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João Victor Castro, se battre pour ses rêves (1/2)

À Fontainebleau, João Victor Castro Aguiar Gomes De Lima disputait le troisième CSI 5* de sa carrière.
mercredi 28 mai 2025 Mélina Massias

De ses terres natales brésiliennes, qu’il a quittées à l’adolescence, à la Belgique, João Victor Castro Aguiar Gomes De Lima a traversé un océan, au sens propre comme figuré. Rapidement remarqué pour son aisance et son talent en selle, le jeune homme a fait le grand saut afin de s’offrir toutes les chances de vivre pleinement son rêve. Et le destin lui a donné raison. Treize ans après avoir foulé le sol européen pour la première fois, le souriant jeune homme semble comblé et en passe de se faire une place définitive au sein de son escouade nationale. Après ses premiers pas au niveau 5* en 2017, l’Auriverde a retrouvé les sommets au printemps, à Fontainebleau. Cette semaine, il poursuit sa montée en puissance au CSIO 5* de Saint-Gall, qu’il avait découvert il y a huit ans. Rencontre.

Au cours des vingt-sept premières années de sa vie, João Victor Castro Aguiar Gomes De Lima peut se targuer d’avoir croisé la route de quelques cadors du saut d’obstacles. Pourtant, toutes ces rencontres auraient bien pu ne jamais avoir lieu sans un pari complètement fou. Encore adolescent, le cavalier en herbe décide de faire le grand saut, en quittant son Brésil natal pour s’installer en Europe, principal poumon du saut d’obstacles de haut niveau. Dans cet audacieux voyage, João a pu compter sur son ange-gardienne, Marly. “Ma grand-mère a été la personne la plus importante de mon histoire”, confie-t-il, non sans émotion. “Elle m’a pris sous son aile, alors que je n’avais que quinze ans, et m’a emmené en Europe. Lorsque nous sommes arrivés ici, elle ne parlait pas un mot d’anglais ni de français, et ne savait pas conduire. Nous avons saisi notre chance et pris un immense risque. Avoir une personne comme elle dans sa vie n’est pas commun. Mais notre pari a été gagnant et je lui serai éternellement reconnaissant pour tout ce qu’elle a fait pour moi.”

Depuis toujours, ou presque, João côtoie les chevaux. © Collection privée

Le saut d’obstacles chevillé au corps

Dès son plus jeune âge, João côtoie des chevaux. À cette époque, son père pratique le Vaquejada, un sport typique du nord-est du Brésil. “Ma famille m’a fait découvrir les chevaux, mais trouvait que le Vaquejada était trop dangereux pour un enfant. Alors, ma mère et ma grand-mère ont essayé de trouver une autre discipline pour moi”, narre le Brésilien. Rapidement, toutes deux dénichent un petit centre équestre, où João s’essaye à l’équitation classique et au saut d’obstacles. “J’ai débuté le saut d’obstacles alors que j’avais environ cinq ans”, poursuit-il. “Ma famille n’était pas du tout professionnelle du milieu équestre. Les chevaux étaient juste une passion pour eux, mais ils n’avaient aucune connaissance en matière de saut d’obstacles. Ils ont découvert cette discipline à mesure que je l’ai pratiquée.” 

Après s'être essayé au Vaquejada, une pratique typique du Nord du Brésil, le jeune garçon a débuté l'équitation dite "classique" dans un centre équestre local. © Collection privée

Originaire de Manaus, une ville bordant le Rio Negro, au Nord-Ouest du pays, et à deux pas de la forêt amazonienne, João fait ses premiers pas à poney et à cheval bien loin d’où le saut d’obstacles est le plus développé au Brésil. Déjà motivé et déterminé, il traverse le pays et parcourt près de quatre mille kilomètres pour concourir à Sao Paulo. Il devient champion national, champion sud-américain et n’a alors qu’une chose en tête : partir à la conquête de ses rêves les plus fous. “Avec ma famille, nous en sommes venus à la conclusion que si je voulais poursuivre de plus grands objectifs, je devais venir en Europe. C’est ce que j’ai fait à quinze ans”, expose-t-il simplement, presque comme si ce changement majeur n’avait été qu’une formalité. “Être loin de ma famille, de mes amis était très difficile, mais je pense m’être désormais bien acclimaté à la vie en Europe ! Le climat est très différent ici. Je viens d’une ville particulièrement chaude, et les hivers sont parfois un peu difficiles en Belgique. Mais je fais ce que j’aime, et pour évoluer au plus haut niveau, je dois être ici. Je me bats pour mes rêves.”

