Killer Queen VDM est l’une des meilleures juments de saut d’obstacles du moment. Avec Daniel Deusser, la BWP de douze ans, née chez Dirk et Ann Bruggeman-Carpentier, a remporté les Grands Prix Rolex d’Aix-la-Chapelle et Calgary, et pourrait bien compléter cette liste dès ce week-end à Genève. Alors qu’elle a disputé son premier parcours international sous la selle de Walter Leslie, la fille d’Eldorado van de Zeshoek et Derly Chin de Muze a rapidement rencontré son cavalier allemand, qui assure sa formation depuis ses sept ans. Retour sur l’histoire de cette reine tueuse et de l’élevage qui l’a vu naître.
L’épopée de Killer Queen a débuté grâce à Walter Lelie, bien avant que la baie ne fasse ses débuts en compétition. Fin connaisseur, le Belge a toujours eu un œil pour les bons chevaux. “Walter nous a appelés et nous a fait savoir qu’il avait une très bonne jument dans ses écuries”, se souvient Lisa Bruggeman, fille de Dirk et Ann, fondateurs de l’élevage VDM, elle-même cavalière et éperdument passionnée par les chevaux. “Des clients étaient déjà intéressés, mais il pensait que cette jument serait bien pour nous. Alors, ma mère a dit au téléphone ‘d’accord, nous allons l’acheter’. Nous ne l’avions jamais vue et avons simplement fait confiance à Walter et apprécié les origines de Derly Chin de Muze. Lorsque nous avons été lui rendre visite pour la première fois, nous avons été un peu surpris, parce qu’elle semblait tout à fait normale. Nous l’avons fait sauter en liberté et ce qu’elle a montré était très intéressant. Nous avons alors utilisé Derly à l’élevage. Elle a porté un poulain elle-même et nous avons implanté quatre embryons. Nous avons choisi Eldorado van de Zeshoek TN trois fois pour elle. Killer Queen est devenue la meilleure des trois. Son propre frère Japatero VDM a évolué jusqu’à 1,55m avec Jos Verlooy (et Kontador VDM, acquis en début d’année par Carlos Henk Guerreiro, s’est illustré jusqu’en Grand Prix 3* avec la Britannique Emma Stocker, ndlr). Nous l’avons également croisée à Toulon, ce qui nous a donné Juju VDM, que monte Savannah Hemby jusqu’à 1,50m aux Etats-Unis.”
[revivead zoneid=48][/revivead]
Vive et délicate
Killer Queen est souvent décrite comme une jument alerte et bouillonnante. Lisa se souvient d’elle pouliche : “Elle était très alerte et vive. Elle courait tout le temps autour de sa mère, était coquine et un peu arrogante. Elle ne se laissait pas toucher facilement. Elle a sauté plusieurs fois la clôture du pré ! Je me rappelle qu’un jour, elle s’est de nouveau échappée et s’est retrouvée avec le fil électrique coincé dans sa bouche. Nous craignions de ne pas pouvoir l’aider, mais elle nous a laissé faire et a compris que nous voulions son bien.”
Dès le début, la BWP, née à Eksaarde, à mi-chemin entre Gand et Anvers, tout au Nord du Plat Pays, montre toute son énergie. “Elle avait beaucoup de sang. Le tempérament qu’elle avait pouliche est resté. Elle nous appartenait en partenariat avec Walter Lelie. J’ai monté Killer Queen quelque temps à quatre ans, puis il a pris la suite. Nous avons fait de même lorsqu’elle avait cinq ans. L’hiver, elle était principalement à la maison, avec nous. Je me suis concentrée sur le dressage avec elle”, dépeint Lisa. Classée Elite à quatre ans lors du championnat de Belgique des jeunes chevaux à Gesves, la baie commence à attirer les convoitises. “Stephan Conter voulait déjà l’acheter”, révèle la jeune femme. “Il a proposé une somme déjà conséquente, mais, comme c’était une jument et que nous voulions conserver une descendance, nous l’avons gardée un peu plus longtemps. Si elle avait été un hongre, nous l’aurions vendue à ce moment-là. Nous avons obtenu beaucoup d’embryons, mais avons aussi joué de malchance avec toutes les situations possibles et imaginables. Finalement, nous n’avons eu qu’un poulain de Killer Queen. Heureusement, c’était une jument : Quality Queen. Nous avions choisi l’étalon E.T Cryozootech car il était stationné chez Joris de Brabander. En liberté, il était très talentueux, et son modèle correspondait bien à Killer Queen. Nous étions absolument ravis qu’elle ait une pouliche. Quality Queen est un peu plus petite que sa mère, mais elle a aussi de grandes qualités. J’ai concouru avec elle à quatre ans, mais nous nous concentrons désormais sur l’élevage. C’est la seule jument que nous avons de cette souche.”
Alors que Killer Queen est âgée de sept ans, la famille Bruggeman cède et vend sa protégée à Stephan Conter. Depuis lors, la success story ne fait que grandir, semaine après semaine.
L’importance d’une bonne mère
[revivead zoneid=48][/revivead]
Pour Lisa et sa famille, un point important dans la réussite à l’élevage réside dans la jumenterie. “Il est primordial d’avoir une bonne mère. Lorsque je regarde les papiers d’un étalon, mon attention se porte d’abord sur sa lignée maternelle. Dans notre cas, nous avons fait naître Killer Queen grâce à une bonne souche. En tant qu’éleveurs, cela nous a donné un énorme coup de pouce. Killer Queen a remporté le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle et cela a été très spécial pour nous. Elle s’était déjà imposée à Malines et Doha avant, mais Aix relève d’une autre catégorie. Le succès est addictif et les attentes qui reposent sur Killer Queen grimpent”, analyse l’amazone.
