Le CSIO 5* de Spruce Meadows dans les yeux de Sean Lynch
Difficile pour Sean Lynch, groom attentionné de la géniale Killer Queen VDM depuis plus de cinq ans, de réaliser que sa chère jument vient tout juste de remporter le disputé Grand Prix du CSIO 5* de Spruce Meadows. À Calgary, au Canada, le sympathique britannique a tremblé jusqu’au dénouement d’une épreuve haute en suspense. Qu’importe, sa semaine, aussi intense qu’épuisante, s’est achevée en apothéose. Onze ans après son dernier passage sur le terrain de ce concours historique, le bras droit de l’Allemand Daniel Deusser avait à sa charge les soins de sa grande baie, mais aussi de Bingo Ste Hermelle, qui ne cesse de performer ces derniers mois. Retour sur cette victoire hautement méritée.
Au terme de trois parcours parfaits, bouclés de main de maître, Daniel Deusser et Killer Queen VDM se sont emparés de la victoire dans le très disputé Grand Prix du CSIO 5* de Spruce Meadows, étape du Rolex Grand Slam de saut d’obstacles. En sortie de piste, lorsque la paire a enfin pu relâcher la pression, Sean Lynch a sans doute été le plus soulagé d’entre tous ! “Pour le barrage, j’avais envie de vomir. J’aurais facilement pu vomir sur le kiss and cry ! En filmant le parcours, je me sentais malade, parce que je savais que Killer Queen devait être sans-faute. J’ai entendu qu’elle avait touché un obstacle… J’étais vraiment nerveux. Je pense que si Daniel regarde la vidéo sur son téléphone, elle ne sera pas stable du tout. Malgré tout, j’ai essayé de rester calme pour ne pas transmettre mon stress à Killer Queen. Une fois qu’elle est entrée en piste pour ce dernier parcours, j’ai commencé à trembler”, raconte l’adorable groom, débarqué il y a bientôt huit ans dans les écuries de Daniel Deusser.
Une victoire de plus, récompense d’une aventure de longue date
“Ma mère a toujours été entourée de chevaux. Je montais un peu à cheval en étant plus jeune, mais je n’étais pas assez doué pour atteindre le haut niveau. Et puis, ce sport est extrêmement onéreux. J’ai toujours aimé prendre soin des chevaux, voyager, et les voir évoluer. J’ai commencé comme freelance pour Daniel, en 2014. Sa groom concours m’avait demandé un coup de main parce qu’elle devait aller à Vérone, puis à Doha et Stuttgart. Je suis arrivé le lundi soir, et le mardi matin, à 10 heures, je partais avec les chevaux à Vérone. Je ne les connaissais, et je ne connaissais pas Daniel non plus, en dehors des concours où j’avais pu le croiser avant. Je lui avais dit bonjour le matin, puis j’étais parti”, retrace le Britannique. “Après trois jours de concours, je lui ai demandé s’il avait besoin de quelqu’un d’autre. Nous avons discuté un peu, et on connaît la suite ! C’est une histoire digne d'un conte de fées. Depuis, nous avons accompli quelques belles choses.” Et le triomphe du trio en terres canadiennes en fait définitivement partie.
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“Dimanche, j’étais un peu pessimiste. Je n’étais pas trop sûr et je savais qu’il s’agissait d’un des plus gros Grand Prix du monde, avec une dotation importante. J’ai regardé les quatre premiers sur la retransmission en direct, pendant que je préparais Killer Queen et je me suis dit ‘ça va être une mauvaise journée’. Je n’avais pas un bon sentiment”, reconnaît ce fervent passionné, qui s’envolera vendredi 16 septembre, moins de deux jours après son retour en Europe, pour l’étape du Longines Global Champions Tour de New York. “Puis nous avons fait la détente, et lorsqu’elle a sauté le dernier oxer avant d’entrer en piste, je me suis dit qu’elle était peut-être en bonne forme, qu’elle avait l’air bien. Lorsqu’elle a passé la ligne avec la rivière et le triple du premier tour, je me suis dit que nous n’avions plus d’autre choix que d’être sans-faute. Elle sautait de façon incroyable et donnait tout. À partir de l’obstacle numéro dix, à quatre sauts de la fin du parcours, je me suis mis à trembler en filmant le parcours. Je me suis dit ‘mon dieu, elle fait vraiment de son mieux’”, raconte l’adorable groom, débarqué il y a bientôt huit ans dans les écuries de Daniel Deusser. “Pour le deuxième parcours, j’étais plus serein. Je savais que le parcours était difficile, mais il me semblait plus accessible. Quelques couples avaient déjà fait un sans-faute avant nous. Dans le dernier double de bidets, Killer Queen a fait tout son possible pour s’en sortir. La distance était très courte et elle a fait preuve d’intelligence, en mettant ses jambes où elle pouvait pour ne pas toucher. Elle était vraiment en forme dimanche et était prête à gagner.”
