“Je veux me laisser une chance d’atteindre le haut niveau”, Clément Fortin
Clément Fortin, vingt-six ans, a remporté le Grand Prix Pro Elite à 1,50m du Mans, fin novembre, aux rênes de Dali d’Elle. Une première à ce niveau pour le cavalier du haras de Semilly, seul double sans-faute parmi les quarante-et-uns engagés. Une belle histoire pour le couple, qui ne se connaissait alors que depuis un mois et n’aurait pas dû fouler la piste du Pôle européen du cheval. Ce succès vient garnir le palmarès en construction du Normand, qui s’est également adjugé le titre de champion de France des six ans avec Johnny Semilly, un an après son sacre dans le championnat des quatre ans avec Karaganda Semilly. Le jeune Manchois, d’origine et de cœur, revient sur sa saison, porteuse d’espoirs et de promesses. Interview.
Vous avez remporté le Grand Prix Pro Elite à 1,50m du Mans, dernière épreuve majeure de l’édition 2025 du circuit du Grand National FFE/AC Print de saut d’obstacles, avec Dali d’Elle (L’Arc de Triomphe x Jalisco B), le 30 novembre. Pouvez-vous revenir sur cette performance ?
Il s’agit de ma première victoire à ce niveau-là et de la plus belle de ma carrière à ce jour, d’autant plus que je l’ai obtenue avec un cheval que je monte depuis seulement un mois. Je devais terminer ma saison à Rouen et je n’avais pas prévu d’engager ce concours. En dernière minute, ma propriétaire, Astrid Lambert, a souhaité que je me rende au Mans et j’ai donc fait un engagement terrain. Le premier jour, nous sortons en quatre points dans l’épreuve à 1,45m. Le second, nous réalisons deux sans-faute qui nous assurent la victoire, étant le seul couple à réussir cette performance. J’ai abordé très sereinement l’épreuve : j’avais établi un plan avant d’entrer en piste et je m’y suis tenu. Remporter un Grand Prix Pro Elite à 1,50m procure de belles sensations et avec elles l’envie de réitérer l’exploit.
Votre duo avec Dali est très récent. Comment ce hongre de douze ans a-t-il croisé votre chemin ?
Je suis cavalier pour le haras de Semilly, où j’ai la chance d’avoir un box à disposition. Après le départ au pré de ma jument, j’ai eu de la place pour accueillir un nouveau cheval. J’ai alors appelé Romain Bourdoncle, qui m’a permis de fouler mes premières pistes, afin qu’il m’aide à trouver un cheval à confier pour la fin de saison. C’est de cette façon que Dali est devenu mon nouveau partenaire. Nous avons débuté les 4* à Saint-Lô, au Grand National, puis à Rouen, avant de nous rendre au Mans. Après quatre concours concluants, il a été décidé que je conserve Dali afin de continuer les concours, même si l’objectif principal reste sa commercialisation. Il est doté de gros moyens, et sa qualité de galop lui permet d’avoir une grande action sans jamais forcer.

Le Manchois a enregistré ses plus belles performances sportives ces dernières semaines avec Dali d'Elle, fraîchement arrivé sous sa selle. © Pixels Events
Qu’ambitionnez-vous pour la suite avec lui ?
J’aimerais être sélectionné pour participer à des CSI 3 et 4*. Ce n’est pas chose évidente, mais j’ai bon espoir que notre performance nous ouvre quelques portes !
“Mes parents ne sont pas issus du milieu équestre alors j’ai dû me faire seul, à force de travail et en m’entourant des bonnes personnes”
Sur quels autres chevaux s’appuie votre piquet ?
Cette année, mon piquet est essentiellement constitué de chevaux de cinq, six et sept ans. En tout, j’ai entre vingt et vingt-cinq chevaux au travail. Je me concentre sur la formation de mes jeunes, tout en essayant de participer plus régulièrement à des CSI 3 et 4*, avec des chevaux plus aguerris. C’est autant d’occasions de me perfectionner sur ces hauteurs-là. C’est aussi un moyen de tenter ma chance pour accéder au haut niveau. Dans cette quête, je peux notamment compter sur Hoptum de l’Abbaye (Malito de Rêve x Diamant de Semilly), un étalon de huit ans que je monte depuis deux ans. Il m’a permis de sauter les championnats du monde des stud-books à Valkenswaard l’an dernier à sept ans (où le Selle Français s’est classé quatrième en finale, ndlr) et a remporté un Grand Prix Pro 1 à 1,45m cette année. Il est très prometteur et nous croyons beaucoup en lui. Forcément, j’espère le garder encore la saison prochaine ! Je peux également compter sur Groovy Semilly (Diamant de Semilly x Heartbreaker), avec lequel j’ai obtenu des classements jusqu’à 1,50m. J’ai également une super génération de six ans (dont le champion de France des mâles, Johnny Semilly, Ekano DKS x Le Tôt de Semilly, ndlr), que j’emmènerai sur le circuit des sept ans.

