“Je crois que j’ai quelques vrais cracks dans mon piquet de chevaux”, Koen Vereecke
Vainqueur du Sires of the World de Lanaken, du Grand Prix 4* de l’Hubside Jumping Winter Tour de Valence en décembre 2021, puis de celui d’Opglabbeek, il y a trois semaines, et classé dans le temps fort individuel du CSIO 5* de Saint-Gall, début juin, Koen Vereecke semble vivre l’une des plus belles périodes de sa carrière. À cinquante-deux ans, le Flamand, installé à Waarschoot, a même retrouvé les Coupes des nations de première division, après près de dix ans d’absence, grâce à Kasanova de la Pomme, étalon appartenant à son beau-père, Joris de Brabander. Pouvant également compter sur les talentueux Lector vd Bisschop et L’Esmeralda van’t Meulenhof, le Diable Rouge, connu pour être un excellent formateur de jeunes chevaux, revient sur ses derniers mois remplis de succès et se projette sur l’avenir. Le champion de Belgique 2006 évoque également les performances de son fils, Andres, le bien-être animal et son parcours équestre, débuté auprès de son père, étalonnier, dans sa plus tendre enfance.
Vos derniers résultats à haut niveau sont assez impressionnants. Ils vous ont d’ailleurs valu une sélection dans la Coupe des nations de Saint-Gall, dix ans après votre dernière apparition en première division dans une épreuve collective. Comment vivez-vous cette période faste ?
Depuis le début de l’année, j’ai le sentiment que mes chevaux sont bien en forme. J’ai eu la chance d’être performant au niveau du classement mondial, ce qui m’a permis de recevoir des réponses positives à mes demandes de participation à quelques beaux concours. Une place était libre à Saint-Gall et notre sélectionneur (l’Allemand Peter Weinberg, ndlr) m’a demandé de venir. Normalement, je devais endosser le rôle de cinquième cavalier en Suisse. J’ai fait un bon Grand Prix (septième, après un parcours à un point puis un sans-faute, ndlr), où mon cheval (Kasanova de la Pomme, ndlr) était très bien. En même temps, la monture de Jos Verlooy (Luciano van het Geinsteinde, ndlr) était moins en forme (le couple a abandonné, ndlr). J’ai donc intégré l’équipe et la Coupe des nations s’est aussi très bien passée (le duo a signé un sans-faute puis un parcours à quatre points, ndlr).
Au début des années 2010, vous aviez déjà vécu de belles heures à haut niveau, notamment avec Allegro van de Donkhoeve (BWP, Mr Blue x Robin II Z). Diriez-vous que vous vivez actuellement les meilleurs moments de votre carrière ?
En ce moment, je pense que j’ai les meilleurs chevaux que je n’aie jamais eu auparavant. J’ai déjà monté de bons chevaux, mais pas de la trempe de ceux qui composent mon piquet actuellement. Je crois que j’ai quelques vrais cracks.
Vos performances sont, en partie, rendues possibles par vos deux chevaux de tête, Kasanova de la Pomme (BWP, Bamako de Muze x Malito de Rêve) et Lector vd Bisschop (BWP, Bamako de Muze x For Pleasure). Comment avez-vous rencontré ces deux chevaux et quelles sont leurs qualités ?
Ce sont deux chevaux qui appartiennent à mon beau-père (Joris de Brabander, célèbre éleveur belge, à la tête de l’affixe de Muze, ndlr) et que ma femme (Karline de Brabander-Vereecke, ndlr) montait avant. Un jour, elle m’a demandé si je ne voulais pas les monter, et c’est ainsi que tout a commencé. Depuis l’année dernière, ils sont performants. L’an prochain, et si tout se déroule bien, qu’il n’y a pas d’incident ou de blessure, je pense qu’avec ces deux étalons, Lector et Kasanova, j’aurais deux excellents chevaux. Je suis vraiment dans une période où ils sont en pleine forme.
