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“La volonté d’encourager et de valoriser les femmes reste au cœur de ma structure”, Carly Anthony (2/2)

Carly Anthony est reconnaissante des opportunités qui ont été les siennes et tente aujourd’hui de rendre la pareille à la nouvelle génération.
Interviews vendredi 5 septembre 2025 Camille Pineau

De ses débuts hésitants sur les sentiers de Redmond, jusqu’à l’intronisation au Temple de la renommée de la National Collegiate Equestrian Association, Carly Anthony a tracé son chemin avec une idée en tête : donner du sens à la performance, en mettant les femmes et le collectif au cœur de son parcours. Formée par des figures comme Karen Healey ou Eric Lamaze, la cavalière américaine avance aujourd’hui entourée d’une équipe engagée. Cette année, elle s’est notamment illustrée lors de la victoire des siens dans la Coupe des nations de Wellington, puis a participé à celle de Falsterbo, avant de s’octroyer une bonne troisième place dans une épreuve à barrage à 1,55m au CSI 5* de Dinard en juillet. Dans cet entretien, l’ancienne cavalière d’Explosion W partage ses convictions, son attachement au sport juste, et ses rêves pour l’avenir.

La première partie de cette interview est à (re)lire ici.

À votre retour aux Etats-Unis, après votre aventure européenne, vous avez fondé votre propre structure : Carly Anthony Show Jumping. Qu’est-ce qui vous a poussée à franchir ce cap ?

Après de nombreuses années passées à apprendre et à travailler aux côtés de cavaliers et de marchands professionnels de haut niveau, j’ai ressenti le besoin de créer ma propre entreprise. Je voulais mettre à profit tout ce que j’ai appris au fil du temps, et transmettre cette expérience à d’autres. Monter sa propre structure est toujours un défi, mais j’ai eu la chance de bénéficier du soutien de Neil Jones au moment du lancement. Il m’a aidée à trouver des chevaux, aussi bien pour mes clients que pour moi-même, pendant que je développais mon activité. J’ai commencé à travailler depuis la Californie durant les étés, et à Wellington, en Floride, pendant les hivers. C’était une excellente façon de me réinstaller progressivement aux États-Unis. Mon objectif, cependant, a toujours été de m’établir sur la côte Est. Après la période Covid, j’ai pu concrétiser ce projet. Aujourd’hui, je suis basée à Wellington et je passe mes étés à New York. Je suis extrêmement fière de ce que nous avons accompli jusqu’à présent, et je le dois entièrement aux personnes formidables qui m’entourent et à l’équipe exceptionnelle avec laquelle je travaille.

Carly Anthony évolue aussi parfois en Europe, comme à Dinard ou Falsterbo cette saison. © Mélina Massias

Quel est votre système ? Comment fonctionne votre écurie ?

J’ai la chance de travailler avec une équipe formidable, que ce soit côté chevaux, personnel ou clients. Mon écurie compte des chevaux à tous les niveaux : certains évoluent en 5*, mais il a aussi des jeunes en formation et quelques chevaux de commerce. J’aime profondément les accompagner au quotidien et les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes. Le plus gratifiant ? Les voir progresser jusqu’au niveau 5*. C’est là qu’on peut réellement mesurer tout le travail accompli, et apprécier les efforts de toute l’équipe qui ont rendu cela possible. J’applique la même approche avec mes clients : chaque saison, on fixe des objectifs ensemble et je m’investis pour les atteindre. J’ai par exemple aidé certains à sauter leur tout premier parcours à 1,10m, et d’autres à décrocher une médaille d’or par équipe pour les États-Unis lors de championnats Juniors. Ce sport est un vrai travail d’équipe, et je suis très reconnaissante de pouvoir compter sur des personnes aussi engagées à mes côtés.

Vous travaillez avec une équipe majoritairement féminine. Pourquoi est-ce important pour vous ?

Après avoir passé quatre années au sein d’une équipe équestre entièrement féminine à l’Université de Géorgie, j’ai eu envie de recréer une culture similaire dans ma propre entreprise. Même si cela n’a pas toujours été le cas à mes débuts, et que certains postes sont toujours occupés par des hommes, comme notre maréchal-ferrant, par exemple, la volonté d’encourager et de valoriser les femmes reste au cœur de ma structure. Dès mes débuts, j’ai eu la chance que des personnes croient en moi et me donnent des opportunités qui m’ont permis d’en arriver où je suis aujourd’hui. À mon tour, je souhaite pouvoir offrir ce genre de soutien à d’autres femmes qui rêvent de faire carrière dans le milieu équestre. Si nous travaillons ensemble, en nous soutenant mutuellement pour atteindre nos objectifs, alors tout devient possible.

