“Je rêve d’être encore plus en harmonie avec mes chevaux”, Grégory Cottard (1/2)
Plus que d’une collection de médailles, Grégory Cottard rêve de symbiose, de communion, de fluidité dans la relation qu’il noue avec ses chevaux. Au cœur de sa réflexion, ses montures lui rendent tout ce qu’il leur offre. Il en a encore eu la preuve dimanche dernier, au Jumping International de Bordeaux, où il a décroché la plus belle victoire de sa carrière grâce à Cocaïne du Val. Rencontré deux jours avant son triomphe, le cavalier installé aux écuries de Wy, à Drocourt, évoquait son envie d’être régulier et de confirmer les progrès de ses deux cracks grises. Contrat rempli, donc. En plus de ses deux fidèles juments de tête, le Francilien continue de former la relève et devrait pouvoir s’appuyer sur plusieurs bonnes cartouches dans les mois et années à venir. De quoi se projeter vers la suite avec sérénité, toujours dans un système singulier, qui se démarque par son approche naturelle et simplifiée. Dans une interview en deux épisodes, le jeune quadragénaire, qui a vécu une riche année 2022, marquée notamment par trois grandes échéances, évoque son piquet de chevaux, ses objectifs, mais aussi le bien-être animal, son rapport à l’élevage ou encore l’influence de Pierre Crampon et Mickael Borot dans sa progression. Premier volet.
Comment vous sentez-vous, ici, à Bordeaux, avant le début des hostilités et quels vont être vos objectifs pour ce week-end ?
Je me sens bien, mes juments sont en forme et moi aussi. J’ai hâte de commencer la compétition, qui débutera ce soir (entretien réalisé vendredi 3 février, ndlr) pour moi avec l’épreuve à 1,50m, à laquelle participera Bibici (Norman Pré Noir x Nelfo du Mesnil). Ma priorité va être de me qualifier pour le barrage des deux Grands Prix, qu’il s’agisse de celui de la Coupe du monde avec Bibici ou celui de dimanche avec Cocaïne du Val (Mylord Carthago x Si Tu Viens). J’aimerai terminer au moins dans les huit premiers de chacune de ces deux épreuves. Nous verrons bien ce qu’il adviendra ! (le Francilien a finalement terminé dix-septième samedi soir, dans une épreuve conclue par un barrage fleuve et remporté le temps fort dominical, ndlr).
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Quel bilan tirez-vous de votre année 2022, qui a notamment été marquée par votre participation à la finale de la Coupe du monde Longines à Leipzig, aux Mondiaux d’Herning, votre première grande sélection en Séniors, ainsi qu’à la finale du circuit des Coupes des nations Longines à Barcelone ?
J’ai connu une année très riche en expériences, puisque j’ai disputé deux grands championnats, en plus de la finale de Barcelone. J’ai appris beaucoup de choses avec Bibici sur les parcours les plus importants. Désormais, nous allons essayer de tirer profit de tout cela en 2023.
Quel regard portez-vous sur votre évolution avec Bibici, qui répond présent, week-end après week-end ?
J’ai la chance que Bibici soit extrêmement régulière. C’est une jument avec un cœur en or. J’essaye de préserver ces qualités et de faire en sorte qu’elle garde un moral d’acier. Je prête une grande attention à tout cela.
“Continuer à évoluer comme je le fais est déjà très enrichissant pour moi”
Quels objectifs nourrissez-vous avec Cocaïne du Val ?
Cocaïne a déjà pris part à quelques Grands Prix à 1,60m. Elle a réussi à se qualifier pour le barrage une ou deux fois. J’aimerais à présent que nous soyons plus réguliers, ensemble, dans ce type d’épreuve. Je vais tenter de faire en sorte qu’elle s’épanouisse à ce niveau.
Quid de Dragibus des Champs (Ogrion des Champs x Idem de Laume) et Gammelgaards Carola (Companiero x Aston) ?
Dragibus et Carola ont repris la compétition la semaine dernière au Mans. L’objectif avec eux va être de sauter des épreuves à 1,45 et 1,50m cette année et d’être performant à ce niveau. Tous deux ont déjà affronté ces hauteurs l’année dernière, mais n’étaient pas encore au point pour être classés. Cette saison va donc être tournée vers la recherche de performance pour eux.