L'excellent et très plaisant Hoptum de l'Abbaye poursuit sa progression. © Mélina Massias
Vous collaborez avec le haras de Semilly depuis plusieurs années. Comment voyez-vous la suite de l’aventure ?
Je vais entamer ma quatrième année à leurs côtés. J’ai la chance de très bien m’entendre avec la famille Levallois et de bénéficier de leur confiance. Le but de notre collaboration est de former des jeunes chevaux, dans une optique de valorisation et de commercialisation. Notre objectif est de travailler ensemble sur le long terme et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. L’année dernière, nous avons obtenu le titre de champions de France des quatre ans avec Karaganda Semilly (Mylord Carthago x Diamant de Semilly) et cette année celui de champions des six ans avec Johnny Semilly, qui signe une saison formidable récompensée à la hauteur de ses performances.

L'an prochain, Karaganda Semilly abordera le circuit des six ans. © Mélina Massias
Devenir cavalier professionnel était-il une évidence pour vous ? Quel a été votre parcours ?
J’ai commencé très tôt à travailler dans le milieu du cheval, notamment chez Romain Bourdoncle. Il m’a tout appris et j’ai énormément de respect pour lui. Romain m’a mis le pied à l’étrier et s’est occupé de moi comme d’un fils. Nous travaillons aujourd’hui de nouveau ensemble, il me trouve des chevaux et me fait travailler en concours. Je n’ai pas fait d’études, ce qui était un pari risqué, mais j’ai réussi à m’en sortir comme cela. Mes parents ne sont pas issus du milieu équestre alors j’ai dû me faire seul, à force de travail et en m’entourant des bonnes personnes.
“Par passion et par goût du travail, je me consacre pleinement aux chevaux, ce qui me laisse peu pour d’autres plaisirs”
Sur qui pouvez-vous compter au quotidien pour vous aider à performer ? Quel rôle joue votre entourage ?
Je n’ai pas vraiment d’entraîneur régulier, mais Richard et Anne-Sophie Levallois font en sorte que tout se passe bien quotidiennement. Je travaille en autonomie, ce qui a ses limites, car un regard extérieur est toujours intéressant. Ma groom, Amélie Prévost, joue un rôle de gestion indispensable : grâce à elle je peux me concentrer sur mes parcours. Ma famille et mes proches sont aussi des piliers au soutien sans faille. Je n’oublie pas Romain, qui est toujours derrière moi pour m’encourager et m’aider à me surpasser.

Groovy de Semilly constitue un atout intéressant au sein du piquet de Clément Fortin. © Pixels Events
Comment occupez-vous votre temps libre ?
Je n’ai pas beaucoup de temps libre (rires). Travailler avec les chevaux c’est du non-stop, entre le travail la semaine et les concours le week-end. Si la période hivernale s’annonce un peu plus tranquille, il y a tout un planning de travail à mettre en place pour mettre les chevaux dans les meilleures conditions pour aborder la saison prochaine. Par passion et par goût du travail, je me consacre pleinement aux chevaux, ce qui me laisse peu, voire pas de temps pour d’autres plaisirs.
Quel bilan tirez-vous de 2025 ? Avez-vous atteint les objectifs que vous vous étiez fixés ?
C’est ma meilleure saison ! Si la saison passée était déjà belle, avec des résultats et des victoires, l’année 2025 marque une évolution pour mes chevaux et pour moi. Le fait d’être en concours tous les weekends m’a permis de prendre en expérience et en assurance. Je n’aurais jamais imaginé, ni espéré, en début de saison, un final de cette trempe. D’autant plus que tout cela est nouveau pour moi. Je ne fais jamais réellement de programme car ma saison dépend de nombreux facteurs qu’il est difficile d’anticiper, comme l’état des chevaux par exemple ou encore leur avancement dans le travail. Après ma victoire, mon principal objectif est de performer régulièrement à ce niveau d’épreuve. Travailler avec les chevaux est une remise en question permanente, gagner un jour ne vous assure pas la victoire le lendemain. Rien n’est jamais acquis c’est pourquoi il est indispensable de travailler, encore et toujours.

Clément Fortin a mené Johnny Semilly au titre de champion de France des mâles de six ans, cette année à Fontainebleau. © Mélina Massias
Quels sont vos objectifs pour la saison prochaine ? Et sur le long terme ?
Il me manque le titre de champion des sept ans ! (rires) La génération de chevaux que j’ai au travail peut y prétendre. J’aimerais continuer les CSI 3 et 4* et pouvoir participer au championnat Pro Elite du mois d’avril à Fontainebleau. Sur le long terme, je sais déjà que je ne souhaite pas m’installer. Je veux me laisser une chance d’atteindre le haut niveau et ce n’est pas en étant à mon compte que j’y parviendrai. Je vis au jour le jour, en faisant toujours de mon mieux. J’aimerais bien sûr pouvoir faire plus, mais il faut rencontrer les bonnes personnes, celles qui me donneront ma chance et me permettront de faire mes preuves. La quête du haut niveau est complexe : il faut des chevaux et de l’argent. C’est le nerf de la guerre. Sans ces deux éléments, même avec tout le talent du monde, on ne va nulle part.
Que peut-on vous souhaiter pour 2026 ?
Confirmer les acquis et aller, je l’espère, encore plus loin. Il n’y a plus qu’à répéter pour évoluer dans le bon sens, travailler pour faire avancer mes chevaux et espérer que des portes s’ouvrent pour me laisser ma chance à haut niveau.

Clément Fortin espère "confirmer les acquis et aller encore plus loin" en 2026. © Pixels Events
Photo à la Une : En septembre, Clément Fortin a remporté son deuxième titre de champion de France, cette fois avec Johnny Semilly, mâle de six ans. © Mélina Massias



