La préparation mentale : un maillon devenu essentiel chez les cavaliers ?
Le mental d'un sportif, qu'est-ce ?
Longtemps taboue et mise à l’écart, la préparation mentale se fait désormais une place dans les sports équestres, et plus particulièrement chez les cavaliers de haut niveau. Aujourd’hui, la démarche tend à se démocratiser, révélant ses nombreux bienfaits au service de la performance.
Quel que soit le sportif, tendre vers de meilleures performances est un but. Pour cela, « le mental est aussi important que le physique », affirme Kévin Staut. Les sports équestres ont la particularité d’associer deux athlètes, un cheval et son cavalier. Ce dernier met en place un programme pour l'entraînement de chacun. En parallèle, il peut compléter sa préparation physique avec d’autres activités sportives. D’ailleurs, ces exercices se sont petit à petit glissés dans les habitudes des cavaliers. Pourtant, « le mental est ce qui caractérise un champion : sa faculté à approcher un parcours, à gérer l’échec, la contre-performance et la déception », selon le cavalier olympique français. Alors, s’il faut donner une définition à ce mot aussi large qu’il n’y paraît, Mickael Borot, préparateur mental, dirait qu’il s’agit des ressources émotionnelles, cognitives, affectives ou physiologiques qui forment le potentiel d’un sportif en vue d’une réussite. « Lorsqu’on dit qu’un cavalier doit avoir du mental, on parle de sa capacité à s’engager pleinement dans la situation et de sa concentration pour pouvoir mener à bien sa performance. C’est un ensemble qui permet d’optimiser d’autres facteurs comme la technique et la stratégie à cheval », développe ce dernier. Kevin Staut insiste réellement sur l’importance de gérer son mental notamment « dans ce sport. Nous avons bien plus d'échecs que de réussites. Un cavalier perd plus souvent qu’il ne gagne. La préparation mentale est un travail de soi et de profondeur », pointe le tricolore.
Mickael Borot est notamment le préparateur mental de Grégory Cottard. ©DR
Aujourd’hui, et de plus en plus, les cavaliers se tournent vers des préparateurs mentaux comme Mickael Borot. « Chacun a des besoins différents. Certains font appel à moi pour résoudre un manque de confiance après une mauvaise chute. Je les aide à retrouver ce “moi confiant” comme je l'appelle. D’autres sont plutôt à la recherche d’amélioration et souhaitent insister sur la concentration ou la capacité attentionnelle par exemple. Les jeunes veulent avant tout se connaître au service de la performance, gérer leur stress et définir leur objectif », éclaire le professionnel. D’ailleurs, le cavalier de vingt-quatre ans Alexis Goulet s’est rendu compte que les séances avec son préparateur sont « vraiment une aide supplémentaire pour renforcer les atouts ».
La préparation mentale au service du détail
Pour travailler son mental, il faut avant tout définir ses objectifs ! « Nous identifions ensemble les facteurs psychologiques déterminants et nous définissons les axes de travail prioritaires », explique Mickael Borot. « J’essaie que le coaché atteigne un idéal de concentration, de confiance et de créativité pour qu’il réalise cette communion de couple cavalier/cheval et évite les erreurs de parcours ». D’ailleurs, cette recherche d’harmonie est propre à l’équitation : « Ils ne forment qu’un, c’est cette union qui va donner la performance. Le rapport et le contact du cavalier ont forcément un impact sur le cheval, il est important qu’il y ait une bienveillance et un langage entre eux. Je suis constamment dans cette recherche de flou, comme j’aime bien dire, où les deux doivent atteindre un maximum de leur potentiel ». Cependant, le professionnel regrette de ne pas échanger avec un des pions majeurs qui accompagne le cavalier et son cheval : l'entraîneur. « Je n’en vois pas alors que je sais pertinemment que le coaching mental peut être un outil pour eux. Apprendre à se connaître, c’est mieux communiquer pour utiliser un bon langage et agir en conscience afin de mener à bien le projet de leur athlète », s’exclame-t-il ! En effet, la préparation mentale est un tout et peut autant s’adresser au cavalier qu’au reste de son équipe. C’est pourquoi il essaie de se déplacer en compétition pour voir ses coachés à l’œuvre. « Je peux observer des gestes, des mouvements, des façons de penser parasites qui peuvent être énergivores. La préparation mentale est selon moi un facteur de la performance et doit être dans un tout. Il est important que je puisse l’intégrer à la tactique et à la technique à cheval », souligne-t-il.
Alexis Goulet entouré de son préparateur mental Guislain Bandalo. © Alice Bonnemains
Quand Alexis Goulet évoque un exercice qui l’aide particulièrement en compétition, il ne peut s’empêcher de parler de l’imagerie mentale. « Il s’agit d’imaginer de manière positive, sans doute, le parcours avec chaque obstacle, le tracé et le nombre de foulées. Rien que l’emploi de mots positifs a toute son importance ! Par exemple, ne pas se dire : « cet obstacle-là va être le juge de paix ». Il est à coup sûr celui qui va nous emmener à la faute. Ne penser qu’au positif apporte plus régulièrement une meilleure performance ». Si Kevin Staut n’est quant à lui pas accompagné d’un préparateur au quotidien, il s’est pourtant rendu compte que le mental se travaillait lorsqu’il en bénéficiait d’un par la Fédération française d’équitation à l’approche d’importantes échéances. « Il m’envoyait une balle en disant une couleur, si c’était rouge, je devais réceptionner de la main droite, si c’était bleu, de la main gauche. Au début, ça paraissait bête mais je me suis rendu compte que je m’encombrais de pensées qui n’étaient pas utiles et pertinentes au moment de réaliser l’exercice. Le but était aussi d’avoir un détachement impératif de résultat : tu es plus performant lorsque tu ne dépends pas de ta pensée, surtout lorsque tu dois faire un parcours sans faute ».