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En 2022, vous avez accueilli la prometteuse Idylle Chavannaise (Peppermill x Graf Sponeck). Comment jugez-vous son potentiel ?
Idylle est une superbe jument, extrêmement sensible. Je dois encore prendre le temps de me mettre avec elle car elle avait ses propres codes avec son ancienne cavalière (Emilie Evrard, ndlr), qui est aussi son éleveuse. Il est important pour moi de tout bien mettre en place avant de me lancer sur de bons parcours. Cela commence à venir et je pense que tout va aller dans le bon sens cette année. Je ne suis pas pressé, donc je prends le temps qu’il faut pour atteindre mes objectifs avec elle.
Vous comptez également Freezby de Wy (Armitages Boy x Landsturm B) dans votre piquet, une fille de votre ancienne crack Pepyt’des Elfs à l’histoire spéciale, née avec un wry nose, un syndrome congénital de déviation latérale de la mâchoire supérieure et du septum nasal. Alors qu’elle prend huit ans cette année, où en est-elle dans sa progression ?
Freezby a énormément de caractère ! Cela m’a d’ailleurs valu quelques soucis dans son année de sept ans. Nous avons repris les concours il y a quelques semaines (au Mans, où la baie a d’ailleurs remporté un Grand Prix Pro 2 à 1,25m après s’être classée dans les deux autres épreuves qu’elle a courues, ndlr). Je vais l’emmener gentiment sur la hauteur et je pense qu’elle sera en mesure de sauter 1,40 voire 1,45m en fin d’année.
Votre piquet est majoritairement constitué de juments. Est-ce le fruit du hasard ou avez-vous une affinité particulière avec elles ?
Il est vrai que j’aime beaucoup la relation que j’entretiens avec les juments. C’est quelque chose que l’on conserve et avec lequel on peut progresser.
De quoi rêvez-vous pour les années à venir ? Les championnats d’Europe et surtout les Jeux olympiques sont-ils des événements auxquels vous pensez au quotidien ?
Oui, bien sûr, nous avons toujours les championnats d’Europe, qui auront lieu cette année, ou les Jeux olympiques de l’année prochaine en tête, mais je rêve surtout d’être encore plus en harmonie avec mes chevaux. C’est ça, mon but ultime. S’il y a des médailles ou des beaux prix à la fin, c’est le must, la cerise sur le gâteau. Continuer à évoluer comme je le fais est déjà très enrichissant pour moi.
“J’aime discuter avec mes chevaux de la manière la plus directe possible”
Ces dernières années, d’autres nations, à l’image de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne ou de la Suisse, ont fait émerger de nombreux jeunes talents. En France, ce sentiment est peut-être un peu moins présent. Qu’en pensez-vous ?
Je crois que cela est simplement un problème de chevaux. La France est un peu démunie en montures de très haut niveau, mais elle sait en fabriquer, donc, pour moi, il n’y aura pas de problème à ce sujet-là. En France, il y a plein de bons cavaliers. Il leur suffit juste d’avoir les bons chevaux pour continuer à évoluer dans le sport.
Votre système de travail vous est propre et fait figure d’exception à haut niveau. Comment résumeriez-vous votre fonctionnement actuel ?
Mon système est simple. Dans ma relation avec mes chevaux, j’aime discuter avec eux de la manière la plus directe possible. Donc je monte en filet simple, sans gêne particulière de ma part. J’essaye d’améliorer tout cela progressivement. C’est une philosophie que j’ai adoptée et dans laquelle je me sens très bien.
Quel a été le déclic ?
Il y a eu plusieurs éléments : Marie-Caroline (Besins, ndlr), ma propriétaire, mon ressenti, mon envie de m’améliorer, Bibici, le Covid, etc. Tout cela m’a fait évoluer, m’a fait trouver de nouvelles façons d’obtenir les choses avec les chevaux. C’est quelque chose qui me tient à cœur.
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Pensez-vous que l’ouverture d’esprit soit assez développée dans le milieu équestre pour que votre initiative puisse peut-être inspirer d’autres personnes ?
Très sincèrement, je ne regarde pas ce que font les autres ou comment ils avancent par rapport au futur. J’avais des envies, qui sont, aujourd’hui, en train de se concrétiser et de prendre forme dans la direction où je veux aller. J’ai envie de continuer comme cela. Je pense que s’occuper des autres ne fait pas avancer. Alors, je vais déjà me concentrer sur moi ! (rires)
À quoi ressemble une journée chez vous, aux écuries de Wy ?
