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“La reconnaissance du cheval français s’est confirmée à Versailles”, Michel Guiot (2/2)

Michel Guiot
mercredi 30 octobre 2024 Mélina Massias

Président de la Société hippique française (SHF), Michel Guiot dresse le bilan de la saison de saut d’obstacles jeunes chevaux. Réélu à son poste en juin 2024 pour un nouveau mandat de quatre ans, il évoque notamment les dossiers phares de l’année, la Grande Semaine de Fontainebleau, l’influence des Jeux olympiques, le très plébiscité label cavalier jeunes chevaux, la Prime aux naisseurs et se projette sur l’année 2025. Un entretien en deux épisodes.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Bien que la SHF ne soit pas responsable de l’organisation du championnat de France des sept ans, placé sous l’égide de la FFE, son scénario a suscité énormément de discussions lors de la Grande Semaine de Fontainebleau. Avez-vous eu l’occasion d’échanger avec les responsables de la FFE à ce sujet ? En sachant que le travail effectué par la SHF sur les finales des quatre, cinq et six ans est globalement salué par les éleveurs et propriétaires, seriez-vous prêt à ou avez-vous déjà proposé votre aide pour réviser la formule de ce championnat ?

Bien sûr. Nous avons débriefé et déploré ce qui s’est passé cette année, mais c’est ainsi. La Fédération avait consulté en amont des cavaliers, au sujet du nouveau règlement, qui n’ont, à mon avis, pas pris la bonne décision. Désormais, cela est du passé et les équipes de la FFE sont ouvertes à la discussion. Nous avons déjà pas mal échangé avec elles sur ce que nous allions faire l’année prochaine, afin qu’il n’y ait pas douze chevaux en finale du championnat de France des sept ans, mais plutôt quarante ou cinquante. C’est une première chose. Concernant les dotationsnous sommes également en discussion, afin de faire en sorte qu’un sept ans gagne un peu mieux sa vie. La Fédération aura le dernier mot, mais nous échangeons aussi à ce sujet. À l’issue de la période électorale, on peut estimer que nous pourrons tenter notre chance. Dans tous les cas, la SHF est prête à jouer le jeu pour améliorer les conditions des sept ans. Cette classe d’âge est l’antichambre du sport et représente une année charnière. Il ne s’agit pas encore de sport à proprement parler, mais on n’est plus tout à fait dans la valorisation. Avoir cette finale pendant la Grande Semaine de Fontainebleau fait sens, car l’organiser plus tôt dans l’année serait sans doute trop prématuré. Il s’agirait davantage de six ans améliorés que de vrais sept ans. Je pense que ce rendez-vous attire également des gens, d’autant plus qu’il s’agit de belles épreuves. Nous ferons ce qu’il faut, aux côtés de la Fédération, avec laquelle nous travaillons en bonne entente, pour améliorer les conditions de ces épreuves. Nous sommes liés sur beaucoup de sujets et nous nous rendons compte que nous avons besoin de travailler main dans la main.

Malgré les discussions suscitées par le format du championnat de France des chevaux de sept ans cette année, sa gagnante, Hatlantika, est restée incontestée. © Mélina Massias

La SHF a-t-elle ou pourrait-elle avoir l’ambition de prendre à sa charge le circuit des sept ans ?

Non. Si jamais la Fédération venait à ne plus souhaiter se charger de ce circuit, peut-être que nous le ferions, mais ce n’est pas en discussion pour le moment. La Fédération a l’intention de conserver l’organisation de ces épreuves. Je pense qu’il faut davantage que nous travaillions en commun afin de parvenir à un meilleur résultat. Si nous unissons nos forces, nous allons y arriver et proposer un super championnat des sept ans.



“Le championnat du monde des stud-books va dans le bon sens, dans celui du respect du cheval”

En septembre, un Grand Prix Top 7 doté de 10.000 € a été organisé à Saint-Lô et a suscité l’intérêt du milieu. Est-ce une source d’inspiration pour l’avenir ?

