Dix ans après sa disparition, retour sur la vie d'un petit cheval hors du commun.
Le 4 octobre dernier, Eric Lamaze et Hickstead ont été introduits au panthéon du sport canadien (Hall of Fame). Cette distinction est une façon de garder en mémoire le fantastique étalon bai, même dix ans après sa disparition. Hickstead possédait bien des qualités mais à l'image d'autres extraterrestres comme Jappeloup ou Shutterfly avant lui, il avait surtout cette étincelle qui marquent les yeux et le coeur des spectateurs. Retour sur la vie d'un cheval hors du commun.
Hickstead (Hamlet) est né en 1996 aux Pays-Bas chez Jan Van Schijndel. C'est en Belgique, sept ans plus tard, que son chemin croise celui d'Eric Lamaze. Le Canadien n'est pas encore que champion que l'on connait. Il vient d'une famille montréalaise des plus modestes et ses problèmes de consommation de cocaïne sont notoirement connus mais il est doué à cheval et il parvient à se faire peu à peu une place dans le milieu. A ce moment-là, il est en tournée à la recherche de nouvelles montures. Au premier abord, il n'est pas vraiment séduit par l'étalon bai : son trop plein énergie le rend compliqué à monter et sa petite taille (1,60m) ne laisse pas à penser qu'il pourrait un jour sauter les plus gros parcours du monde. Il doit l'essayer deux fois avant de se laisser convaincre. Hickstead traverse tout de même l'Atlantique mais au début, la lune de miel n'est pas franchement rose. Leur premier parcours se termine plus tôt que prévu par un cavalier ramené de force au box par l'étalon ! En plus de cela, il s'avère qu'Hickstead n'aime pas spécialement les rivières. Cette histoire était loin d'être gagnée ! Bien malin celui qui aurait pu deviner que cinq ans plus tard, le couple serait sacré champion olympique.
Le miracle se produit : petit à petit, les deux énergumènes s'apprivoisent. Il faut dire que Hickstead ne manque ni de sang, ni de respect (on se souvient encore du saut de chandelier dans le Grand Prix de La Baule !). Et puis en 2008, il y a la consécration suprême : la médaille d'or aux Jeux Olympiques de Pékin. Dès lors, le couple fait définitivement partie des meilleurs au monde. Il y aura ensuite les Jeux Equestres Mondiaux de Lexington en 2010 d'où Hickstead repartira avec le titre de meilleur cheval de la finale tournante après quatre parcours parfaits sous les selles d'Eric et de Philippe Le Jeune, Rodrigo Pessoa, Abdullah AlSharbatly (voir vidéo ci-dessous).
Au total, le bai aura gagné plus d'une vingtaine d'épreuves internationales dont plusieurs Grands Prix 5* parmi les plus beaux au monde : Aix-la-Chapelle, Genève, La Baule, Paris... Aussi à l'aise à l'extérieur qu'à l'intérieur, il s'est aussi classé deuxième de la finale Coupe du monde de Leipzig en 2011.
En bon héros, le fils de Hamlet a vécu une fin shakespearienne. Cela se passe à Vérone, le 6 novembre 2011. Après un parcours à quatre points dans le Grand Prix dominical, l'étalon n'a pas le temps de sortir de piste qu'il s'effondre et meurt sous les yeux effarés de milliers de spectateurs. Le monde des sports équestres -et même bien au-delà- en reste bouche bée. Rien, ni personne n'aurait pu prédire une telle fin : l'étalon était alors âgé de quinze ans, il était dans la pleine fleur de l'âge, il revenait d'une période de repos de quelques semaines après sa seconde victoire dans le mythique Grand Prix de Calgary. L'autopsie révèlera une rupture de l'aorte. Cette perte laisse un Eric Lamaze pantois : "Quand ils meurent ce n'est pas comme briser un bâton de hockey ou une raquette de tennis. Il a changé ma carrière et il représentait tout pour moi. Beaucoup de gens disent que quand tu as un rapport très fort avec un cheval, tu deviens un peu comme lui ou que le cheval devient un peu comme toi. On avait un peu la même personnalité. On était deux gagnants, on avait la même énergie, qui se transformait en choses incroyables".
Esseulé, Eric mettra du temps à oublier ce tragique accident... à tel point qu'il envisagera même de mettre un terme à sa carrière. Mais après des Jeux ratés à Londres, il frappera de nouveau un grand coup en glanant une nouvelle médaille olympique à Rio avec Fine Lady 5, une jument en tout point différente à Hickstead, si ce n'est qu'elle aussi n'avait jamais été considérée comme un cheval de classe olympique avant d'arriver chez le Canadien. Un signe du destin ?
Dix ans après sa mort, Hickstead est resté dans les mémoires de tous les amoureux de sport et de son cavalier. "Ce cheval a crée tellement de moments magiques dans ma carrière que je n'aurais jamais crus possibles. C'est incroyable de regarder en arrière et de voir tellement de vidéos et de photos du temps passé ensemble. Hickstead avait un coeur énorme et le courage d'un lion. Il me pousse à me battre tous les jours", écrivait aujourd'hui Eric sur les réseaux sociaux. Hickstead restera pour toujours une parenthèse enchantée dans la vie de ce petit Canadien.
Crédit photos : Sportfot.com et Julien Counet