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“La communauté équestre serait stupide de ne pas apprendre des critiques qui lui sont faites”, Christopher Burton

Burton
vendredi 17 novembre 2023 Mélina Massias

Christopher Burton a troqué sa casquette de cavalier de concours complet pour enfiler son le costume des pilotes de jumping voilà plusieurs saisons. Pourtant, l’Australien a gardé l'œil. Rencontré à Barcelone, dans le calme de la zone mixte, un samedi après-midi, l’ancien numéro deux mondial de complet n’a pu s’empêcher de marquer une pause pour observer Ermitage Kalone, l’étalon de Gilles Thomas qui concentre tous les regards. Et l’alezan, né chez Magali Dessalles, n’est pas très éloigné de l’ancienne discipline de Christopher Burton, sa souche ayant notamment donné Fusain du Defey, Sirocco du Gers ou encore Golden de Béliard, la petite pomme de Thomas Carlile, sacrée championne du monde à six et sept ans. Qu’importe, celui qui a participé à la qualification olympique de son escouade à Valkenswaard, a bel et bien tourné la page de son ancienne vie, pour se donner à mille pourcents à ses nouvelles occupations. À l’occasion de la finale du circuit des Coupes des nations, où l’Australie a bien failli rafler la mise dans la consolante avec seulement trois couples, le jeune quadra s’est confié avec un flegme qu’il semble avoir hérité de ses amis et voisins Britanniques.

Le CSIO de Barcelone, support de la finale du circuit des Coupes des nations de première division, est le théâtre de vos grands débuts en 5*, du moins en tant que cavalier de saut d’obstacles. Comment vivez-vous cette expérience ?

Oui, en effet. C’était très excitant ! J’apprécie furieusement ces moments et je prends beaucoup de plaisir. Compte tenu de mon classement mondial (huit-cent-sixième en octobre, au moment de cette interview, ndlr) je suis chanceux de pouvoir participer à ce concours. Comme il s’agit d’une Coupe des nations, nous avons eu l’honneur d’avoir cette opportunité, que je n’allais pas refuser ! Barcelone est en plus une ville magnifique, et le concours est incroyable. On s’occupe de nous de façon fantastique. C’est un vrai cadeau pour ma famille et moi.

En juillet dernier, Chedington*Hazy Toulana a participé à la victoire de l'Australie à Valkenswaard, lors d'une épreuve qualificative pour Paris. © Mélina Massias

En juillet dernier, vous faisiez partie de l’équipe australienne qui a décroché sa qualification olympique lors d’un événement organisé à Valkenswaard. Quel bilan tirez-vous de ce moment partagé avec vos coéquipiers ?

Ce qui est génial avec les Australiens, notamment lorsqu’ils sont installés à l’étranger ou outre-mer, c’est qu’il y a toujours un vrai sentiment de camaraderie. J’imagine que c’est le cas pour beaucoup de nations, mais nous sommes une petite île, un petit pays. Il y a toujours des liens entre les Australiens. C’était très chouette de faire partie des acteurs de ce moment-là. 

Comment jugez-vous les forces et les faiblesses de votre escouade ? 

Evidemment, tout le monde rêve d’une place parmi le trio qui ira à Paris. Nos cavaliers semblent incroyablement forts, ce qui est de bon augure pour l’équipe australienne. Nous avons de très bons chevaux, ainsi que des cavaliers doués et expérimentés. Je vais faire de mon mieux pour être au niveau pour les Jeux.

L'équipe australienne victorieuse à Valkenswaard en juillet dernier. © Libby Law / Australian Equestrian Team

La prochaine échéance olympique sera donc votre objectif majeur en 2024…

Bien sûr ! Comme tout le monde, il faut avoir cette ambition. C’est un bel objectif à se fixer, et même si l’Australie figure parmi les outsiders, il est bon de rêver. 



Après avoir été médaillé de bronze par équipe à Rio, et avoir participé à cinq grands championnats en concours complet, on imagine que vous avez surtout hâte de retrouver les émotions que procurent ce genre de rendez-vous, non ?

C’est exactement ça ! Une fois que l’on a fait partie d’une équipe, en Coupe des nations ou en championnat, c’est quelque chose pour laquelle on aime vivre. 

Après avoir disputé plusieurs grands championnats en complet, le jeune quadra rêve de revivre ces émotions. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“J’adore être en mesure d’aller sur de beaux événements et sauter de gros obstacles !”

Quelle est l’histoire de votre jument de tête, Chedington*Hazy Toulana (Toulon x Indorado) ? Comment l’avez-vous rencontrée ?

