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L’élevage de Nantuel, un précieux trésor chéri de génération en génération (1/3)

Eliott, Arthur, Marie-Laure Deuquet et Jacques Gouin entourent le très réussi Oméga de Nantuel, un fils d'Apardie et Thara Nantuel.
jeudi 27 mars 2025 Mélina Massias

Candy, Folie, Foxy. Qu’ils soient de Nantuel ou de la Roque, tous trois puisent leurs origines dans le Berry, où Claire et Jacques Gouin ont fait prospérer le premier affixe cité, avant de transmettre le flambeau à leur fille, Marie-Laure Deuquet, et leurs deux petits-fils, Arthur et Eliott. Plus au goût du jour que jamais, cet élevage familial bien connu du paysage français n’en finit plus de connaître le succès, grâce au bon sang et à l’intelligence de la barre dont héritent tous les poulains qui y naissent, ou presque. En janvier dernier, quelques jours avant la première victoire en Grand Prix 5* de Folie de Nantuel, et après les exploits de Foxy de la Roque en 2024, Jacques, Marie-Laure, Arthur, Eliott et leur équipe ont confié quelques uns de leurs précieux secrets, au cœur de leur petit coin de paradis. Reportage.

À vingt-huit kilomètres au sud de Bourges, le petit village de Corquoy renferme un véritable coin de paradis. Au cœur de quelque quatre-vingts hectares de terre, dispatchés autour d’une charmante demeure habitée uniquement les week-ends et non loin du Cher, règne un sentiment de sérénité. Les voisins sont bien peu nombreux, mais les bâtiments historiques et la cabane de fortune dans laquelle Arthur et Eliott Deuquet ont passé d'innombrables heures de leur enfance, ont vu grandir, au fil des années, les fiers représentants de l’affixe de Nantuel. Depuis près de quarante-cinq ans, Claire et Jacques Gouin, leur fille, Marie-Laure Deuquet, feu son époux Christophe Deuquet, et leurs petits-fils, Arthur et Eliott, ont, tour à tour, contribué à faire prospérer leur inestimable trésor familial. De Royaltie III, reine mère des lieux, à Nosy Be de Nantuel, la première petite-fille de Hello*Folie de Nantuel, quarante ans se sont écoulés, chacun empreint de la même passion et de la même clairvoyance. 

Hello*Folie de Nantuel fait le bonheur de Scott Brash. © Scoopdyga

Détour par la Creuse

Née en 1983 dans le Cher, chez Antoine Sorel, Royaltie III (Kaolin de Lyre) est une fille de l’Anglo-arabe Alikame et une petite-fille de la Pur-Sang Irlandais Kambas. Cette dernière a posé le sabot dans la Creuse, à Savennes, dans les années 60. “Mon beau-père ne connaissait rien aux chevaux, mais comme sa fille montait à cheval, il a acheté, avec trois ou quatre amis, la propriété et des pouliches au sevrage, qu’ils ont ensuite élevées, puis fait reproduire, sous la S.C.E.A du Bois du Cher”, se souvient Christian Grosshenny, qui voit aujourd’hui son fils, Philippe, et sa belle-fille, Claire, mener un florissant poney-club. Parmi les premières poulinières de l’élevage creusois, se trouve deux juments d’exception : Monika (Thalian x Kesbeth) - mère, entre autres, de l’étalon Alibi A (ISO 137, Alizé), d’Alibaba du Cher (ISO 124, Alizé) et d’Aida A (ISO 149, El Aïd) et dont le sang se retrouve aussi chez Griot de Mara (ISO 153, Iago C x Prince Ig’Or), pour ne citer que lui - ainsi que la fameuse Kambas (Basil x King Legend). “Kambas était dotée d’un grand gabarit. Elle a été mariée à Alizé et a donné Alikame. Alizé était un Anglo-Arabe d’un modèle plus léger. Grâce à sa mère, Alikame avait une certaine taille, tout comme ses filles, qui toisaient aux alentours d’1,65m. Cette lignée-là donnait de super caractères !”, reprend Christian Grosshenny. Le mariage entre Kambas et Alizé, outre Alikame, donnera aussi Lizka, grand-mère du fabuleux Tatchou (ICC 188, Faristan x El Aïd), né chez Peter Fehlmann et devenu partenaire de Nicolas Touzaint, avec lequel il fut sacré champion du monde à sept ans ou encore deuxième du CCI 5*-L de Pau en 2008.

Entre 1980 et 1990, Alikame aura huit produits, dont Queen Lady IV (ISO 140, Kaolin de Lyre), Vulkame (ICC 131, Noyalo), Balkame (Noyalo), qui a donné la bonne Jacinthe du Cher (ISO 133, Etalon Or) - elle-même à l’origine du compétitif Allegro du Cher (ISO 137, Orphée du Faget) et de son propre frère Bounty du Cher (ICC 134) - mais aussi un certain Baladin de l’Océan (ICC 147, Véloce de Favi), né en 2011 chez Dominique Chapelet et classé en CCI 4*-L avec Astier Nicolas avant de passer sous couleurs turques. Mais le produit le plus marquant d’Alikame restera évidemment Royaltie III, point de départ de quarante ans de succès pour l’affixe de Nantuel.