Killer Queen, une grande dame qu’il faut savoir apprivoiser
Remporter un Grand Prix d’un tel niveau est déjà particulièrement spécial. Mais réaliser cet exploit aux côtés d’une jument dont on s’occupe depuis de longues années l’est encore plus. “Que Killer Queen ait signé trois sans-faute aussi incroyables dimanche veut tout dire. Je m’occupe d’elle depuis qu’elle a sept ans. La voir passer du statut de jeune cheval à celui de lauréate des Grands Prix d’Aix-la-Chapelle et Spruce Meadows en douze mois de temps est vraiment spécial”, confirme Sean. "Je n’arrive toujours pas à croire ce qui s’est passé. C’était une bonne façon d’achever la semaine, c’est certain ! Cependant, je suis heureux que ce soit terminé, car c’était épuisant (rires).”
Désormais âgée de douze ans, la fille d’Eldorado vd Zeshoek et de Derly Chin de Muze (For Pleasure) a déjà passé cinq années aux côtés de son soigneur préféré. Une clef dans sa réussite éblouissante ces dernières années et l’occasion de nouer une relation unique. “Killer Queen est très sensible. Elle sait qui sont ses personnes, elle sait que Daniel et moi sommes toujours à ses côtés. Lorsqu’elle reste à la maison, nous avons une super équipe qui s’occupe d’elle également, mais elle reste très particulière lorsqu’il s’agit de moi. Lorsque je ne suis pas en concours, je travaille avec notre groom maison (Marine Renaudet, ndlr). Elle dit toujours que ça ne la dérange pas d’aller en concours s’il y a besoin, mais elle n’y va jamais avec Killer Queen !”, révèle le trentenaire. “Killer Queen peut être assez jument aussi. Elle est un peu bizarre. Il faut la connaître pour que tout matche. C’est assez étrange. Comme je prends soin d’elle depuis un moment déjà, je sais comment elle fonctionne et comment elle se comporte. Elle sait que je suis sa personne. Ce matin (interview réalisée lundi 12 septembre, ndlr), j’étais assis devant les boxes de quelqu’un d’autre. Killer Queen regardait dans l’allée, dans ma direction, en attendant que je revienne vers elle. Elle était très jalouse ! C’est un peu la même chose avec Tobago, bien qu’il soit un peu plus facile. La semaine dernière, il était à Rome avec notre groom maison, comme je devais venir ici avec Killer Queen. Je m’occupe d’eux depuis si longtemps qu’ils sont vraiment spéciaux pour moi. Je pense que Killer Queen est l’un des chevaux les plus incroyables que j’ai côtoyés. Elle a une forte personnalité, mais lorsqu’elle doit performer, elle donne le meilleur d’elle-même.”
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Une semaine réussie aussi pour Bingo Ste Hermelle
Si la grande jument baie au palmarès impressionnant, qui compte deux étapes du Rolex Grand Slam à son palmarès et qui terminait encore triple sans-faute cet été dans le mythique stade équestre de la Soers pour prendre la quatrième place, a crevé l’écran, l’équipe de Daniel Deusser et Sean Lynch a également pu compter sur le valeureux Bingo Ste Hermelle. “Bingo est super facile. Il peut se promener juste avec un licol sur la tête, bien que ce soit un étalon. Cette semaine, il faisait un peu plus l’étalon que d'habitude, peut-être parce qu’il avait un peu froid ici ! Sans ça, il ne pose jamais de problème”, poursuit Sean. “Tant qu’il a à manger, tout va bien. Il est un peu comme moi ; si j’ai de quoi manger, ça va (rires). Lui et Killer Queen font toujours du bruit pour m’appeler. Il peut y avoir des gens aux écuries dès 6h30 le matin ; ils ne font pas de bruit. Si j’arrive à 6h45 et qu’ils entendent ma voix, ils commencent directement à hennir pour leur nourriture. Tant qu’ils ont à manger, ils sont contents. Killer Queen a peut-être besoin d’un peu plus d’attention, mais Bingo pourrait passer une bonne journée en ayant simplement son foin et de l’eau à disposition.”