Tout d’abord, les chevaux vont au paddock tous les jours. Ensuite, ils effectuent chacun une séance de travail, que ce soit en longe ou monté, en fonction de leur programme de travail. En général, je suis présent aux écuries du lundi au mercredi. Le reste du temps, nous partons en compétition. En début de semaine, je reprends mes codes avec les jeunes chevaux ou ceux qui n’étaient pas en concours, avant de prendre la route pour l’événement du week-end. Mon fonctionnement est assez simple, basique. J’essaye avant tout de faire en sorte que les chevaux sortent un maximum de leur box. Toutefois, je n’ai pas les infrastructures pour les mettre au pré tout le temps. De plus, mes chevaux sont encore ferrés, ce qui complique la donne quant à une éventuelle sortie en groupe. Pour l’instant, nous disposons d’une dizaine de paddocks et avons dix-huit chevaux au box. Tous peuvent donc profiter d’au moins une demi-journée au grand air par jour, ce qui est déjà bien.
“Pour l’instant, je reste un peu en retrait sur la question du pied nu”
Depuis quelque temps, la mode est aux pieds nus. Avez-vous songé, vous aussi, à passer le cap de cette tendance grandissante ?
Mes chevaux d’âge ne sont pas encore déferrés, mais j’ai des jeunes, de quatre et cinq ans, qui n’ont pas de fer. Bibici et Cocaïne, par exemple, vont très bien ainsi. Dans leur cas, je ne me sentais pas de changer tout un système qui fonctionne. Pour l’instant, je reste un peu en retrait sur la question. Je ne sais pas vraiment quoi en penser. Je laisse faire les choses, mais pourquoi pas tenter l’expérience dans le futur, je ne suis pas fermé.
De plus en plus d’observateurs dénoncent les muserolles et nosebands trop serrés. De l’extérieur il semble pourtant facile de desserrer d’un ou deux trous ces éléments, dont les effets néfastes d’une utilisation trop coercitive ont été prouvés par diverses études. Bien que vous ne soyez plus concerné par le problème, ne gagnerait-on pas à avoir une réglementation plus stricte en la matière ?
Il y a une règle qui est établie. Et pour avoir participé à quelques championnats majeurs, les stewards contrôlent bien ce genre de choses. Dans mon système, ma conception de la connexion avec mes chevaux est différente. J’ai lu tous les articles qui sont parus, notamment ceux de l’IFCE (l’Institut français du cheval et de l’équitation, ndlr). J’avais retiré les nosebands et muserolles avant cela, ou au moment de la parution des études, mais je ne me suis pas appuyé sur cela pour le faire. Je l’ai fait au regard de la méthode de travail que nous avons instaurée avec Pierre (Crampon, entraîneur qui puise ses connaissances dans le horsemanship, ndlr). J’ai le sentiment qu’il y a toujours une cohérence dans la relation que j’entretiens avec mes chevaux et c’est ce qui me tient le plus à cœur. Il y a quelque temps, je parlais de la martingale qui pouvait faire le téléphone arabe entre la bouche du cheval et la main du cavalier ; c’est pareil avec les muserolles. Dans ma conception de mon équitation, je souhaite qu’il y ait le moins de choses qui interfèrent dans la discussion que j’ai avec mon cheval, afin que celle-ci soit de plus en plus saine.
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Justement, depuis que vous vous êtes définitivement débarrassé des muserolles sur vos filets, l’été dernier, avez-vous un ressenti différent dans le contact avec la bouche de vos chevaux ?
Oui. Il y a évidemment la mobilité de la mâchoire qui change. Au début, cela peut être perturbant, parce que les chevaux peuvent lâcher la main ou tirer davantage. Mais, encore une fois, tout ce qu’on met en place est une question de relation et de timing. Il ne faut pas s’y prendre n’importe comment. Si l’on n’est pas prêt à faire quelque chose et que nos chevaux ne le sont pas non plus, cela peut être pire. Il faut faire attention.
La suite de cet entretien, dans laquelle Grégory Cottard évoque l’influence de Pierre Crampon, parle santé mentale et élevage, sera disponible demain sur Studforlife.com.
Photo à la Une : Grégory Cottard, rencontré lors de la cinquantième édition du Jumping International de Bordeaux. © Mélina Massias