Solaire, toujours positive et faisant preuve d’une joie de vivre communicative, Marie Demonte démontre toujours une folle envie de concourir. Après un début d’année difficile, lors duquel elle a dû faire face à la mort du très prometteur Émir du Chanu et la blessure de Drisse du Phare, la Française rebondit. Installée depuis quelques mois à l’élevage de Riverland, elle espère pouvoir, à l’avenir, goûter à nouveau au très haut niveau. Depuis les tribunes du terrain d’honneur du Grand Parquet de Fontainebleau, elle s’est confiée sur son nouveau piquet de chevaux, Épona du Quesnoy, avec laquelle elle a participé au championnat de France Pro Élite et ses projets à venir. Sans tabous, elle évoque également la situation actuelle de son pays, des crises sociales à l’urgence climatique.
Comment allez-vous ? Il y a un an, à la même période, vous vous étiez blessée…
C’est vrai, j’avais ma fracture à la clavicule et l’omoplate mais je continuais à monter! Tout va bien cette année, au moins physiquement!
Vous êtes engagée dans le championnat Pro Élite avec Épona du Quesnoy (SF, Ogrion des Champs x Nabab de Rêve). Elle a commis deux fautes lors de la Chasse sur le délicat double numéro 6. Qu’en avez-vous pensé?
J’avais prévu huit foulées en restant un peu à l’intérieur pour l’aborder. En regardant les premiers partants, j’ai vu que beaucoup choisissaient d’en faire neuf. Je n’ai pas eu un saut très en avant sur le 5 et je suis restée un peu trop à l’intérieur donc je me suis retrouvée un peu près. Pour le reste, cependant, je l’ai trouvée vraiment au niveau. Elle a tout sauté de manière impeccable. Elle est ici pour prendre du métier. Elle n’a que neuf ans et tout cela arrive un peu vite mais cela constitue une belle expérience pour le futur (lors de la finale, le duo a renversé une barre en première manche, terminant au trente-quatrième rang, ndlr).
Elle n’a que neuf ans mais réalise déjà de belles choses, quel avenir envisagez-vous?
Elle participera au CSI 3* de l’Hubside Jumping de Grimaud dans deux semaines puis nous ferons le point. J’aimerais qu’elle débute les CSI 4* et, pourquoi pas, qu’elle participe à une Coupe des nations de deuxième division (organisées à l’occasion de CSIO 3* de l’EEF Series, ndlr). Je n’ai pas d’objectif sportif à neuf ans. C’est la plus vieille de l’écurie et tout est en reconstruction alors ça demande naturellement un peu de temps.
Longtemps boudé, le championnat de France Pro Élite retrouve des couleurs depuis deux ans. Selon vous, à quoi cela est-il dû?
Personnellement, je ne le boudais pas (rires)! Des réunions ont été organisées. Nous, cavaliers, avons conseillé de modifier la date (pendant de nombreuses années, le championnat de France se tenait l’été, ndlr) ainsi que le format en supprimant une épreuve, ce qui use moins les chevaux (le format actuel du championnat Pro Élite comprend une Chasse ainsi qu’une finale en deux manches avec un second parcours réduit à dix obstacles, ndlr). La finale détermine le classement du championnat mais elle a également son propre classement, ce qui se rapproche du format d’un Grand Prix. Nous sommes, en plus, entourés des meilleurs chefs de piste (cette année, les parcours d’Alain Lhopital dans le championnat de France ont fait l’unanimité!, ndlr) et de très bon matériel ce qui permet aux chevaux de progresser. Jumeler cet événement avec un CSI 4* attire aussi davantage de cavaliers français, notamment ceux qui ont une écurie bien remplie. Tous les éléments sont réunis pour qu’il y ait du monde, l’organisation, l’emplacement et la qualité des services proposés. C’est une très bonne chose.
Regrettez-vous cependant qu’il ne se déroule plus sur le terrain d’honneur en herbe ?
