Jean-François Pignon, un monde à part. (2/3)
SFL : Le renouvellement de vos spectacles, c'est avant tout une obligation envers le public et les gens qui vous suivent ou une simple évolution de votre méthode ?
J-F P : « C'est une obligation d'être honnête avec les gens, comme dans le film d'ailleurs où je leur parle à c?ur ouvert. Je ne cache rien. Si je trouve un truc incroyable, je le conseille aux gens. Maintenant, chacun en fait ce qu'il veut. Dans mes stages, je pense que c'est intéressant de voir qu'il y a une évolution mais d'autres vont se demander ce que le stage qu'ils sont payé deux ans plus tôt vaut encore aujourd'hui.
Je leur réponds que les bases restent les mêmes mais que c'est juste que j'ai envie de pas me dire que je détiens la vérité et qu'au contraire, je cherche en permanence et dans le domaine des chevaux, je pense qu'on a encore beaucoup de choses à apprendre. »
SFL : Les stages, c'est uniquement une manière de gagner sa vie ou vous éprouvez également du plaisir ?
J-F P : « J'y trouve beaucoup de plaisir et je m'y investis beaucoup. Honnêtement, cela m'étonne moi-même car n'aimant pas vraiment les gens lorsque j'avais un cours d'une heure à donner, cela me paraissait long alors qu'aujourd'hui, je suis toujours débordé par le temps. J'essaie d'être plus ponctuel et de respecter mes horaires mais je n'y arrive pas car je suis un passionné mais plus uniquement par les chevaux. Aujourd'hui, j'ai aussi envie d'aider les gens.
Le film est d'ailleurs également dans cette optique-là. Dans un premier temps, le film est avant tout une dépense financière. Cela nous a coûté 800.000 euros et je n'ai pas reçu un centime d'aide. Je ne savais même pas si le projet pourrait aller jusqu'au bout. J'ai raclé un peu au fond de mes tiroirs même si en fait, j'ai eu la chance que lorsque je dépensais 65.000 euros dans une semaine de tournage, j'avais un mois derrière où des gens me contactaient pour aller faire des spectacles et étonnamment, je gagnais la même somme.
C'était une vie de fou durant toute cette année de tournage car justement, je n'arrêtais pas mais c'était rassurant quelque part. Au-delà de ça, j'ai mis beaucoup d'énergie et quelques doutes quand même parce que j'avais vraiment envie que les gens reçoivent ce film et je n'en étais pas sûr, même si maintenant, je suis rassuré.
Paradoxalement, je n'étais pas inquiet non plus car j'ai tellement vu l'aide de dieu dans l'élaboration de ce film que finalement, je ne me suis pas posé la question de savoir s'il allait avoir un impact ou pas car j'étais confiant, tout simplement.
S'il ne l'avait pas eu au cinéma dans un premier temps, je me serais dit qu'il l'aurait eu dans un deuxième … la sérénité totale. Et heureusement car, avec les casquettes que j'avais sur ce tournage, je crois que j'aurais pu devenir fou. »
SFL : Les années passent, vous êtes toujours sur la route. C'est votre mode de vie ou vous pensez vouloir vous poser à un moment donné ?
J-F P : « Non, contrairement à ce que l'on peut penser, c'est assez équilibré dans l'année. Là, le dernier évènement que j'avais fait remontait au festival du cirque de Monaco. Puis je suis resté un petit mois et demi à la maison à pouvoir jouer mon rôle de père aussi. Ça, il ne faut pas que je l'oublie ! Du coup, c'est assez équilibré. Ce qui fait que j'aime beaucoup partir et encore plus revenir. Donc tout va bien. »
SFL : Votre motivation est-elle toujours la même qu'à vos débuts ou est-elle différente ?
J-F P : « Au début, j'étais motivé pour qu'on dise de moi que j'étais un bon dresseur. Quand ça me fatiguait, j'étais motivé par l'argent que ça me faisait gagner … et finalement, je n'étais pas vraiment épanoui même si ça m'amusait. Je mettais pas mal d'orgueil par-dessus ça et j'aimais dire que je faisais autant de spectacles. Je n'hésitais pas à l'annoncer à tout le monde, lorsque je faisais un spectacle dans une grosse ville. C'est une chose que l'on continue à faire aujourd'hui mais c'est plus dans une optique de renseigner les gens qui suivent le travail que l'on fait et qui nous suivent un peu. Certains nous disent qu'ils ont un peu l'impression d'être avec nous. Ce qui est assez étonnant, c'est que je ne suis pas vraiment un homme de découverte de terrain géographique. Lorsque je suis chez moi, je suis chez moi et je ne bouge pas. Si je dois partir en vacances, ça ne m'excite pas plus que ça. Découvrir tous les pays du monde ou faire le tour du monde, ce n'est en aucun cas ma passion. Ce qui me passionne par contre, c'est de rencontrer des gens différents avec les soucis dans leur vie. Encore une fois, j'ai fait ce film dans le but de rencontrer plus de gens. Ce qui ne me lasse pas de donner des stages ou de faire des spectacles, c'est cette communion qu'on peut avoir. A ce point de vue, les stages sont encore plus forts car on parle vraiment avec les gens. Là, on se prépare à faire un débat après la projection du film de Gazelle et ça, ça m'amuse vraiment aussi car les gens sont un peu chamboulés et bousculés dans le film, ce qui rend leurs questions intéressantes. » photos Temps de Poses La suite demain ...