Chedington Hazy Toulana est assurément spéciale ! Elle n’est pas simple ! (rires) Mais elle n’en reste pas moins une adorable jument. Elle progresse et grandit à chaque fois qu’elle sort de piste. Je l’adore sincèrement. Je suis incroyablement chanceux d’avoir pu l’acheter avec l’aide du Dr. Geoffrey Guy et toute l’équipe de Chedington Equestrian. Ma collègue Edwina Tops-Alexander montait Hazy Toulana auparavant. D’ailleurs, avant de venir à Barcelone nous avons fait une halte dans ses écuries. C’était un bon moment et Edwina nous a été d’un grand soutien. Et j’adore être en mesure d’aller sur de beaux événements et sauter de gros obstacles ! 

Anciennement montée par Edwina Tops Alexander, l'excellent Hazy Toulana est la monture de tête de Christopher Burton. © Scoopdyga

Pouvez-vous compter sur d’autres montures pour l’épauler au plus haut niveau ?

Malheureusement, pas vraiment. Hazy Toulana est la seule à ce niveau. Jesajah (Emir R x Tolan R) est un cheval très plaisant, mais, bien qu’il ait neuf ans, reste assez inexpérimenté. En effet, il a été embêté par une fissure du sabot pendant plusieurs années. Avec le temps, je pense qu’il pourra devenir un bon atout.

Vous n’avez plus disputé de concours complet international depuis juin 2021. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer définitivement de discipline, pour vous tourner vers le saut d’obstacles ? 

C’est une bonne question. J’ai toujours adoré le saut d’obstacles, même lorsque je vivais encore en Australie. Un jour, je me suis retrouvé avec un piquet de chevaux de jumping, et un autre, assez conséquent, destiné au concours complet. Je me suis rendu compte que je préférais le saut d’obstacles. Surtout, il est assez difficile de combiner les deux disciplines.

Longtemps embêté par des problèmes de pieds, Jesajah pourrait devenir un sérieux concurrent au plus haut niveau. © Mélina Massias



La décision de quitter complètement le concours complet, où vous étiez performant, en attestent vos nombreuses victoires jusqu’au plus haut niveau ainsi que vos participations aux Jeux olympiques et autres Jeux équestres mondiaux, a-t-elle été difficile à prendre ? 

Oui, je crois que cela a été particulièrement dur pour mes propriétaires, qui étaient d’un soutien incroyable. Cela a aussi été compliqué pour ma chère épouse et ma famille, parce que nous avions un système qui fonctionnait bien. On concourrait avec beaucoup de réussite, mais je crois que je perdais trop de temps sur l’aspect politique du sport au lieu de me concentrer sur ma carrière personnelle en tant que cavalier.

Avez-vous dû changer certaines choses dans votre équitation pour performer en saut d’obstacles ?

Fondamentalement, je pense que le bagage technique n’est pas différent entre les deux disciplines. Évidemment, il faut régler certains détails et travailler sur certains points. Il y a deux ou trois choses que j’ai trouvées différentes, mais globalement, cela ne m’a pas demandé de changement majeur.

Christopher Burton a goûté au bonheur de concourir à Aix-la-Chapelle... en concours complet ! © Dirk Caremans / Hippo Foto

Depuis 2019, vous êtes installé au sein du superbe complexe sportif de Chedington Equestrian, propriété de la famille Guy. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces installations et votre système ? 

Oui, nous sommes incroyablement chanceux d’être basés à Chedington Equestrian, au sud-ouest de Dorset, en Angleterre. C’est un coin magnifique, où il y a tout ce dont on peut avoir besoin. De ce fait, il n’y a pas d’excuse de ne pas avoir des chevaux parfaitement entraînés ; nous avons les meilleures installations possibles à notre disposition. La famille Guy nous soutient également en étant co-propriétaire de certains chevaux. Ellie et Geoffrey Guy ont également de jeunes chevaux prometteurs. Nous sommes toujours tournés vers le commerce et toutes nos montures sont à vendre. Quoi qu’il en soit, nous apprécions travailler ensemble.

J’ai également de nombreux propriétaires qui m’ont renouvelé ma confiance lorsque je suis passé du complet au saut d’obstacles. Je suis très reconnaissant qu’ils aient continué à me suivre dans cette nouvelle aventure. Comme tout le monde, nous essayons de trouver le bon équilibre entre les chevaux destinés au sport, et ceux à vendre. Nous avançons comme cela.

L'ultra styliste Chedington*Blue est un bon atout du piquet de Christopher Burton. © Sportfot

Chedington*Azzurra, sept ans, semble avoir un brillant avenir devant elle. © Sportfot

Bénéficiez-vous des conseils d’un entraîneur ?

