Chaque année, Lanaken est le théâtre de beaux moments, mêlant sport et élevage. À l’image du sacre de Chao Lee, dans le championnat du monde des six ans en 2019, la médaille d’or décrochée par Ermitage Kalone dans le championnat national de Belgique 2023 restera dans les annales. L’impressionnant alezan a aligné les parcours parfaits avec une aisance presque insolente, jusqu’à couronner d’or son cavalier, Gilles Thomas, mais aussi sa groom, Sanne Melsen. Rencontrée à Barcelone, où son prodige Selle Français s’est, une fois de plus, montré souverain, la souriante et dynamique soigneuse revient sur son expérience en Belgique, sa relation avec la star des écuries, mais aussi sur son parcours, un brin atypique mais rempli de réussite et belles rencontres.
“Je commence à réaliser, mais cela a pris du temps. Si l’on parle des championnats de Belgique en particulier, tout le monde savait qu’Ermitage Kalone est un très bon cheval, mais il n’avait pas fait beaucoup de concours cette année. Personnellement, je suis partie sans aucune attente. Se qualifier pour la finale de samedi m’aurait amplement satisfaite ! D’autant plus que l’an dernier, nous avions pris part au championnat avec Luna (van het Dennehof, ndlr) et tout le monde nous disait que nous étions les favoris. Résultat ? Nous n’avions pas atteint la finale ! Alors, cette année, un fois qualifiés pour la finale, tout était du bonus. Remporter ce titre a été assez exceptionnel”, sourit Sanne Melsen. Depuis quatre ans, cette dynamique et sympathique jeune femme au parcours “atypique” veille avec attention sur les montures de Gilles Thomas. En concours, la Belge s’assure que ses complices à quatre jambes soient dans les meilleures conditions, pour espérer vivre de grands moments, comme il y a dix jours, à Lanaken.
Un coup de téléphone pour une nouvelle aventure
Avant de célébrer un titre de champions de Belgique grandement mérité auprès de Gilles Thomas et l’exceptionnel Ermitage Kalone, né chez Magali Desmalles, Sanne Melsen a vécu ce qui s’apparente presque à une autre réalité. Passionnée par les chevaux dès l’adolescence, Sanne a d’abord exercé un métier dit traditionnel, dans un bureau. “Je montais un peu à cheval étant jeune, puis je suis partie à l’université. J’ai dû mettre un terme à mes premières études et j’ai commencé à donner des coups de main dans des écuries. Je suis ensuite retournée sur les bancs de l’école, puis j’ai commencé à travailler pour la sellerie de Lieven Hendrickx, où je touchais un peu à tout. Une ancienne collègue de la boutique m’a alors informée qu’Yves Vanderhasselt cherchait quelqu’un pour l’aider un week-end. J’ai accepté cette offre, et c’est comme cela que tout a commencé”, retrace-t-elle. Pendant un an, elle jongle entre son travail à la sellerie et les concours, notamment aux côtés de la fabuleuse Jeunesse. Début septembre, alors qu’elle découvre Calgary, elle décide de quitter son premier job. “Deux semaines après Calgary, à Waregem, j’ai fait mon dernier concours avec Yves. Nous nous étions mis d’accord sur cela. Nous avions terminé quatrièmes du Grand Prix 5*, juste devant Gilles (Thomas, ndlr), qui était cinquième. J’étais en train de finir ce que j’avais à faire aux écuries, et je prenais tout mon temps pour profiter de ce dernier moment. J’ai commencé à parler avec la maman de Gilles. Je lui ai dit que c’était super qu’elle soit toujours là pour l’aider, le soutenir, qu’elle conduise le camion, etc. Elle m’a alors demandé ce que je faisais encore là et je lui ai répondu : ‘Je profite, c’est mon dernier concours. Je dois trouver autre chose maintenant’. Le lendemain, j’ai reçu un coup de téléphone de Gilles. Voilà comment j’ai rejoint son équipe”, se souvient avec émotion celle qui est titulaire d’un diplôme d’Office Manager.
Quasiment quatre ans jour pour jour après ce coup de téléphone qui a tout changé, ou presque, Sanne est entrée en piste, à Lanaken, auprès d’un cheval pas comme les autres, pour fêter une victoire étincelante. “C’est chouette de venir aussi à la remise des prix. J’ai eu la chance de le faire plusieurs fois à Lanaken ; deux fois cette année, et même trois fois il y a trois ans ! C’est un moment où je me dis que nous avons bien performé. J’apprécie vraiment ces moments”, souligne la groom, dont le travail est mis en lumière aux yeux de tous grâce à cette petite initiative qui signifie beaucoup.
