Les épreuves de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Paris débuteront jeudi, avec la première qualificative par équipes. Vingt nations tenteront de décrocher l’un des dix tickets pour la finale. Membre de l’équipe de France et habitué à côtoyer les prétendants aux titres olympiques chaque week-end, Emeric George dressera le bilan de chaque étape de cette échéance majeure. Premier point à la veille du début des hostilités et première analyse des enjeux.
Le cadre et le public
Le site des Jeux olympiques propose ce qui semble être une très belle piste de concours, aux formes assez classiques. Il n’y a pas de décorations particulières, mais de très grandes tribunes, très hautes et imposantes, dont la construction n’est pas habituelle, ou du moins différentes des concours traditionnels auxquels nous sommes habitués. Des chevaux seront peut-être impressionnés par ce contexte. Petite interrogation également sur la piscine du pentathlon moderne, qui est située au bout de la piste. Je ne sais pas si cela peut perturber certains chevaux, ni si les chefs de piste joueront sur cet élément.
Le public aura un rôle important. Je crois que la ferveur du public français, pas seulement pour les sports équestres, est ce qui ressort jusqu’à présent de toutes les épreuves olympiques. Je suis sûr qu’il y aura une très, très grande ambiance et je ne vois pas pourquoi il y en aurait moins que lors du concours complet, où l’ambiance était absolument superbe. C’était vibrant ! Je pense que le public sera au rendez-vous et qu’il jouera son rôle pour encourager les couples. Cela sera peut-être un paramètre à gérer pour les cavaliers ; ils ne devront pas, ni eux ni leurs chevaux, se laisser dominer par leurs émotions.
Les conditions climatiques
D’ici le début des épreuves de saut d’obstacles, la chaleur devrait retomber. Les conditions météorologiques devraient être bonnes : il fera chaud, mais, à mon avis, pas au point de désavantager certains chevaux. Il y a trois ans, à Tokyo, les conditions étaient très particulières. Les épreuves se déroulaient en nocturne, pour des raisons de chaleur et d’humidité. Les chevaux, pour la plupart basés en Europe, n’étaient pas habitués à de telles conditions. Ici, les conditions devraient être plus usuelles.
La construction des parcours
Santiago Varela et Grégory Bodo sont des chefs de piste qui ont pour habitude de construire des parcours basés sur la finesse. Je pense que nous n’avons vu qu’un embryon du parc d’obstacles avec le concours complet. J’imagine que nous aurons un mur, sûrement délicat, probablement une rivière et de nouveaux obstacles.
On se souvient qu’à Tokyo, le premier jour de compétition était déjà difficile. Cette première épreuve sera d’un niveau équivalent à celui d’un Grand Prix 4 ou 5*. Le temps imparti sera certainement assez court, Santiago Varela et Grégory Bodo ayant pour habitude de proposer des chronomètres ajustés. Ils devront, en plus, faire des différences d’entrée de jeu. Je m’attends donc à ce qu’ils jouent aussi sur ce paramètre, sans pour autant que le temps soit le principal élément de ce premier parcours, puisqu’il ne s’agira pas d’une Chasse classique, comme on peut retrouver dans les championnats d’Europe ou du monde. Les chevaux et cavaliers devront être directement dans le coup, après avoir seulement réalisé une warm-up. Certains chevaux ne sauteront d’ailleurs pas du tout avant le début des épreuves, d’autres ne feront peut-être que trois ou cinq sauts en piste, tandis que certains auront besoin d’un parcours complet pour se mettre en jambe. Quoi qu’il en soit, on sera directement dans le vif du sujet, et c’est une particularité des Jeux olympiques.
Le format et ses enjeux
Les derniers chevaux et cavaliers sont arrivés à Versailles mardi, à la veille de la visite vétérinaire. La première qualification pour les épreuves par équipes aura lieu jeudi. Il s’agira d’un parcours jugé au Barème A au chronomètre. La stratégie sera différente des autres grands championnats. L’objectif des équipes sera simple : faire partie des dix meilleures de cette première journée, afin de se qualifier pour la finale, peu importe leur score, puisque les compteurs repartent à zéro pour la finale. Il ne faudra pas négliger le chronomètre, car en cas d’égalité de point à la dixième position, c’est le temps qui départagera les équipes. Cet élément sera intégré à la stratégie des équipes, sans être aussi fondamental que lors d’une Chasse. Les Jeux olympiques ne se gagneront pas le premier jour, mais les équipes pourront tout perdre d’entrée. À l’inverse d’un autre championnat où une mauvaise Chasse ou une erreur peuvent être compensées, il n’y aura pas le droit à l’erreur, d’autant plus sans drop score. Le format olympique fait que, que ce soit en individuel ou en équipe, la solidité et l’efficacité devraient primer, là où un championnat classique se joue davantage sur la régularité. On peut le regretter, et on se souvient des prises de positions qui avaient découlées de ce changement il y a quelques années, mais le fait est qu’il faudra être performant tout de suite.