Très rapidement, João s'est fait remarquer en compétition au Brésil, avant de rejoindre l'Europe en 2012. © Collection privée

Un grand-père de cœur

Loin de ses racines en posant ses valises outre-Quiévrain, le cavalier, encore adolescent, a retrouvé un bout de Brésil grâce à un certain Nelson Pessoa. Légende vivante s’il en est, le sorcier a pris le jeune João sous son aile pendant près de dix ans. Et cette rencontre est en partie due à un autre Auriverde, Doda de Miranda. “C’est une histoire assez drôle”, se souvient João. “J’étais très ami avec la fille de Doda, qui m’a présenté à son père. Il a vu des vidéos de moi au Brésil et a trouvé que je montais bien. Alors, il a souhaité me confier un cheval ! Mais il avait une condition : que je m’entraîne avec Nelson. C’est ainsi qu’il m’a mis en contact avec Neco, auprès de qui je suis resté durant dix ans.” De cet immense personnage au palmarès bien garni, le Brésilien dit avoir appris “d'innombrables choses”. “Avec Neco, on apprend chaque jour. C’est incroyable ; il est le meilleur que j’ai jamais vu ! Mettre des mots sur ce qu’il m’a apporté et enseigné est difficile. Je considère Neco comme mon grand-père et je m’entraîne encore avec lui de temps à autre. Lorsque je rencontre des difficultés avec un cheval, je l’appelle et lui demande son avis. Il est toujours adorable avec moi et d’une aide précieuse.”



En parallèle de cette décennie d’apprentissage, João a bien tenté de donner une chance aux études supérieures. Mais, certain de sa destinée, son esprit et son temps se sont logiquement concentrés sur les chevaux et ses ambitions. “Depuis que je suis arrivé en Europe, mon but a toujours été de vivre des chevaux et d’en faire mon métier. Je ne me voyais pas faire autre chose”, souligne-t-il. Et c’est aujourd’hui chose faite. En douze ans, João est passé de ses premiers parcours internationaux sur le sol européen à ses premiers Grands Prix 5*. En 2016 et 2017, grâce à Quentin (Quidam de Revel x Escudo), le jeune homme a signé un premier coup d’éclat remarqué au plus haut niveau, se classant trois et septième de deux Grands Prix 4* à 1,60m, à Samorin et Zandhoven, et bouclant sa première Coupe des nations CSIO 5* avec une puis deux fautes à Saint-Gall, piste qu’il retrouve cette semaine pour un nouveau jalon de son histoire. En 2022, cette fois en compagnie de Dispo Cécé (Tornesch x Quouglof Rouge), le Brésilien alignait deux prestations parfaites dans l’épreuve collective du CSIO 5* de Hickstead. “J’ai eu le plaisir d’avoir Philippe Guerdat comme sélectionneur. Je lui suis très reconnaissant, car, à chaque fois que j’ai eu un bon cheval, il m’a donné ma chance. Grâce à lui, j’ai pu aller à Hickstead et réaliser ce double sans-faute dans la Coupe des nations. Il m’a donné les opportunités dont j’avais besoin, au bon moment. Cela m’a permis de montrer de quoi j’étais capable”, ajoute l’Auriverde.

