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“Je pense que le mental commande tout, qu’il est le véritable point de départ”, Annette Paterakis (1/2)

Champion olympique
mardi 27 août 2024 Giulia Rezoagli

La préparation mentale, issue de recherches en psychologie du sport, permet aux athlètes de développer différentes compétences mentales afin d’améliorer leurs performances. Depuis quelques années, la santé mentale des sportifs est au cœur de nombreuses réflexions et son approche se veut vectrice de la question plus large du bien-être dans le sport de haut niveau. Dans un milieu toujours plus compétitif, la préparation mentale s’est imposée dans la pratique quotidienne de nombreux athlètes qui n’hésitent pas à y avoir recours pour atteindre leurs objectifs. Spécialiste en la matière pour les cavaliers, Annette Paterakis a accepté de partager un peu de son savoir pour en savoir davantage sur cet élément ô combien central. Entretien.

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Annette Paterakis et je suis coach mental équestre depuis douze ans environ. Je suis cavalière de saut d’obstacles et j’ai évolué jusqu’au niveau 4* sur la scène internationale. C’est à cette période que j’ai ressenti le besoin de me faire accompagner pour comprendre ce qui se passait dans ma tête et dans mon corps, tant la frustration de ne plus arriver à performer était importante.

Comment êtes-vous passée du statut de cavalière évoluant au niveau international à celui de coach mental ? 

Tout a commencé avec des résultats décevants qui ne reflétaient pas mon engagement pourtant quotidien. Je savais que je pouvais faire bien mieux mais cela n’arrivait jamais au moment où je le souhaitais. J’ai commencé par essayer de trouver les réponses aux questions que je me posais : pourquoi n’arrivais-je pas à performer aux moments les plus importants ? pourquoi fais-je autant d’erreurs ? comment évoluer ? C’est vraiment là que tout a commencé et que je me suis intéressée à ces thématiques. En lisant des livres sur la préparation mentale d’abord, puis en utilisant la psychologie afin de pousser ma réflexion. Qui dit plus de réponses dit aussi plus de questions. J’ai souhaité en apprendre davantage et à mesure que j’étudiais, j’ai commencé à me dire que j’appréciais énormément ce que je découvrais et souhaitais partager mes connaissances avec les autres cavaliers. J’ai effectué un changement de cap, ce qui n’a pas été très facile, car c’était une décision intuitive. Au début j’ai beaucoup lutté car j’avais l’impression d’abandonner mes rêves, dont celui de me consacrer à la pratique de mon sport. Je me suis sentie en paix avec ma décision de devenir coach mental une fois avoir pleinement décidé que c’était la voie dans laquelle je souhaitais me lancer. Depuis, je n’ai jamais regretté mon choix car j’apprécie énormément mon travail. Travailler et échanger avec des cavaliers est une vraie passion pour moi.  



Vous indiquez sur votre site internet n’intervenir que pour des cavaliers évoluant au niveau 4* ou plus. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous orienter vers l’accompagnement des cavaliers de haut niveau ?

Avec le temps, j’ai remarqué que plus je travaillais avec des cavaliers de haut niveau plus je me devais moi-même progresser en tant que coach mental. À la manière d’un cercle vertueux, être la meilleure version de moi est devenu un prérequis pour travailler avec ce niveau de cavaliers. Devenir une meilleure coach donne de meilleurs résultats. De cette façon, se challenger et chercher à se surpasser est toujours gratifiant. De plus, travailler avec les meilleurs cavaliers permet d’apporter un écho supplémentaire à mon travail, ce qui amène plus de gens à le suivre. Ma mission est de chercher à créer un impact au sein du monde équestre pour qu’il puisse influencer sur la vie du plus grand nombre de cavaliers possible. L’expérience m’a appris que pour y arriver il fallait se concentrer sur un nombre plus réduit de cavaliers avec lesquels travailler et le faire de façon très poussée. L’étape suivante est de diffuser ce savoir grâce au développement d’une plateforme toujours plus importante. J’ai par exemple écrit deux livres, Winning Habits, How Elite Equestrians Master the Mental Game et Keep Calm and Enjoy The Ride, et créer un programme en ligne pour aider les personnes qui ne peuvent pas travailler directement avec moi. Ma philosophie est de continuer à étendre ce savoir afin que le plus grand nombre de cavaliers possible puisse en tirer des bénéfices.

Ancienne cavalière, Annetta Paterakis exerce désormais en tant que coach mental. © Benjamin Clark / FEI

Quelles sont les principales raisons qui poussent les cavaliers à vous consulter ?

Je constate que c’est souvent pour les mêmes raisons, à savoir qu’ils savent qu’ils peuvent mieux faire. Les athlètes ont conscience d’avoir du potentiel mais leurs résultats ne sont pas au rendez-vous ou alors de façon irrégulière, ce qui les pousse à vouloir comprendre et réagir. J’ai suivi trois cavaliers dans leur préparation pour les Jeux olympiques et tout l’enjeu était de se préparer à gérer la pression d’une telle échéance.