Lector a de gros moyens. Il a un peu son style à lui, mais s’il a confiance en son cavalier, il fait tout pour lui. Au début, la vitesse n’était pas son point fort, mais il devient de plus en plus rapide. Pour moi, Kasanova a tout d’un top cheval. Il est léger, il a tous les moyens, est respectueux et a bon caractère. Il joue un peu en piste, mais cela veut dire qu’il a les moyens de le faire.
Êtes-vous assuré de les conserver sous votre selle où y’a-t-il un objectif commercial à terme ?
Normalement, ils ne sont pas à vendre. L’élevage de Muze avait déjà conservé Vigo d’Arsouilles, Nabab de Rêve, Elvis Ter Putte ou Bamako de Muze, par exemple. Ils font la monte et offrent une certaine vitrine des activités d’étalonnage.
Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ? Pensez-vous aux championnats du monde de Herning, en août ? Ou aux Européens de 2023 ?
Lector ira à Deauville dans deux semaines (du 23 au 26, lors du CSIO 3*, organisé par les équipes de GRANDPRIX Events, et support de la demi-finale du circuit des Coupes des nations Longines de la Fédération équestre européenne, ndlr), puis il reprendra ensuite à Knokke. Avec Kasanova, nous sommes normalement sélectionnés pour Aix-la-Chapelle, puis irons à Falsterbo. Le cheval de Yves Vanderhasselt (Jeunesse, ndlr), s’est blessé à Saint-Gall (la paire a interrompu son premier parcours à mi-épreuve et n’est pas revenu pour la seconde rotation, ndlr), donc une place s’est libérée. Comme mon cheval saute bien, je peux y aller. Pour le reste, nous verrons après.
Parmi le reste de votre piquet de chevaux, sur quelles montures pouvez-vous compter ?
J’ai également L’Esmeralda van’t Meulenhof, une fille de Nabab et Ilusionata (van’t Meulenhof, excellente complice de Niels Bruynseels, vue jusqu’en Grands Prix 5*, ndlr). Elle a de gros moyens, mais a encore besoin d’un peu de temps. C’est bien de pouvoir l’emmener en concours également, afin qu’elle apprenne. Arioso du Bois (SF, Rock'n'Roll Semilly x Qrédo de Paulstra) est aussi un bon cheval, qui est à l’aise à 1,45, 1,50m. Il n’est peut-être pas du même calibre que mes deux étalons, mais les concours sont toujours agréables avec lui. J’ai un très bon cheval de huit ans, issu du croisement entre Bisquet Balou et Non Stop (Bonfois van’t Hof V Eversen Z, ndlr). Il était le meilleur représentant du stud-book Zangersheide à Lanaken l’an dernier (le couple a terminé onzième du championnat du monde des chevaux de sept ans, ndlr). Il progresse bien cette année, mais je ne veux pas l’engager dans de grosses épreuves pour l’instant. Je lui donne encore une année avant de faire de beaux concours. L’année prochaine, il devrait être compétitif à 1,45m et peut-être à 1,50m. Et puis j’ai aussi de bons jeunes, de sept et six ans.
“Un bon formateur est quelqu’un qui donne du temps aux chevaux”
Au-delà de vos dernières performances, vous êtes connu pour être un excellent formateur de jeunes chevaux. Quelle importance accordez-vous à cette part de votre métier ?
J’ai commencé avec les jeunes chevaux, et je pense toujours qu’il est important et intéressant d’avoir de bons jeunes. Acheter de très bons chevaux à haut niveau est presque impossible. À l’inverse, il est gratifiant de préparer de bons jeunes chevaux et de les emmener jusqu’aux plus gros concours. Cela permet également de mieux les connaître ; on peut les former à notre guise. Lorsqu’on prend les rênes d’un cheval d’âge, on doit s’adapter à la façon dont il a été éduqué, ce qui ne correspond pas toujours à ce que l’on veut. Cela prend donc du temps pour former un couple, tandis qu’en prenant en charge leur formation depuis le départ, on peut les préparer comme on le souhaite. J’ai toujours aimé voir les jeunes progresser jusqu’à haut niveau.
Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon formateur de jeunes chevaux ?
