Président de la Société hippique française (SHF) depuis 2021, Michel Guiot dresse le bilan de la saison de saut d’obstacles jeunes chevaux. Réélu à son poste en juin 2024 pour un nouveau mandat de quatre ans, il évoque notamment les dossiers phares de l’année, la Grande Semaine de Fontainebleau, l’influence des Jeux olympiques, le très plébiscité label cavalier jeunes chevaux ou encore la Prime aux naisseurs et se projette sur l’année 2025. Un entretien en deux épisodes.
Quel bilan tirez-vous de la saison jeunes chevaux écoulée en ce qui concerne le saut d’obstacles ?
Nous avons vu beaucoup d’engagés et beaucoup de chevaux sur les terrains de compétition. Le commerce tend à ralentir pour les chevaux “normaux”, mais reste très porteur pour les très bons chevaux. On sent tout de même que la crise s’installe durablement et que le budget des acheteurs, notamment amateurs, ne correspond pas toujours au prix de revient de beaucoup de chevaux. Ce secteur est donc un peu plus tendu.
La fréquentation des Cycles classiques et Cycles libres est bonne et en augmentation. Nous avons une hausse de dix pourcents d’engagés sur les Cycles libres, ce qui prouve que les gens apprécient toujours de pouvoir valoriser leurs chevaux sur ce circuit, tout en ayant l’objectif de se qualifier pour la finale et de partager des moments conviviaux. Il y a quelques années, certaines régions étaient fortement défavorisées par rapport à d’autres pour les épreuves du Cycle libre. Nos efforts, pour inciter les organisateurs à proposer ce circuit, commencent à payer et les compétitions sont de plus en plus nombreuses ! Cela est important pour nous : les éleveurs vendent la majorité de leurs chevaux à des amateurs, qui se font plaisir sur le Cycle libre, tout en mettant en avant leurs chevaux et le travail de leurs naisseurs. Conserver ce circuit réservé aux amateurs, tout en leur permettant de former leurs chevaux d’une bonne manière, est essentiel.
Cette année, il y a eu quelques changements pour les CIR, les concours interrégionaux. Pour la première fois, les Bretons avaient leur propre CIR, puisque nous avons ajouté Lamballe au calendrier. Nous avons pu voir à cette occasion pas mal de chevaux. La Bretagne est une région d’élevage forte. Aujourd’hui, avec les coûts de transport et le prix de revient du travail des chevaux, faire moins de kilomètres pour valoriser ses chevaux est toujours appréciable. Il était important qu’une région comme celle-ci, à forte concentration, ait son propre CIR. Cela a permis, dans le même temps, de désengorger un peu celui de Saint-Lô. Je pense que c’était une bonne chose et nous renouvellerons ce rendez-vous en 2025.
Un autre temps fort de l’année a été la finale de Fontainebleau. Les finales du Cycle classique ont très, très bien fonctionné. Notre facteur limitant reste le nombre de boxes : nous ne pouvons pas accueillir plus de neuf-cent-cinquante chevaux, ce qui est déjà pas mal. Aujourd’hui, la finale des jeunes chevaux est vraiment en point de mire de beaucoup, surtout pour les chevaux de cinq et six ans, mais aussi pour ceux de sept ans. Les gens viennent aussi pour l’aspect commerce. Cette année, il y a eu énormément d’essais. Il est difficile de savoir combien se sont concrétisés par une vente, mais nous avions mis à disposition une carrière spécifique pour les essais. Notre commissaire au paddock, qui a veillé à ce que tout se déroule bien sur cette aire de travail, confirme que beaucoup de chevaux ont été essayés, et ce dans toutes les classes d’âge, que ce soit à quatre, cinq, six ou sept ans. Les finales du Cycle classique se sont déroulées en même temps que le CSIO de Bruxelles, ce qui nous a tout de même desservis. Tous les grands marchands sont venus mercredi, jeudi et vendredi, puis sont repartis à Bruxelles samedi et dimanche. Il faut que nous arrivions à travailler là-dessus, afin de ne pas être en concurrence avec un événement majeur comme celui-là.
La Grande Semaine changera-t-elle de date l’an prochain ?
Comme chaque année, elle aura lieu la première semaine de septembre, du 1er au 7. Le CSIO 5* de Bruxelles, lui, se tiendra le dernier week-end d’août. De fait, nous ne nous retrouverons pas face à face.
“Il y avait vraiment une bonne ambiance lors de la Grande Semaine de Fontainebleau”
En termes de fréquentation, les allées du Grand Parquet ont semblé parfois plus dégarnies qu’à l’accoutumée. L’avez-vous constaté depuis l’intérieur ?
Non, je ne pense pas. Je me suis rendu sur les parkings, qui étaient tous plein à craquer ! Nous avons dû rouvrir le parking Montmorillon, qui était plus que rempli. Des navettes électriques circulaient pour conduire les gens sur le site depuis le parking, et les allers-retours n’ont pas cessés. Je pense qu’il y avait autant de monde que d’habitude. En revanche, le site du Grand Parquet est très étendu. Nous avions disposé les stands de manière que les gens circulent partout sur le village, se répartissent davantage, notamment autour des deux pistes de concours et du spring garden lors de l’événement Selle Français. Fontainebleau est tellement grand que les gens parviennent à se disperser. Derrière la tribune des jurys de la carrière des princes, nous avions rassemblé tous les stands de restauration, afin de créer une place gourmande. Je trouve que cela était assez convivial et même festif le soir. Globalement, j’ai trouvé qu’il y avait vraiment une bonne ambiance lors de cette Grande Semaine.