Il est vrai qu’un sept ans qui réalise un sans-faute à 1,40m et touche cent cinquante euros, comme ce fut le cas lors de la première épreuve du championnat de France cette année, est une récompense un peu faible. Tous les éleveurs ou propriétaires qui ont conservé un cheval de ce niveau-là, qui vaut beaucoup d’argent, ont fait des sacrifices et méritent de percevoir une meilleure dotation. La Fédération commence à en être consciente. Il faut peut-être faire appel à des partenaires privés et se réunir autour d’une table afin de revaloriser tout cela. C’est ce qui s’est passé à Saint-Lô : un partenaire privé a mis la main au portefeuille. Il faut que nous parvenions à trouver une solution pour que ces épreuves soient mieux dotées. 

Dans le prolongement des championnats de France, un autre rendez-vous s’est ajouté au calendrier : le championnat du monde des stud-books, à Valkenswaard, auquel participe le Selle Français avec la SHF. Je crois que cet événement est aussi plébiscité, avec des gains non négligeables à la clef. Et cela va dans le bon sens, dans celui du respect du cheval. Les parcours sont bien construits, sur des terrains magnifiques et dans une ambiance très chaleureuse. Tout est fait pour le jeune cheval. J’y suis allé pour la première fois cette année, pour la deuxième édition de ce championnat, et cela va monter en puissance à l’avenir. La SHF, au côté du stud-book, continuera de soutenir cet événement, davantage que les Mondiaux de Lanaken, qui sont un peu une usine à jeunes chevaux et pas toujours très formateurs. L’éleveur ou le propriétaire qui vend son cheval à Lanaken est généralement satisfait de l’opération commerciale, mais il y a tout de même plus de personnes qui ne vendent pas leurs chevaux que l’inverse. À Valkenswaard, il me semble difficile de mettre son cheval dans le rouge, ce qui peut arriver à Lanaken et laisser un mauvais sentiment au cheval. L’esprit déployé à Valkenswaard correspond tout à fait aux valeurs de la SHF et à celles du stud-book Selle Français avec lequel nous travaillons en étroite collaboration, tout comme avec la Fédération, qui nous met à disposition un chef d’équipe. C’est un peu unique : c’est la première fois que nos cavaliers jeunes chevaux montent pour une équipe, leur équipe, et c’est quelque chose de très appréciable et apprécié. Les cavaliers français sont motivés pour y aller et cela peut être un deuxième objectif, après la finale de Fontainebleau.

Michel Guiot salue l'esprit des championnats du monde des stud-books de Valkenswaard. © Longines International Tops Arena



“La SHF est aussi l’outil de travail des jeunes cavaliers”

Quels vont être les dossiers prioritaires pour la SHF à l’horizon 2025 ?

Il y a toujours le dossier de la TVA, que nous ne lâchons pas et sur lequel nous travaillons en étroite collaboration avec la filière cheval. Nous avons rencontré les différents ministères tout au long de l’année et nous sommes soutenus par le ministère de l’agriculture. Nous sommes allées à Matignon et à Bercy et nous avons l’intention d’y retourner. Malheureusement, nous sommes tombés au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale. Malgré le changement de gouvernement, toutes les personnes que nous avons rencontrées à ce moment-là, que ce soit à Matignon ou à Bercy, nous ont confirmé que notre dossier était évident et que nous allions obtenir gain de cause un jour. Cela ne s’est pas concrétisé cette année, mais j’espère de tout cœur que ce sera le cas l’année prochaine. Cela ne représente pas un énorme budget dans le fameux déficit de soixante milliards d’euros dont on entend tout le temps parler. On parle d’environ cinquante millions d’euros dans ce dossier de la TVA. C’est quelque chose d’important, notamment pour qu’il n’y ait pas de distorsion entre les amateurs et les professionnels, qui subissent cette augmentation de la TVA de plein fouet. Il est important de continuer à se battre sur ce dossier.