Quatre chevaux et une semaine riche en émotions
Rentrée lundi 18 septembre du CSIO 4* de Varsovie, Sanne a rapidement repréparé son camion dans la soirée, afin de pouvoir profiter d’une journée plus calme le lendemain et recharger ses batteries avant de repartir en direction de Lanaken. “Je suis partie avec deux étalons (Ermitage Kalone et Super Star van’t Keikelhof, ndlr) et une jument (Lavanoche T&L, ndlr). Gilles est venu avec le troisième étalon (Feromas van Beek, ndlr) mercredi. Nous ne voulions prendre aucun risque dans le camion et pouvoir laisser une place entre chaque cheval. De plus, Feromas ne sautait pas avant le jeudi, qui était aussi le jour de son inspection vétérinaire. En arrivant, j’ai fait comme d’habitude ; j’ai installé l’essentiel mardi soir en arrivant et j’ai laissé les chevaux se détendre et prendre leurs marques”, détaille l’ange gardienne des montures de Gilles Thomas. “J’ai fait quelques concours avec Ermitage cette année, mais assez peu. Lavanoche, sept ans, m’a aussi accompagnée à plusieurs reprises cette saison et elle est très détendue en concours. En revanche, je ne connaissais pas Super Star, notre cinq ans. Gilles ne l’avait pas non plus monté en concours avant ! Notre cavalier maison l’avait emmené à Gesves l’an dernier et cette année, où il avait été un peu coquin. Nous avions donc pris un box en dur pour lui. Mes chevaux étaient séparés, ce qui a compliqué un peu l’organisation, mais c’était le mieux pour eux. Ensuite, est venu le temps de la visite vétérinaire. L’organisation nous a encouragé, sans nous obliger, à porter un casque, par mesure de sécurité. J’ai un peu hésité, pensant notamment à ce que pourrait s’imaginer les gens, mais j’ai mis mon casque. Je n’en avais pas besoin avec mes chevaux, mais s’il s’était passé quelque chose, au moins, j’étais en sécurité. En fin de compte, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée qu’une règle émerge à ce sujet. Gilles a pris les rênes pour la warm-up, qui s’est très bien déroulée pour tout le monde. Pour Ermitage, la première épreuve du championnat s’est encore mieux passée que je ne l’espérais ! Jeudi, notre cinq ans a très bien sauté et écopé d’une faute, mais nous étions contents. Puis la sept ans a vraiment manqué de chance sur le dernier. J’étais un peu déçue car c’est pour elle que mes attentes étaient les plus élevées cette semaine. Je l’aime beaucoup ! Pour le reste, les résultats ont été très bons. Gilles est toujours très concentré en concours, mais il l’est encore davantage à Lanaken. Il était très motivé ! C’était une super semaine.”
Et le point d’orgue de cette fantastique épopée s’est évidemment déroulé samedi 23 septembre, en fin d’après-midi. Après quatre parcours parfaits, le fantastique Ermitage Kalone, fils de Catoki sur la souche de la grande Anglo-Arabe de Jasione, a triomphé dans le championnat de Belgique. “Beaucoup de personnes venaient voir Ermitage aux écuries. Même à la détente, on sentait que les gens l'observaient tout autour du paddock. Pour ma part, j’ai essayé de ne rien changer à mes habitudes. Le matin, les chevaux profitent de la couverture massante, puis Gilles les monte. Je les lave après leur séance de plat, puis les sort pour marcher. Je leur accorde ensuite un moment calme. Je fais en sorte qu’ils soient piontés deux heures avant l’épreuve, pour leur laisser du temps seuls. Dans le cas d’Ermitage à Lanaken, j’ai aussi essayé d’éloigner les gens, pour qu’il ne soit pas embêté dans son box. Gilles est aussi resté dans sa bulle et est allé au camion pour se concentrer sur ce qu’il avait à faire. J’ai ensuite préparé Ermitage, Gilles est venu aux écuries. Il a commencé sa détente sur le plat, a regardé quelques cavaliers et a établi son plan avec Marc (van Dijck, ndlr). Et cela a payé !”, dépeint Sanne. Et de reprendre : “Lorsque Virginie (Thonon, médaillée d’argent, ndlr) a commis cette malheureuse faute dans la dernière ligne, nous avons connu un peu de soulagement. Son cheval sautait vraiment très bien, et cela nous a donné de l’air puisque nous avions droit à une barre. Les fautes arrivent très vite dans ce sport, mais j’avais le sentiment qu’Ermitage sautait extrêmement bien samedi. Gilles était tellement concentré ; tout semblait être aligné. Je crois que j’ai toujours su à quel point Ermitage est doué. Lorsqu’on travaille avec lui, on ne peut que remarquer à quel point il est intelligent. Je ne suis pas partie en me disant que nous allions gagner, absolument pas ! Alors, évidemment, j’ai en quelque sorte été surprise. Je crois même que j’ai presque pleuré lorsqu’il a passé la ligne d’arrivée de la finale (rires).”
Outre le titre d’Ermitage, et la bonne prise d’expérience des jeunes Super Star van’t Keikelhof et Lavanoche T&L, Feromas van Beek a également rendu fière sa bonne fée ! “J’adore Feromas. Il est toujours très enjoué lors des visites vétérinaires ou lorsqu’il marche en main, mais il a une super attitude en piste. Il se bat vraiment. Cela fait trois ans que je l’emmène à Lanaken pour les Sires of the World. Il était troisième en 2021, quatrième l’année dernière et deuxième cette année dans cette épreuve. Il est vraiment compétitif. Gilles et lui ont déjà accompli de super choses ensemble. C’est toujours chouette de l’avoir en concours. Il donne le meilleur de lui-même. Et puis, il est splendide ! (rires) Et il le sait !”, s’amuse la Belge.
