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“Le plus grand atout de Thara Nantuel est son mental, qu’elle transmet à ses poulains”, Arthur Deuquet (2/3)

Thara Nantuel a fait le bonheur des années Juniors d’Arthur Deuquet, avant de s’imposer comme une reproductrice d’exception
vendredi 28 mars 2025 Mélina Massias

Candy, Folie, Foxy. Qu’ils soient de Nantuel ou de la Roque, tous trois puisent leurs origines dans le Berry, où Claire et Jacques Gouin ont fait prospérer le premier affixe cité, avant de transmettre le flambeau à leur fille, Marie-Laure Deuquet, et leurs deux petits-fils, Arthur et Eliott. Plus au goût du jour que jamais, cet élevage familial bien connu du paysage français n’en finit plus de connaître le succès, grâce au bon sang et à l’intelligence de la barre dont héritent tous les poulains qui y naissent, ou presque. En janvier dernier, quelques jours avant la première victoire en Grand Prix 5* de Folie de Nantuel, et après les exploits de Foxy de la Roque en 2024, Jacques, Marie-Laure, Arthur, Eliott et leur équipe ont confié quelques uns de leurs précieux secrets, au cœur de leur petit coin de paradis. Reportage.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

De la naissance à la formation, tout est fait maison à l’élevage de Nantuel, autour d’équipes aussi compétentes que passionnées. Après avoir grandi dans les prés de Corquoy, les jeunes chevaux intègrent la structure du haras de Bel Air, à Tours, où la famille Deuquet développe une écurie de propriétaire, un centre équestre, un sport études, organise des concours et assure la valorisation et la commercialisation de divers chevaux, pour un premier test, puis pour leur vie de chevaux de sport. “Nous sommes établis sur deux sites distincts. Les jeunes chevaux restent à la ferme de zéro à trois ans, où Benoît, mémoire de l’élevage, assure leur suivi, en lien étroit avec Arthur, Eliott ou moi. J’essaye de venir au moins une fois tous les quinze jours afin de garder un œil sur les jeunes chevaux. À partir de leurs trois ans, ils rejoignent le haras de Bel Air, où ils sont valorisés puis commercialisés par Eliott et Arthur”, détaille Marie-Laure. “Lorsque les chevaux arrivent au haras de Bel Air, nous essayons d’effectuer une première sélection, en les faisant sauter en liberté et en les manipulant.” À travers ce premier test, les trois compères espèrent repérer les meilleurs représentants de chaque génération, notamment chez les pouliches, dont certaines portent un poulain avant d'entamer leur carrière sportive, toujours dans le but de faire progresser ou du moins perdurer la génétique de l’élevage. “L’idée est de déterminer quelles juments pourront prendre la suite de Thara”, glisse Marie-Laure Deuquet, fille de Jacques Gouin.

Avant de débuter sa carrière sportive, Legend de Nantuel, une fille de Thara avec Grandorado, attend un poulain de Dexter de Kerglenn. © Mélina Massias

Pleinement conscients du patrimoine génétique qui est désormais le leur, les jeunes Arthur et Eliott, vingt-cinq et vingt-neuf ans, ont la tête sur les épaules. “La pression n’est pas vraiment liée au fait de monter les poulains de l’élevage, mais davantage aux croisements, dans l’optique de ne pas perdre notre souche. Nous avons à cœur de la faire perdurer, afin de donner la meilleure chance possible à chaque cheval, tout en ayant conscience du côté économique de l’élevage. Nous avons une vingtaine de chevaux au travail et une cinquantaine à la ferme. Il faut créer une manne financière pour alimenter tout ce système et l’entretenir”, expose Eliott. Pour autant, pas question de sacrifier l’avenir des représentants de l’affixe de Nantuel en les cédant à tout va. Chaque vente est, au contraire, réfléchie, et intervient, la plupart du temps, après trois ans. “Nous ne voulons pas diluer notre souche, qui est notre petit trésor”, souligne Marie-Laure. Et Arthur de compléter : “Lorsque nous vendons des produits de l’élevage, nous essayons de les confier aux bonnes maisons, comme nous avions pu le faire avec Folie, qui avait été vendue à Marc Dilasser. Nous savions que si elle avait le talent pour, elle ferait carrière en étant valorisée chez lui. Cela nous a en plus apporté de la visibilité, comme Candy avec le Groupe France Elevage pour ne citer qu’eux.” 

