Veni, vedi, vici. Associée à Greya, qui pourrait bien être son option numéro un pour les Jeux olympiques de Paris, qu’il ne souhaite disputer que s’il a une chance de remporter une - voire deux - médailles, Kent Farrington a fait flotter le Stars and Stripes dans le ciel de La Baule. Grâce à un barrage à couper le souffle, la fusée américaine s’est posée au sommet d’un Grand Prix royal. En forme olympique, Karl Cook et Caracole de la Roque ont été battus d’un cheveu et se sont inclinés. Grégory Wathelet et Bond Jamesbond de Hay, qui a parfaitement tenu son rang, ont complété le tiercé gagnant, devançant trois équipiers suisses.
Premier à tenter sa chance dans le barrage du Grand Prix Rolex CSIO 5* de La Baule, dimanche 9 juin, Max Kühner est parti tambour battant avec Elektric Blue P. Deuxième dans le Grand Prix de Rome et double sans-faute dans les Coupes du CSIO italien et dans celle de La Baule, l’Autrichien a continué de mettre à exécution son plan : progresser sur l’exercice de la vitesse dans la perspective des Jeux olympiques, dont les médailles individuelles seront décernées à l’issue… d’un barrage. Ce n’est pas passé cette fois, mais nul doute que l’actuel numéro cinq mondial saura régler les derniers détails qui le séparent de la première place avant son départ pour Versailles. Karl Cook, lui, semble avoir trouvé l’alchimie parfaite avec sa véloce Caracole de la Roque. Après deux excellentes Coupes à Rome puis La Baule, et une victoire individuelle dans l’épreuve phare de l’Officiel transalpin, l’Américain et sa Selle Français, installés pour l’été chez Eric Navet, en Normandie, étaient déterminés à ajouter une nouvelle victoire à leur palmarès. D’une efficacité à couper le souffle sur le tracé raccourci imaginé par Grégory Bodo, qui officiera également aux Jeux olympiques dans quelques semaines, les deux complices ont coupé la ligne d’arrivée en 34’’21. Déchaînées, les tribunes du stade François André ont légitimement cru que le sort était scellé, malgré le passage attendu de neuf autres couples. Mais impossible n’est pas Kent Farrington.
S’il est venu en Europe, ce n’est certainement pas pour faire de la figuration. Déçu de sa prestation dans l’épreuve collective vendredi, où son brillant Landon, né Crack de Nyze, lui a infligé deux refus en fin de parcours, l’Américain s’est montré intouchable sur sa guerrière Greya, né Contina 47. Aussi déterminée que son cavalier, l’adorable grise par Colestus s’est envolée, pour passer les cellules en… 34’’09. À peine croyable ! Cette fois, la messe était dite.
“J’ai acheté Greya à la fin de son année de quatre ans. Elle est restée en Europe, puis je l’ai récupérée deux ans plus tard. Elle a toujours été très, très respectueuse. Sa formation s’est déroulée progressivement et j’ai investi beaucoup de temps en elle. J’adore cette jument : je la considère comme un animal de compagnie, à l’image d’un chat ou d’un chien. Je ne peux pas dire si elle est la meilleure jument de ma carrière ou non ; je crois que l’on ne peut juger de cela que lorsque les chevaux prennent leurs retraites. Sinon, il s’agit plus d’espoirs et d’imagination qu’autre chose. Il nous reste un long chemin à parcourir, mais nous visons haut et verrons ce qu’il advient”, a déclaré le natif de Chicago, devenu le troisième cavalier états-unien à s’imposer dans le Grand Prix de La Baule, quatorze ans après McLain Ward et Sapphire, née Safari van’t Merelsnet, et vingt-sept après Katie Prudent et Belladona. Désormais, la grise de dix ans semble être l’option première de son pilote pour les Jeux de Paris, malgré sa jeunesse et son expérience toute relative au plus haut niveau. Déjà convaincante à Riyad, la Holsteiner, née chez Wilfried Sandmann et dont le premier produit, Chin Grey, a été adjugé pour près de 500.000 € à deux ans en fin d’année dernière, est en tout cas une sacrée option pour Robert Ridland, qui doit voir son quatuor olympique se préciser après cette semaine en terres françaises. La prochaine et possible dernière étape pourrait être Aix-la-Chapelle ou Rotterdam, mais rien n’est encore sûr. “Landon va bien. Il est très sensible et délicat à monter. Il a fait un très gros saut sur la rivière, et je pense que cela l’a un peu contrarié. Le double était un peu regardant et je pense que Landon était perdu. Il était mieux de ne pas insister et de nous assurer qu’il garde confiance. Quoi qu’il arrive, je suis toujours déterminé. Cela ne change pas. Nous pratiquons un sport avec des hauts et des bas. Les chevaux sont des animaux et ont leurs propres pensées. C’est ce qui rend ce sport aussi génial. Nous passons de zéros à héros, et de héros à zéros. C’est ainsi. Je suis resté concentré aujourd’hui. Quant aux prochaines échéances, je reste toujours très humble. Le but est de laisser les chevaux grandir. Si je prends part à un championnat, je veux y aller pour avoir une chance d’obtenir un titre, pas pour simplement participer. À ce stade de ma carrière, cela ne m’intéresse pas. Si je n’ai pas mes chances, je préfère que quelqu’un d’autre y aille et cela me va très bien”, a ajouté Kent Farrington, qui a, sans le moindre doute, toutes ses chances pour bien figurer à Paris à ce stade.
Derrière, Karl Cook, qui a démontré tout son sang-froid au premier tour après avoir franchi acrobatiquement la palanque et manquer une séparation de corps avec Caracole de la Roque et déroulé un barrage à nouveau phénoménal, Grégory Wathelet a conforté son chef, Peter Weinberg, en signant deux prestations parfaites sur le puissant Bond Jamesbond de Hay. Sous les yeux de son naisseur et co-propriétaire, le fils de Diamant de Semilly n’est pas parvenu à aller aussi vite que les deux fusées américaines, sachant que le parcours n’était pas forcément le plus adapté à ses qualités. Toutefois, son partenaire belge était ravi, d’autant plus au regard des paires en lice pour une place sur le podium.
Particulièrement réussi, ce Grand Prix de La Baule a permis aux meilleurs de s’offrir un ultime affrontement, sur un terrain et sous un ciel parfaits. Les rangs quatre, cinq et six ont été occupés par la Suisse, encouragée, comme chaque année, par des “Hop Suisse” venus des tribunes. Dernier double sans-faute de la journée, Pius Schwizer a sublimé la déjà splendide Scarline de Tiji, dont le talent déborde de tous les côtés. À dix ans, l’arrière-petit-fille de la crack Carlina entre dans la cour des très grands et s’ouvre la voie d’un avenir couronné de succès. Titulaire d’un chronomètre suffisant pour espérer accrocher une troisième place, Martin Fuchs a malheureusement renversé l’avant-dernier obstacle du parcours, aux couleurs du concours, tout comme son ami et compatriote, Steve Guerdat, qui faisait partie des favoris avec Dynamix de Bélhème, portée par les bonnes ondes de Laure et Frédéric Aimez, qui continuent de vivre leur rêve éveillé au plus près de leur protégée.
La suite du classement a été complétée par Shane Sweetnam sur CSF James Kann Cruz, Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus, de retour au sommet de son art, Max Kühner et Elektric Blue P, Kevin Staut et Visconti du Telman ainsi qu’Armando Trapote et Tornado VS. Avec un point de temps dépassé, son compatriote Ismaël Garcia Roque a quant à lui été la surprise de ce Grand Prix, après un parcours tout en maîtrise réalisé aux rênes de Tirano, aligné au départ de son premier Grand Prix 5* en extérieur.
Photo à la Une : Kent Farrington et sa lionne Greya étaient plus déterminés que jamais à l’emporter. Mélina Massias
Les parcours du CSIO 5* de La Baule sont à (re)voir sur GRANDPRIX.tv.