Quels ont été les dossiers phares sur lesquels a œuvré la SHF cette année pour le saut d’obstacles ?
Nous avons beaucoup travaillé pour persuader la communauté d’agglomération de Fontainebleau, propriétaire du Grand Parquet, de refaire une carrière en herbe. Et ça y est, elle est semée ! L’année prochaine, nous pourrons à nouveau fouler l’herbe du Terrain d’honneur du Grand Parquet. C’est vraiment quelque chose d’important. Dans la formation du jeune cheval, les terrains en herbe ont un véritable intérêt, puisque les plus beaux concours du monde se déroulent sur cette même surface. Il y a évidemment toujours le mythique terrain d’Aix-la-Chapelle, mais aussi ceux de Rome ou Valkenswaard, qui se sont un temps déroulés sur sable avant de revenir sur herbe.
Un autre des points phares de l’année a porté sur les labels cavaliers jeunes chevaux, reconduits pour la deuxième année consécutive. Nous tenons vraiment à cela. Ce projet a été créé avec Jean-Maurice Bonneau, qui nous a malheureusement quittés et qui nous manque beaucoup, mais qui nous a aussi donné l’envie de continuer grâce à la réussite de son travail et aux retours des cavaliers labellisés. En saut d’obstacles, une trentaine de cavaliers ont obtenu cette reconnaissance. Elle s’applique également aux cavaliers de dressage et de concours complet et sert à montrer aux cavaliers qu’il est possible de vivre de ce métier en étant un bon professionnel. Le label regroupe des notions de bien-être des chevaux, de travail du jeune cheval, d’alimentation, des bases sur les notions vétérinaires, etc. Grâce à ce label, les cavaliers semblent réussir à attirer de nouveaux clients. C’est quelque chose qui a été vraiment plébiscité. J’ai eu l’occasion de suivre deux formations dispensées par Jean-Maurice, et les gens m’ont fait part de leur regret que cela n’ait pas été mis en place plus tôt. Certains m’ont même dit que cela leur avait changé la vie. Nous allons donc continuer à développer cela. Malheureusement, nous ne pouvons pas organiser ces stages partout et tout le temps, car nous manquons de formateurs, mais nous avons beaucoup de demandes. Nous avons commencé par ouvrir la labellisation aux cavaliers les mieux classés sur la Ranking des cavaliers jeunes chevaux, puis petit à petit, les formations s’ouvrent aux suivants. C’est vraiment intéressant. Ces moments permettent aux cavaliers d’échanger entre eux, de parler de leurs problèmes, etc. Tous les soirs, il y a de nombreuses discussions entre les cavaliers. C’est très positif.
“Le label cavalier jeunes chevaux n’est pas un diplôme donné au rabais”
Quels sont les critères d’obtention de ce label ? Comment est-il décerné, ou non, aux cavaliers ?
Les cavaliers sont jugés par les formateurs et certains ne sont pas labellisés. Environ la moitié des candidats l’obtiennent chaque année, tandis que celles et ceux qui ne sont pas reçus peuvent de nouveau tenter leur chance l’année suivante. Les cavaliers reçoivent un premier jugement après avoir travaillé trois fois deux jours avec le formateur, puis doivent lui envoyer des vidéos d’eux à cheval en concours. Le formateur les observe ensuite lors des CIR. Il leur attribue une note, puis décide, en fonction de tout ce qu’il a vu, qui obtient ou non le label. Certains ont parfois besoin d’un petit accompagnement supplémentaire. Ce n’est pas un diplôme donné au rabais. Il faut que la personne soit vraiment capable de bien faire. Il arrive également que le formateur suive les cavaliers sur le long terme et leur dise “attention, telle ou telle chose pourrait te nuire par la suite”. Nous avons déjà des cavaliers demandeurs de compléments de formation. Cette labellisation permet une meilleure reconnaissance et plus de professionnalisation du métier de cavalier jeunes chevaux, qui n’était jusqu’alors pas reconnu.
Où en est la Prime aux naisseurs (PAN), instaurée en 2023 par la SHF ?
Nous allons continuer à récompenser les éleveurs. Cette PAN a été plébiscitée. Nous avons augmenté de trois euros le prix des engagements en 2023. Ces trois euros sont réunis dans une cagnotte. Nous avons environ 120.000 partants chaque année, ce qui représente une somme totale de 360.000 € à redistribuer aux trois pourcents des meilleurs chevaux de quatre, cinq et six ans, dans toutes les disciplines. Cela a donné des primes allant de cinq cents à trois mille euros par cheval pour les meilleurs. Je pense que les éleveurs qui ont perçu ces primes ont été agréablement surpris. Nous avons reconduit cela cette année et la remise des prix aura lieu lors de la présentation des étalons à Saint-Lô, en février prochain. L’idée était de faire entrer la Fédération française d’équitation (FFE) dans le jeu et, éventuellement, de faire tache d’huile au niveau de la Fédération équestre internationale (FEI). Nous avons discuté avec la FFE et reprendront nos échanges dès les prochaines élections passées. La FFE ne semble, en tout cas, pas du tout fermée à ce que nous travaillions main dans la main à ce sujet.
La seconde partie de cet entretien sera disponible demain sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Michel Guiot, président de la SHF, dresse le bilan de l'année écoulée. © Jean-Louis Perrier