Protégé du Groupe France Elevage, Candy de Nantuel s'affirme comme étalon d'année en année. © Mélina Massias

Thara, une reproductrice de choix

Si la famille Gouin-Deuquet ne regrette pas ses choix, ni dans la vente ni dans la formation de ses pépites, c’est peut-être parce qu’elle a toujours eu le bon coup d'œil. Dans les années 2000, Karma de Nantuel a eu trois produits avec Diamant de Semilly. Si Orphée a constitué une “petite déception”, tant son potentiel semblait évident dans le sport et à l’élevage, où il n’a laissé que trois produits indicés à plus de 130 sur un peu moins de deux-cents naissances et continue aujourd’hui la monte en Creuse, sur les terres natales de son arrière-grand-mère, la vente d’Océane de Nantuel, sa propre soeur, née la même année, qui a “toujours été très chic, très belle et dans le sang”, n’aura pas été vaine. “Papa nous avait appris à ne jamais vendre les femelles. Mais, un jour, Alexandrine Bonnet Dian et Michel Hécart ont appelé mon mari en lui disant qu’ils passaient dans le secteur. Ils ont demandé si papa avait des chevaux à vendre. C’était un dimanche soir, après un concours que nous organisons à Lignières. Alexandrine et Michel sont allés dans les prés et sont tombés sur Océane, que papa leur a vendue. C’est très étonnant venant de lui, mais il devait avoir besoin de trésorerie à ce moment-là. Nous avons été très heureux de cette vente. On aurait évidemment préféré la conserver comme mère, mais elle a été une fabuleuse jument de concours et a permis de faire connaître l’élevage”, narre Marie-Laure. En plus de sa carrière de compétitrice, Océane a donc permis à Foxy de la Roque, sa petite-fille, de voir le jour et de redonner un énième coup de projecteur sur l’élevage berrichon l’an dernier, après avoir fait sensation sous la selle de Victor Bettendorf et d’être vendue en fin d’année à l’Américain Karl Cook.

Grâce à sa grand-mère, Océane, Foxy de la Roque contribue à faire briller l'élevage de Nantuel. © Mélina Massias



Mais c’est bien Thara Nantuel qui s’est imposée en matrone sur ses terres natales. Formée jusqu’à ses sept ans par Christophe Deuquet, la belle a ensuite permis à Arthur de faire ses gammes, jusqu’à ses premiers classements à 1,50m et son premier championnat d’Europe Junior. Malgré les offres d’achat, et à l’aube de sa carrière à l’élevage, dont la réussite était bien difficile à prédire, Jacques Gouin a, une fois de plus, vu juste en ne cédant pas aux sirènes... pour le plus grand bonheur d’Arthur et sa famille, qui ne tarissent pas d’éloges pour l’alezane au grand cœur. “Le plus grand atout de Thara est son mental. Elle-même n’avait pas toute la qualité, et était une moins bonne jument de concours qu’Océane, mais son envie de bien faire la poussait à se surpasser. Je trouve qu’elle transmet cela à ses poulains, qui sont de vrais guerriers, ont la volonté d’être sans-faute et de gagner”, avoue le cavalier, qui a concouru avec sa protégée jusqu’en 2019, avant de lui offrir une belle retraite sportive dans les immenses prairies de Nantuel. “Lorsque j’ai sauté 1,50m avec Thara, je n’avais pas les capacités de le faire, ni l’expérience pour, et cette hauteur était sa limite. Mais son mental hors du commun lui a permis de le faire.”

Arthur Deuquet a pu bénéficer du mental en or de sa chère Thara Nantuel pour gagner une précieuse expérience en compétition. © Sportfot

Ces qualités de mental et de volonté, marque de fabrique de l’affixe de Nantuel, ont permis à Thara de faire émerger de très bons compétiteurs. Parmi ses huit poulains âgés de six ans et plus, cinq sont crédités d’un ISO supérieur à 140. Candy de Nantuel, excellent lors de ses jeunes années sous les selles d’Alexis Gourdin puis Thomas Rousseau, s’est ensuite montré compétitif jusqu’à 1,50m et 1,55m avec Pénélope Leprevost, avant de se consacrer exclusivement à l’élevage à partir de 2025. Pourtant le croisement entre Luidam et Thara Nantuel, qui a engendré l’alezan à la très large production, a bien failli ne jamais voir le jour.