Un bon formateur est quelqu’un qui donne du temps aux chevaux. Chaque cheval peut avoir un moment où il est moins performant. Il ne faut pas leur mettre de pression et les laisser apprendre, sans aller trop vite. Avant huit ou neuf ans, ils peuvent apprendre des choses sur les beaux événements, mais il ne faut pas en abuser pour ne pas les user. C’est mieux d’avoir un cheval qui commence les belles épreuves à neuf ou dix ans, puis qui reste compétitif jusqu’à quinze ou seize ans dans le sport, plutôt que de commencer à huit ans et que cela ne dure que trois ou quatre ans. À huit ou neuf ans, ils sont encore trop jeunes dans leurs têtes et il est facile de les casser.
Comment fonctionne votre système ?
J’ai une petite écurie, où sont logés mes chevaux. Les étalons restent chez ma femme et chez Joris, à l’élevage de Muze. Je vais les monter là-bas et ma femme prend le relais lorsque je suis absent dans la semaine. Cela fonctionne bien ainsi. Le but est que les étalons continuent de faire la monte en parallèle. Je ne fais pas de coaching. Je préfère me concentrer sur une chose et la faire bien. Je suis souvent en concours et je n’ai pas le temps de m'adonner à cette activité. Lorsque je suis en compétition, je veux me concentrer sur mes chevaux. J’ai toujours des jeunes à côté, à partir de six ans. Je poursuis cette activité avec mon fils (Andres, sacré talent de l’année de la Fédération équestre flamande en 2020, ndlr). Côté élevage, je n’ai pas beaucoup de place chez moi, ni le temps de gérer cela. Je ne souhaite pas non plus que quelqu’un développe cette partie. En revanche, à l’élevage de Muze, il y a énormément de juments. Ils font beaucoup de transferts et d’implantation d’embryons, avec les meilleures mères possibles. Il y a un choix incroyable dans les jeunes chevaux. Je suis un peu cela, parce que cela m’intéresse, mais je ne m’implique pas dans le choix des croisements ou autre. Je ne suis pas souvent à la maison, puisque les concours m’occupent parfois du mardi au dimanche, donc il me reste peu de temps pour d’autres activités. Les chevaux sont ma passion et j’en profite. Je n’ai aucun regret de ne pas faire autre chose à côté.
Bénéficiez-vous des conseils d’un entraîneur ?
Non, je n’ai pas d’entraîneur, mais je regarde beaucoup mes homologues en concours. Il y a toujours d’autres cavaliers avec qui nous pouvons parler. J’étais souvent aux côtés de Stanny van Paesschen (cavalier olympique belge, médaillé de bronze par équipe en 1976, à Montréal, ndlr), qui m’a beaucoup appris. Et si j’ai un problème ou une question, il y a toujours quelqu’un avec qui en discuter.
Quels ont été vos premiers contacts avec les chevaux et quel a été votre parcours pour en arriver là ?
Je suis né dans les chevaux, comme on dit ! Mon père était étalonnier. J’ai commencé à monter progressivement. Je suivais un peu les étalons, mais ce n’était pas mon truc. Vers l’âge de vingt ans, j’ai passé un an et demi chez Eric Navet (notamment sacré champion du monde en 1990, en individuel et avec l’équipe de France, ndlr), puis j’ai commencé à mon compte. Cela fonctionnait bien. J’ai démarré avec des jeunes chevaux. J’ai toujours pensé que mon rôle serait de former des jeunes chevaux pour aller en concours. Un jour, j’ai accueilli l’étalon Millar (BWP, Quick d’Argentan x Etretat), qui a été le premier à sauter plus haut que moi ! Grâce à lui, j’ai fait des Coupes des nations et des épreuves importantes. Tout allait de mieux en mieux et j’avais également un autre bon cheval à cette période. Tout s’est passé un peu par vagues, en fonction des chevaux. Quand on a de bons chevaux, on peut faire de beaux concours. Sinon, il faut se mettre un peu en retrait et travailler pour revenir plus fort.
