Tout au long des championnats du monde de jumping, le Belge Ludo Philippaerts, qui compte à son palmarès quatre participations aux Jeux olympiques, trois aux Jeux équestres mondiaux, onze aux championnats d’Europe et treize en finale de la Coupe du monde, livrera ses analyses après chaque épreuve. Dans ce quatrième volet, retour sur la domination sans faille des Suédois, le soutien de leurs nombreux fans, mais aussi sur le scénario de la finale par équipe. Le Diable Rouge décrypte également le classement individuel, fortement chamboulé vendredi soir, et qui promet un grand spectacle pour la finale dominicale de ces Mondiaux de Herning !
Comme vous l’aviez imaginé en amont de la finale par équipe, le parcours proposé vendredi 12 août par Louis Konickx était un sacré défi pour les cavaliers. Qu’en avez-vous pensé ?
C’était un très, très bon parcours. Il était beaucoup plus difficile que ceux proposés les autres jours. Le temps imparti était également un peu plus court et cela a créé une grande différence. Nous n’avons pas vu tellement de sans-faute (six dans le temps, ndlr) et beaucoup de choses ont changé jusqu’au dernier moment. Les Français ont perdu leur médaille provisoire (ils étaient deuxièmes avant d’aborder la finale, ndlr), les Britanniques sont revenus sur le podium, et les Hollandais terminent deuxièmes. Beaucoup de choses se sont passées. Et les Suédois étaient fantastiques.
Sans grande surprise, la Suède a glané un nouveau titre…
Les Suédois étaient fantastiques. C’était la meilleure équipe. Ils ont gagné avec près de douze points d’avance. Cela veut dire beaucoup. Les quatre cavaliers ont été super ces trois premières journées. Nous pensions déjà avant le début du championnat qu’ils faisaient office de favoris ; ils l’ont plus que confirmé.
Le podium collectif final. © Scoopdyga
Comment peut-on expliquer une telle domination des Scandinaves ces derniers temps, après leur triomphe olympique de l’été dernier ?
Les Suédois ont une excellente équipe depuis quelques années, mais ils ont aussi de très bons propriétaires, notamment avec H&M, qui sécurise les chevaux de Malin (Baryard-Johnsson, Indiana, ndlr) et de Peder (Fredricson, All In de Vinck, ndlr). Ils conservent les chevaux pour les cavaliers. Ces derniers peuvent ainsi avancer sereinement et se concentrer sur les grandes échéances. Par exemple, Peder Fredricson n’a pas disputé beaucoup de concours avec son cheval ces derniers mois (le numéro trois mondial a disputé huit concours internationaux avec son double vice-champion olympique depuis les Jeux olympiques de Tokyo, ndlr). Le propriétaire souhaite que ses cavaliers participent aux championnats, et cela est plus facile pour eux. Ils avaient déjà trois très bons chevaux, avec King Edward, All In et Indiana. Ils étaient très sûrs, et, cette année, celui de Jens (Fredricson, Markan Cosmopolit, ndlr) s’est ajouté à la liste. C’est une équipe très forte, avec des cavaliers tout aussi performants, qui ont également l’expérience et tout ce qu’il faut pour performer.
“Je pense que le sport est vraiment populaire en Suède”
Même s’ils ont ajouté une médaille d’or à leur palmarès, Peder Fredricson et H&M All In de Vinck sont sortis de piste avec douze points au compteur, un score inhabituel pour eux. Avez-vous une explication à cette contreperformance ?
Le cheval a seize ans et il a déjà beaucoup donné. Il a très, très bien sauté le premier jour et dans l’acte initial de la Coupe des nations. Hier, il était un peu moins en forme. Il a fait trois fautes, c’est comme ça. Ce sont des chevaux, pas des voitures. Ces choses-là peuvent arriver.
Peder Fredricson et son formidable bai lors du tour d'honneur. © FEI
Hier soir, les drapeaux bleus à croix jaune été nombreux dans le stade Stutteri Ask, si bien qu’on se serait presque crus en Suède. Qu’avez-vous pensé de cette ambiance ?
Il y avait plein, plein de Suédois ! Je pense que le sport est vraiment populaire en Suède. En plus, le Danemark n'est pas très loin de chez eux. Je pense que c’est aussi pour cela qu’il y avait énormément de Suédois. Ils savaient également que leur équipe avait de grandes chances de gagner ici.