“Grâce à son mental et à son super caractère, Ermitage ne cesse de progresser, sans jamais trop en faire”
“J’adore aller à Lanaken”, reprend Sanne. “Peut-être parce que Gilles est toujours extrêmement concentré là-bas et que nous avons eu d’excellents résultats ces trois dernières années. Je ne suis jamais allée à Aix-la-Chapelle, et je ne pense pas que Lanaken soit comme Aix, mais j’ai des frissons en pensant au soutien et à l’ambiance que nous avons vécu samedi. On commence tôt le matin, mais les épreuves ne finissent jamais trop tard. Les conditions pour nous, grooms, sont bonnes. La seule chose un peu délicate à gérer sont les visites vétérinaires. Il y a toujours beaucoup de monde, avec des jeunes chevaux qui ne sont pas habitués à cet exercice, des étalons, etc. C’est la seule chose que je peux dire, mais, en même temps, je ne vois pas vraiment comment améliorer cela. En tout cas, j’apprécie sincèrement aller à Lanaken et toute l’atmosphère de cet événement.”
Temple de l’élevage, le complexe sportif du haras de Zangersheide a permis à nombre d’éleveurs et de passionnés d’observer au plus près le phénomène Ermitage Kalone. Comment gère-t-on la pression de centaines de regards posés sur le cheval dont on prend soin ? “J’essaye de ne pas y penser ! (rires) Même lorsqu’on fait marcher Ermitage en main, ou que l’on est à l’inspection vétérinaire avec lui, on se sent observé”, répond la soigneuse. “À Lanaken en particulier, beaucoup de personnes étaient là pour le voir. Il faut dire qu’Ermitage ne passe pas inaperçu quand il se balade. C’est un grand et beau cheval. J’essaye de faire abstraction de sa qualité et de me comporter avec lui exactement comme avec tous mes autres chevaux.”
Un peu à l’image de Felicia Wallin et son fantastique United Touch S, Sanne avait déjà un œil sur Ermitage Kalone avant même de l’avoir sous sa responsabilité. “J’ai entendu parler de lui lorsqu’il avait trois ou quatre ans, parce que j’habite près de chez Joris (van Dijck, propriétaire de l’étalon, ndlr). Ma nièce l’a utilisé à l’élevage dès qu’il a été approuvé en Belgique et a eu deux poulains de lui. Je le suivais donc déjà un peu de loin. Lorsque j’ai commencé à travailler avec Gilles, je savais qu’il y avait une chance pour qu’il récupère Ermitage, puisqu’il travaille avec Marc et Joris et que cela s’était déjà produit avec Carrement J&F Champblanc, un autre étalon, par le passé”, révèle-t-elle.
“Au début, cela a été très difficile de nouer une connexion avec Ermitage, notamment parce que je l’ai très peu emmené en concours, ou alors j’avais beaucoup de chevaux à gérer en même temps. Dans ces cas là, on ne passe pas autant de temps qu’on le voudrait avec chacun d’entre eux. Ermitage a fait juste ce dont il avait besoin en termes de compétitions dans ses jeunes années, et il en est toujours ainsi aujourd’hui. Grâce à son mental et à son super caractère, il ne cesse de progresser, sans jamais trop en faire. Il a participé au Sunshine Tour en début d’année, puis a fait deux ou trois concours avant Lanaken. Voir où il en est aujourd’hui, à quel point il est performant, en ayant pris part à si peu de concours, me surprend un peu. Cette année, Ermitage s’est beaucoup consacré à l’élevage et comme j’étais en concours quasiment tous les week-ends, je n’ai pas beaucoup travaillé avec lui. Il a repris le sport à Valkenswaard, où j’avais pas mal de chevaux. À Lanaken, j’ai pu passer un peu plus de temps avec lui, et à Barcelone j’ai vraiment eu du temps pour lui. J’ai le sentiment qu’il sait qu’il est pétri de talent. Il n’est pas arrogant ni rien, mais il n’a juste besoin de personne ! C’est l’impression que j’ai eue avec lui au début. Désormais, notre relation ne fait que grandir, de semaine en semaine, et je l’adore. Il est super gentil et en tant qu’étalon, il a le meilleur caractère que l’on puisse imaginer. Il est extrêmement intelligent, et très facile à gérer ; on le promène avec un simple licol et une longe”, savoure Sanne Melsen. Assurément la jeune femme a joué et va continuer de jouer un rôle primordial dans l’explosion de ce surdoué au plus haut niveau. Lanaken et ce titre de champion de Belgique n’était, à n’en pas douter, qu’un avant-goût de ce qui attend le trio Ermitage-Gilles-Sanne dans les mois et années à venir.
Photo à la Une : Sanne Melsen et son génial Ermitage Kalone à Lanaken. © Sportfot