Des salles de classe de l’université aux plus beaux terrains de saut d’obstacles de la planète, il n’y a qu’un pas pour Jessica Burke. Cette dynamique irlandaise de trente-deux ans, excellente à poney, a mis sa carrière entre parenthèses à la fin des années 2010, pour se consacrer à l’enseignement. Professeur de mathématiques à l’université, l’amazone s’est rapidement fait rattraper au galop par sa première passion, qui ne l’avait jamais vraiment quittée. De retour sous le feu des projecteurs en début d’année, notamment grâce à Nikey HH, depuis vendue, Jessica Burke poursuit son chemin, depuis l’Angleterre, où elle est installée, avec l’ambition de briller au plus haut niveau et de défendre les couleurs irlandaises, si chères à son cœur. Focus sur le parcours, les ambitions et le piquet de cette cavalière pas tout à fait comme les autres.
Quel a été votre parcours ? Comment avez-vous commencé à vous intéresser aux chevaux ?
J’ai toujours voulu un poney. J’ai eu mon premier poney à six ans, et j’ai toujours pratiqué l’équitation depuis. J’ai grandi dans une ferme et j’ai plus ou moins appris seule à monter à cheval, à la maison, avec mon père et ma famille, même si nous avons fait quelques virées au poney-club avec mon poney. J’ai baigné dans la culture irlandaise.
Vous avez eu beaucoup de succès lorsque vous montiez à poneys, participant notamment à quatre championnats d’Europe. Qu'avez-vous appris de cette période ?
C'était incroyable, même si cela était il y a longtemps maintenant ! J'avais de bons poneys avec de bons propriétaires et de bons amis. J'ai été sélectionnée la première fois alors que je n'avais que treize ans. C’était totalement inattendu. J'ai obtenu de bons résultats aux essais et j’ai été retenue ! Ensuite, je voulais réitérer l’expérience chaque année. J’ai remporté deux médailles de bronze par équipes. Avec le recul, je suis un peu triste de ne pas en avoir décroché une en individuel. J’aurais aimé le faire, mais j'ai eu de très bons résultats la plupart des années, ce qui m'a permis d'apprendre beaucoup de choses. J'ai appris à être compétitive et à faire partie d'une équipe.
Vous attendiez-vous à atteindre le plus haut niveau un jour ?
Oui, on en rêve toujours, c'est sûr, et puis, peut-être qu'en vieillissant un peu, on se dit qu'une médaille d'or n’est peut-être pas possible. Je n'avais pas vraiment de chevaux pour continuer à évoluer, ou d'accès à ce genre de monture, alors je suis allée à l'université pour devenir enseignante. J’ai passé quatre ans à l'université, mais j'ai toujours monté en parallèle, notamment des jeunes chevaux. L’été, je montais avec Marie Burke, qui a participé aux championnats du monde (en 2006, à Aix-la-Chapelle, avec l’équipe irlandaise, ndlr) et n’était pas très loin de chez moi. J'ai ensuite travaillé comme enseignante pendant six ans en Irlande, mais je n’ai pas arrêté l’équitation pour autant. Je suis revenue dans le milieu grâce aux jeunes chevaux. J’ai pu rencontrer Liam Nicholas, qui est toujours propriétaire de certains de mes chevaux aujourd’hui. Il m’a envoyé quelques jeunes chevaux, et c'est ainsi que tout a commencé.
Comment s’est déroulée votre transition des poneys aux chevaux ?
En réalité, cela a été difficile, notamment parce que j'ai eu une très belle carrière à poney. J'étais au sommet, puis mon seul cheval pour assurer la suite s’est blessé. Je n’avais plus vraiment de chevaux pour les Juniors et les Jeunes cavaliers. J’imagine qu’il était donc plus facile pour moi d'aller à l'université. Je ne voulais pas monter à cheval à un petit niveau, même si les jeunes chevaux m’ont obligée à recommencer en bas de l’échelle.
“J'aimais vraiment mon métier d’enseignante en mathématiques”
Comment avez-vous réussi à combiner vos études puis votre métier au fait de continuer à monter à cheval et à former des jeunes chevaux ?
J'ai eu la chance d'aller à l'université à Galway, à vingt minutes de chez moi. Je restais là-bas une ou deux nuits, puis je rentrais à la maison. La plupart du temps, j’avais cours les mardis, mercredis et jeudis, donc je pouvais travailler du vendredi au lundi à la maison avec mes chevaux. Nous avons fait en sorte que cela fonctionne. Enseigner a été plus difficile vers la fin, parce que j'étais très occupée avec les chevaux. Je commençais à avoir de bons chevaux. J’ai participé deux fois à Lanaken et fait une ou deux compétitions internationales, et c’est là que j'ai réalisé que je devais y consacrer tout mon temps !
Pourquoi avez-vous choisi d'être enseignante ?
Je ne sais pas… Ma mère voulait que j'aille à l'université et j'ai pensé qu'avec les vacances, j'aurais plus de temps à consacrer aux chevaux ! J’allais enseigner les mathématiques et j’étais plutôt douée avec les nombres. C’était sans doute la raison de mon choix !
Qu'est-ce qui vous a le plus plu dans votre travail ?
Pour être honnête, j’aimais vraiment mon métier. J'aimais beaucoup les élèves et la salle de classe. J'ai beaucoup de bons amis, complètement extérieurs au monde du saut d'obstacles ; c’est très agréable. Mais c'était aussi beaucoup d’investissement, avec le travail après les cours, ce que certaines personnes ne voient peut-être pas. C'était évidemment d’autant plus difficile à gérer avec les chevaux à côté. Mais j'aimais cela, et si je ne montais pas à cheval, je serais heureuse d’exercer ce métier.