Lorsqu’on est devant, on le regrette forcément. Cependant, au vu des conditions météorologiques, ce n’était pas raisonnable. Par exemple, si les quatre-vingts partants de l’épreuve à 1,45m du CSI 4* de ce samedi matin s’étaient élancés sur ce terrain, ça aurait été bien plus compliqué (ce week-end, à Fontainebleau, le temps a été humide, ndlr). Physiquement, l’herbe use davantage les chevaux, surtout par ce temps alors que, sur la carrière des Princes (où se sont déroulés le CDI 5*, le CSI 4* ainsi que les championnats de France Pro 1 et Élite, ndlr), tout était parfait même sous la pluie.
À neuf ans, Épona du Quesnoy a prouvé à sa cavalière qu'elle avait le niveau pour se frotter à de belles épreuves. © Scoopdyga
“Les moments que nous passons à monter les jeunes chevaux sont un gain de temps pour l’avenir”
Vous êtes venue ici aussi avec plusieurs chevaux de l’élevage de Riverland, pouvez-vous en parler?
J’ai amené trois chevaux de huit ans. Flashing de Riverland (SF, Kannan x Allegreto) a participé au CSI 4*. Selon moi, il était le plus apte à s’élancer dans ces épreuves. Hier (entretien réalisé samedi, ndlr), il s’est classé dans la 1,40m (onzième, ndlr) et, ce matin, il s’est à nouveau très bien comporté sur un parcours à 1,45m (sortant de piste avec deux barres, ndlr). C’est un cheval en lequel je crois beaucoup alors j’essaye de lui faire prendre un peu de métier en vue de son année de neuf ans. J’ai également Flirt de Riverland (SF, I’m Special de Muze x L’arc de Triomphe), qui a réalisé un parcours sans faute lors d’une épreuve à 1,40m à l’occasion du Grand National de Vichy. Il est prêt pour ce niveau (à Fontainebleau, le hongre a réalisé deux parcours parfaits et un à quatre points, ndlr). Enfin, il y a Fierté de Riverland (SF, Qlassic Bois Margot x Diamant de Semilly), une jument que nous avions emmenée à Vilamoura mais qui avait développé une blême au pied et avait donc été arrêtée. Elle n’est pas encore revenue au maximum de ses capacités. Elle est très respectueuse alors je la laisse sur des épreuves plus petites (à 1,35m, ndlr) pour qu’elle ne se fasse pas peur puisqu’elle a tendance à sauter assez haut.
Quel lien avez-vous avec l’élevage de Riverland?
Mickaël (Varliaud, qui gère l’élevage de Riverland, ndlr) est mon compagnon depuis quelques temps et je suis installée là-bas depuis février (à Riverland, en Charente, ndlr). Je monte des chevaux de l’élevage en plus de ceux présents dans mon piquet et qui me sont confiés par mes propriétaires. Mickaël a également des chevaux ailleurs, chacun gère sa société. J’essaye de faire de mon mieux, certains sont destinés à la commercialisation tandis que d’autres vont encore rester afin que nous voyions leur potentiel et décidions si nous les gardons ou non.
À court et long terme, quels sont vos objectifs dans cette collaboration?
L’objectif est évidemment d’atteindre le haut niveau. Drisse du Phare (SF, Newton de Kreisker x Jifrane de Chalusse), qui évoluait jusqu’en CSI 4*, est arrêtée depuis Vilamoura et Manchester (BWP, Quidam de Revel x Dirka) et Las Vegas vd Padenborre (BWP, Calvaro F.C. x Rixa), mes deux chevaux de tête, ont été vendus en 2022. Nous vivons pour l’adrénaline que procure le sport de haut niveau et elle nous manque mais nous souhaitons former à nouveau des jeunes chevaux. J’ai un très bon piquet de sept ans, des huit ans et Épona du Quesnoy qui n’a que neuf ans. Dans un an ou deux ans nous serons plus compétitifs mais, pour l’instant, nous sommes en quête d’expérience. En tant que compétitrice, il est forcément difficile de ne pas gagner d’épreuves mais ça fait partie de la formation.
