Faut âgé de douze ans, elle a participé aux trois derniers grands championnats de jumping : les Européens de Riesenbeck, les Mondiaux de Herning et l’échéance continentale de Milan. Dans le sillon d’une équipe autrichienne en pleine ascension, la jeune amazone s’est construit un système solide. Attachée à former ses futurs partenaires aussi tôt que possible, l’actuelle numéro cent cinquante-trois du classement mondial de la Fédération équestre mondiale (FEI) peut compter sur le soutien de son fidèle propriétaire, qui lui permet de conserver non seulement Cuma 5 mais aussi le très, très prometteur Colestus Cambridge. Le gris a d’ailleurs fait ses débuts à 1,60m à Bordeaux. Rencontrée en Gironde à la veille du saut dans le grand bain de son protégé, Katharina Rhomberg est revenue sur ses débuts, sa philosophie de travail, mais aussi sur ses objectifs ainsi que sur sa collaboration avec Thomas Balsiger et deux préparateurs, physique et mental. De quoi imaginer aisément cette cavalière bien entourée et la tête sur les épaules décrocher de nouvelles médailles dans les années à venir, après celle de bronze remportée par équipe en Italie l’an dernier.
Grâce à votre famille, qui pratiquait l’équitation, vous avez grandi entourée de chevaux. Quel est votre premier souvenir à leur contact ?
Oh, mon premier souvenir avec les chevaux… (rires) Lorsque j’étais toute petite, ma maman avait l’habitude de nous emmener nous promener en extérieur, faire de petites balades. Elle nous installait devant elle, sur l’encolure des chevaux, simplement pour marcher aux alentours. Mon frère, ma sœur et moi étions tout jeunes. Mon frère (Christian Rhomberg, ndlr) est d’ailleurs également professionnel, tandis que ma sœur, qui possède son cheval, continue l’équitation par passion.
Votre famille a eu une grande influence sur votre carrière. Qu’avez-vous appris au contact de vos parents ?
Bien sûr. Mon père a été d’une grande aide à mes débuts. Il nous a montré comment monter à cheval, nous a donné des leçons. J’ai beaucoup appris de lui. Ma famille a été très importante pour moi durant toute mon enfance, toutes les fois où nous allions en concours ensemble.
Dans une récente interview accordée à l’excellent média anglophone WordofShowjumping, vous expliquiez avoir débuté sans groom et appris l’importance de toutes les tâches de l’ombre que requiert la pratique du saut d’obstacles. À quel point est-ce un avantage pour vous d’avoir conscience de tout cela ?
Je crois que c’est très important. Un petit exemple me vient en tête. J’ai passé deux mois en Amérique, afin de m’entraîner, de découvrir de nouvelles choses et de travailler. Il y avait également de jeunes filles présentes et on leur avait demandé de simplement mettre le filet à leur cheval. Elles n’étaient pas capables de réaliser une tâche aussi simple et ne connaissaient pas si bien les chevaux… Pour moi, il est primordial de, d’abord, avoir connaissance de tout ce qu’il faut faire, de combien de choses sont nécessaires, etc. De cette façon, on connaît également mieux les chevaux.
Avez-vous toujours su que vous vouliez pratiquer l’équitation de façon professionnelle ?
Franchement, oui. J’ai également fait des études, afin d’avoir un bagage et de faire quelque chose de différent, mais déjà à cette période je montais à cheval plus que je n'étudiais ! (rires)
“Colestus Cambridge est un peu un cheval de rêve !”
Cuma 5 (Comme Il Faut x ARS Vivendi), avec qui vous avez contribué à l’historique médaille de bronze décrochée par l’Autriche l’été dernier à Milan, est votre superstar. Quelle est son histoire ? Comment l’avez-vous rencontré ?
Mon ancien entraîneur, Kurt Gravemeier (notamment chef d’équipe de la Belgique entre 2013 et 2014, ndlr), m’a toujours dit qu’il y avait un très, très bon cheval que je devrais essayer. Mais Cuma était un peu plus âgé que les chevaux que j’ai l’habitude d’acheter et, de ce fait, il était un peu plus cher. Alors, je lui ai dit que je ne voulais pas l’essayer parce qu’il était de toute façon hors budget. Il a insisté pour que je vienne simplement l’essayer. J’y suis allée, et je l’ai monté. Le sentiment était incroyable tant Cuma a de moyens ! Il m’a emmenée au-dessus de gros obstacles avec une grande facilité.
Quelles sont ses principales qualités ?
Ses moyens ; je pense qu’il a tous les moyens du monde, son très grand cœur et le fait qu’il soit toujours partant. Il n’a peur de rien ! Je pense qu’on pourrait se diriger vers un immense mur qu’il le sauterait quoi qu'il arrive. Il est toujours en avant et plein de bonne volonté. Il a un énorme coup de saut et on a l’impression qu’il peut vraiment tout sauter.
Ce week-end, à Bordeaux (interview réalisée le 2 février, ndlr) vous êtes accompagnée par le très prometteur Colestus Cambridge (Colestus x Cambridge)...
Oui, il est ici avec moi. Il a neuf ans et beaucoup de qualités. C’est peut-être un peu tôt, mais il fera son premier Grand Prix Coupe du monde ce week-end, car Cuma, qui a dû se faire retirer une dent, a une petite pause. Je suis impatiente de voir ce que ce week-end donnera et j’espère que nous ferons de bonnes choses. Ce sera sa première épreuve à 1,60m, dans une étape de la Coupe du monde, en indoor. Ce sera évidemment difficile, mais j’ai hâte de voir ce que ça donnera (le couple a finalement concédé quatre points dans le triple samedi 3 février, et a laissé entrevoir de très belles choses pour l’avenir, ndlr). Colestus est extrêmement intelligent et on sent qu’il réfléchit lorsqu’il est en piste. Parfois, il le fait à la place de son cavalier ! Si on aborde une combinaison avec de la vitesse, il voit le second obstacle et revient tout seul. Il est très facile à monter. En résumé, c’est un peu un cheval de rêve !
