“La victoire de Julien Epaillard en finale de la Coupe du monde est la consécration d’un talent que tout le monde connaissait”, Emeric George

Julien Epaillard et Donatello d’Auge n’ont rien lâché, jusqu’au bout, et ont remporté leur premier grand titre commun.
mardi 8 avril 2025 Propos reccueillis par Mélina Massias

Comme lors des Jeux olympiques de Paris, Emeric George, récent vainqueur du dernier Grand Prix 4* du Sunshine Tour de Vejer de la Frontera, sera le consultant de Studforlife durant la finale de la Coupe du monde de Bâle. Le Tricolore livrera son analyse et son sentiment à chaque étape de la compétition. Dans ce quatrième et dernier billet, retour sur le sacre de Julien Epaillard et Donatello d’Auge ainsi que quelques performances marquantes de ces trois journées de compétition et bilan d’un championnat réussi !

Bilan

Nous avons assisté à une belle finale ! Les deux parcours du dernier jour m’ont paru bien dosés, vraiment délicats. Les verticaux semblaient très hauts, comme souvent en indoor. Dans les grandes pistes extérieures, on peut parfois avoir des oxers rehaussés de cinq centimètres, mais, en intérieur, où l’espace est plus réduit, cela concerne d’abord les verticaux. Le parc d’obstacles, aux couleurs de la Suisse, était beau, tout comme l’ensemble du décorum de ce championnat. Cette finale a été une réussite et m’a semblé vraiment très bien organisée. Tout a été très soigné. Concernant la construction des parcours, les chefs de piste (Gérard Lachat et Grégory Bodo, ndlr) ont proposé une large gamme de difficultés. Ils sont parvenus à faire la sélection qu’il fallait et à couronner le vainqueur qu’il fallait, le tout avec des chevaux qui ont globalement bien sauté jusqu’au bout du championnat. Le public était nombreux, et il y avait beaucoup de drapeaux suisses pour les cavaliers helvètes ! C’était très chouette. Toutes les conditions étaient réunies pour le grand sport. Bâle est un concours d’expérience, et cette finale a été conforme à ce que j’attendais. C’était du très haut niveau, et une belle mise en valeur du circuit.

Le public a encouragé ses représentants comme il se doit. © Mélina Massias 

Un podium mérité

Après un tel week-end, on peut être fiers d’être français ! C’était avant tout la victoire de la belle équitation. Les trois couples qui composent le podium (Julien Epaillard sur Donatello d’Auge, Point Maher et Point Break ainsi que Kevin Staut avec Visconti du Telman, ndlr) ont fait preuve de beaucoup de maîtrise. C’était très beau à voir. Julien en particulier a montré une véritable harmonie avec Donatello. Il a réussi à adapter son parcours, à ajouter des foulées où il le fallait et à interpréter son cheval à la perfection. C’est aussi cela que l’on recherche dans notre sport et il l’a parfaitement réussi ce week-end. 

Kevin connaît sa jument par cœur. Elle a maintenant seize ans, et la voir à ce niveau-là, sauter avec cette fraîcheur et cette envie, est aussi une belle preuve de sa connaissance de Visconti et de sa grande maîtrise. Et puis, entre ces deux cavaliers français, il y a Ben Maher, qui a une équitation fantastique et un système très solide. Il a plusieurs chevaux de haut niveau en plus de Point Break, qui n’est même pas le cheval avec lequel il a remporté l’or olympique par équipe l’été dernier. Qui plus est, il a monté cette finale avec une facture au pied ! Pour avoir déjà connu le même type de blessure, je sais que c’est loin d’être simple ! Chapeau au podium, qui est mérité à tout point de vue pour ces trois cavaliers et leurs chevaux, tant dans la gestion de leurs chevaux, que dans la maîtrise technique et psychologique de ce championnat. Tous trois sont allés jusqu’au bout et ont résisté à la pression.

Julien Epaillard a devancé Ben Maher et Kevin Staut sur le podium. © Mélina Massias 

Révélations et confirmations

Parmi les belles surprises de cette finale, saluons les prestations des cavalières américaines ! Katherine A. Dinan a réalisé une finale de très, très haut niveau (avec Out of The Blue SCF, une sœur utérine de Rebecca LS, signant le seul double zéro de la journée de dimanche, ndlr). Pour avoir déjà échangé avec elle, c’est une cavalière très humble, discrète et travailleuse, dotée d’un bel état d’esprit. Elle fait confiance à Beat Mändli depuis longtemps et sa performance est une belle réussite, tout comme celle de Lillie Keenan, même s’il ne s’agit pas d’une révélation à proprement parlé. Certes, ces jeunes cavalières disposent de moyens financiers leur permettant d’acheter d’excellents chevaux, mais cela est loin d’être suffisant pour performer à ce niveau. Elles doivent, comme tout le monde, fournir un travail énorme pour être en mesure d’affronter ces parcours-là et de les répéter tout au long d’un championnat. Leurs résultats sont la récompense des choses bien faites. Elles montrent que, que l’on ait formé son cheval ou qu’on ait la chance d’avoir pu l’acheter, lorsqu’on met en place tout un système et que l’on s’entraîne en conséquence, on peut arriver à de telles performances, au plus haut niveau. Je trouve qu’il s’agit d’une belle leçon. Le Hongrois Vince Jarmy est, lui aussi, une très belle surprise ! Je ne le connaissais pas et il a montré une très belle équitation. 