Quentin est le premier cheval à avoir permis à João de découvrir le niveau 5*. © Sportfot

Reconstruire et rebondir

Cinq et trois. C’est le nombre d’années que João a dû attendre entre son premier et son deuxième, puis son deuxième et son troisième CSI 5*. Travailleur, le jeune homme n’a pas ménagé sa peine ni ses efforts, mais ne s’est jamais précipité pour regoûter aux joies de telles épreuves après les départs des chevaux lui ayant permis d’y accéder. “Lorsqu’on atteint un certain niveau et que l’on doit recommencer tout le chemin pour y arriver, cela peut être un peu frustrant. Mais la motivation revient vite ! Si on aime ce que l’on fait, et que l’on veut vivre ce genre de moments dans sa vie, on se bat”, assure-t-il.

Dans le même temps, João lance sa propre entreprise, tout en continuant de travailler pour Nelson Pessoa. Une décennie après son arrivée en Belgique, le jeune homme décide toutefois de prendre un nouveau départ et trouve en François Mathy un soutien idéal. “J’avais mon propre business, mais, à un moment, j’avais le sentiment que je ne montais et ne concourrais pas suffisamment. Je me suis alors mis en quête d’un lieu susceptible de m’offrir davantage d’opportunités. J’ai appelé Pedro, le manager des écuries Mathy. Je lui ai expliqué ma recherche et il m’a dit que leur structure serait parfaite ! J’ai déménagé chez François Mathy et tout s’est enchaîné. Nous avons commencé à vendre des chevaux et à obtenir de bons résultats en compétition, jusqu’à retrouver le niveau 5*”, s’enthousiasme le Brésilien de bientôt vingt-huit ans. Sans être directement employé par François Mathy, João bénéficie d’un “bon arrangement” avec ce dernier, notamment sur l’aspect commerce. “Tout fonctionne très bien depuis mon arrivée. J’ai un piquet composé de douze montures. Je n’ai que quelques jeunes, car je manque de temps pour les former ou les sortir sur des épreuves nationales ou d’entraînement. La plupart de mes chevaux se consacrent aux épreuves internationales et sont prêts à sauter de belles épreuves. De fait, je suis en concours presque chaque semaine. J’ai passé sept semaines au Sunshine Tour, eu une semaine de répit avant de reprendre par sept nouvelles semaines de compétition. Mais c’est la vie que j’ai choisie !”, expose celui qui figure au cent quarante et unième rang mondial. 

Avec le tout bon Dispo Cécé, le Brésilien a signé un double zéro dans la Coupe des nations de Hickstead en 2022. © Sportfot

Avec Cashpaid, les rêves se multiplient

En débutant cette nouvelle aventure au sein des écuries Mathy, João s’est vu offrir des occasions en or, comme celle de monter un certain Cashpaid J&F (Casall x Chicago), que lui ont confié Karl Cook et sa mère, Signe Otsby, à la fin de l’été 2023. 

Révélé par Nathan Budd, l’exceptionnel bai avait rejoint l’Amérique en 2020. À quatorze ans, l’étalon a enfin affronté son premier Grand Prix 5*, à Fontainebleau, au printemps 2025, après avoir collectionné les classements à 1,55m avec son binôme brésilien. Quatrième du temps fort du CSI 3* Compiègne Classic en 2024 avant d’observer une période de convalescence, l’étalon s’est ensuite classé trois et douzième de deux Grands Prix 4* à Vejer de la Frontera en début d’année. “Cashpaid est mon cheval de tête. Je suis extrêmement chanceux de pouvoir monter un cheval comme lui dans ma vie. Tout cavalier rêve de pouvoir compter sur un cheval comme lui. Je savoure chaque jour avec lui”, apprécie le cavalier. “Je me réveille le matin en pensant au fait que j’ai un tel cheval sous ma selle. On ne peut guère faire mieux. Alors, on rêve de championnats, des plus beaux concours du monde et cela décuple notre motivation pour tous les autres chevaux de l’écurie.”

L'exceptionnel Cashpaid est désormais le moteur de la carrière florissante de João. © Sportfot

La seconde partie de cet article est disponible ici.

Photo à la Une : À Fontainebleau, João Victor Castro Aguiar Gomes De Lima disputait le troisième CSI 5* de sa carrière. © Mélina Massias