Son nom n’évoque peut-être rien aux plus novices des fans de jumping. Pourtant, l’histoire de Fernando Martinez Sommer vaut le détour. La vie, ou peut-être encore davantage sa volonté d’acier et son abnégation sans limite, l’ont conduit jusqu’à remporter sa première épreuve 5*, début juin, à Cannes. Du Mexique, où il a goûté aux joies et plaisirs de l’équitation avant de mettre en œuvre un plan rempli de détermination pour atteindre ses rêves, en passant par les Etats-Unis, où il a évolué deux années, jusqu’en Europe, le souriant trentenaire n’a jamais baissé les bras, se forgeant une carrière d’autodidacte. Loin de se croire arriver, le Mexicain nourrit encore de nombreuses ambitions, qu’il entend bien embrasser à bras le corps, comme il l’a toujours fait jusqu’à maintenant. Fort d’un système solide, d’une existence épanouie et d’un amour des chevaux inoxydable, Fernando Martinez Sommer pourrait bien faire parler encore plus de lui dans les prochains mois.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Le rêve est bien réel pour le cavalier Mexicain. Depuis qu’il a posé ses valises en Europe, en Belgique d’abord puis aux Pays-Bas, Fernando Martinez Sommer a connu une progression constante, jusqu’à atteindre le deux-cent-soixante-cinquième rang mondial. S’il figurait légèrement plus haut dans le classement édité par la Fédération équestre mondial (FEI) avant son grand saut dans l’inconnu sur le Vieux Contient, le pilote de trente-deux ans a regagné pas loin de trois cents places entre 2021 et 2022. “La première fois que j’ai rencontré Juan Carlos et que nous avons commencé notre projet, je lui ai directement dit que mon objectif à long terme était de faire partie des dix meilleurs du monde”, se projette-t-il. “Voilà ce que je veux accomplir dans le sport. Pour le reste, j’aimerais avoir un business stable, être présent pour ma femme et pourquoi pas fonder une famille à l’avenir. Je souhaite trouver un équilibre entre une vie de famille et la passion que nous partageons pour le sport. Ce n’est pas simple à obtenir, mais je vais travailler pour (rires).”
Pour obtenir une place au sein du disputé “top ten”, Fernando sait qu’il devra compter sur des performances solides et régulières. Depuis le début de l’année, et son arrivée au sein d’une équipe de Global Champions, le souriant cavalier s’est qualifié pour quatre Grands Prix des cinq étapes qu’il a disputé sur le lucratif circuit fondé par Jan Tops. Classé dans le temps fort du CHI d’Al Shaqab, puis à Madrid et Hambourg, le Mexicain a signé sa meilleure performance 2022 à Cannes, terminant cinquième de l’épreuve phare, au terme d’un week-end plus que réussi. “J’étais vraiment ravi que Charlie Harper remporte son épreuve. Le parcours suivant (le Grand Prix, ndlr) était la deuxième épreuve de ce niveau que courait mon autre cheval, High Five, que j’ai aussi depuis qu’il est jeune. Même si j’ai commis une faute sur le dernier obstacle du barrage, j’étais aux anges de la façon dont il a sauté ces deux parcours. Il a rendu ça tellement facile et a montré une immense qualité ! Cannes était vraiment quelque chose de spécial”, reprend Fernando.
Des montures de talent
Ce week-end, rendez-vous est pris à Stockholm, pour la huitième étape du LGCT. Cette fois, les excellents High Five (KWPN, Glasgow vh Merelsnest x Corland), dix ans tout juste, et Charlie Harper (Westph, Comme Il Faut x Salinator), douze ans et en constante progression, laisseront place aux non moins talentueux Cor Bakker (KWPN, Colandro x Quattro B), présent aux Jeux équestres mondiaux (JEM) de Tryon en 2018, et Lady van de Haarterhoeve (BWP, Casall x Clarimo), encore en apprentissage. Ces quatre montures présentent un point commun : toutes ont fait leurs premiers pas à haut niveau aux rênes de l’ambitieux athlète. “Cor Bakker est mon cheval le plus âgé. Il est à l’origine de toutes les opportunités que j’aie eues. Je l’ai acheté à huit ans au Mexique et j’ai fait mon premier 5* avec lui, à Calgary. Pouvoir compter sur lui m’a convaincu de sauter le pas et de venir en Europe, car je savais qu’il pouvait performer à haut niveau. Il a été une grande motivation pour moi et il est mon ami”, avoue-t-il. “Charlie Harper appartient à ma femme. Elle l’a acheté lorsqu’il avait sept ans. Elle m’a proposé de le monter pour quelques concours, et il devient de mieux en mieux. Il commence à se faire confiance et montre beaucoup de facilité. Pour moi, il a tout. High Five et Lady sont plus jeunes (dix et onze ans, contre quinze et douze pour leurs voisins d’écurie, ndlr). Nous les avons fait progresser et ils disputent leurs premières belles épreuves. Ce n’est que le début pour eux, mais je suis très enthousiaste pour la suite, surtout avec High Five. Il a une super technique, une très bonne tête et des moyens. Peut-être qu’il sera un candidat pour les prochains Jeux olympiques. Je fonde en tout cas de grands espoirs en lui.”