Très belle réussite pour Katherine A. Dinan et Out Of The Blue ! © Mélina Massias



Cette finale a incarné sa dimension mondiale. On a vu des pays différents, comme la Hongrie avec Vince Jarmy, ou encore l’Afrique du Sud, avec Bronwyn Meredith Dos Santos, qui s’est bien débrouillée. Ce circuit a, parmi d’autres, le mérite de faire émerger des cavaliers et cavalières que l’on connaît moins et qui réalisent malgré tout des championnats propres. Même s’ils ne sont pas toujours sans-faute, et qu’ils manquent peut-être un peu d’efficacité pour être aux avant-postes du classement, il y a une maîtrise générale et de bons parcours, ainsi que la capacité d’aller au bout de plusieurs journées de compétition. Parce qu’un championnat, c’est aussi ça : chaque parcours est de plus en plus difficile, la fatigue s’accumule et la tension est présente. Il ne faut pas craquer. Réussir à boucler un championnat proprement, comme ces cavaliers l’ont fait, est beau et est une vraie performance. 

Vince Jarmy fait partie des révélations de la semaine avec Carbon Girl. © Mélina Massias 

Déception pour le clan suisse

Même si les Suisses n’ont pas pu compter sur Steve Guerdat, blessé, ils avaient deux cavaliers très motivés : Martin Fuchs et Edouard Schmitz. Malheureusement, il doit y avoir un peu de déception concernant leurs performances dans cette belle finale, organisée à domicile. Alors que j’imaginais Leone Jei (né Hay El Desta Ali, ndlr) mieux tenir la longueur que Donatello d’Auge, il a finalement été celui des deux à montrer le plus de signes de fatigue. Peut-être que Martin a aussi senti qu’il perdait le fil de la victoire et qu’il s’est déconcentré lors de son dernier parcours (conclu avec huit points, ndlr). C’est difficile à dire, mais on espérait mieux pour lui et Edouard, qui a joué de malchance vendredi soir (la martingale de Gamin van’t Naastveldhof a cassé pendant son parcours, ndlr). C’est dommage pour les Suisses que cela n’ait pas tenu jusqu’au bout, mais c’est une belle performance pour la France, encourageante pour la suite et pour tous. Julien et Kevin sont des cavaliers auxquels nous, Français, pouvons nous identifier. On les connaît, ainsi que leurs parcours, et on sait qu’une carrière à ce niveau n’est pas toujours simple. Il y a des hauts et des bas, et les voir performer ainsi, avec des chevaux qu’ils ont formés eux-mêmes, voire fait naître dans le cas de Julien, est inspirant. 

Julien Epaillard, la consécration

La victoire de Julien est la consécration d’un talent que tout le monde connaissait. Cela fait plusieurs années qu’il évolue à très haut niveau et qu’il gagne énormément, mais les puristes pouvaient lui reprocher l’absence d’un titre en grand championnat. Voilà chose faite ! Ce titre est vraiment mérité. Pour la France, avoir ces deux cavaliers sur le podium est une vraie performance. Cela valide toute la gestion de Julien. Il a répondu aux interrogations que l’on pouvait avoir vendredi soir lorsqu’il a fait le choix de ne pas disputer le barrage. Il a, en plus, la lucidité de reconnaître et d’analyser ses erreurs. Et que dire de son mental ? Julien a également beaucoup de considération pour son cheval et croit énormément en lui. C’est une leçon à retenir : il croit en Donatello plus que personne. Beaucoup de personnes pensaient que Julien pouvait réussir l’exploit d’aller au bout de ce championnat d’abord en raison de ses qualités de cavalier. Lui, à l’inverse, a toujours cru que son cheval pouvait le faire. Il a cru en Donatello et c’est l’un des premiers prérequis dans notre sport : croire en son cheval. Il était à la fois le mieux placé pour le faire, mais il aurait aussi pu être le premier à avoir des doutes. Finalement, il est allé au bout de son idée et a encore fait preuve d’un mental exceptionnel. Ce genre de compétition se joue aussi dans la tête. Julien a un caractère très particulier, à part, et c’est aussi ce qui fait de lui un champion. Au-delà de son talent, de ses facultés techniques, il a un état d’esprit et un mental remarquables. 

Julien Epaillard a laissé éclater sa joie avec son cher Donatello d'Auge. © Mélina Massias 

Julien voulait ce titre, comme il voulait celui des Jeux olympiques de Paris, qui lui a échappé pour trois fois rien. Pour arriver au niveau de performance qui a été le sien la semaine dernière, il faut pouvoir se mettre dans ce qu’on appelle, en préparation mentale, l’état idéal de performance (EIP). Cela permet d’être à cent voire cent dix pourcents, mais est, en revanche, très énergivore et coûte beaucoup. On ne peut pas s’imposer cela tous les week-ends. Je pense que Julien s’était mis beaucoup de pression, qu’il a réussi à rendre positive. Toutes ses années de travail et une carrière aussi remplie que la sienne, avaient besoin d’être couronnées par un titre. Et il s’est peut-être dit qu’il n’aurait pas cinquante opportunités de le faire. Peu de gens peuvent accomplir ce que Julien a fait à Bâle. Ceux qui y parviennent s’appellent des champions.

Nul doute que le Normand a relâché la pression après son sacre ! © Mélina Massias 

Photo à la Une : Julien Epaillard et Donatello d’Auge n’ont rien lâché, jusqu’au bout, et ont remporté leur premier grand titre commun. © Mélina Massias / Emeric George © Scoopdyga