Carly Anthony fait la part belle aux femmes dans son écurie. © Sportfot

Qu’essayez-vous de transmettre lors de vos entraînements, que ce soit à vos élèves ou à vos chevaux ?

J’adore fixer des objectifs. Ils permettent de rester motivé et concentré, même les jours où l’on doute ou où l’envie n’est pas au rendez-vous. Je me fixe donc des objectifs, mais aussi à mes chevaux et à mes clients. On pose les bases et on élabore un plan concret pour les atteindre. Pour moi, la réussite et la satisfaction naissent avant tout du chemin parcouru pour atteindre ces objectifs. Je suis très fière de ce processus et j’essaie vraiment de l’inculquer à mon équipe comme à mes clients. Les deux facteurs importants sur lesquels je m'appuie dans ce parcours sont la rigueur et l'esprit sportif.

Pouvez-vous nous parler de Heavenly W (Calvaro x Quidam de Revel), votre monture de tête ?

Heavenly W est vraiment le cheval d’une vie. D’une douceur incroyable, affectueux, sensible et très intelligent, il possède une éthique de travail remarquable et cherche toujours à bien faire. Travailler avec lui sur le plat est un vrai plaisir. Il est attentif aux moindres détails, ce qui rend chaque séance enrichissante. Son niveau de concentration et d’engagement est unique, et il me pousse à donner le meilleur de moi-même chaque jour. Ensemble, nous avons atteint de nombreux objectifs et réalisé des rêves que je poursuivais depuis longtemps. Il m’a apporté une confiance en lui, et en moi, que je n’aurais jamais imaginée. Je suis profondément reconnaissante envers sa propriétaire, Robin Parsky, de m’avoir offert cette opportunité et d’avoir cru en nous à chaque étape.

"Heavenly W est vraiment le cheval d'une vie", dit Carla Anthony. © Mélina Massias

Au printemps, à Wellington, vous avez défendu les couleurs américaines et remporté la Coupe des nations du CSIO 4* avec vos coéquipières. Que signifie cette sélection pour vous ?

C’est un immense honneur d’être choisie pour faire partie d’une équipe en Coupe des nations. Peu importe le lieu où se déroule la compétition, la pression y est toujours plus forte que lors d’un concours classique, car il ne s’agit pas seulement de soi : on monte pour son équipe et pour son pays. Je trouve que Billie Jean King (légende du tennis féminin, ndlr) a parfaitement exprimé ce que représente cet événement en disant : “La pression est un privilège.” Et quel privilège, en effet, que celui de porter la veste aux couleurs de son pays !

Vous êtes la première cavalière du National Collegiate Equestrian Association à intégrer l'équipe Senior américaine. C'est un symbole fort, n'est-ce pas ?

Bon sang ! J'en suis incroyablement fière !

Quels sont vos objectifs sportifs pour les saisons à venir ? Visez-vous des championnats majeurs, voire les Jeux olympiques ?

Mon objectif actuel est d’étoffer mon piquet de chevaux afin de pouvoir participer à davantage de concours internationaux. Idéalement, j’aimerais avoir deux ou trois chevaux de Grand Prix 5*, ainsi que deux ou trois autres montures, capables de concourir à ce niveau mais davantage destinées aux épreuves secondes. Cela me permettrait d’être une contributrice plus régulière au sein de l’équipe américaine, et, je l’espère, d’être sélectionnée pour de futurs championnats majeurs. Pour le reste de cette saison, je reste concentrée sur ma régularité sur le terrain et mes performances. Cela passe avant tout par un travail quotidien rigoureux, et par l’engagement de donner le meilleur de moi-même chaque jour.

Vu en Grand Prix 5*, Jet Blue se consacre désormais à des épreuves secondaires et n'a plus concouru sur la scène internationale depuis mars. © Sportfot



Qui sont les personnes qui vous entourent et vous soutiennent au quotidien ?

