En selle sur son Selle Français Originel Donatello d’Auge, Julien Epaillard a encore fait des étincelles, cette fois à Barcelone. Après un début de semaine tumultueux, le Normand a pris sa revanche avec la manière et une bonne dose de détermination, qui l’ont conduit à dérouler un barrage dantesque pour double… Simon Delestre ! Le Lorrain n’a d’ailleurs pas caché son plaisir d’avoir retrouvé son génial Dexter Fontenis à son meilleur niveau. Le trio de tête a été complété par nul autre que le numéro un mondial, Henrik von Eckermann, aux rênes de Glamour Girl.
La semaine espagnole de Julien Epaillard, pourtant fortement attaché à ce pays, n’a pas commencé sous les meilleurs auspices. Son cheval de tête, Donatello d’Auge, a un temps été refusé à l’inspection vétérinaire, en raison d’un mauvais déplacement, que le numéro deux mondial impute au sol - fait de caoutchouc - qui aurait gêné son bai brun, dont les pieds ne sont pas ferrés. Cette petite mésaventure, finalement effacée le lendemain matin après une nouvelle présentation du fils de Jarnac face aux vétérinaires et quelques examens médicaux réalisés en plus, par précaution, par son équipe, a contraint le plus espagnol des Normands à revoir ses plans et à engager Dubaï du Cèdre, récente médaillé de bronze aux championnats d’Europe de Milan, dans la Coupe des nations, laissant libre champ à Donatello de se produire dans les épreuves individuelles. Et jusque-là, le scénario n’aurait pû être meilleur. Sans-faute dans la première manche de l’épreuve collective avec son alezane, Julien Epaillard s’est vengé, vendredi 29 septembre au soir, sous les lumières du Real Polo Club de Barcelone.
Aisément qualifié pour le barrage du Trophée de la ville de Barcelone, épreuve en deux manches à 1,55m plus ou moins considérée comme le Grand Prix de ce CSIO 5*-F, Julien Epaillard s’est élancé sur son second parcours le couteau entre les dents. Lancé à pleine vitesse, Donatello d’Auge a fait une confiance aveugle à son cavalier, auteur de décisions osées, qui ont fait trembler les tribunes, plus garnies que la veille, du stade olympique. Frôlés, parfois assez franchement, les obstacles du tracé raccourci imaginé par l’Espagnol Santiago Varela sont tous restés sur les taquets, laissant parfois croire au miracle. Mais n’est pas Julien Epaillard qui veut. Alors en tête avec un chronomètre plus que respectable de 44’’01, Pedro Veniss, chouchou du public ce soir, a vu sa performance prendre du plomb dans l’aile lorsque son bourreau a stoppé la montre en… 40’’92. Sensationnel. Böckmann’s Lord Pezi Junior a dû se contenter du quatrième rang.
Lorsque le deuxième meilleur cavalier du monde a regagné le paddock, tout sourire, la course n’était pas encore gagnée. Quelques sacrés candidats restaient à passer. Et le plus redoutable d'entre eux, du moins sur le papier, était le numéro un mondial en personne, Henrik von Eckermann, venu à Barcelone spécialement pour cette épreuve et pour soutenir son épouse, Janika Sprunger, membre du collectif helvète. Juché sur la redoutable Glamour Girl, qui retrouve de sa superbe après quelques mois en-deçà de ses - très hauts - standards, le Suédois a tout tenté, mais s’est incliné, ne pouvant enregistrer meilleur chronomètre que ses 42’’36.
En regardant le résultat s’afficher sur l’écran géant du paddock, Julien Epaillard n’a pas caché un grand sourire. Il a même serré quelques mains, sans doute conscient d’avoir effacé une menace de taille. Pourtant, son compatriote, coéquipier et ami Simon Delestre a bien failli tout faire basculer ! Aux rênes d’un Dexter Fontenis des grands jours, le Lorrain a déroulé un barrage impressionnant en 41’’93. Trop juste pour l’emporter, mais largement suffisant pour procurer une immense satisfaction, après un championnat d’Europe décevant et loin du niveau du fils de Diarado.