L'enseignement est assez similaire à l'entraînement de cavaliers, notamment en ce qui concerne l’aspect pédagogique. Proposez-vous vos services en tant que coach ?
Pour l'instant, pas vraiment, j’entraîne seulement ma propriétaire à Arion Stud, Louisa Church. Elle possède l’écurie et je l’entraîne. Et nous avons une cavalière jeunes chevaux, Taylor Peare, que j’entraîne, mais ils font tous partie de notre système. Je n’ai pas de clients extérieurs. Pour l'instant, je cherche avant tout à me concentrer sur ma propre carrière. Quand j'ai arrêté d’enseigner à l’université, j'ai voulu faire une pause avec cet aspect de ma vie. J'aimerais avoir un peu plus d'expérience moi-même, mais je pense qu'à l'avenir, je ferai plus de choses dans ce domaine. Pour l'instant, j'aime monter et c'est ma priorité.
A-t-il été difficile d'abandonner l'enseignement ?
Oui, chaque décision est difficile à prendre. J'ai quitté mon travail et j'ai déménagé d'Irlande en Angleterre. C’était comme un nouveau départ, comme quitter sa maison. Mais cela s'est très bien passé. Je suis bien positionnée dans le classement mondial (cent huitième en octobre, ndlr) et je n’aurais pas pu atteindre ce classement en restant en Irlande. Je pense qu'il faut faire des sacrifices pour arriver à ses fins.
“Je commence à croire que tout arrive pour une raison”
Comment avez-vous pris la décision de vous consacrer pleinement aux chevaux et de quitter votre métier ?
J'ai d'abord décidé de quitter mon emploi d’enseignante. J'ai fait une pause dans ma carrière, et j'aurais pu reprendre mes fonctions après cinq ans si je le voulais. Ce délai est maintenant révolu et j’en ai donc terminé avec ma carrière d’enseignante. J’envisageais de venir en Europe, mais j’aurais dû louer cinq boxes en Belgique ou aux Pays-Bas pour les chevaux de mon propriétaire irlandais. Et puis, j’ai reçu un coup de téléphone de Roger McCrea, qui gère l’élevage Billy. Il m’a présenté à Louisa et mes propriétaires actuels. L'Angleterre ne faisait pas partie de mes plans et ce pays est devenu ma deuxième maison. C’est arrivé comme ça. Je commence à croire que tout arrive pour une raison.
Pouvez-vous m’en dire plus sur votre système et son fonctionnement, avec vos propriétaires ?
Louisa Church est propriétaire des écuries Arion Stud, où nous sommes installés. Tous mes chevaux sont sur place. Ensuite, il y a principalement Liam Nicholas, qui a toujours été mon propriétaire irlandais. Lorsque j'ai déménagé au Royaume-Uni, j'ai emmené ses cinq chevaux avec moi. Il a toujours cinq ou six chevaux dans notre système. De même pour Louise, qui a six et sept chevaux, dont un ou deux à elle, et un ou deux chevaux supplémentaires dont je suis propriétaire. À nous deux, nous avons une quinzaine de chevaux sur place. Mais cela fonctionne très bien, car il s'agit principalement de mes deux propriétaires. Il n'y a pas beaucoup de personnes différentes. J’ai ma groom, Aaliyah Philips, qui voyage avec moi, et notre jeune cavalière, Taylor Peare, qui est aussi irlandaise. C'est une très bonne cavalière, pleine d’avenir. Elle a déménagé il y a un an pour s’installer avec nous. Elle a déjà beaucoup progressé. Cela fonctionne bien, nous avons huit chevaux chacun, ce qui est un bon nombre pour travailler correctement. Nous essayons de rendre nos chevaux heureux et de les garder frais.
Quelle place occupe le commerce dans votre fonctionnement ?
Nous essayons d’acheter les chevaux avant l'âge de six ans en général, donc quatre, cinq et six ans. Ensuite, nous les formons nous-mêmes. Nous essayons d’acheter les meilleurs jeunes chevaux possibles, même si à six ans, ils commencent déjà à être assez onéreux. Ensuite, nous les nous les vendons à neuf ou dix ans s’ils peuvent, idéalement, évoluer au niveau 5*, ou sur des épreuves 3 et 4*. J’ai la chance d’avoir deux chevaux d’âge (African Affair et Express Trend, ndlr) que je suis sûre de conserver et avec lesquels je peux continuer à participer à de belles épreuves, ce qui est très agréable. Les plus jeunes seront tous vendus, à un moment ou un autre, mais il est impossible de faire ce sport sans vendre de chevaux. Cela est trop coûteux…
Vous vous entraînez avec quelqu'un en ce moment ?
Oui, je m'entraîne avec Roger McCrea. Il m’aide également à planifier les concours, et tout ce qui s'y rapporte. J'ai aussi un entraîneur de dressage. Cela fonctionne très bien. Je reçois aussi de très bons conseils de la part des autres cavaliers sur les concours, notamment de certains cavaliers irlandais avec qui j'ai passé du temps. J’ai passé du temps chez Greg Broderick en Irlande l’année dernière et il a été d’une grande aide. J'essaie d'apprendre quelque chose à chaque fois que je vais quelque part.
La seconde partie de cet entretien sera publiée demain sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Jessica Burke, tout sourire à Dublin. © Sportfot