Avant Paris, sans doute faudra-t-il passer par Herning, où se tiendront les championnats du monde, en août prochain, ou par Milan, où sont prévus les Européens, en 2023. “Cette année, je ne suis pas vraiment sûr de participer à un championnat. Je pense qu’il ne serait pas juste d’imposer cela à Cor. J’ai le choix entre tenter ma chance à ce championnat ou le préserver pour le reste de l’année. Il a quinze ans, et même s’il est en pleine forme, je trouve que ce format est difficile. Si je prends soin de lui, je pense qu’il peut encore performer au moins deux ans à haut niveau, donc je veux vraiment le préserver. En parallèle, mes autres chevaux sont encore trop verts pour participer à un championnat. Ils débutent à peine à haut niveau. En outre, aller à Hambourg ou à Valkenswaard est un rêve pour moi et j’ai à cœur de répondre présent pour mon équipe sur le circuit du Global, par respect pour les opportunités qui me sont offertes. Cependant, je pense que d’ici à 2024, tout sera plus propice pour prétendre à une sélection. Mes chevaux auront plus d’expérience et j’aurais plus d’options”, livre sans détours Fernando.
Pour autant, celui qui a déjà connu un grand championnat, en prenant le départ des JEM de Tryon, et s’est élancé dans plusieurs Coupes des nations de première division ces dernières années, ne délaisse pas son pays, qui monte en puissance sur la scène mondiale. “Je pense que le Mexique est en bonne posture en ce moment. Les concours progressent grandement. Il y a beaucoup de chouettes compétitions, dans de super endroits, avec des sols impeccables et un bon niveau. L’équipe nationale devient également de plus en plus forte. De jeunes talents émergent et, bien-sûr, je serais ravi de continuer à défendre mes couleurs. J’adore représenter mon pays et participer à des Coupes des nations est vraiment spécial. Je veux continuer à soutenir le Mexique et faire partie de notre équipe nationale”, assure-t-il.
Le respect en leitmotiv…
Mais plutôt que de courir sur tous les tableaux, Fernando préfère mettre le respect au centre de son raisonnement. Du respect, d’abord, pour son équipe des Rome Gladiators. Mais, du respect, surtout, pour ses chevaux, qu’il chérit comme la prunelle de ses yeux. “Avoir ces quatre chevaux pour le haut niveau dans mon piquet est un rêve et une vraie chance. Ces cinq dernières années, je n’avais que Cor pour les plus grands événements. Pouvoir choisir et répartir les concours en fonction des points forts de chaque cheval fait toute la différence. Il y a beaucoup d’étapes du Global et de 5* en Europe. Avoir plusieurs chevaux pour affronter ces compétitions permet de prendre soin d’eux et de ne pas trop leur en demander sur une année. Pour moi, c’est le plus important. J’aime le sport, mais je préfère le quotidien avec les chevaux. Si on me disait que je ne pouvais plus jamais aller en concours de ma vie, je continuerais à monter tous les jours, parce que j’adore ça. Le sport me motive, et c’est mon rêve de faire partie du haut niveau, mais je ne pourrais jamais faire cela au détriment de mes chevaux. Je ne prendrais jamais une décision sportive qui ne soit pas la meilleure pour mes montures. Et, si je n’avais pas ces quatre chevaux, je ne concourrais pas autant”, confesse avec beaucoup de lucidité le cavalier. Avant d’ajouter : “J’ai beaucoup de mal à commercialiser mes chevaux. Pour moi, vendre un cheval est aussi difficile que de se séparer de son chien. Je passe toujours de mauvais moments quand l’une de mes montures quitte mes écuries. Je fais donc toujours très attention à ce que mes anciens complices trouvent de bonnes maisons. Après tout ce qu’ils nous donnent, et parce que ce sont des animaux si gentils et humbles, ils le méritent. Je serais vraiment déprimé d’apprendre qu’un de mes chevaux est dans une écurie qui ne fait que l’utiliser. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un super partenaire dans mon projet. Juan Carlos voit les choses comme moi et nous partageons la même passion pour les chevaux. Avant, j’avais des propriétaires pour qui l’argent était plus important que n’importe quoi d’autre. Avec Juan Carlos à mes côtés, je peux travailler sereinement tous les jours, sans être inquiet à l’idée qu’il puisse me retirer un cheval.”