Michel Guiot espère voir le dossier TVA avancer en 2025, pour le bien de la filière. © Mélina Massias

Ensuite, j’ai été réélu pour quatre ans, avec une nouvelle équipe. Tous les présidents de commission ont changé et la moyenne d’âge rajeunie, parce que la SHF est aussi l’outil de travail des jeunes cavaliers. Ils doivent s’impliquer et ce sont eux qui seront aux commandes demain. Il faut donc qu’ils prennent leurs marques dès maintenant, afin de défendre leur outil de travail. En remettant du sang neuf, nous avons eu beaucoup de nouvelles idées. Au mois de janvier, nous aurons un séminaire avec tous les administrateurs, afin de discuter du plan stratégique que nous allons construire sur les quatre ans de ce mandat. En 2025, nous allons également continuer à travailler sur la professionnalisation de la filière, de même que sur l’interprofession de la filière cheval, qui sont deux dossiers particulièrement importants, qui doivent avancer. Avec toute l’équipe des administrateurs, nous allons continuer à les porter et à les pousser.



“Je pense que notre circuit de formation est envié dans toute l’Europe”

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris ont été une véritable réussite cet été, notamment pour les sports équestres. Avez-vous le sentiment que la filière élevage a bénéficié, d’une façon ou d’une autre, de l’engouement suscité par cet événement ?

La reconnaissance du cheval français, qui est en tête des classements de saut d’obstacles depuis plusieurs mois, s’est confirmée. Le Selle Français est reconnu comme facile, doté d’un cœur énorme, d’une vraie disponibilité et envie de faire en concours. Que la France remporte des médailles grâce à des chevaux français est formidable, mais une médaille obtenue par un cavalier étranger avec un cheval issu de l’élevage hexagonal est tout autant bénéfique, si ce n’est plus, pour celui-ci. Cela permet de promouvoir nos chevaux en dehors de la France et il y a forcément des retombées. Le stud-book Selle Français et la SHF ont reçu beaucoup de demandes afin de savoir comment nous préparions nos chevaux. Les gens s’intéressent à notre circuit de valorisation et de formation et cela n’est pas un hasard. La qualité du travail des éleveurs jusqu’à trois ans, mais aussi le relais à quatre, cinq et six ans où l’on attend les chevaux dans leur formation sportive, jouent pour beaucoup. Les circuits de la SHF sont l’école du jeune cheval, comme pour un enfant qui irait à l’école, et on ne brûle pas les étapes. On veut prendre le temps et surtout avoir des chevaux qui durent dans le temps, qui sont en mesure de continuer leur carrière sportive plus longtemps que la moyenne. Je vois très régulièrement des Selle Français encore performants à dix-neuf ans (à l’image de Rokfeller de Pleville*Bois Margot, lauréat d’un Grand Prix 5* mi-octobre à Rabat, avec Eduardo Alvarez Aznar, ndlr). Personnellement, j’ai un cheval (Requiem de Talma, ndlr) qui fait encore de beaux concours à dix-neuf ans avec Alexandra Ledermann. Lorsque les chevaux français sont bien élevés et bien formés, ils durent plus longtemps que les autres, tant physiquement que mentalement et cela est important. Je crois que les étrangers sont vraiment dans cette mouvance-là, en essayant de voir comment nous faisons en France. C’est aussi ce qu’ils viennent chercher lorsqu’ils assistent aux Grandes semaines ou aux CIR. Je pense que notre circuit est envié dans toute l’Europe.

Caracole de la Roque a fait rayonner l'élevage français jusqu'aux Etats-Unis, en participant, avec Karl Cook, à la médaille d'argent collective décrochée par le Stars and Stripes. © Scoopdyga

Photo à la Une : Michel Guiot récompense Nicolas Layec, vainqueur du championnat des mâles de cinq ans à Fontainebleau. © Morgan Froment