“Je crois qu’il faut éveiller les consciences sur le fait de travailler davantage le mental des athlètes car c’est un outil qu’il est possible d’utiliser à son avantage”

Selon vous, quelle place occupe le mental dans la vie d’un compétiteur ? Comment expliquer cet intérêt croissant ?

Je pense que le mental commande tout, qu’il est le véritable point de départ. Souvent les gens sous-estiment à quel point le mental influence leur façon d’être, leurs performances et plus encore leurs résultats. La personne que nous sommes en selle est la même personne que nous sommes chaque jour et les schémas que nous affrontons en tant qu’être humain peuvent se matérialiser en piste. En tant que coach, je m’intéresse à trouver ce qui va fonctionner pour la personne qui fait appel à moi.

Les raisons de l’intérêt pour le mental sont plurielles. Premièrement, les gens prennent conscience de l’importance bénéfique de la préparation mentale. Parallèlement, je pense aussi que le sport fait face à de grands changements. La discipline du saut d’obstacles est de plus en plus compétitive et les détails font aujourd’hui la différence. Les gens accordent de plus en plus d’importance aux détails, non plus seulement concernant le travail de leurs chevaux mais également pour eux, en tant qu’athlètes. Les cavaliers réalisent qu’ils représentent l’autre moitié du couple, ce n’est plus seulement à propos du cheval mais aussi du cavalier. Il est donc normal de constater que les gens prennent enfin conscience de l’importance de la part du mental, c’est la suite logique à l’évolution des mentalités.

Pour Annette Paterakis, le mental commande tout. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Diriez-vous que la santé mentale intéresse aussi bien les cavalières que les cavaliers ? L’approche est-elle différente selon le sexe ou l’âge ?

Bien sûr, la santé mentale intéresse tant les cavalières que les cavaliers. C’est la même chose pour tout le monde. En ce moment je travaille avec autant d’hommes que de femmes, de tout âge à partir de dix-huit ans. Le genre de travail que j’effectue repose sur l’éveil de la conscience. Si l’on n’a pas conscience de ce que son corps ou son esprit fait, on ne peut pas le changer. C’est un processus intense d’apprendre à être conscient à chaque instant. Certaines personnes apprécient l’idée d’être conscient mais ont du mal à faire attention à chaque moment, ce qui est compréhensible. C’est donc là que j’interviens grâce à mon travail, en aidant les cavaliers à évoluer sur le long terme. Le travail que j’effectue en tant que coach mental n’est pas pour tout le monde : chacun possède sa manière de faire et son propre champ de compétence. J’ai remarqué que mon expertise marche d’autant plus avec les professionnels et c’est pourquoi je me concentre sur ce type de clientèle. Mon travail est également très gratifiant et j’ai toujours trouvé qu’il fallait se diriger vers ce qui nous procure de la joie. Réussir à apporter son aide est une bonne indication de ce que nous prétendons vouloir bien faire.

Je crois également que le sport a besoin d’avancer sur ces questions, qu’il faut éveiller les consciences sur le fait de travailler davantage le mental des athlètes car c’est un outil qu’il est possible de faire évoluer et d’utiliser à son avantage. Les recherchent montrent très clairement que le mental est adaptable, modulable, que nous pouvons apprendre ce que nous voulons et à tout âge. Faire que la communauté équestre réalise à quel point le mental représente une source de pouvoir excitante et importante est une partie de ma mission.

Katharina Rhomberg, qui a participé aux Jeux olympiques de Paris avec son tout jeune Colestus Cambridge, fait partie des clientes d'Annette Paterakis. © Scoopdyga

“Si l'on suit régulièrement l'actualité ou que l'on consulte les réseaux sociaux, on est confronté toutes les nouvelles négatives qui secouent monde”

Pensez-vous que le contexte mondial actuel puisse avoir une incidence sur le niveau de stress des athlètes ?

Oui, bien sûr. Si l'on suit régulièrement l'actualité ou que l'on consulte les réseaux sociaux, on est confronté toutes les nouvelles négatives qui secouent monde. Cela a toujours eu court mais je pense qu’aujourd’hui nous sommes plus exposés. De fait, cela nous impacte davantage. Plus particulièrement en Europe occidentale, nous sommes particulièrement centrés sur le succès, la performance et les résultats, et ce dans un contexte qui peut être stressant. Apprendre à gérer son mental permet d’en avoir le plein contrôle. Maîtriser ses émotions est capital, car nous ne pouvons pas gérer les éléments extérieurs inhérents à notre environnement. Le stress peut faire ressentir une certaine perte de contrôle alors travailler sur son mental permet de choisir de se reconnecter sur ce qu’il est possible de réellement contrôler, sans pour autant devenir insensible, d’avoir les meilleurs résultats possibles. Le fait d’être confronté à des choses nouvelles, sur les terrains de concours par exemple, est un bon outil pour s’entraîner à contrôler son mental car les distractions ou facteurs de stress peuvent être perçus comme autant d’opportunités de prise de conscience.

Photo à la Une : Annette Paterakis. © RVR Photography

La seconde partie de cet entretien sera publiée vendredi sur Studforlife.com...