Les Pays-Bas et la Grande-Bretagne se sont finalement emparés de l’argent et du bronze, au détriment de la France, de l’Allemagne et de la Belgique, qu’on imaginait figurer en meilleure position. Comment analysez-vous leurs performances respectives ?
Pour moi, les Pays-Bas faisaient office de favoris à une médaille. Je l’avais déjà dit à Rotterdam (lors de leur victoire dans la Coupe des nations, ndlr). Jos (Lansink, ndlr) a très bien endossé son rôle d’entraîneur et de chef d’équipe. Il avait à cœur de faire la meilleure performance possible ici. Les cavaliers ont répondu présent et ont bien monté. Ils n’ont pas été vernis avec le forfait de Willem Greve, qui s’est fracturé l’épaule (et dont la monture, Grandorado TN, affichait l’une des plus grande régularité cette saison, ndlr) avant les championnats. Je pense que le cheval de Marc Houtzager était blessé. Mais ils s’en sont très bien sortis et pouvaient compter sur de très bons couples. Concernant la Grande-Bretagne, je suis très étonné. Ils sont revenus de loin hier. À l’inverse, cette deuxième manche a été plus compliquée pour les Français, qui étaient moins bien que la veille.
Les Allemands n’ont pas eu de chance avec la chute du champion d’Europe (André Thieme, ndlr). Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé. Il semble avoir perdu l’équilibre, avant de tomber. Son cheval (Chakaria, ndlr) est normalement une excellente cartouche. Mais, dans un championnat, tout peut arriver.
Jur Vrieling et Long John Silver 3 ont participé à la médaille d'argent glanée par leur pays. © FEI
“Jens Fredricson aura une bonne chance de gagner une médaille”
Le classement individuel a été fortement modifié après ce troisième parcours. Le podium se précise. Qui sont vos favoris ?
Henrik von Eckermann était déjà le favori avant le début des championnats. King Edward est en super forme ; ce n’est pas sûr qu’il commette une faute demain en finale. Jens est peut-être un outsider, mais il a très, très bien monté jusqu’ici. Son cheval a beaucoup de moyens et est très respectueux. On ne peut pas l’écarter pour une place sur le podium. Demain, il aura une bonne chance de gagner une médaille. Jérôme (Guéry, actuellement troisième avec Quel Homme de Hus) est aussi en bonne position. Il est super motivé et son cheval est en grande forme. Jusqu’à maintenant, il a montré de très bonnes choses. Martin Fuchs est remonté en quatrième position et son cheval sautait encore très bien hier. Il a aussi ses chances. Surtout, les cavaliers sont très proches les uns des autres. Nicola (Philippaerts, ndlr) est seizième et est à une faute de la cinquième place. Il y a encore beaucoup de possibilités. La compétition sera intéressante demain. Ce sera une belle finale à observer.
Le scénario va également dépendre du parcours. S’il est aussi relevé qu’hier, les choses peuvent encore changer ; une faute arrive vite. Si l’on regarde mon fils, son cheval (Katanga v/d Dingeshof, ndlr) a très, très bien sauté hier. Il a vraiment manqué de chance sur les deux parcours de la Coupe des nations, où il a commis une faute sur le dernier. Sans cela, il aurait été tout en haut du classement. Mais c’est le propre des championnats. Je ne peux rien lui reprocher, parce que son cheval a très bien sauté tous les jours. Il a simplement été malchanceux.
Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus sont en grande forme au Danemark. © Scoopdyga
Aujourd’hui, les chevaux bénéficient d’une journée de repos, avant de reprendre les choses sérieuses demain, pour la finale. À quoi peut-on s’attendre ?
Je pense que les chevaux vont beaucoup marcher et être un peu montés aujourd’hui. Il fait très chaud ici. Je pense que la finale sera similaire à l’épreuve d’hier. Si le temps est identique, le classement peut encore bouger. Rien n’est fini ; nous l’avons vu hier avec les Pays-Bas, et les Anglais, deux et troisièmes. Avant le dernier cavalier, personne n’imaginait cela. Tout peut changer très vite.
Toutes les épreuves des championnats du monde de Herning sont diffusées en direct et en intégralité sur Clipmyhorse.tv.
Photo à la Une : La satisfaction d'Henrik von Eckermann, en tête de l'individuel et champion du monde avec la Suède, lors du tour d'honneur. © FEI