Une chose est sûre pour ces intervenants, la préparation mentale n’est pas un effet placebo. « Les résultats ne vont pas arriver en une séance, heureusement d’ailleurs, et c’est rassurant d’un côté puisque des chercheurs planchent à ce sujet depuis des années ! Que ce soit seul ou accompagné, il faut y consacrer du temps et s’impliquer. Si on a vraiment envie de le faire, même avec des plannings chargés, on va se créer des moments », insiste le Normand. De son côté, Alexis exprime son avis : « lorsqu’on est entouré, il faut avoir un contact assez régulier et ne pas hésiter à appeler après un parcours pour faire le point et voir ce qui est à améliorer ». Une fois que le socle est solide, « les séances peuvent être ajustées à deux fois par mois puis je donne les outils au cavalier afin qu’il soit autonome et il revient vers moi dès qu’il en a besoin », ajoute à ce sujet Mickael Borot. « Je pense qu’une fois qu’on a le mécanisme, la préparation mentale peut devenir très autodidacte et personnelle », précise tout de même Kevin Staut.
Le tricolore confie avoir apprécié la philosophie à l’école : « j’ai toujours été assez réceptif à ce que je pouvais voir et entendre ». ©Sportfot.com
À chacun son fonctionnement
Selon le Normand, un cavalier peut être son propre préparateur en allant puiser des exercices là où il souhaite : « C’est un travail personnel d’aller chercher la meilleure manière de préparer son mental ». Aujourd’hui, le monde tend à se digitaliser davantage. Kevin Staut pointe plusieurs outils comme des podcasts, des reportages ou encore, plus traditionnelles, des lectures qui peuvent venir en aide à la préparation mentale. « Je lis beaucoup de biographies de sportifs ou d’entrepreneurs, sur la réussite et la performance de manière générale. Tout est lié au mental, à l’abnégation, à savoir réagir dans la difficulté », observe-t-il. Et si ce ne sont pas des outils, ça peut aussi être aussi des rencontres : « plusieurs cavaliers de haut niveau ont rencontré David Corona, ancien négociateur du GIGN. Avec son expérience et sa capacité à se dépasser, il a forcément de très bonnes choses à transmettre », réagit ce dernier. En parallèle de ses séances avec son préparateur, Alexis Goulet préfère, quant à lui, se tourner vers la course à pied : « Ça me change les esprits tout en me permettant de faire une autre activité physique ». En effet, le travail mental peut être bénéfique autant pour l’esprit que pour le physique comme le confirme le meilleur pilote français. « Lorsque j’ai eu des problèmes de dos, j’ai fait du pilates pour gérer les raideurs de mon corps, que j’ai complété avec du yoga. C’est basé sur la respiration et la concentration, savoir faire le vide ou remplir l’esprit de choses pertinentes. »
Cependant, le spécialiste interrogé met en garde sur ces pratiques évoquées : « Les applications vulgarisent ce métier ». Il s’explique : « Il faut parfois mettre le doigt là où ça ne va pas. Lorsque le sportif a échoué ou a été contre performant, il faut aussi pouvoir lui dire, et ça, ce ne sont pas des applications qui en sont en mesure. À l’inverse, un intervenant peut aider et utiliser le bon langage pour identifier les fautes et les échecs afin de faire rebondir le sportif ».
Et si la préparation mentale boostait aussi le quotidien ?
Pourtant, approcher un préparateur mental a longtemps été vu « comme un problème psychologique ou un échec », s'esclaffe le spécialiste. « La frontière est étroite entre ceux qui travaillent autour du cerveau, entre un préparateur mental, un psychologue ou autre », ajoute le Normand. « Certains peuvent avoir du mal à se confier ou refoulent des pensées, c’est pourquoi il est important de s’adresser à des professionnels car on touche à l’identité de la personne et à sa conscience », remarque Mickael Borot. Alexis Goulet ne cache pas avoir eu quelques aprioris avant de prendre un premier contact avec son préparateur mental. « J’étais plutôt contre le fait d'en avoir un, je n’en voyais pas l’utilité puisque je ne me sentais pas stressé en compétition. Je suis quelqu’un d’assez réservé, je ne savais pas trop ce que ça allait donner. Quand on est jeune, on ne se rend pas bien compte des bienfaits ». Aujourd’hui, le cavalier de Pius Schwizer peut l’affirmer : « aller voir un préparateur mental n’est pas une faiblesse ».
Si Mickael Borot devait donner un autre nom à sa fonction, il dirait “ facilitateur de performance”. ©DR
D’ailleurs, il a remarqué avoir amélioré ses capacités mentales mais également ses activités quotidiennes. « Nous mettons aussi l’accent sur mon alimentation ou l’importance des moments de repos pour avoir l’esprit clair ». À ce moment, Mickael Borot n’hésite pas à parler de “la gestion intelligente de l’énergie”. « Les journées peuvent être assez longues, le but est de mettre en place une routine pour combattre les éléments perturbateurs qui prennent beaucoup d’énergie. Lorsque j’accompagne un athlète, il faut aussi parler avec lui de la récupération, la nutrition, l’environnement, l’identité : tout ce qui touche à la confiance en soi. Le coaché me dit régulièrement merci car ses séances ont un impact sur sa vie personnelle, professionnelle et sportive », conclut ce dernier.
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