J’ai la chance d’être entourée de personnes très spéciales qui me soutiennent chaque jour dans la réalisation de mes objectifs. Je suis particulièrement reconnaissante envers Robin Parsky, la propriétaire de Heavenly W, Jet Blue (né Girroco-D, Quamikase des Forêts, alias Zirocco Blue VDL x Indoctro) et B Rockabilly (Bamako de Muze x Elvis Ter Putte). Grâce à elle, nous avons déjà accompli des choses incroyables, et j’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve. Mon mari, Jeff, incarne parfaitement ce que signifie vivre aux côtés d’une cavalière, même s’il n’est pas lui-même passionné par les chevaux. Son soutien est inestimable. Je ne pourrais pas non plus me passer de ma responsable d’écurie, véritable pilier de notre structure, que ce soit à la maison ou en concours. Elle est le lien qui nous unit tous. Il faut tout un village pour réaliser ses rêves, et je suis profondément reconnaissante envers chacune des personnes qui m’accompagnent dans cette aventure.

B Rockabilly est l'une des jeunes pépites de Carly Anthony. © Sportfot

Vous êtes très impliquée dans le Programme des athlètes émergents (PAE). Pourquoi cet engagement vous tient-il autant à cœur ?

Le Programme des athlètes émergents a véritablement été le tremplin de ma carrière. Remporter la finale du PAE m’a permis de rencontrer de nombreux professionnels de haut niveau que je n’aurais peut-être jamais croisés autrement, et ce sont ces rencontres qui m’ont offert les opportunités essentielles pour arriver là où je suis aujourd’hui. D’autres cavaliers talentueux, comme Jacob Pope ou Cathleen Driscoll, ont eux aussi utilisé le PAE comme tremplin vers le haut niveau. C’est un programme exceptionnel, en particulier pour les cavaliers qui n’ont pas toujours l’occasion d’évoluer aux côtés de professionnels expérimentés. Il transmet non seulement les bases solides de l’équitation, mais aussi les fondamentaux des soins et de la gestion des chevaux, des compétences essentielles pour bâtir une carrière durable dans ce sport.

Vous avez également créé un prix en mémoire de votre grand-mère. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ma mère a créé en 2001 le prix de l’esprit sportif junior en hommage à sa mère, ma grand-mère Candida Forstmann. Celle-ci attachait une importance profonde à l’esprit sportif dans toutes les disciplines qu’elle pratiquait, un principe qu’elle a transmis à ma mère. Lorsque celle-ci a pris sa retraite de l’équitation, j’ai repris la gestion de ce prix en 2021 pour en assurer la continuité. Depuis vingt-cinq ans, ce prix encourage et récompense l’esprit sportif exceptionnel des jeunes cavaliers, futurs potentiels représentants des États-Unis. Je suis extrêmement fière de cette tradition instaurée par ma mère et je m’efforce de la perpétuer, tout en soutenant ces jeunes cavaliers exemplaires, véritables ambassadeurs positifs de notre sport.

Avec Heavenly W, Carly Anthony réalise ses rêves. © Sportfot

En dehors des compétitions, comment vous ressourcez-vous ?

Trouver un équilibre au quotidien n’est pas toujours facile. J’ai la chance d’avoir à mes côtés un mari merveilleux ainsi que deux chiens formidables, Fudge et Chip, qui me soutiennent en toutes circonstances. Cet hiver, nous avons commencé à jouer au pickleball, ce qui est devenu une belle activité pour nous. J’adore aussi cuisiner et pâtisser ! Ma mère, qui est désormais cheffe, m’a transmis ses recettes, que j’aime revisiter à ma manière. Ma dernière passion est la fabrication du levain et la confection de différentes sortes de focaccias. Ces moments hors des compétitions sont essentiels pour mon bien-être.

Comment décrivez-vous la cavalière que vous êtes devenue aujourd’hui ?

Je suis une cavalière qui apprend chaque jour, toujours en quête de progrès. Mon objectif est de m’améliorer chaque jour. Pour ça, je m’inspire de la philosophie de Pete Carroll, l’ancien entraîneur des Seahawks de Seattle.

Photo à la Une : Carly Anthony est reconnaissante des opportunités qui ont été les siennes et tente aujourd’hui de rendre la pareille à la nouvelle génération. © Mélina Massias