Grâce au programme de performance de l’équipe australienne et à ma carrière en concours complet, j’ai l’immense privilège d’être en contact avec Nelson Pessoa. Je travaille énormément avec lui et nous passons beaucoup de temps au téléphone ensemble, à parler ou échanger sur des vidéos. Je crois que tout le monde est simplement reconnaissant de pouvoir passer la moindre minute aux côtés de cet homme. Qui ne le serait pas ?

Êtes-vous satisfait de votre évolution et du chemin parcouru depuis que vous vous concentrez pleinement sur le saut d’obstacles ?

Je crois que l’objectif de tout un chacun est de toujours progresser et de s’améliorer. Je me considère incroyablement chanceux d’avoir une super équipe de chevaux et de pouvoir les monter. J’aime mon travail. 

L'Australien s'entraîne régulièrement sous l'œil expert du "sorcier brésilien", Nelson Pessoa. © Mélina Massias



“Une fois que les chevaux sont à haut niveau, on ne parle pas beaucoup des éleveurs…”

Vous faites la promotion de plusieurs jeunes étalons qui font la monte. Quel est votre intérêt pour l’élevage ? 

C’est une bonne question ! (rires) Nous avons quelques jeunes étalons qui me semblent fantastiques et très intéressants. C’est une bonne idée de commencer à essayer de les promouvoir pour l’élevage, mais mon vrai travail est de les guider pour qu’ils deviennent de bons chevaux de sport. Certains de ces jeunes étalons sont extrêmement bien nés et je suis très enthousiaste pour le futur. Au-delà de cela, nous n’élevons pas nous-mêmes.

Sans les éleveurs, les sports équestres n’existeraient pas. Pourtant, ils sont souvent oubliés ou dans l’ombre. Comment pourrait-on leur offrir plus de reconnaissance, notamment lorsque l’un de leurs poulains atteint le haut niveau ? 

C’est une réflexion intéressante, n’est-ce pas ? Je pense qu’il y a sans doute des raisons économiques derrière cela. Les éleveurs vendent souvent leurs chevaux tôt, et les cavaliers rendent ensuite crédit aux propriétaires. Nous oublions facilement les éleveurs. C’est un très bon point. Je pense que toutes ces épreuves jeunes chevaux et de stud-book, comme celle qui a été organisée aux écuries Tops, sont de très bonnes idées. À mon sens, c’est une bonne façon de reconnaître le travail des éleveurs et les courants de sang. Une fois que les chevaux sont à haut niveau, on ne parle pas beaucoup des éleveurs…

Carly 14, sept ans, fait partie de la relève de Christopher Burton. © Sportfot

Il y a de plus en plus de débats autour de l’équitation, notamment en raison d’abus, de plus en plus dénoncés. Les attentes de l’opinion publique étant de plus en plus grandes, certaines personnes vont jusqu’à imaginer la fin des sports équestres à plus ou moins long terme. Qu’en pensez-vous ? Est-ce quelque chose qui vous effraie ?

Oui bien sûr, comme tout le monde. Je crois qu’il est plutôt sain que l’on se penche sur le sujet. Nous devons tous nous protéger. Je ne crois pas que l’équitation sera un jour en danger, car je pense que le monde va se lasser de ces sujets sensibles. Toutefois, la communauté équestre serait stupide de ne pas apprendre des critiques qui lui sont faites et évoluer.

Vous êtes devenu père pour la première fois en 2017. Cela a-t-il changé votre vision de la vie en générale et du sport ? 

C’est le cas pour tout le monde, non ? Pour être honnête, être père procure un sentiment de force. C’est fantastique. Je suis un père très fier. Lorsque je suis en concours, j’ai hâte de retrouver ma famille le dimanche soir. Je les aime profondément.

Êtes-vous inquiet du monde dans lequel vont grandir vos enfants ? 

Oui, en partie. La première fois que l’on a un enfant, cela change réellement votre vision des choses. On commence à penser davantage au futur. C’est important que tout le monde commence à réfléchir de cette manière. En même temps, c’est aussi une période passionnante pour être en vie et grandir, avec de nombreuses opportunités. Je pense que la technologie est, à bien des égards, autant un outil constructif et utile à l'humanité qu'un outil destructeur aux horribles conséquences, que nous connaissons tous.

Bonheur partagé en famille pour Christopher Burton, ici en 2018. © Sharon Vandeput / Hippo Foto

Photo à la Une : Christopher Burton et Chedington*Hazy Toulana à Barcelone, en octobre dernier. © Mélina Massias