Arthur et Royaltie III. © Collection privée




Du sang, du sang, du sang

“J’ai toujours été près des chevaux. Je suis Beauceron d'origine et je passais mes vacances en Beauce, chez un de mes cousins qui avait une vingtaine de chevaux de trait ainsi qu’un grand poney prénommé Coquet. Attelé à une voiture, il permettait à mes cousins d’aller vendre leurs œufs, leur fromage, leur beurre, etc. Mon grand-oncle me faisait monter Coquet et j’ai essuyé de belles chutes !”, retrace Jacques Gouin, l'œil rieur. “Les parents de Claire, feu mon épouse, avaient aussi des chevaux. Lorsque je venais en vacances à Nantuel, où mon beau-père élevait des moutons, je m’occupais de ses chevaux, leur apportais des pommes, etc. Mon beau-père s’est séparé de ses moutons et, en même temps, mes filles ont appris à monter à cheval. Il m’a alors dit ‘Jacques, faites ce que vous voulez de la ferme’. Nous avons amené les chevaux de Marie-Laure ici. Et puis, un jour, la fameuse Royaltie est arrivée.” 

La très belle maison qui orne la propriété sur laquelle s'étend l'élevage de Nantuel n'est habitée que les week-ends et à de rares occasions. © Mélina Massias

Amoureux de la première heure de chevaux dans le sang, Jacques Gouin fait l’acquisition de Royaltie III, qui le séduit par “ses origines anglos” et l’apport de “Pur-Sang irlandais dans la souche maternelle”, pour permettre à sa fille d’évoluer en concours. Après un diagnostic vétérinaire erroné, Jacques Gouin, qui aime voir ses chevaux bien portants, nourrit allègrement sa protégée, qui souffre, en réalité, de fourbure ! Une carrière sportive impossible, Royaltie III est vouée à l’élevage. “Finalement, c’est un peu grâce au fait de ne pas avoir eu de chevaux maigres dans les prés que nous avons pu avoir la souche de Nantuel”, s’amuse Arthur, cadet des deux fils de Marie-Laure.

Si l’aventure de Royaltie III à l’élevage démarre avec un malheureux accident, entraînant la mort prématurée de son premier poulain, la Selle Français ne tarde pas à transmettre ses qualités. Son deuxième poulain, Boston de Nantuel (Fury de la Cense) décroche un ISO 151 à huit ans. Son propre frère, Cachou, est crédité d’un ISO 130, tandis que Dandy (O Malley), décrit comme “l’un des, si ce n’est le meilleur fils de Royaltie”, s’octroie un ISO 146 à seulement six ans. Suivront, entre autres, Esquisse de Nantuel (ISO 131, I Love You), Hugo de Nantuel (ISO 137, Olisco) et Jiky de Nantuel (ISO 150, Papillon Rouge), excellent en épreuves de Six barres, mais aussi et surtout Karma de Nantuel (ISO 162, Quidam de Revel). Parmi les onze descendants de Royaltie, trois de ses filles se distinguent. Avant d’être vendue à Kamel Boudra, grand ami de Jacques Gouin et à la tête de l’affixe Villa Rose, Esquisse, née en 1992, a engendré Shiva de Nantuel (ISO 136, Shiva de Nantuel), jument de coeur d’Eliott qui poursuit le travail de sa mère et de sa grand-mère à Nantuel. Kaydora (Calypso d’Herbiers) et Karma, qui ont toutes deux vu le jour en 1998, ont respectivement donné l’étalon Bassano de Nantuel (ISO 159, Baloubet du Rouet), Pacha de Nantuel (ISO 150, Papillon Rouge) ou encore Quenotte de Nantuel (ISO 150, Quidam de Revel) pour la première, et les trois propres frères et soeurs par Diamant de Semilly Orphée (ISO 143), Océane (ISO 166) et Thara Nantuel (ISO 150) pour la seconde. C’est de cette branche que découlent les meilleurs représentants actuels de la souche de Nantuel : le très prisé Candy de Nantuel*GFE (ISO 164, Luidam), fils de Thara, sa propre soeur, Folie de Nantuel (ISO 148), lauréate de son tout premier Grand Prix 5* à Doha avec Scott Brash fin janvier, et Foxy de la Roque (ISO 171, Armitages Boy x Kannan), petite-fille d’Océane et révélation de l’année 2024 après avoir remporté cinq des six épreuves à 1,60m et plus qu’elle a courue avec le Luxembourgeois Victor Bettendorf, et désormais pensionnaire des écuries de l’Américain Karl Cook.