En plus d’être facile à gérer, le petit alezan est toujours aussi performant. Après ses victoires dans les Grands Prix 5* de Cannes et 3* de Dinard cette année, le fils de Number One d’Iso a complété sa collection de flot cette semaine à Calgary, en terminant deux fois deuxième de deux épreuves à barrage à 1,60m ! Une semaine réussie, donc, et à tout point de vue. “La dernière fois que j’étais venu à Spruce Meadows remontait à onze ans ! Je connaissais un peu le concours, où j’avais passé un été. À l’époque, j’étais jeune et je n’avais pas beaucoup voyagé. C’était un endroit sympa et je m’étais très bien entendu avec tout le monde. Cette année, je connaissais déjà Kate, qui travaille dans les bureaux, et qui était déjà en poste lors de ma première venue. L’organisation est vraiment super. C’est un excellent concours”, détaille le groom. “Nous avons fait bon voyage pour arriver à Calgary. Tous les chevaux ont extrêmement bien voyagé, par avion. Tout était très organisé à notre arrivée et de nombreuses personnes nous ont aidé. Tout était très professionnel. Chacun des quarante-neuf chevaux présents dans l’avion était en forme le lendemain matin lorsqu’ils ont été sortis en longe ou monté. De notre côté, la semaine a été super. Bingo a été deux fois deuxième dans deux grosses épreuves. Killer Queen a fait quelques parcours de mise en jambe et a commis une faute dans la grosse épreuve, mais elle était fraîche et cela a payé dimanche. Spruce Meadows est l’un des meilleurs concours. C’est pour des événements comme ceux-là que tout le monde travaille. Faire partie du Rolex Grand Slam est ce qu’il y a de plus prestigieux dans notre sport. En tennis, les joueurs et les fans ont aussi leur Grand Slam, que tout le monde suit. J’ai le sentiment que le Grand Slam de saut d’obstacles attire beaucoup de personnes. Gagner la somme que nous avons empoché dans le Grand Prix est assez fou. Je vais devoir travailler encore quelques années pour obtenir une telle somme (rires). Sur place, on peut louer des paddocks pour nos chevaux, il y a un nombre de pistes incalculable. Il y a même un endroit réservé à la longe, où quatre chevaux peuvent évoluer sur un cercle de vingt mètres en même temps ! Les douches ont de l’eau chaude, les écuries sont très bien, etc. C’est vraiment un chouette concours.”
Seules quelques critiques ont pu émaner concernant l’état de l’herbe sur la piste principale, qui a pourtant semblé de bonne facture pour le temps fort dominical. “Je ne pense pas que le sol soit mauvais. Ce n’est pas comme à Aix-la-Chapelle ou Dinard ; ici, nous utilisons les plus gros crampons que nous avons, ceux que l'on utilise rarement, voire jamais. J’avais mis des crampons très grands derrière, et plus longs qu’habituellement devant pour le Grand Prix. Il y a eu un peu de pluie ici, ce n’était pas très ensoleillé, contrairement à ce qu’on pourrait croire à la télévision. Une chose est sûre : les organisateurs ont fait tout leur possible pour que tout soit aussi bien que possible pour nous et nos chevaux”, répond Sean.
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Objectif Genève
Si aucun plan de concours précis n’est encore établi après New York, nul doute que Daniel, Sean et leurs merveilleuses montures seront présents à Genève, prochaine étape du Rolex Grand Slam de saut d’obstacles. Vainqueur à Aix-la-Chapelle en septembre 2021, puis à Bois-le-Duc et Calgary cette année, une première place à Palexpo viendrait compléter une sacrée collection. “Genève est mon concours préféré de l’année ! L’événement fait bien sûr partie du Rolex Grand Slam, mais je n’ai surtout rien à reprocher. Je ne peux rien dire de mal sur ce concours. En tant que groom, je n’ai aucun reproche à faire. Les équipes de Genève pensent absolument à tout et nous passons toujours un bon moment là-bas”, sourit l’ange gardien des excellents Killer Queen, Bingo Ste Hermelle et autres Tobago. “J’espère que cette victoire à Calgary nous apportera suffisamment de points pour revenir dans le top 10 (Daniel Deusser a été rétrogradé en dix-huitième position au mois de septembre, ndlr). Le prochain classement mondial, qui sera publié en octobre, est normalement celui qui sert de qualification pour le top 10 de Genève. Alors, j’espère que nous pourrons réaliser de belles choses là-bas. Je suis vraiment impatient ! Nous avons plusieurs bons chevaux qui pourraient sauter à Genève. Alors, si tout va bien, et avec un peu de chance, nous pourrions peut-être continuer ce Rolex Grand Slam.” Et d’ajouter : “Nous avons eu une bonne année, avec de belles victoires en Grand Prix. Tobago a été arrêté quelques temps, mais il semble revenir plus fort que jamais. Il s’est montré en forme à Bruxelles, puis à Rome la semaine dernière. Nous avons de bonnes montures et j’ai hâte de voir ce que nous réserve la suite de la saison.”
Pas le temps de chômer pour Sean Lynch, qui sautera dans le prochain avion, vendredi 16 septembre, pour s’envoler en direction de New York. Entre temps, gageons que ce groom dédié et passionné trouve le temps de se reposer. “Je vais ranger toutes les affaires nécessaires pour New York dès mon retour, puis je dormirai vendredi”, expose-t-il. “En tout cas, c’est mon plan. Il va sans doute cafouiller, et je vais possiblement me retrouver aux écuries vendredi, à tout préparer, mais ce n’est pas grave (rires).”
Photo à la Une : La joie de Sean Lynch, aux côtés de sa Killer Queen lors de la remise des prix. © Sportfot
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