“J’ai trouvé que Santiago (Varela, le chef de piste, ndlr) avait encore une fois fait un bon travail. Neuf couples repartaient en deuxième manche et il y a eu neuf sans-faute. Le compte était parfait. Le parcours était délicat et bien construit. Mon cheval a sauté d’une façon vraiment remarquable ; je suis ravi de ses deux parcours”, a réagi Simon Delestre. “Dexter est de nouveau au mieux de sa forme, ce qui n’était pas le cas à Milan. Avec lui, c’est comme de l’huile sur le feu. Il bouillonne et la frontière avec l’excès est proche. À Milan, il a basculé du mauvais côté en accumulant trop d’excitation. Nous avons modifié quelques détails à la détente et cela change beaucoup de choses pour lui. Nous sommes parvenus à le garder calme et il est entré en piste en étant serein. Lorsqu’il est comme cela, il est magique !”
Julien Epaillard, lui, s’est satisfait d’une énième victoire internationale, partagée, qui plus est, avec son épouse, également éleveuse de son complice du soir. “Lorsqu’on gagne, on se fait plaisir. Nous allons savourer et il n’y a pas de rancune par rapport à ce qui s’est passé le premier jour. Cette victoire est même rassurante, car de tels événements peuvent nous faire psychoter. Nous avons observé Donatello sous toutes les coutures et avons conclu que le sol n’était vraiment pas adapté pour lui. Je le sentais vraiment à 100 % et, si j’avais eu le moindre doute, il n’y aurait pas eu de discussion. Je ne prendrais pas le moindre risque avec lui. Il a déjà empoché plus d’un million d’euros de gains cette année, trois Grands Prix 5* et mon objectif est de disputer les Jeux olympiques de Paris avec lui l’an prochain. Donatello n’a plus rien à prouver. Il est en pleine forme et c’est tout ce qui m’importe. Le reste, ce n’est pas très grave”, a souri l’heureux lauréat à l’issue de son tour d’honneur.
Comme l’an dernier avec André Thieme et Conacco, les souches basses estampillées Selle Français étaient à nouveau en réussite à Barcelone. S’il faut remonter à la grand-mère du complice de l’Allemand, Osiris Rouge, pour apprécier le travail des éleveurs français, les mères de Donatello et Dexter, deux chevaux issus de l’excellent cru 2013 et respectivement né chez Susanna Epaillard et Nicholas Hochstadter, sont toutes deux des Selle Français. Mieux encore, Tequila d’Auge, la génitrice de Donatello, porte le précieux label Selle Français Originel, tout comme la grand-mère du Zangersheide Dexter. Cette dernière, Pepita du Poncel, est même la sœur utérine de l’olympique Razzia du Poncel, partenaire du regretté Hubert Bourdy. What else?
Derrière le quatuor de tête, Harry Charles, ouvreur du barrage, à signer le cinquième et dernier double zéro de la soirée. Le Britannique était aux commandes de son génial Sherlock, né Novio van de Donkhoeve et dont il pense le plus grand bien. Avec quatre points chacun lors du second acte de cette compétition en deux manches, Hans-Dieter Dreher, vainqueur jeudi en ouverture, Fernando Martinez Sommer et Jörne Sprehe ont occupé les rangs six, sept et huit en compagnie du Selle Français Vestmalle des Cotis, Lady van de Haarterhoeve et Hot Easy, supplantant l’Espagnol Mariano Martinez Bastida, décidément très en forme depuis sa victoire dans le Grand Prix 4* de Deauville Classic en août et neuvième ce soir sur Jup, auteur d’un ultime parcours à huit points.
Photo à la Une : Julien Epaillard et Donatello d’Auge en route pour une nouvelle victoire. © Mélina Massias
Toutes les épreuves du CSIO 5*-F de Barcelone sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.