… et la passion pour l’animal !
À entendre Fernando parler de son sport, de ses objectifs et de ses montures, sa passion ne fait aucun doute. Le Mexicain considère d’ailleurs ses chevaux en tant que tel. À l’heure où les questions de bien-être animal agitent la sphère équestre, le pilote semble adopter un fonctionnement aussi proche que possible des vrais besoins de ses complices, loin de l'anthropomorphisme dans lequel beaucoup tombent souvent à tort, jugeant le degré de bonheur de leurs équidés à la quantité de soins qu’ils reçoivent. “Je n’appelle pas les vétérinaires à chaque retour de concours, mais seulement lorsque leur présence est justifiée. Mes chevaux passent la majeure partie de leur temps dehors. Pour moi, c’est très important qu’ils soient tout le temps en mouvement. Dans la nature, ils passent seize à dix-huit heures de leur journée à marcher. Cela améliore la circulation sanguine, qui affecte directement les tendons, les ligaments et les articulations, permettant de soigner toutes les petites inflammations. Et la circulation sanguine dépend du mouvement. En parallèle, je fais en sorte de ne jamais trop faire sauter mes chevaux à la maison. Je passe davantage de temps en forêt, dans les bois. Je suis en carrière peut-être deux ou trois fois par semaine, pour entretenir leur forme physique, mais, le reste du temps, je les fais travailler en extérieur”, développe le pilote. “J’essaye vraiment d’ajouter le sport à leur vie de cheval, et non l’inverse. Je ne veux pas que leur existence se résume à une carrière sportive. Je ne suis pas le meilleur cavalier, je n’ai pas tant de connaissances que cela et je dois encore apprendre beaucoup, mais je pense que l’une de mes plus grandes qualités est que je comprends mes chevaux et que je les respecte en tant que tels. Ce ne sont pas des machines, ni des athlètes. Il ne s’agit pas simplement d’être gentil avec eux, mais de les garder en bonne santé, heureux et sains. Mes chevaux sont contents et motivés ; ils ne détestent pas leur travail. Alors, quand je saute un parcours en concours, ils sont dans un super état d’esprit. Ils se battent pour moi et je le ressens. C’est quelque chose d’incroyable.” Particulièrement intransigeant avec lui-même, Fernando ne cesse de chercher à s’améliorer. Le Mexicain estime qu’il a encore des progrès à faire, au niveau de sa position et de son équilibre, qu’il cherche à perfectionner grâce à un travail rigoureux sur le plat. “J’ai toujours monté au feeling, ce qui ne suffit plus à ce niveau. J’ai encore beaucoup à apprendre, et je crois que l’on n’arrête jamais de le faire”, glisse l’intéressé.
À n’en pas douter, Fernando Martinez Sommer est épanoui dans sa vie et compte bien prolonger le rêve éveillé qu’il vit depuis une poignée d’années. Sa volonté et son abnégation n’ont sans doute que d’égal sa passion sans limite. Demandez-lui ce qu’il apprécie faire de son temps libre, il vous répondra qu’il adore se balader dans les bois… avec ses chevaux. “Une des choses que j’aime le plus, c’est me promener l’après-midi, mais pas pour le travail. J’éprouve beaucoup de plaisir à simplement marcher dans les environs avec mon cheval, à cru, sans selle. Je le fais souvent”, précise celui qui rêve d’un jour fouler la mythique piste d’Aix-la-Chapelle. “Je fais aussi du vélo. Je cherchais une activité à faire entre les compétitions pour me vider la tête, alors j’ai acheté un vélo et j’ai commencé à en faire un peu. J’étais à Grimaud, pour un concours. Le lundi, j’ai rejoint Cannes à vélo. On se promène le long de la côte, profite d’un bon repas, etc. Je pratique aussi cette activité avec ma femme. J’aime aussi passer du temps à la maison. Nous avons deux chiens que nous adorons et ne disons pas non à prendre une pause de nos emplois du temps bien remplis. Quand nous avons une après-midi de libre, nous regardons un film ou passons un moment plus calme. Notre métier est davantage une passion. Je ne vois pas cela comme un travail et j’aime ce que je fais et je suis très chanceux, mais cela nous occupe vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. D’autant plus depuis que nous avons notre propre écurie ! Il y a toujours quelque chose à faire quelque part. Je suis d'ailleurs devenu un super bricoleur (rires).” Bref, il faudra garder un œil sur ce cavalier, qui n’est pas loin d’une (très) grande performance.
Photo à la Une : Fernando Martinez Sommer et le prometteur High Five à Chantilly, en 2021. © Mélina Massias