Vous montez beaucoup de jeunes chevaux, est-ce une part importante de votre métier selon vous?
Bien sûr. Lorsque nous n’avons pas les moyens ou des propriétaires aptes à acheter des chevaux déjà formés, c’est un passage obligé. Grâce à l’écurie du Herrin, j’arrive à bénéficier de chevaux de sept ans que je ne suis pas obligée de monter à quatre, cinq et six ans. Nous n’avons pas le choix que de former nos chevaux, les monter, les intégrer à notre système et continuer à les former. Les moments que nous passons à les monter lorsqu’ils sont jeunes sont un gain de temps pour l’avenir. À sept ans, nous avons ainsi déjà des codes instaurés. Monter des jeunes est cependant quelque chose qui me plaît évidemment. C’est d’ailleurs assez drôle parce que nous nous trompons souvent sur les bons chevaux. Nous pouvons croire énormément en un cheval à quatre, cinq ou six ans et, finalement, ce n’est pas lui qui performera à dix ans. Chaque cheval est différent et nous devons les préparer au mieux.
Le sourire communicatif de Marie Demonte, ici avec Drisse du Phare dans l'épreuve des sept ans du CHIO d'Aix-la-Chapelle en septembre 2021. © Sportfot
“Avec Émir du Chanu, nous rêvions de haut niveau”
En début d’année, vous avez dû faire face à une terrible épreuve avec la mort d’Emir du Chanu (SF, Air Jordan x Papillon Rouge), champion de France à sept ans. Quelques mois plus tard, comment allez-vous?
Sincèrement, j’y pense tous les jours. Lorsque j’ai reconnu la Chasse de la Pro Élite, par exemple, je me suis dit qu’entre Épona et lui, c’est certainement lui que j’aurais privilégié pour cet événement. Il avait déjà participé à un championnat et était plus prêt et mature. Nous sommes encore touchés par tout ce qu’il s’est passé autour de lui. Perdre des bons chevaux fait partie de la vie d’un cavalier mais celui-là était exceptionnel et encore jeune. Sa mort a été terrible. Nous avons passé un mois et demi à ses côtés, ça a été très long pour ses grooms et propriétaires (l’écurie du Herrin, gérée par les Belooussoff, ndlr). Nous nous en remettons petit à petit mais ça nous a mis un coup au moral. Je suis rentrée d’Oliva le 15 novembre et nous avons été à ses côtés du 22 novembre au 5 janvier. Nous avons eu peu de temps pour respirer avant de repartir en concours. Il nous manque chaque jour. C’est aussi difficile pour moi que pour ses grooms et ses propriétaires. Ces derniers ont refusé de belles offres et avaient décidé de la garder pour le sport. Nous parlions même de Paris 2024. Nous avons eu la chance d’aller à Aix-la-Chapelle avec Manchester, Drisse du Phare, Destin d’Euskadi et Las Vegas vd Padenborre il y a un an et demi et rêvions d’atteindre ce niveau avec lui. Retrouver le même n’est pas évident mais nous allons le fabriquer à nouveau.
Sa perte a-t-elle changé quelque chose dans votre manière de gérer votre carrière ou vos écuries?
Il y a eu beaucoup de changement, oui, surtout moralement. Les propriétaires ont pris un coup, nous avons eu moins de chevaux et cela a changé le système installé depuis quatre ans. Tout le monde doit retrouver sa place mais nous avons toujours la passion du sport et l’envie de faire du haut niveau et ce n’est pas pour autant que nous allons vendre systématiquement un cheval s’il y a une belle offre. Nous avons toujours envie de rêver.
Grand espoir de la Française, Émir du Chanu s'est tragiquement et précocement éteint début janvier. © Sportfot
La deuxième partie de cet entretien sera à lire demain.
Photo à la Une: Marie Demonte lors du CSIO de La Baule en mai 2022. © Sportfot