Ce qui va se passer sur le championnat par équipe va quand même beaucoup influencer l’individuel. Des états de forme vont se dessiner. La formule de la compétition par équipe est un mélange d’une Ligue des nations sans drop score, de la Global Champions League et d’une Coupe des nations traditionnelle. Les deux manches seront différentes, mais il faudra passer le premier écueil de la qualificative pour rêver de médailles. Des tendances se dégagent, mais il y aura des surprises. Les outsiders auront une vraie carte à jouer. Certains favoris pourront connaître des désillusions. C’est le sens du format olympique. Qu’on l’aime ou non, il faut l’accepter. Espérons que cela ne pousse pas certains cavaliers à boucler leur parcours coûte que coûte, au nom de l’équipe et que l’on n’assiste pas à un mauvais spectacle.
Quelles équipes pour la finale collective ?
Jeudi, pour cette première épreuve, nous verrons uniquement les membres d’équipe, soit soixante cavaliers et vingt nations au total. Il faudra donc faire partie de la première moitié du classement. Pour l’heure, il est assez difficile de dégager une ou deux équipes et le haut du classement devrait être très disputé à ce stade. Pour avoir vu plusieurs Coupes des nations et couples à l'œuvre cette saison, le niveau me semble très élevé. Tout le monde a évidemment coché ce rendez-vous, peut-être plus qu’un autre. Cette échéance est fondamentale pour les cavaliers, qui se sont préparés pour cela et ont aménagé leur saison en conséquence. À mon sens, on peut distinguer trois groupes parmi les vingt équipes qui seront au départ jeudi. Dans le premier chapeau, qui présente les plus grandes chances de passer en finale, je citerais les nations suivantes, dans l’ordre alphabétique : Allemagne, Belgique, Brésil, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Suède et Suisse. Rappelons toutefois qu’au vu du format, et c’est le sens de la réforme de la Fédération équestre internationale (FEI), sans drop score le faux pas est vite arrivé. Dans un deuxième chapeau, je placerais l’Australie, l’Autriche et le Canada, qui ont des couples solides, le Japon, qui bénéficie notamment de l’expertise de Paul Schockemöhle, ainsi que le Mexique, qui me semble être très fort et un vrai challenger. Enfin, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Espagne, qui a eu quelques difficultés de sélection, Israël et la Pologne me semblent davantage faire partie des outsiders. Dix équipes semblent favorites pour se qualifier pour la finale, avec un deuxième groupe très proche, dont les équipes seront prêtes à saisir la moindre opportunité en cas de défaillance d’une autre équipe. Nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise. Le format rend les choses relativement indécises.
Le changement de monture de Ben Maher
Je ne crois pas que le changement de monture de Ben Maher (qui a préféré Dallas Vegas Batilly à Point Break, ndlr) affaiblisse la Grande-Bretagne. Ben Maher fait partie des cavaliers du top, top niveau, qui peuvent compter sur plusieurs chevaux extrêmement compétitifs. Je ne connais pas les raisons de ce changement, mais dans un cas de figure comme le sien, on peut imaginer qu’il s’agit surtout d’une question d’état de forme. Cela ne semble pas être un choix par défaut, mais davantage un choix vertueux. Il sent certainement Dallas Vegas, avec qui il a obtenu de très bons résultats dont une cinquième place dans le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle, particulièrement en forme. Il fait partie des rares cavaliers à avoir l’embarras du choix ou presque ! (rires) Les dynamiques et les états de forme du moment peuvent fluctuer et Ben Maher a eu le luxe de procéder à ce changement. Ben Maher et son écurie sont tellement forts qu’il ne semble pas y avoir de risque pour l’équipe britannique.
Le forfait de Viking d’la Rousserie, partenaire de Kevin Staut, et Contendros 2, complice d’Andres Azcarraga
Les deux forfaits après les visites vétérinaire de mercredi et avant la première compétition sont inattendus et inhabituels. Cela constitue un vrai préjudice pour les deux équipes concernées. Dans le cas du Mexique, Federico Fernandez et Romeo, qui entreront donc en jeu, viennent d’effectuer une superbe performance dans le Grand Prix 5* de Dinard (en se classant sixième, ndlr). Federico présente en plus l’avantage d’avoir une grande expérience des championnats internationaux, puisqu’il a notamment déjà participé à trois Jeux olympiques. Il devrait donc pouvoir se substituer utilement à son compatriote. J’ai eu la chance de faire plusieurs championnats d’Europe Jeunes et autres Coupes des nations Senior avec Olivier Perreau (qui montera à Versailles Dorai d’Aiguilly, jument issue de son propre élevage, ndlr). Je sais qu’en plus d’être un cavalier talentueux, il a les nerfs solides. J’ai pu le vérifier de près et je suis sûr qu’il aura à cœur de faire une belle performance et d’aider l’équipe, comme il l’a déjà fait par le passé. Je ne suis pas inquiet pour l’équipe de France et je ne pense pas que ce couac remette en cause sa compétitivité. Bien sûr, en tant que cavalier et sportif, je ne peux qu’imaginer la déception des deux cavaliers concernés. Je leur adresse à tous deux une pensée amicale et d’encouragement.
Photo à la Une : Emeric George. © Scoopdyga