Candy de Nantuel s'est montré compétitif, particulièrement à 1,50m, avec Pénélope Leprevost. © Mélina Massias

Luidam, le coup de génie

En 2011, Jacques Gouin et son indissociable acolyte Benoît Coulon préparent la nouvelle saison de monte. Pour Thara Nantuel, l’ancien dentiste choisit Adagio IV, alias Guidam, un fils du chef de race Quidam de Revel, dont il a toujours apprécié le sang. La belle équipe prévoit de conduire Thara au haras de Talma, où le Selle Français, petit-fils de Venutard, faisait la monte. “Michel Guiot a appelé notre grand-père pour lui dire que Guidam était mort et qu’il ne serait donc plus disponible en frais”, raconte Eliott. “Alors, papy a cherché du côté des étalons fils de Guidam. Dans la liste, se trouvait Luidam. Il a échangé à son sujet avec la famille Levallois, qui lui a déconseillé de l’utiliser, puisque sa production était assez réduite en termes de quantité, ne permettant pas d’avoir beaucoup de recul. Germain Levallois avait toujours dit à papy que, lorsqu’on a une idée, on s’y tient et on va jusqu’au bout. C’est ce qu’il a fait et, quatre ans plus tard, Candy était aux ventes Fences.” Ce coup de génie, ou l’instinct d’éleveur, a plus que donné raison à Jacques. En 2011, année où a été confectionné Candy de Nantuel, les premiers produits de Luidam étaient âgés de douze ans. De ses premières générations, ont émergé Luidelle V, alias Blue Angel, bonne gagnante avec Kent Farrington, VDL Groep*Amelie, classée à 1,50m avec Leopold Van Asten, Evli*Luikka, vue jusqu’en Grand Prix Coupe du monde sous selle finlandaise, ou encore L.B*Rendam, qui a évolué au même niveau avec Christina Liebherr. En France, en revanche, seuls quatorze produits de Luidam ont vu le jour entre 2009 et 2016, avant que le phénomène Candy de Nantuel n’inspire les éleveurs avec dix-huit naissances en 2017 et vingt-trois de plus depuis. 

Chagrin d'Amour, un remarquable et remarqué fils de Candy de Nantuel. © Mélina Massias

Poulain, déjà, Candy de Nantuel sortait du lot. “C’était un poulain chic, très léger, qui n’avait pas trop d’os. Il était assez facile, avait beaucoup de sang tout en étant gérable. Il était moins chaud que ne pouvait l’être Folie, qui porte plutôt bien son nom !”, sourit Marie-Laure. Pourtant, à cette époque-là, difficile de prédire une telle carrière de reproducteur à l’alezan. Mais le Groupe France Elevage, qui l’achète à trois ans, ne se trompe pas et fait de lui une vedette. S’il suscite autant d’admiration que de discussions à son égard, l’étalon cartonne dès sa première année de monte, en 2016, avec près de trois-cents juments honorées en France. Depuis, l’engouement n’a pas ou peu faibli, avec un record en 2021 et six-cent-huit saillies déclarées au SIRE. Dans l’Hexagone, plus de mille six cents descendants de Candy de Nantuel sont enregistrés, et ses produits les plus âgés ont commencé à montrer leurs aptitudes sur les terrains de compétition ces dernières saisons. En 2024, la Grande Semaine de Fontainebleau a ainsi permis de voir à l’œuvre Joker d’Amko, Jalisco de Coquerie, Idaho du Grimeux, Ixel de Nesque, Iglou de Beugner ou encore Candice vd Celiebruge, tandis que le puissant Chagrin d’Amour, né au Luxembourg en 2017, fait ses gammes sur la scène internationale, où il a rejoint Lillie Keenan en début d’année, tout comme Helma Mouche, alias Maple Leaf, qui a intégré l’écurie Karlswood de Cian O’Connor l’été dernier.

“Pouvait-on penser que Candy ferait carrière comme étalon ? Il n’était pas tellement ‘fait en père’, du moins pas comme ces chevaux aux modèles imposants. Cependant, le sport a évolué. Aujourd’hui, il faut des chevaux véloces, réactifs, avec une vraie intelligence de la barre. Candy apporte cela, ainsi que souplesse, modernité, bon sang, équilibre et galop. Il convient très bien à ces juments normandes, un peu plus lourdes”, analyse Marie-Laure. Et Arthur de compléter : “Les gens ont toujours dit à papy que Quidam n’était pas fait en père. Mais quand on voit sa production ! Et puis, comme disait papy, à quel moment peut-on juger qu’un étalon est fait en père ou non ? Même si un cheval n’a pas d’os, il peut transmettre bien d’autres choses, que l’on recherche aussi dans le sport. Cela a été le cas avec Quidam, qui a transmis des qualités pour le sport moderne.”