Océane de Nantuel, propre sœur d'Orphée et Thara, est la grand-mère de l'excellente Foxy de la Roque. © Sportfot



Jacques Gouin, un précurseur

Si l’élevage de Nantuel est plus au goût du jour que jamais, c’est sans doute parce que Jacques Gouin a toujours eu un temps d’avance. Précurseur en la matière, l’ancien dentiste à la ville a très vite adhéré au transfert d’embryon, permettant de coupler valorisation sportive et carrière à l’élevage. Avec Benoît Coulon, pilier de l’élevage de Nantuel, engagé par Jacques à ses seize ans et toujours présent pour assurer le bon suivi quotidien de chaque cheval de l’élevage trente-huit ans plus tard, le natif de la Beauce n’hésitait pas à traverser une partie de la France pour emmener ses juments en Normandie, chez la famille Levallois. “Nous ne faisons une pause qu’une fois arrivés sur place, puis nous repartions. Nous faisions treize heures de route sur la journée, avec un départ à 5 heures et un retour à 23 heures. Souvent, nous faisions cela les mercredis”, s’amuse Benoît Coulon. “Je suis devenu un ami de Monsieur Levallois, chez qui nous faisions nos transferts d’embryons. C’est une maison hyper sérieuse et je n’ai que de bons souvenirs de ces gens-là”, ajoute Jacques Gouin. Très rapidement, donc, la souche de Royaltie évolue et progresse. Il faut dire, aussi, que Jacques Gouin, malgré toute sa modestie, s’est donné les moyens de faire de cette lignée emblématique de l’élevage de Nantuel ce qu’elle est aujourd’hui, notamment en se rendant à l’étranger et en étudiant sans relâche les résultats des différents croisements de l’époque. “Lorsqu’il s’est intéressé aux chevaux, papa a potassé, potassé, potassé, jusqu’à devenir une vraie bible en la matière ! Il connaît tous les croisements, toutes les origines et a voyagé, notamment en Allemagne, pour repérer les bons étalons, il y a une vingtaine d’années. Et, tout de suite, il a aimé le sang de Quidam de Revel”, précise Marie-Laure Deuquet. Et son père d’ajouter : “À l’époque, les étalons des haras nationaux étaient souvent très lourds. Ils avaient de la force mais manquaient de sang. Alors, j’ai essayé d’en ramener, en utilisant des étalons comme O’Malley, par exemple.” Ce savant mélange rayonne plus que jamais, en atteste, entre autres, la naissance, en 2021, d’une quatrième fille de… Karma de Nantuel, baptisée Lead Me du Barry et fille du Selle Français Originel Andiamo Semilly (Diamant de Semilly x Muguet du Manoir).

Thara Nantuel, reine des lieux, coule une douce retraite, dans les immenses prairies de Corquoy. © Mélina Massias

Des successeurs tout trouvés

Désormais, Marie-Laure, Arthur et Eliott Deuquet ont la lourde tâche de faire perdurer cet héritage. “Marie-Laure a toujours été passionnée par les chevaux. Je voulais qu’elle réussisse autant à l’école qu’à cheval et j’ai été un peu exigeant avec elle. Elle a fait de brillantes études, puis le cheval a pris le dessus et elle a choisi cette voie-là, sans que j’aie à la pousser, ce qui m’a rendu très heureux. L’élevage, de son côté, a pris de l’importance, nous avons obtenu quelques bons résultats et me voyant vieillir, je me suis demandé ce qu’il allait devenir. Marie-Laure m’a alors proposé de prendre la suite avec Eliott et Arthur. L’une des grandes joies de ma vie est d’avoir eu des enfants pour me succéder et surtout pour continuer à faire progresser cet élevage. Cela fait mon bonheur”, confie tendrement Jacques Gouin du haut de ses quatre-vingt-huit ans, après une visite à Thara et ses descendants dans les prés de Nantuel. À eux trois, les dignes successeurs de Jacques et Claire se complètent à merveille. “Nous avons chacun une vision un peu différente, ce qui est très sympa”, raconte Marie-Laure. “J’ai une connaissance des origines plus anciennes, tandis qu’Eliott et Arthur sont davantage tournés vers la génétique des bons chevaux de sport actuels. Cela nous permet d’avoir chacun un œil un peu différent et d’échanger au sujet de nos futurs croisements. D’ailleurs, papa se joint parfois à nous lors de ces discussions.” 

S'il a désormais passé la main à sa fille et à ses deux petits-fils, Jacques Gouin ne se lasse pas d'échanger avec eux et d'observer les nouvelles générations made in Nantuel. © Mélina Massias

La seconde partie de ce reportage sera disponible vendredi sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Eliott, Arthur, Marie-Laure Deuquet et Jacques Gouin entourent le très réussi Oméga de Nantuel, un fils d'Apardie et Thara Nantuel. © Mélina Massias