Mais, à chaque nouveau défi, au Japon ou au Canada, la baie répond présent. “Nous avons regardé le Grand Prix de Calgary à la maison. J’étais allée à Spruce Meadows il y a cinq ans, et j’avais été très impressionnée par les obstacles, qui sont très imposants là-bas. Chaque année, un seul couple réussit à ne pas renverser de barre. Il faut vraiment être au sommet de son art pour gagner à Calgary. La piste convient bien à Killer Queen ; elle apprécie concourir sur l’herbe, dans de grands espaces, où les obstacles sont hauts et larges. Après son triomphe à Aix, j'espérais vraiment qu’elle irait un jour à Calgary et qu’elle s’imposerait. Je savais qu’elle en était capable, mais je sais aussi qu’il fallait que les planètes s’alignent. C’est plus facile à dire qu’à faire ! Je suis heureuse qu’elle ait remporté ce Grand Prix et que nous ayons pu la regarder”, reprend Lisa. Après avoir mis la main sur Aix, puis Calgary, la belle serait bien inspirée d’enchaîner avec Genève, dès ce week-end.
[revivead zoneid=48][/revivead]
Le choix des étalons
Au-delà d’une bonne jument, pour faire naître un poulain dans l’espoir qu’il devienne un crack, il convient de choisir les bons étalons. Pour faire fructifier la souche de Killer Queen, via Quality Queen, la famille Bruggeman a recours aux transferts d’embryons. Mais, comment sont choisis les sires attribués à la jument de six ans ? “Tout d’abord, nous recherchons des étalons disponibles en frais. Nous essayons aussi de choisir des mâles que nous connaissons”, répond Lisa. “Par exemple, nous avons utilisé Mosito van het Hellehof. Je pense que c’est un bon étalon. Nous avons aussi utilisé Valentino Boy, un jeune cheval que possède Joris de Brabander. Il a une génétique intéressante. Je peux également citer By Cera d’Ick, qui descend d’une mère et d’une souche reconnues. Ses premières générations semblent très prometteuses. Pour l’heure, Quality Queen a un fils, Classic Music, un descendant de Chianti’s Champion. Nous croisons les doigts pour avoir une pouliche l’an prochain. En général, nous ne vendons rien de cette souche, ni poulain ni embryon, mais nous avons fait une exception cette année avec un embryon.”
L’élevage VDM au-delà de Derly Chin
Même si sa star est bel et bien Derly Chin de Muze, une fille de… For Pleasure et dont la souche n’est plus à présenter, l’élevage VDM ne se résume pas à cette seule lignée. “Nous élevons avec d’autres juments. Nous avons notamment la souche de Nuance Bleue VDM, qui a été classée en Grands Prix 5* avec Lorenzo de Luca. Nous avons toujours sa mère, Hirondelle Bleue v/d Minkfarm (Canturo x Mr. Blue), à l’élevage. Normalement, tous les chevaux sont vendus à environ sept ans, mais nous la conservons. Ses poulains sont talentueux et ont de bonnes origines. Notre stratégie est généralement d’élever à partir de nos jeunes juments, puis de les vendre pour le sport plus tard et poursuivre notre activité avec leur descendance”, complète celle qui fut la première cavalière de Killer Queen VDM. “Elle est assez petite, mais sa mère, Blue Curacao van het Meulenhof a bien tourné aux Etats-Unis sous la selle d’Alexandra Thornton. Hirondelle montrait beaucoup de qualités sous la selle, et sa taille n’est pas synonyme de problèmes pour le sport. Cependant, nous avons pensé qu’il serait mieux d’en faire une poulinière. Ses produits ont de la taille et sont performants. Elle reste donc avec nous. Blue Curacao était ma première jument. Forcément, cette ligné a une grande valeur sentimentale. Notre troisième souche est celle de Gotile Horta (Vigo d’Arsouilles x Calvados), qui était aussi destinée à la vente. Mais ses produits montraient de belles choses et nous avons décidé de la conserver.”
coopdyga
[revivead zoneid=48][/revivead]
Malgré la qualité de ses produits, le discret élevage belge, n’entend pas se transformer en usine à poulains. “Nous ne voulons pas faire naître trop de poulains”, martèle Lisa Bruggeman. “L’an dernier, nous en avons eu dix et cela n’était jamais arrivé avant. Il est d’ailleurs arrivé que nous ayons des millésimes sans naissance, ou seulement deux. L’élevage est très important pour nous, mais nous voulons voir nos chevaux embrasser une carrière sportive. Je ne crois pas au fait d’élever à partir d’une sœur d’une jument connue. C’est monnaie courante dans les ventes aux enchères, mais peut-être que la sœur en question n’a pas la même capacité sportive que son frère ou sa sœur. Je ne crois pas non plus qu’il soit judicieux d’utiliser une jument comme poulinière lorsqu’elle n’est pas suffisamment douée pour le sport. Les juments doivent montrer une forme de performance sous la selle afin que nous puissions avoir connaissance de ses qualités. Il arrive que des juments se blessent, mais c’est une autre situation. Dans tous les cas, nous tenons à apporter les soins appropriés et les meilleures chances sportives à chacun de nos poulains. Nous profitons de nos chevaux.”
Photo à la Une : Killer Queen VDM et Daniel Deusser aux Jeux olympiques de Tokyo, en 2021. © Sportfot
Adriana van Tilburg