Sur quels autres chevaux pouvez-vous compter pour disputer de belles épreuves ?
Pour l’instant, Colestus et Cuma sont mes deux atouts principaux pour les très gros parcours. Ensuite, j’ai trois chevaux qui évoluent à 1,50m et j’espère qu’ils pourront aller encore un peu plus loin, mais ils ont encore besoin de temps.
“Lorsqu’on les côtoie dès leur plus jeune âge, les chevaux ont évidemment davantage confiance en nous, et inversement”
Vous avez pour habitude d’acheter vos chevaux assez jeunes, puis d’assurer leur formation. Qu’appréciez-vous particulièrement dans cet aspect de votre métier ?
J’aime beaucoup voir les progrès que font les jeunes. C’est simplement chouette lorsqu’on a l’occasion de leur faire faire leurs premiers sauts, puis de les voir s’améliorer au fil du temps. Je pense aussi qu’ils peuvent apprendre de notre équitation et s’adapter à nous plus facilement. Lorsqu’on les côtoie dès leur plus jeune âge, ils ont évidemment davantage confiance en nous, et inversement.
Que recherchez-vous lorsque vous achetez un jeune cheval ? Quelles qualités et caractéristiques sont importantes à vos yeux ?
C’est une question difficile ! (rires) Bien sûr, ils doivent avoir une bonne qualité. Il m’est toutefois difficile de regarder un cheval à pied et de me dire qu’il est parfait pour moi. Je trouve que cela est beaucoup plus facile lorsqu’on est sur leur dos. Ensuite, j’aime qu’ils aient un bon équilibre, qu’ils soient respectueux et aient envie d’être sans-faute, et surtout qu’ils aient une bonne mentalité. Je trouve très important qu’ils soient sains d’esprit et aient une bonne tête.
Comment fonctionne votre système, votre organisation ?
Nous avons au total onze chevaux, ce qui n’est pas tant que ça. J’ai un propriétaire (Gerhard Rauch, ndlr) qui possède dix de mes chevaux et le dernier m’appartient. La plupart du temps, nous achetons de jeunes chevaux et les formons. Nous espérons toujours qu’ils deviennent talentueux. À quatre et cinq ans, mes chevaux ne vont pas beaucoup en concours. Je préfère les entraîner à la maison d’abord et m’assurer qu’ils soient prêts. Je ne les fais pas trop sauter lorsqu’ils sont jeunes. Une fois qu’ils ont pris un peu d’âge, ils en font un peu plus.
Vos chevaux sont-ils destinés à être commercialisés à un certain point ou avez-vous l’assurance de pouvoir les conserver sous votre selle ?
J’ai la chance que mon propriétaire soit davantage axé vers le sport que vers le commerce. Je suis donc très heureuse qu’il conserve ses bons chevaux pour que je puisse les monter.
Comment décririez-vous votre philosophie avec les chevaux ?
Pour moi, le plus important est que mes chevaux se sentent bien, qu’ils aient confiance en moi et qu’ils soient heureux dans leur travail. À mon sens, il ne faut pas trop leur en demander ni les forcer à faire quelque chose, car, en définitive, cela ne fonctionnera pas. Il est parfois préférable de prendre un pas de recul, effectuer des exercices plus simples, prendre part à des parcours moins hauts et créer une bonne connexion et une vraie relation de confiance avec son cheval avant de retourner à un niveau supérieur.
“Notre performance à Milan nous a donné beaucoup de confiance en nous”
À Milan, vous avez connu une sacrée semaine, avec la très belle médaille de bronze de l’Autriche. Comment avez-vous vécu ces championnats d’Europe et vous attendiez-vous à un tel résultat ?
Non, nous ne nous attendions pas du tout à cela ! Nous avions l’ambition d’obtenir notre qualification olympique. Je pense que tout le monde pensait à cela dans sa tête. Lors de la finale par équipe, après le passage de notre troisième cavalier, nous savions déjà que notre ticket pour Paris était sécurisé. Nous étions tous ravis d’avoir rempli notre objectif. Et puis, nous avons profité du passage des quatrième cavaliers pour remonter au classement. Il y a eu plusieurs erreurs commises par les autres équipes et nous avons gagné des rangs. Nous étions sixièmes, puis cinquièmes, quatrièmes et troisièmes. C’était une énorme surprise ! Nous pleurions tous de joie !
Votre performance prend encore plus de sens quand on sait que vous affrontiez des équipes de grande qualité en Italie…
Oui, les Suisses, les Allemands, etc. Cela nous a prouvé que nous pouvions rivaliser avec ces grandes nations et ces grands cavaliers. Cela nous a donné beaucoup de confiance en nous. Si nous performons bien, nous avons une chance. Avant, nous partions plutôt en nous disant que telle ou telle équipe était forcément meilleure que nous, notamment parce que nous ne concourrions pas en équipe sur beaucoup de grands concours.
Quelques semaines après votre médaille de bronze, vous avez également remporté la finale du circuit des Coupes des nations Longines de la Fédération équestre européenne (EEF), au CSIO 4* de Varsovie, avec la même équipe que celle de Milan !
Oui ! Toute le monde avait choisi d’engager son meilleur cheval pour cette échéance parce que nous voulions concourir à nouveau avec ce quatuor. C’était une bonne opportunité pour améliorer notre esprit d’équipe. Et cela a bien fonctionné !
Photo à la Une : Katharina Rhomberg et Cuma 5 en action aux championnats d’Europe de Milan l’été dernier. © Mélina Massias