“J’espère que dans vingt ou trente ans, nous monterons encore à cheval”
Quel regard portez-vous sur l’équipe belge, qui semble plus forte et soudée que jamais ?
On est fort en Belgique, hein ?! Il y a beaucoup de concurrence en Belgique, mais pas dans le mauvais sens du terme. Nous avons de nombreux bons cavaliers et chevaux. Chacun se bat pour sa place, ce qui fait la force de la force de notre nation. Malgré tout, nous restons une vraie équipe et travaillons ensemble. Lorsque des chevaux sont vendus, nous avons toujours des cavaliers qui forment la relève, ce qui donne lieu à de nouvelles combinaisons. C’est une autre force de la Belgique et cela fonctionne bien.
Votre fils, Andres, fait aussi ses armes à haut niveau, avec déjà beaucoup de réussite. Comment vivez-vous ses performances ?
C’est amusant. Pour un père, voir son fils qui monte bien et réussit est toujours super. L’an passé, j’avais Igor (van de Wittemoere, BWP, Cooper vd Heffinck x Orlando, ndlr). J’ai commencé à le monter, puis mon fils avait besoin d’une monture pour les épreuves Jeunes Cavaliers. Je lui ai donc laissé Igor. Tout se passait très bien, mais nous sommes une petite écurie et nous devons aussi vivre, donc nous l’avons vendu (à l’écurie Evergate Stables, qui en a donné les rênes à l’Egyptien Nayel Nassar, qui amasse les succès, ndlr). Il a connu une période de creux après cela et il doit maintenant construire de nouveaux chevaux. Il a fait de gros concours et sait ce qu’est un bon cheval et ce vers quoi il doit tendre dans son travail. Il doit aussi trouver son chemin, parce que ce n’est pas facile d’acheter un cheval prêt à faire de grosses épreuves : il faut les former.
Aujourd’hui, les concours se multiplient, donnant lieu à des week-ends toujours plus remplis. Certains cavaliers arrivent même à concourir sur plusieurs terrains en même temps. Pensez-vous que le modèle actuel du saut d’obstacles soit viable, ou faut-il le repenser pour le futur ?
Je pense qu’il ne faut pas moins de concours, car cela réduit le nombre de cavaliers présents sur chaque événement et offre plus de chance à tout le monde. Les compétitions deviennent ainsi plus intéressantes pour les pilotes, puisqu’il y a moins de pression pour se qualifier pour le Grand Prix. Peut-être que cela est un peu moins valorisant pour les organisateurs, mais s’il y a trop de cavaliers sur les concours, cela n’est pas bénéfique non plus. Dans tous les cas, on voit les meilleurs couples dans les temps forts. Faire deux concours sur un même week-end me semble être un peu trop. Je pense que les cavaliers doivent choisir, mais chacun voit midi à sa porte.
Que vous inspirent les questions de bien-être animal, de plus en plus débattues ces derniers temps ?
Nous devons faire attention. Le monde des chevaux n’est pas si grand que nous le croyons. Il faut être très sérieux avec les chevaux, sinon, cela risque de ne pas durer. J’espère que dans vingt ou trente ans, nous monterons encore. Mais nous ne savons pas ce qu’il peut arriver à l’avenir, avec les gens qui estiment qu’on ne peut pas monter les chevaux, qu’il faut les laisser au pré, etc. Dans ce cas, on ne peut plus rien faire. En revanche, je pense qu’il faut sanctionner les cavaliers qui se montrent trop brutaux avec leurs chevaux, par exemple. Il ne faut pas faire ça. Notre sport doit s’ouvrir aux gens. Les chevaux sont des athlètes et s’ils ne sont pas bien traités, on ne peut pas y arriver. Sur des parcours à 1,20, 1,30m, il est possible de pousser les chevaux, mais à haut niveau, ce n’est pas possible. À 1,60m, les chevaux doivent sauter pour leurs cavaliers. S’ils ne le font pas pour nous, on ne peut rien faire.
Photo à la Une : Koen Vereecke et son crack Kasanova de la Pomme, dans la Coupe des nations de Saint-Gall. © Sportfot