Thara est la reine, et elle le sait ! © Mélina Massias



Convaincue par son croisement entre Luidam et Thara Nantuel, la joyeuse troupe mi-berrichonne, mi-tourangelle le reproduit trois ans plus tard, pour donner vie à Folie de Nantuel, l’une des, si ce n’est la meilleure représentante de son affixe. “Je pense que Folie est la meilleure jument qu’on ait fait naître”, affirme Arthur. Dès ses premiers sauts, dans la petite carrière de Nantuel, l’alezane a “bluffé” tout le monde. Les propriétaires de Marc Dilasser, qui avaient voulu acheter Candy de Nantuel sans succès, souhaitaient investir dans sa génétique. Durant l’hiver 2017, le Normand demande des photos et des vidéos des produits de Thara. Si Gaya et Gandhy, tous deux par Luidam, lui sont aussi proposés, le Tricolore jette son dévolu sur leur aînée, Folie. “Le convaincre n’a pas été trop compliqué”, s’amuse Arthur, qui a précieusement conservé les vidéos des premiers sauts de sa jeune pépite, qui a “des ressorts à la place des jambes”. 

Marc Dilasser a participé à faire éclore Folie de Nantuel. © Mélina Massias

Malgré sa petite taille, Folie franchit les caps les uns après les autres avec Valentin Pacaud, Rémi Neve et Marc Dilasser. À sept ans, elle participe aux championnats de France de sa classe d’âge, à Fontainebleau, où un certain Scott Brash la repère. Incertain quant aux moyens de la Selle Français, l’Ecossais passe son chemin… mais le destin en décide autrement. À la fin du printemps 2023, après un passage dans les écuries voisines de Shane Breen, Scott Brash prend les rênes de Folie de Nantuel, et ne les lâche pas. Acquise par ses fidèles mécènes, Lord & Lady Harris et Lord & Lady Kirkham en octobre de la même année, Folie de Nantuel, devenue Hello Folie, poursuit son ascension, jusqu’à son premier Grand Prix 5*, qu’elle remporte, en février 2025. Une consécration pour les éleveurs de cette perle. “Deux des meilleures juments du monde nées en 2015 proviennent de la souche de Royaltie. Nous sommes quand même fiers de cela”, confie Marie-Laure avec modestie.

La production de Thara Nantuel est loin d'avoir dit son dernier mot. Omega de Nantuel, très réussi fils de l'alezane et Apardi, semble bien décidé à faire valoir ses atouts dans le futur. © Mélina Massias

L’intelligence de la barre

Compte tenu de l’excellente production de leur mère, les produits de Thara Nantuel font, naturellement, l’objet d’une attention toute particulière, de leurs premiers tests en liberté à leurs premiers concours. “À trois ans, Gaya, une fille de Thara et Luidam, ne montrait pas grand-chose en liberté. Sans sa lignée maternelle, nous ne nous serions pas attardés sur elle”, avoue Eliott. Et pourtant, sous sa selle, la belle s’est révélée, jusqu’à prendre part à ses premières épreuves à 1,45m en 2024, à huit ans. Entre Cobalt (Tobago Chevrier), vu jusqu’à 1,50m avec Danielle Lambert et Philippe Rozier, Candy, Folie, Gaya, le prometteur Indigo (Balou du Rouet), “Très Bon” à six ans à Fontainebleau en 2024, la production de Thara Nantuel s’annonce déjà exceptionnelle. “Certains chevaux ont beaucoup de moyens mais peuvent vite faire quatre points. Avec Thara, c’est un peu l’inverse : on ne sait pas s’ils ont tous tous les moyens, mais dès qu’ils entrent en piste, ils sont là pour gagner. Ils ont du respect et veulent être sans-faute. Ce sont de vrais chevaux de sport. Je pense que ce qui caractérise le mieux notre élevage, c’est l’intelligence de la barre”, résume Marie-Laure.

Nemesis de Nantuel, une fille de Balou du Rouet et Thara Nantuel. © Mélina Massias

Rendez-vous samedi pour la troisième et dernière partie de ce reportage dans le Berry.

Photo à la Une : Thara Nantuel a fait le bonheur des années Juniors d’Arthur Deuquet, avant de s’imposer comme une reproductrice d’exception. © Mélina Massias